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Critique(s)/Commentaire(s) Publiques de
L.Ventriloque

Voir ses 899 films notés
  • WINTER SLEEP (2014)
    Note : 19/20
    C'est un beau voyage une fois qu'on admet le décor bien réel (et non en carton-pâte) grandiose et pourtant avec un propos terre-à-terre aussi, pas seulement métaphysique, le genre d'histoire qui nous parle. L'identification à tous les personnages fait qu'on reste accroché même quand c'est redondant, que ça patine un peu parce qu'on a compris et que le réalisateur continue d'appuyer, d'en rajouter encore une couche pour se faire plaisir. Composition des plus fines, mais en tout 3h16 d'attention requise ! Les pics de très grande intensité rachètent les creux de vague, on tient. Ensuite il vient à l'esprit que la même chose pouvait être formulée à l'aise avec une heure de moins !
  • LA CHAMBRE BLEUE (2014)
    Note : 17/20
    17,5/20 : Glacé et glaçant, on n'en ressent pas moins la "patte" de Simenon derrière le puzzle. Les images de présentation expriment tout de suite l'addiction et, très vite les stratagèmes pour la contrer. L'acteur-réalisateur Amalric déploie une grande maîtrise de l'envers et de l'endroit des décors comme des situations (magnifique prises de vue à double tranchant de cette chambre opiacée, entre autres plaisirs picturaux). D'entrée de jeu le héros à double vie est tout ce qu'il y a d'humain, faillible sauf un quart de seconde par ci par là (le bain avec sa régulière). Epoux faisant de son mieux (avec une épouse aussi admirable, il le peut !). C'est un père aimant, autre circonstance atténuante. Il y a bien cette scène d'escabeau et le bref hors champ au retour de la pharmacie où on se dit qu'il simule, qu'en vrai "il a p... un câble". Julien le raisonnable, le policé ferait revenir de cette morsure sanguinaire de départ, bien se remémorer les étapes, je n'aurais donc pas tout cerné ?... En discuter avec d'autres spectateurs et c'est plusieurs interprétations possibles, tout l'intérêt de ce film !
  • LEVIATHAN (2014)
    Note : 19/20
    Plusieurs niveaux de lecture dans ce petit tour au nord de la Russie contemporaine. Peut-être en fonction du degré d'acceptation des horreurs que l'on se forge concernant notre jolie planète ? Quoi qu'il en soit, beaucoup plus grinçant que "Le Retour" sorti en 2003, une époque où on était moins "c... par dessus t..." au plan des valeurs. L'environnement vire au personnage à part entière, bateaux échoués, mer houleuse, car matinal de zombies, poissons coupés en deux comme par un robot invisible, un nid douillet condamné à la pince "Volvo" moyennant somme indiscutable ... La vodka en lampées jusqu'au délire, des désirs de désespérés. Le film, qui souffre juste de quelques longueurs au début, se reconnaît à ses récitatifs judiciaires et religieux façon opium du peuple. A la fois pathétique et comique. Les ravages du tout permis d'une caste, l'esprit de troupeau qui en résulte, un mélange de collectivisme mâtiné de capitalisme. Alerte à la brebis égarée, il en faut une... Le spectateur, qui sait tout de la machination qui se pointe entre pique-nique et tir à la carabine, n'a aucun mal à s'identifier et sans malaise aucun car il se glisse une grande pudeur à l'image et aucune scène n'est insoutenable. Autre point fort, la bande-son de concert avec la caméra braquée sur cette mer lourde du mystère qu'elle gardera. Un grand film et qui devrait faire son chemin, ce qui est une bonne nouvelle !
  • LA BELLE JEUNESSE (2014)
    Note : 15/20
    Le titre à lui seul résume les dégâts sur les mentalités et davantage encore les obstacles pour une partie de la jeunesse face à la régression économique européenne voulue par l'ordre mondial des affaires. Est décrite la dérive vers les boulots vertigineux gommés par une énergie à toute épreuve, est pointée la question de savoir s'il est préférable d'avorter ou de garder un enfant quand les codes sociaux et familiaux créent l'inégalité du couple, que la jeune fille devient femme tandis que le jeune homme reste un petit garçon qui joue tant qu'il a gîte et couvert d'assurés. Quel bénéfice à vivre entre deux pays dans des situations acrobatiques, avec les parents comme béquille tant qu'ils sont là et que l'outil technologique permet de croire à une vraie famille chaque soir où qu'on soit. Au spectateur ensuite de déduire l'avenir d'enfants nés d'un pareil renversement de valeurs et d'une société construite sur des sables mouvants.
  • MY OLD LADY (2014)
    Note : 15/20
    De forme un peu terne par moments, sur le fond c'est quand même plein de bonnes petites choses qui ne sont pas dites dans tous les films et sans qu'on ait l'impression d'être instruits par un prof en mal de démonstration, réaliser par exemple que "le viager" typiquement français pose quelques difficultés d'adaptation à un héritier british aux bons soins d'un agent immobilier vivant sur l'eau. D'avance l'issue se devine avec les personnages de Kevin Kline, Dominique Pinon, Kristin Scott Thomas et Maggie Smith, acteurs tous attachants bien que peu surprenants dans leurs missions respectives. Une petite musique intimiste semble conduire le spectateur et c'est filmé avec beaucoup de virtuosité. De quoi passer un moment instructif avec un pic émotionnel in-extremis, avant que l'ennui affleure. Côté décors, donne envie d'aller flâner, tuer le temps dans des quartiers à taille humaine préservés de l'uniformité des grandes villes contemporaines, de grimper dans ces appartements nichés au creux de jardins plus grands que prévus, tout le charme du petit Paris immortel, feutré, sans files de voitures.
  • ENFANTS VALISES (2013)
    Note : 16/20
    Documentaire assez inégal. Quelques temps forts, des moments un peu étirés, des redondances. Les entretiens avec les formateurs et les étudiants permettent d'entrer dans le labyrinthe éducatif, ludique afin de faciliter l'assimilation inconsciente de ces jeunes êtres en stand-by, quelques minutes émouvantes sans jamais tomber dans le misérabilisme... Les enfants valises et leur devenir après les cours pris en commun paraissent disproportionnés en revanche, il resterait à vérifier sur le terrain ce constat (ce cliché ?) que les filles sont majoritairement bien plus sérieuses que les garçons puisqu'elles s'accrochent, réussissent et que les garçons tendent à retomber dans leur laisser-aller faute de volonté sur le long terme.
  • BLUE JASMINE (2013)
    Note : 17/20
    Un bon petit cru de Woody, à fond dans le genre cocasse et désespéré. Interprétation attachante. Aucune souffrance cette fois-ci du débit verbal vitesse grand V, et pas plus de méandres qui égarent inutilement. Les étapes traversées par Jasmine défilent de manière fluide (très convaincante Cate Blanchett) en attendant sa transformation profonde. Ce reflet pertinent de nos sociétés mécanisées rend fraternel par sa façon de frôler le quotidien de tout un chacun. On retrouve bien l'éternel malentendu entre les sexes cher au réalisateur, je pense à l'épisode d'assistante dentaire transposable dans tellement d'autres contextes de la vie professionnelle ou de la vie tout court.
  • TOTS VOLEM EL MILLOR PER A ELLA (2013)
    Note : 16/20
    Découvert au Festival Espagnol nantais édition 2014. J'avais déjà repéré la profondeur de vue et la délicatesse de filmage de Mar Coll dans "Trois Jours en Famille" (2010). Des tendances réitérées dans "Nous voulons tous le meilleur pour elle". Cette fois la famille, ancrage humain en lieu et place de la dérive sociétale contemporaine, de béquille passerait à... boulet pour l'individu détraqué. C'est un film qui aide à voir la lisière entre se faire aider et l'envie de s'en affranchir sans garantie d'aucune sorte. Dilution voulue par le There Is No Alternative, fuite en avant, alerte. Message reçu, sauf que l'identification à cette asphyxiée trop peu attachante reste partielle malgré l'excellente tenue des seconds rôles.
  • MY SWEET PEPPER LAND (2013)
    Note : 19/20
    On pense Sergio Leone, Les Frères Coen, le nouveau cinéma belge. Cette pendaison-là, nul ne l'aurait imaginée aussi déconcertante... Le ton de Far West est donné. Que ce soit les montures qui s'ébrouent d'un bout à l'autre du récit, les percussions ultra-douces en pleine nature, une belle institutrice otage, cette horde d'abrutis à des degrés divers avec un seul mâle à peu près digne de confiance. Le couple a un point commun, en témoignent les défilés de potentiels mariages. Le réalisateur pose la question de savoir où est la retenue la plus digne de respect pour l'individu comme pour la communauté. On rit plus qu'on ne pleure sauf à l'issue qui force à prendre position. Magistral coup de pied dans l'obscurantisme que ce film !
  • GATSBY LE MAGNIFIQUE (2013)
    Note : 14/20
    Beau beau beau ! Et c... à la fois ! En version originale, un film techniquement de premier ordre (même en 2 D). Qu'on soit hameçonné ou pris par la main tel un enfant prudent. Premier frisson, Leonardo se fait attendre. D'abord de dos, qu'on salive bien... Un truc vieux comme le monde, admettons. On compte sur lui. Qu'on fasse autre chose que "jouer aux autos" dans un décor kitsch ! Un hommage régulier à l'auteur du bouquin relève le niveau, le cinéaste australien y recourt, il y a de l'espoir. Patatras, retour au calcul et verbiage, fond musical plaqué par hasard, clichés de dialogues. Trop de décors léchés, trop de chichis pour singer l'époque, des acteurs en surjeu. Les gueules jamais à contre-emploi pour qu'on soit semé, et tant de bobards de tous côtés ! Résultat, les pointes de réalisme s'effritent en plein vol bien qu'on ait compris qu'en ce temps-là le divorce... Il manque le vécu en dehors des jeux afin qu'on croie ce revenu de guerre aussi sentimental. Foin des plans innombrables qui saturent le regard, bloquent l'imaginaire, véritable gavage de volailles ! Tout se borne à l'apparat, foire aux égos de ces mâles menant le bal, les femmes dans l'ombre de leurs fantasmes. Fidèle au livre sur l'aspect récession des mentalités vers la grotte préhistorique. Une histoire dénuée de la petite touche personnelle apportant quelque perspective autre que l'alignement sans condition... Un conte pour adultes pubères. Les hédonistes, les adeptes de "Roméo et Juliette" et/ou de "Moulin Rouge" seront bâillonnés consentants. Les autres croiront difficilement à ce déluge d'effets.
  • LES BEAUX JOURS (2013)
    Note : 18/20
    On approcherait presque l'idéal pour une dernière ligne droite féminine dans ce joli film tiré d'un livre. Rien de tel que deux hommes pour se rassurer sur sa valeur, l'un faisant vibrer sa chair et l'autre, le "pote" de longue date avec qui tout finit toujours par s'admettre tant il restera proche. Les deux acteurs masculins ont assez de charme pour qu'on ne puisse pas en condamner l'un sur les deux. Fanny Ardant incarne bien cette fragilité de retraitée cherchant ses marques, économe de mots dans l'évitement des conflits, par exemple avec ses deux grandes filles en plein essor familial que les petits enfants permettent de réunir. Le portrait succinct d'une femme ébauchant sa nouvelle identité dans le marigot des relations sociales actuelles. J'ai passé un bon moment, souvent identifiée à "l'intérieur de Caroline", cette hypersensibilité qui commande de s'efforcer à la tolérance comme de trancher dans le vif quand ça sent le roussi. Au négatif, quelques clichés inévitables les talons aiguilles en bord de mer, un rythme un peu étiré par moments le défaut de ressources internes chez cette grande dame qui pourrait, à présent qu'elle a du temps pour elle, s'adonner à quelque chose d'introspectif procurant le recul nécessaire, peindre, écrire, sculpter autre chose qu'un unique cendrier... Qui sait, peut-être après la trempette collective !
  • THE BLING RING (2013)
    Note : 18/20
    Simple fait divers étasunien remouliné en docu-fiction, caprice de fille à papa. Ou alerte. La dérive du bling-bling et ses grelots, toutes autorités démissionnaires, les parents d'abord mais aussi les éducateurs, toujours plus entravés ou qui jettent l'éponge. Voilà à quoi font penser ces jeunes broyés par un système implacable sans le savoir. Ce qui frappe chez les "Bonnie and Clyde" de Sofia Coppola, c'est leur "je veux". Ils se servent. Automatiques, comme le bébé attrape sa peluche avant de s'endormir. Objectif de ces enfants regroupés autour de leurs totems, ces stars incarnant la perfection physique et l'illusion que l'argent rend immortel : s'autoproclamer people. Au lieu de la sortie de l'enfance qui "tue" père et mère et rend autonome, piétiner entre bébé et adolescent selon ce qui arrange. Seront-ils adultes à quarante, cinquante ans, jamais ?... L'accent est mis sur le frisson né du risque toujours plus poussé, sur le doute faute de repères véritables, le film restant disert sur les débordements sexuels. Les gardes-fous font sourire (cette petite prière exhortant à la bonté), quelques rudiments new age... Sous le vernis, on sent le renoncement à la vie réelle. A tout effort d'abord. Avec cette frilosité des adultes en face, l'assurance d'être manipulés et donc méprisés... Est-ce pour avoir la paix ? De peur de perdre l'amour des... petits monstres ? Pères drôlement en retrait dans cette description vertigineuse, mères aux premières loges ! Les menottes autoriseraient bien à dire "ouf" sans l'effet boomerang de la dernière minute... Entre tous les autres films de la réalisatrice, c'est à "Virgin Suicides" qu'on pense, mêmes surexpositions vaines, même détresse juvénile. La musique en revanche, aurait gagné à limiter les sirènes.
  • L'INCONNU DU LAC (2013)
    Note : 19/20
    Plusieurs voitures garées presque toujours pareil, et puis cette autre, de couleur sombre arrivant en dernier... Décor champêtre au bord d'un petit lac aux rives caillouteuses, la caméra balaie les arbres sous le vent, glisse sur les les vaguelettes et revient sur les corps allongés là jambes écartées... il y a du frisson dans l'air. Ce pourrait être malsain pour tout étranger aux rituels gays (si l'on pense à certaines minutes d'errance dans "Les Nuits Fauves" par exemple). Or les plans semblent tellement naturels qu'on "marche", des échappées dans les bois aux soupirs dans l'herbe, convaincus une fois pour toutes que la nature fait corps avec les corps en vue du déclic qui libère la tension jusqu'à la prochaine. Des dialogues fructueux et brefs, les changements de lumière et la force du vent plus parlants qu'une voix-off. Tout sera annoncé à l'image, donc place à Franck (Pierre Deladonchamps), joli jeune homme heureux de démarrer ses vacances par des bains avec un plus possible. Il prend l'habitude de rejoindre Henri (Pierre d'Asumpçao), ancien viveur en mal d'affection, fin observateur toujours à l'écart. Le film décolle à l'approche de Michel (Christophe Paou), voix douce, souplesse de félin. Un géant, le seul filmé en contre-plongée, comme si on était Franck émerveillé puis tiraillé par ce qu'il découvre de loin sans se faire voir... Un flic jaillit de la verdure avec des questions, une photo ajoute au vertige... Pour varier des tragédies antiques, Alain Guiraudie fait un sort aux rôles secondaires. Le reste frôle le fantastique végétal façon "Oncle Boonmee"... L'avenir des deux héros à l'appréciation des spectateurs... L'aube dans les hautes herbes glace si on estime élucidé le mobile du premier meurtre. Car sinon toutes les déductions se tiennent, que l'un épargne l'autre et s'éclipse n'étant pas interdit !
  • LA VIE DOMESTIQUE (2013)
    Note : 15/20
    Chronique familiale douce-amère sauvée par l'interprétation d'Emmanuelle Devos. Avec plein de ces petits malaises entre devoir envers le cocon familial et les quelques petits plaisirs individuels féminins comme de s'acheter un joli chemisier rose un peu ajouré qu'on hésitera à porter pour sortir en couple... A l'heure de la mondialisation, ce que l'on peut retenir de ces intrigues parallèles est bien le retour aux bons vieux schémas sociaux puisque, faute de travail pour tous, des femmes intelligentes, instruites, se retrouvent à la maison. Proches de leurs grands-mères. On se croit revenu après la dernière guerre. Pères nourriciers et mères tendant à se surpasser entre les soins aux maris, aux enfants, et leur vocation première de femme au foyer. Sauf que le regard est plutôt grinçant (l'épouse qui aime fumer sa petite cigarette avant de rejoindre monsieur au lit, la mère jouée magistralement par Marie-Christine Barrault). Si l'ensemble pèche par trop de "piques" tacites envers les hommes que cette rentrée dans le rang arrange forcément, malgré la lucidité de la réalisatrice qui signe en filigrane sa sympathie pour ses congénères, il manque le coup de sang humoristique capable d'envoyer promener cette inertie (un fracas quelconque, une bonne fugue par exemple) !
  • JIMMY P. (PSYCHOTHÉRAPIE D'UN INDIEN DES PLAINES) (2013)
    Note : 17/20
    Le duo formé par l'ethnologue et son patient indien fonctionne, inclus quelques résidus de préciosité propres au décortiqueur Despleschin. Ils n'auraient jamais dû se rencontrer ou au contraire, ils étaient faits pour s'entraider et devenir des amis pour la vie ? D'autant plus qu'on découvre à travers ce "cas", le grand drame des peuples colonisés par des gouvernants avides, des mafias organisées sur fond de paupérisation, éternelle rançon du dieu argent. On y trouve un écho certain avec la colonisation contemporaine, aussi insidieuse, aussi niée. Un film parti d'une histoire vraie... J'avoue que c'est l'étonnante présence à l'écran de Benicio del Toro filmé sous tous les angles qui accroche et maintient. En fait, je m'attendais à ce que le sort du peuple amérindien soit évoqué de manière plus large, moins par le petit bout de la lorgnette. Autre grosse surprise, les électrochocs présentés comme la secousse salutaire ! D'excellents moments quoi qu'il en soit, la jeune Française, ou bien Mathieu Amalric débarquant avec son écoute, ses doutes, ses déductions, sa passivité stratégique face à la carrure de son patient qui argumente à sa manière d'ours mal léché.
  • ATTILA MARCEL (2013)
    Note : 15/20
    L'équipe de tournage, les acteurs, le réalisateur, chacun prend visiblement plaisir à dérouler l'histoire de cet individu plus ours que sa peluche. L'aspect distraction et les subtilités techniques sont au rendez-vous, avec le sentiment qu'Amélie Poulain est dans les parages. Tout cela peut suffire, est de toute façon respectable, bien qu'on puisse décrocher passé la première heure. Un match de boxe, une comédie musicale sur la plage, c'est envoyé dans le désordre. Les dialogues sont de qualité variable, la caméra acrobatique refait sans cesse surface sur les yeux bleus, après moult va et vient sur les parents vus à partir des menottes enfantines... Des gags qui font mouche (l'obsession chinoise, le concert final !), ceux qu'on n'a pas eu le temps de bien saisir. De temps à autre un tour de passe-passe pour virer de la bande dessinée en papier à l'écran de cinéma. L'humour très personnel de Sylvain Chomet plane comme une signature mariant ses deux vocations. Dommage qu'il y ait léger surdosage, qu'au lieu du suspense escompté, un peu d'impatience se devine dans la salle, tourner plus vite la manivelle vers le futur démange. Car si on voyage bien comme enfant dans les livres d'images, l'inattendu récolté fait assez peu avancer l'intrigue... Une suite d'images rappelant le dessin animé. J'ai surtout raffolé des deux tantes et de la marchande de légumes, tout est fait pour. Le mutisme du protagoniste le rend un peu tête à claques à la longue... En toute dernière partie, l'histoire se tient pourtant. Il y manquerait juste la communication profonde avec les demandeurs d'émotion au cinéma. A défaut de tout à fait convaincre, ce film peut aider à "décompresser"
  • POUR TON ANNIVERSAIRE (2013)
    Note : 18/20
    Très apprécié en clôture du Cycle Allemand de l'Univerciné Nantes 2013. Les trajectoires de Paul et Georg, deux copains allemands de l'Est "du temps du Mur", seize ans, âge de lucidité sur les performances avant tout. La musique de Jérôme Lemonnier jure soudain, ce pacte d'ado, invraisemblable, on pouffe... Avec sa musique mélo, le ton du film serait donc ironique... Lequel des deux gagnera ? Les filles sont-elles aussi dupes ? Le scooter semble aller vers l'incertitude, on se dit que ces bêtises de coqs cèderont la place aux sentiments véritables... Vient la Chute du Mur et Georg chez son copain d'antan.Ténébreux (inquiétant en contre-plongée) qui entend montrer le jeune homme qu'il est demeuré... Et chacun(e) y va de sa séduction, non sans cruauté, je pense à Anna (Marie Baumer) tellement sûre d'elle, ou à la compagne de Paul (Mark Waschke), la brunette aux décapantes réparties (Sophie Rois). On est forcé de devenir funambule dans cette trame pince-sans-rire. Sans cesse jalonné de renversements de situations. Illuminé par la jeune Saskia Rosendahl dans le rôle de l'éternelle jeune fille. Pas une goutte de sang, aucune déflagration, juste un bon petit incendie filmé dans le détail. Les dialogues, le fil narratif, l'intrigue, tout cela est gobé d'office tant c'est bien empaqueté. On se surprend à attendre avec délectation la prochaine trappe ménagée par Denis Dercourt, scénariste et réalisateur, ah comme cela se sent !... Film à plusieurs niveaux de lecture, progression machiavélique des plus fines. A déplorer peut-être l'accélération soudaine des tout derniers plans qui laisse un peu sonné !
  • DEUX MERES (2013)
    Note : 15/20
    Présenté à l'Univerciné Allemand nantais 2013. Deux lesbiennes dont l'une veut davantage être mère que l'autre ? L'objectif est de défendre la cause des exclues des cliniques de fertilité, ces malheureuses condamnées à user de la clandestinité. Le soignant qui le premier les traite avec bienveillance met un peu d'humanité mais prévient. Seulement 30 % de réussite pour des efforts sur la durée. Intéressant plongeon chez les donneurs potentiels, les excités par l'acte en double, les intéressés du porte-monnaie, soit quelques centaines d'euros à chaque tentative. Isabelle et Katja sont bien dirigées par la réalisatrice, leur sensualité est saine, rien ne peut choquer le grand public. C'est de l'amour, point ! A l'ère de la débrouille résultat d'une mondialisation sans états d'âme, comme on les voit garder un jeune enfant par moments, il aurait été intéressant que ces deux intrépides creusent du côté des bébés tout faits. Zohra Berrached créait ainsi moins d'embarras chez les spectateurs. Parce qu'au final, cette destruction forcenée de ce qu'elles avaient de meilleur pour un enfant rêvé sans plan B donne un film un peu vain.
  • SUZANNE (2013)
    Note : 18/20
    Etonnante Katell Quillévéré qui récidive aussi bien sinon mieux que dans "Un poison violent" ! Même habileté à faire entrer dans son histoire par pans, nonchalamment avec d'habiles coupures. Mêmes dialogues minimalistes. Davantage de profondeur, le seul amour encore crédible étant l'alchimie des corps, ultime bastion contre le pourrissement collectif (ce refus d'accorder sa confiance comme si les mots étaient devenus la porte ouverte à toutes les trahisons)... Musique sur mesure, y compris au niveau de la signification, on est vraiment gâté, non seulement les compositions de départ, tout à fait à la hauteur de l'enjeu, mais cette version de "Suzanne" par Nina Simone qui reste entêter ! Le récit biographique comporte plein de blancs dans la vie de l'héroïne marquée par d'horribles coups du sort, (Sara Forestier dirigée ainsi promet autant que Sandrine Bonnaire !). Et puis ce père veuf qui fait son possible avec ses deux filles (rarement traité sous cet angle !) ne peut que taper dans le mille... La passion irrépressible est surtout prétexte à introduire "la débrouille" comme un dédoublement nécessaire... à la survie de l'espèce. Ensemble incroyablement mature de la part d'une trentenaire polie, lisse sous ses allures de mannequin ayant l'absolue maîtrise de son sujet, de ses acteurs. Déterminée autant que passionnée ! Portrait de femme à l'enfance fracassée certes, + charge sourde contre l'économie actuelle, l'officielle, pas l'autre !
  • HAVING YOU (2013)
    Note : 14/20
    Univerciné Britannique 2013 Nantes. On dirait un téléfilm bien ficelé, distribution ultra lisse, le terme "amazing" prononcé avec gourmandise, niaiseries autour du mariage, léger surjeu des acteurs, la bague dans son écrin, n'en jetez plus... Photo et cadrages variés, complets autant qu'irréprochables. De deux choses l'une, cela respire l'élève appliqué... ou bien c'est pour mieux nous faire tomber de l'armoire ! Comme c'est bien fait côté forme, on hésiterait presque à en traiter le fond... Pourtant, piétiner entre atermoiements du protagoniste et minauderies de son entourage peut gonfler, pressuriser. C'est ne voir qu'un seul aspect de la situation... Tarde cette scène cruciale de la mère et l'enfant par exemple, un peu trop. On se résoud certes aux accidents de la vie, on s'incline le mouchoir prêt à moins d'être un monstre. Justement, m'indispose cette manière de forcer le spectateur à adhérer. D'autant que surfer sur le compassionnel en laissant tomber un personnage fait un peu règlement de comptes... à bon compte. D'accord pour l'enfant qui représente l'avenir en marche, mais que devient le vieux père, ce grincheux impardonnable dont la souffrance est passée à la trappe, c'est sans doute la question à éviter.
  • BENDING THE RULES (2013)
    Note : 19/20
    19,5/20 : Découvert "BENDING THE RULES", Prix du Public aux Trois Continents nantais 2013. Trop peu récompensé !...Car c'est une oeuvre aboutie, finement construite, cadeau aux spectateurs qui ont là, en plus d'un saut dans l'Iran actuel, matière à cogiter comme s'ils étaient ensuite conviés à un débat... Prenant le spectateur par la main, la caméra groupe une situation à celle d'après, ce qui donne des plans-séquences très productifs, avec cette habileté iranienne de présenter deux actions à la fois. L'oreille rivée à un dialogue pendant que l'écran grouille de la circulation automobile. Alors, aujourd'hui, dans un pays majoritairement jeune, comment "sortir du pays" au prétexte d'une pièce de théâtre ? Quel est le prix de la transgression en Iran ? Behnam Behzadi pose la question et la traite. Les apparences de la liberté sont là. Trompeuses. L'art laisserait croire aux libertés d'action tout court si ne planait ce suicide manqué, la crainte d'une récidive. Les personnages sont avant tout des copains, ils ressemblent aux occidentaux dans leur parler, leurs échanges, mêmes attirances, mêmes causes d'agacement. Le réalisateur-conseilleur-arbitre, personnage le plus mûr, le plus attachant du lot rejoint souvent les jeunes filles aux voiles "fashionable", jamais austères, il laisse ses acteurs délirer en buvant leurs bières car c'est lui qui porte le film et surveille la porte. Celle par où les adultes peuvent venir. Quand le père veuf débarque flanqué d'un oncle falot, il fait bigrement peur... Un film en tous points délectable, instructif, vivement la sortie officielle en France et le dvd !
  • TEL PERE, TEL FILS (2013)
    Note : 18/20
    Suivre une démonstration cinématographique sans en croire un traître mot. Simplement parce qu'elle est de très grande qualité. C'est le cas ici où il semble impossible, dans la vie réelle, que même suite à la bévue d'une soignante, deux enfants de cet âge puissent être échangés... En le considérant comme pure fantaisie de cinéaste, on a tout loisir d'apprécier le filmage des bambins et de leurs parents mis à l'épreuve. C'est magnifiquement mené, à bonne distance et avec humour. On glisse du papa le plus joueur au superman boudeur ou père des temps présents, ou clone de père, comme on voudra, le plus feinté de tous à mon humble avis... J'ai trouvé les contextes familiaux par trop inégaux (l'enfant unique parachuté avec d'autres enfants en bas âge y trouve forcément son compte alors que le petit ribouldingue chez le couple très comme il faut, hum, adaptation de surface)... Restent les mères, virant jumelles à l'écran, deux rusées dans leur manière d'avancer les pions... Etrange chassé-croisé familial tel qu'il est, improbable à moins de bascule totale des institutions dans la déraison au motif que "le sang c'est le sang"... En élargissant le propos à la société entière hors de cette question, le film peut ouvrir débat.
  • A LONG WAY FROM HOME (2013)
    Note : 19/20
    Univerciné Britannique Nantes 2013. Sous des dehors qu'on pourrait croire téléphonés, le traitement est d'un raffinement rare. C'est à la fois bon enfant, pétillant et profond. D'abord la ville de Nîmes, un personnage à elle toute seule, les habitudes du couple (qu'on peut pressentir inutiles, planplan...) alors qu'elles offrent l'occasion d'amener la jeune fille qui met le feu aux poudres. Blonde, fraîche, directe et... intelligente ! L'actrice Natalie Dormer campe à la perfection l'étincelante intruse donnant des suées à tous ceux qui l'approchent... Ensuite cela n'arrête plus, en ménageant une distribution des sentiments aussi équitable que surprenante. On se croirait chez un cinéaste argentin contemporain côté regard. Tout est explicite mais jamais lourd, du charme (l'allure de jeune homme un peu à part qu'est devenu Joseph, le mouvement du pied féminin dans la piscine). Avec en permanence des traits d'humour (le chapeau !), des acteurs bluffants, cette photographie d'une luminosité renversante, ça et là une scène plus intimiste qui en dit long. L'exposition de deux couples, l'un patiné et l'autre comme oiseau sur la branche, desquels se dégage une philosophie, un réalisme dans quoi notre époque déboussolée pourra puiser. Comme cela fait du bien en 2013 de voir un film joli, raffiné à tous points de vue et qui "sonne" vrai !
  • HENRI (2013)
    Note : 14/20
    Glissé dans la peau d'un travailleur social plein d'écoute on peut tenir les presque 2 heures. Egalement si l'on a juste survolé le milieu des êtres à "absences répétées". Ceux qui s'estiment hors des dérives mentales décrites vont invoquer la fraternité, le respect de tous, abrités derrière un commode et lâche "ne pas juger". Les soignants adhèrent... ou lèvent les bras au ciel tant les borderline(s), capitalisme sauvage accélérant la cadence, reviennent faire partie du quotidien de tout un chacun. Au bout de l'introduction, oupse, grosse ficelle... que Henri le restaurateur ait une femme du style de Lio, étonnement mais on veut bien.. Qu'ensuite il se rapproche de Rosette, léger malaise à moins d'être en apesanteur ou ramené chez les Deschiens au côté naïf mâtiné d'absurde qui rejoint le divertissement. Par bribes à la télé oui. Non stop ainsi, lourd sur l'estomac. Y manque l'intensité de "Quand la mer monte" auquel le regretté Gilles Porte avait contribué. Côté direction d'acteurs, Jackie Berroyer égal à lui-même, le côté nature de Miss Ming et Pippo Delbono bien net, hélas trop éléphants dans un magasin de porcelaine ! Ensemble plaisant pourtant, sauf qu'on peut rester en retrait parce qu'ils sont trop vite cernés dans leur laborieuse quête l'un de l'autre par simple mimétisme. Les lieux décrits, l'atmosphère, les accents font que la démarche globale s'amorce en cahotant, la dernière partie délivrant l'oxygène. C'est le déroulement des étapes, la façon de placer les outrances qui m'ont personnellement éreintée. Un moyen métrage ou même un court suffirait à pareille démonstration. Et ce malgré l'élan qu'on est nombreux à avoir pour Yolande Moreau et son univers ! Cette fraîcheur de vues qu'elle garde. La prochaine fois, espérons-le ;.
  • PHILOMENA (2013)
    Note : 18/20
    18,5/20 : Univerciné britannique Nantes 2013. Sacrée petit bout de femme que Philoména sous les traits d'une actrice âgée pleine de répondant, véritable bras d'honneur au glamour, à la chirurgie esthétique. C'est la fête perpétuelle dans cette histoire grinçante et romantique à la fois, sans jamais qu'on dérive flagornerie où clichés. Ainsi, le couple Martin Sixmith et Philoména fonctionne à plein, leur objectif jamais perdu de vue, chacun conscient des abîmes intergénérationnels. Deux tempéraments complémentaires pour une mission funambule, sur fond d'institutions à couvercle plus ou moins hermétique... En chemin, Stephen Frears habille ses personnages de sa verve (réalisateur au mieux de sa forme dans ce film !). La manière de raconter un livre à partir d'un moyen de transport, sans crier gare une ou deux répliques cinglantes, de celles qui émanent des personnes revenues de très loin dans la souffrance intime. On a les yeux qui s'embuent pendant un long cri de douleur, on éclate de rire la séquence suivante... Tout repose sur la pétillance de Judi Dench, "la plus mignonne des petites vieilles du grand écran". Elle donne envie d'avoir son genre de rides (très attirante plastique même filmée en gros plan avec toutes les marques de l'âge), ce naturel, ce timbre de voix aussi, ce phrasé, cette manière d'articuler chaque syllabe, son sens de la répartie en cas d'attaque. Un pur délice... La bonne distance par rapport à l'événement de départ, des prises de vue avec coupures aux bons moments, l'action qui n'arrête pas, font écarquiller les yeux et se dire, ah, comme ils ont dû tous s'amuser pendant le tournage !
  • LULU FEMME NUE (2013)
    Note : 18/20
    18,5/20 : Débarquer dans cet entretien d'embauche plus vrai que nature sans avoir lu la bande dessinée d'Etienne Davodeau met tout de suite dans l'ambiance. Lulu représente des milliers, des millions de personnes comptant sur le marché du travail pour sortir de leur carcan personnel. Un acte manqué, manquer son train et c'est l'hôtel, le plaisir d'un lit pour soi rien que soi... En peu de plans, la réalisatrice de "Haut les coeurs" marque sa volonté de s'attacher aux gens ordinaires, les mal fagotés, les ulcérés par les obligations multiples niant leur personne. C'est filmé avec tellement d'élégance que, même si les rencontres font, entre autres films plus récents sur ce thème, penser à "Sans toit ni loi" quelques minutes, on sent qu'il va arriver des bricoles à cette grande fugueuse, mais de là à plonger... Ce serait nier sa gestion instinctive des événements. Emouvante de courage (bien aimé le parallèle entre portable et chien en laisse !), elle erre et croise d'autres "sursauts". Tous d'accord pour passer du seul statut de femme à celui d'individu. Question de volonté, semble affirmer Solveig Anspach, battante de l'est qui a roulé sa bosse. C'est assez grinçant comme ton, d'une fraîcheur inhabituelle mais qui cite Simone de Beauvoir... La violente caricature du conjoint n'empêchera pourtant pas de se questionner sur la durée de l'état de grâce du suivant.
  • UN BEAU DIMANCHE (2013)
    Note : 13/20
    D'habitude, Nicole Garcia excelle à dérouler une intrigue en d'infinis rebondissements desquels on ressort remué. Son beau dimanche m'apparaît difficile à croire. Des flashs comme cheveux sur la soupe, sans lien, au spectateur de rassembler le puzzle et ce pendant une très très longue mise en place du décor. L'acteur central, le fils de Jean Rochefort, est d'une discrétion terrible même si ensuite on comprend qu'il s'affirme comme sauveur parce qu'il sent que c'est son heure. Sa très plastique partenaire a tout pour apitoyer en même temps qu'elle rince l'oeil. Un peu cliché tout ça... Mais le plus assommant c'est le "care", cet assommant altruisme très comme il faut des classes privilégiées, sûrement pas celles qui vident leur porte-monnaie dans la main des petites mères ados embarquées dans des embrouilles ! En conséquence, si on ne mord pas à l'hameçon, il faut trouver de quoi compenser. Faire avec ce couple bâti sur un fort déséquilibre à la base, ce plan financier sans filet... Se rabattre sur prises de vue exceptionnelles (il y en a), bref, reconnaître la passion de la cinéaste pour son histoire. Ce sont les antagonistes finalement qui offrent alors le meilleur (l'accueil familial mitigé, cette colère du parent à propos de l'héritage), le pilier restant Dominique Sanda, incroyable d'ambivalence... et de présence ! Sûrement la plus digne de cet équivalent "roman photos" de nos grands-mères !
  • GLORIA (2013)
    Note : 17/20
    Redouter de tomber d'une falaise dans les films contemporains d'Amérique Latine peut les faire éviter tant les issues sont sévères. Cet énième portrait féminin appuyant la faillite des repères d'âge balaie cette crainte. On a bien le refuge dans le jeunisme auquel vient s'ajouter l'envie post-dictatures de s'ébrouer. Ni belle ni moche, cette Gloria (piquante Pauline Garcia !) appelle une sonnerie de réveil quelconque. La mue est parfaitement cernée, le phénomène de société, l'ambiance chaotique propre aux crises identitaires, tout y est. C'est un peu envoyé en vrac par moments, mais toujours plaisant car là où le trivial pourrait nuire, Sebastian Lelio devient délicat à l'image, dans les dialogues. Morgue, humour alternent harmonieusement. Ce serait une réussite à cent pour cent sans la pirouette-chanson, avec son seul "il faut en profiter un maximum car les lendemains, n'est ce pas"... Trop aimable invitation à déduire ou à rester suspendu(e) avant de "zapper" plus loin !
  • UN ÉTÉ À OSAGE COUNTY (2013)
    Note : 19/20
    Alcool, pharmacopée, usure de couple, enfants gênés. Le maître-mot, "se taire c'est mieux". Pas vraiment la fête dans cet endroit ingrat "qui pouvait être laissé aux Indiens" ! Et pourtant, le petit air de country (Eric Clapton en live) offre un écho optimiste chez le spectateur qui peut rapprocher le sujet de "Un conte de Noël" (Despléchin), "Peter's Friends" (Branagh), "Carnage" (Polanski). Les envies et devoirs, brèches, impasses. C'est toujours très bien amené à l'image et au son, aucun ennui dans ce lavage de linge sale où on est voyeur tout à fait consentant. Le scénario patine faussement. Vite compris que c'est pour mieux ménager la stupeur... le rire, même quand c'est triste, comme si la vie, vue de l'extérieur, additionnait les situations loufoques. Arrive ce quart d'heure magique, la prière, faux-semblant alors que la faim tenaille, un supplice qu'on ne souhaite pas à son pire ennemi ! Sur fond de frictions générationnelles (rôles marquants pour Meryl Streep et Julia Roberts !), deux gros secrets de famille assortis d'attitudes trompeuses pour l'auditoire. Et les deuils, ces couperets venant à l'heure qui leur chante. Comme les détails sur les personnages, ce qui rend certains plus attachants que d'autres afin qu'on en revienne quand on sait tout. Un film grinçant mais fraternel sans leçon de morale !
  • BENVENUTO PRESIDENTE ! (2013)
    Note : 19/20
    Cycle Univerciné de Nantes 2014. Rire aux éclats et envie de partage avec ses voisins spectateurs ! C'est une pirouette, manière d'entrevoir une alternative économique viable, sans glissements vers le sectaire ou le religieux ni le rire gras. Car irrévérencieux mais jamais grossier. Insolent là où il faut. Le décor planté allègrement, on voyage à grands pas, on décolle de son siège, puis un petit flottement, la crainte de s'enliser... A nouveau des mouvements de caméra qui embarquent un peu plus loin dans la pratique ! En prime, un érotisme qui décoiffe (limite ne ferait plus craindre les baffes !), une Janis sortie de ses gonds, une préparation culinaire douteuse. Un pêcheur de truites au pouvoir, des dignitaires partagés, hum... En France on pensera un peu au regretté Coluche, symbole du juste entre les justes bannis par l'ordre moral séculaire. Sortie de la salle de cinéma garantie sur ressorts !
  • LE FACTEUR HUMAIN (2013)
    Note : 18/20
    Découvert à l'Univerciné Italien de Nantes 2014. Très bien mené, avec des prises de vue éloquentes, cette manière de filmer de dos celui qui s'évertue à arrondir les angles, souvent en vain ! Il faut dire qu'il a un faciès ingrat, une silhouette fuyante, à croire qu'il incarne d'avance celui qui jette l'éponge ! On se dit qu'on ne va pas tenir tout le film avec pareil personnage central. C'est assez bien fait pour qu'on suive malgré soi le malheureux Moncaco, veuf, circonstance aggravante, dans ses tentatives désespérées de récupérer sa fille égarée dans le labyrinthe des sensations fortes. Influençable, en pleine crise identitaire, la jeune fille l'avoue à travers le geste (les boucles d'oreilles !), s'entête dans son double jeu pervers jusqu'à l'aveu final... qui rallie mais sidère ! Alors, que ferions-nous, humains au cuir tendre, que l'expérience des réalités a façonné, face au délabrement moral de la génération du vertige, en quelque sorte perdue et que nous avons pourtant éduquée au mieux ? Comment se positionner quand un être cher se conforme au cynisme ambiant sous peine de rejet de sa tribu prête à toutes les bassesses pour se sentir exister ? Une réalité encore peu divulguée, qui devra se dire au grand jour bientôt tant les dégâts s'accumulent. C'est toute la question que pose ce magnifique portrait d'un solitaire aux prises avec le travail de sape que la modernité, injuriant passé et racines pour ne goûter que le frisson de l'instant, impose aux nouvelles générations.
  • JE VOYAGE SEULE (2013)
    Note : 16/20
    16,5/20 : Découvert au Cycle Univerciné Italien nantais 2014. Grande classe, prestigieux métier : "Cliente mystère dans les hôtels luxueux de la planète". Une star volante au salaire conséquent, le personnel masculin plié en quatre pour elle. Sauf qu'elle apprécie ou rembarre, dit qu'elle part "avec elle-même", bref, semble déçue de sa condition... La quarantaine et solitaire, déjà ? Deux rencontres viennent pulvériser cette Irène léthargique, qui va se fâcher avec sa soeur et déraper avec son ex à un moment crucial. Tout cela ferait penser au carrosse changé en citrouille sans les revirements indispensables. On peut souffrir de l'introduction très laconique, images de pub et puzzle en vrac sur l'écran. La mise en scène soignée et les acteurs très expressifs rachètent largement ces défauts, en plus des dialogues courts et productifs. Quelques grincements sur le sexe dans le couple longue durée, une brouille entre soeurs, des enfants perturbés. En même temps un pari sur l'avenir avec une grossesse. Rien que de très familier ! Nul ne devrait grimper aux rideaux, en Italie ou ailleurs... La deuxième heure est palpitante avec ses trois situations qui remettent à plat les idées reçues.
  • AQUADRO (2013)
    Note : 17/20
    Découvert au cycle Univerciné italien nantais 2014. Emballage visuel et sonore du meilleur goût pour une situation quelque peu scabreuse. La musique planante rassure, les visages et les corps sont investis avec douceur, ouf... L'inévitable provocation verbale autant que physique (les deux copines), avec ce pli de balayer les écueils en chargeant l'autre. Ils sont officiellement dans leur tribu, copains et copines, cours ensemble. Silence sur les familles. Ce couple très jeune, noyé dans son excitation, lui sous addiction, et elle qui souhaite d'abord perdre sa virginité, montre sa complémentarité dans son oscillation incontournable entre virtuel et réel. Avec sa g... longue, il symbolise l'introversion et elle, petite balle mousse qui rebondit, davantage l'adaptation en vue d'évoluer. L'escalade vers le malsain fait craindre le pire jusqu'à l'effet boomerang. Les voilà ensemble ou dos à dos dans leur A2 circulaire et symbolique... L'adulte s'invite hors champ sur le mode éducatif et l'ado se rebelle entre sa demande de cadre et son désir d'en découdre. Un moment on craint que la jeune fille écope de tout... Ce serait compter sans le contournement du réalisateur convaincu qu'illusions et ressources vont de pair et qu'on sent, tant il soigne sa projection sur son public fatalement clivé, désireux de rallier l'adulte et l'ado qu'il porte en lui.
  • 15 ANS ET UN JOUR (2013)
    Note : 17/20
    Découvert au Festival espagnol nantais édition 2014. Tout un chacun devrait pouvoir se retrouver dans le survol de la prime adolescence au moment de la bascule vers le je ne sais plus trop qui je suis et je vous emm... Une diction mitraillette mais pas un mot de trop, on agit quand la ligne rouge est atteinte, ça et là se glisse quelque affection dans les gestes... Si la mère se place hors jeu, impuissante sur toute la ligne, le tonton militaire (qu'on s'attend à voir user de la raclée) a plus d'un tour dans son sac et plutôt bon vivant, lui aussi soumis à des compromis avec sa juge chérie, pas toujours commode la bougresse... Cette manière de dévoiler les limites du coach à égalité avec le plongeon du jeune peut inspirer et même convaincre toute personne révulsée par l'éducation à coups de pied quelque part.
  • UNE PROMESSE (2013)
    Note : 18/20
    Le raffinement des décors, des costumes, l'atmosphère vaguement opiacée, tout cela ferait sourire sans cette ironie dans la voix masculine face au jeune rival en puissance. Les présentations sont un peu longues, précautionneuses. Arrive enfin la dame telle une fleur à cueillir deux fois. Une fraîcheur, un naturel inaltérables, décuplés par son piano hors champ. Idylle retenue à l'extrême, manque de fougue diront les conditionnés aux explosions. Alors oui, c'est traité façon Stefan Zweig, en plus pâle sans doute, avec des pics de cruauté, jamais eau de rose ou mélo pour autant. Ni Harlequin, ni les romans-photos des Emma Bovary années Cinquante ou de leurs toutes jeunes filles en catimini. Et pourtant baume comparable si coeur encore ouvert un tant soit peu... Oser le romantisme de couple à l'identique, pas seulement féminin, un crime à l'époque du tout jetable !
  • PAS SON GENRE (2013)
    Note : 16/20
    La bande-annonce est directe, on démarre par du convenu pour ensuite virer vers une ambiguïté lancinante. Un beau jeune homme posé, un peu fade, face à une tornade ancrée dans le concret. Le couple en désir d'apprivoisement avec la même envie d'étincelles et petit à petit la hantise d'être abandonné, trompé, etc. Des armes inconscientes derrière les épanchements. Gros tiraillement par rapport à son propre vécu, selon qu'on cultive l'extériorisation ou qu'on cérébralise pour "en garder un peu pour demain". Que ce soit l'introduction, les obstacles à franchir ou la tentation de sortir du labyrinthe, le mode guerrier instaure la résistance parce que milieux, cultures, éducations, la galerie aussi, sabrent, l'image privée et l'image publique jurant comme jamais dans la plupart des têtes. Lucas Belvaux, tout en désirant son actrice bien franchement, reste frileux par acteur masculin interposé. Alors oui, il peut laisser croire à une victoire par évaporation mais il ne dit pas qui a aimé mieux ou plus que l'autre, c'est tout l'intérêt de son film tortueux.
  • THE HOMESMAN (2013)
    Note : 15/20
    15,5/20 : Loin d'un western classique bien que tous les ingrédients à l'image y soient, l'allumage est progressif, entre présentation et préparatifs, avec une musique moins grandiloquente que pour affronter les grands espaces dans des chevauchées spectaculaires mais tout de même de jolis plans étirés. Le couple conduisant les trois égarées promet, on pressent à quelles extrémités cette terre inhospitalière en plus de leurs caractères aguerris, va les amener, les échanges humains de ces contrées étant plus proches du grognement que de la parole. Mary se défend au mieux en tant qu'individu, cantonnée entre sainte et/ou mégère apprivoisée. Elle intrigue à juste titre. Il y a des pics de qualité, quelques gags bienvenus, mais le voyage manque du piment qui ferait décoller ce couple empêtré dans les façons de ce temps-là... Après tant de veulerie, voir Meryl Streep en femme de pasteur est le lot de consolation. Même si Tommy Lee Jones analyse sans complaisance le retour à l'animalité la plus crasse, même s'il sait implicitement dire "voyez à quoi on peut revenir un jour dans toute société en perdition", sa pirouette d'ivrogne fait un peu réalisateur qui se réfugie dans l'acteur, trop facile.
  • LE PROMENEUR D'OISEAU (2013)
    Note : 18/20
    18,5/20 : Vu en version originale sous-titrée. Sous sa joliesse de façade (bande-annonce décourageante), l'histoire résume par petites touches l'esclavage technologique et les dégâts intergénérationnels décuplés de ces dernières années. La lenteur sénile et la tyrannie juvénile arrachent plus d'un sourire, quant aux jeunes parents, on se demande bien ce qui les anime vraiment... L'oiseau est au centre, interprétable, il a quand même un cache sur sa cage de bois tel un bâillon, cage portée délicatement comme s'il n'était qu'à moitié prisonnier, beau comme une fleur, limité et cependant force de la nature. La caméra se recentre sur lui ou les siens plus les événements s'empilent, tranquillement il est vrai (quelques longueurs). Petite famille façon pub ou étendue à la société, suite de fractures à colmater avant extinction pure et simple. Voilà un cinéaste visionnaire dont l'originalité tient au refus de l'hyperréalisme chinois habituel. Pas si optimiste que cela malgré beauté picturale digne d'un conte, gentillet de surface pour mieux capter le public de tous bords. Beaucoup de générosité plus que de racolage facile, la poésie ambiante, les gags, les passerelles posées ça et là... Reposant et qui change de scènes violentes et rien d'autre. Le sujet est traité sous tous les angles ou presque, chaque spectateur apte à faire ses déductions par rapport à ce qu'il vit.
  • MAGIC IN THE MOONLIGHT (2013)
    Note : 18/20
    C'est un bon tour de magie, savamment illustré à l'image et au son (ces morceaux de jazz !), d'apparence légère, fustigeant les travers des époques régressives, ce règne des esprits "forts" sur les masses avec ce recours aux croyances pour distraire des souffrances incurables. Nouvelle prise de distance teintée d'espièglerie. Woody veut visiblement redonner le moral à ses semblables. Avec cet art d'embarquer sur des coquilles de noix par gros temps... Il s'en tire avec brio et par acteurs finement interposés, l'ours mal léché et la madone fûtée déployant des stratégies avec variantes assurées de faire mouche... On est loin du bavardage mitraillette de certaines productions antérieures. Des cadrages éloquents s'y substituent, relayés par une lumière digne d'un conte, avec quelques scènes qui égratignent sens du devoir et autres impasses pour rester dans le troupeau. Le feeling pour seul gouvernail ?... Un deuxième niveau de lecture peut venir à l'esprit. En attendant, c'est comme si le magicien de notre enfance passait nous rappeler qu'en tout temps, aucune rencontre n'étant fortuite, quand les boussoles s'emballent, se fier aux ondes peut sauver du désastre.
  • THÉRÈSE DESQUEYROUX (2012)
    Note : 15/20
    Enfin Audrey Tautou dans un rôle qui lui va. Mature, très convaincante, le mythe Amélie Poulain enfin derrière elle. Une raillerie de la famille provinciale à peine formulée... Déjà un grand classique. Ô que c'est respectable, pétri de l'oeuvre romancée, convenable en dehors des petites fioles justifiant cette noire larme sur l'affiche. Le couple mal engagé se révèle dans le renversement des situations, c'est tout l'intérêt du film. Car Thérèse devient rengaine dans ses petites manies par en-dessous, pas assez de sang dans les veines !... Sans l'interprétation irréprochable, le retournement des rôles et ce supposé oxygène parisien, on frôlerait la platitude.
  • UNE SECONDE FEMME (2012)
    Note : 17/20
    Dès les premiers plans ce qui frappe est l'archaïsme des moeurs qui jure avec les éclats de modernité venus d'occident. En voilà une vendue par les siens même s'ils la pleurent. Objet de curiosité dont sa famille d'adoption explore toutes les facettes, Ayse, bien dressée à l'abnégation par Fatma l'héroïque, justifie son tout petit filet de voix. Le père est doux avec elle, le fils aimable quoique énigmatique... Elle se lâche un peu au supermarché avec lui, les commères s'extasient, la trajectoire est sécurisée. Coquin de sort qui n'a cure de cet agencement entre la Turquie et l'Autriche ! Voici soudain un bébé fille en pleurs, notamment quand sa mamie approche. La tension monte encore, la violence souterraine finit par déborder, on a mal pour eux tous d'être aussi dépersonnalisés... Rien n'était donc gratuit dans ces scènes d'intendance vues par le petit bout de la lorgnette. Les us communautaires gagnent ici, comme souvent, même en zones réputées civilisées, et pourtant Fatma avait d'excellentes raison tout comme son mari... C'est complètement le message contemporain de survie pour la jeunesse dépossédée du travail qui l'emporte ! Place à la new generation dont les intérêts convergent, prévaut l'urgence économique ! On peut comparer ce film qui saccage en sourdine à une plante carnivore.
  • À PERDRE LA RAISON (2012)
    Note : 16/20
    C'est corrosif dans le sommeil qui suit la séance. Pourquoi 4 petits en territoire médical contemporain, on se croirait dans les années cinquante. Murielle, à peine la robe de noce pliée, sent son mari après 2 bébés s'échapper vers ses origines marocaines, constate "un retard" telle une vierge. Le beau-père médecin lui mentionne l'existence de l'IVG, vite balayée par le mari au prétexte de l'enfant mâle inespéré après ces 3 fillettes successives. Troublant couple que celui d'Emilie Dequenne et Niels Arestrup ! Pourtant c'est difficile de faire porter au "bienfaiteur" tout le poids des événements tel qu'expliqué... Si Mounir s'est fait à la facilité, sa jeune épouse est bien trop cultivée pour tomber aussi bas (trop loin du fait divers où 5 enfants furent sacrifiés, ce n'est pas du tout la même femme). La prise en charge des jeunes hommes par des béquilles d'office condamnables (la soeur très FN !) caricaturent de manière à favoriser l'enfer, cette préméditation orchestrée à partir d'un flash de l'imagination. Excusable est Joachim Lafosse néanmoins grâce à son génie de la mise en scène (l'ombre de la moitié de l'écran sur le bébé, la musique qui vient régulièrement dramatiser les scènes les plus anodines). Son film est servi par des dialogues efficaces et vaut de l'or rien que par la métamorphose de son actrice principale. Comme pour le dardennesque "Nue Propriété" ou le pervers "Elève Libre", il excelle dans les étaux mettant le spectateur au supplice. Et bien que pleurer sur "femmes je vous aime" puisse faire défaut quand elles sont à ce point passives !
  • CHERCHEZ HORTENSE (2012)
    Note : 17/20
    Sous le titre laconique, une fois l'introduction intello-bobo traversée, c'est un plaisir de découvrir ces Parisiens à un tournant de leur existence. Acteurs au mieux de leur forme (Bacri dans un personnage pas seulement désabusé mais entier, Rich irrésistible en vieux recentré sans scrupules, Duclos le rapace doucereux et cet étrange flash HH sur son vêtement bleu, Scott Thomas égarée entre scène et réalité, Berroyer le fuyard une fois ranimé, Carré presque la candide de service malgré son incarnation de pureté juvénile). Du convenu dans ces fins de vie d'un couple hétéro si n'intervenait ce jeune japonais androgyne. Noé reste la caricature la plus terrifiante du lot dans ses déambulations d'ado contemporain. Les grincements réguliers dans les dialogues, les menus dérapages alliés à de jolies prises de vue (parfois riches de sens ou bien pulsions discutables du cinéaste ?) font qu'on passe un bon moment.
  • QUELQUES HEURES DE PRINTEMPS (2012)
    Note : 19/20
    Après "Le sens de l'âge", mini portraits d'octogénaires philosophes de Ludovic Virot et avant le redoutable "Aimer" de Haneke, cet effleurement de la radicalité est idéal comme transition. Un vrai précis familial côté relations humaines, les mesquineries pour délimiter les territoires, le report sur l'animal trait-d'union afin de maintenir la chape de malheur, c'est très juste tous ces gestes du quotidien. Quand on sait que la morphine en soins palliatifs a ses limites, l'idée de fond peut s'entendre, encore faudrait-il qu'elle devienne accessible aux plus démunis et nationalisée, les tabous ont la vie tellement dure... Le monde du travail actuel vient s'intercaler dans toute son horreur sélective, ce qui ajoute encore des mises au rebut à venir, probablement des difficultés à traiter la maladie incurable, voilà à quoi on réfléchit chemin faisant... Ils sont de toute façon, mère et fils, bouleversants en fin de course, on n'en revient pas du naturel à humer, à s'installer après le périple, ce havre là ou chez soi après tout, et puis bien sûr le sursaut... Tout dépend de l'expérience qu'on a des souffrances extrêmes, soit on sort de la salle inspiré avec l'envie secrète de contracter dès que possible pour l'au-delà et non pour ses seules obsèques, soit on soupire plein d'embarras, soit on crie à la lâcheté en filant à ses petites affaires !
  • DANS LA MAISON (2012)
    Note : 16/20
    Comme d'habitude, on est à la fête côté narration et mise en scène, les acteurs jubilent, ça défile, ça déménage... pour ensuite osciller entre pics et creux de vague. En sortant de la projection, peut persister une impression d'avoir été un peu promené dans ces rattrapages in extremis après des kilomètres dans le flou... Jean qui rit, Jean qui pleure, ou alors le rire jaune de Woody Allen version française. C'est un aperçu des monstruosités latentes de l'individu. On sent bien qu'Ozon s'amuse à exhiber son petit fouille-m..., le copain qui louche l'annonce d'emblée... A repenser hors séance aux échanges verbaux du couple Fabrice Luchini et Kristin Scott Thomas, êtres réfléchis, douchés par les revers, on se dit que les régressions nées du plongeon économico-financier se traduisent un peu comme ça, l'uniforme inviterait plutôt à se rendre singulier qu'à marcher avec le troupeau... Sont passés au tamis jargon, poses, clichés de réussite... chacun coche la case selon son milieu (la femme "de la classe moyenne" terme méprisant d'un bord, enviable de l'autre). Sans doute est-ce trop le genre de clivage en marche, ces clans qui se manipulent ou s'évitent soigneusement, d'un côté les intellos bourgeois avec leur tic de cataloguer et, de l'autre les hyperactifs, plus heureux au prix de se décérébrer, pas très palpitant sur le fond, assez inquiétant même... On est pourtant diverti, invité à rire plusieurs fois d'eux, de nous-mêmes. C'est divinement démontré, avec des cadeaux de consolation exquis (les exultations littéraires, Yolande Moreau extraordinaire en double !). Dommage qu'entre dérision et réalisme le dosage soit inégal et fasse que la tristesse l'emporte.
  • TEMPETE SOUS UN CRANE (2012)
    Note : 18/20
    Instruire les classes de quatrième, âge = 15 ans en collège public. Des êtres en devenir, au sens pratique démesuré, des atrophiés du raisonnement, des endormis affectivement si nul ne les sauve (les exercices assez surprenants de fraîcheur affichent ce constat). Là où le comportement collectif est constitué d'une infinité de bruits et gesticulations dans la classe comme une maternelle qui n'aurait pas évolué, il faut trouver le pont, et pour cela tâtonner tel un chercheur... Afficher la bonne pâte qui répète, redresse comme on le fait de tout petits, avec en arrière-plan les clés de l'autonomie. Au demeurant, c'est plus facile pour un professeur d'arts plastiques comme celle que nous fait découvrir ce film que pour l'enseignante en lettres (deux personnages qu'on aurait voulu avoir comme profs !). Tout porte à croire qu'elles ont autant l'une que l'autre trouvé la combine... A quel prix pour les nerfs du spectateur ! Par mille et un détours elles remplissent leur mission, déjouent les défenses de ces cerveaux baignés dans le seul rapport de forces. Une incroyable proximité physique, à l'image de bons parents, les cours, les contacts verbaux sont chargés d'affects, ces grands massés au ras du pupitre du prof montrent une fragilité insoupçonnée, en dehors des fatals meneurs et des trafics louches de quelques-uns bien entendu, et qui finissent par passer au rapport... L'enjeu étant que cours et vie réelle n'en fassent qu'un, sifflet et punitions traditionnelles sont remisées, fermeté, maîtrise... il importe d'user d'un langage commun aux moments fatidiques "tu sors de mon bahut" dit la directrice ! Ce documentaire montre une avancée possible en matière de résultats, de là à prétendre s'appliquer partout, il faut quand même être d'acier... au moins au départ, l''espoir de récolter les retombées étant la récompense ultime si récompense il y a... Respect des programmes balayé, retour de la jugeote... Silence sur les fameux "moyens matériels" et "effectifs insuffisants" dont il est fait état concernant l'enseignement public actuel. Belle démonstration de patience, attitude héroïque pour nombre d'enseignants. Plus facile si entente cordiale des adultes qui encadrent !
  • OH BOY (2012)
    Note : 19/20
    C'est un morceau de roi que ce film à fleur de peau... Aussi émouvant et simple que son réalisateur sur la scène du Katorza au cycle Univerciné nantais 2012, Jan-Ole Gerster, un jeune homme souriant, presque gêné de l'admiration générale, d'office sympathique ! Sans jamais peser ni racoler, son film expose les caractéristiques humaines principales, l'art de se rendre agréable à autrui, l'altération du caractère à force de contrariétés, les dérapages de comportement, le fatal glissement vers les haines collectives. Côté forme, quelque chose de "A bout de souffle", le noir, l'anthracite prédominant sur le blanc, deux ombres profilées sur un lit dans une chambre, de germaniques allures "Nouvelle Vague"... Quelques emprunts aux films noirs d'Hollywood aussi, avec la subtilité chaplinesque d'user d'une légèreté de façade pour y incorporer finement une gravité. Humour distancié puis lâché jusqu'au délire, catastrophes par poussées (le golf du père, la blonde qui a placé son surpoids dans un autre registre). Et quelle musique ! Souvent relancée avec l'image comme une manivelle, en plus d'être indispensable comme une signature, c'est un régal de tous les instants ! Expressions des visages appuyées, qu'on s'attache au front lisse et à la tête juvénile de Tom Schilling... Première allusion à l'antisémitisme sous forme d'extrait télé, un amour caché... Le point culminant en coude à coude sur le zinc. Vieux radoteur bien imbibé, plus distingué que la moyenne, son père et son vélo, tout ce verre cassé : une confidence autorisant toutes les interprétations si ne venait à l'esprit la "Nuit de Cristal" berlinoise, que les jeunes générations tentées par le radicalisme n'oublient jamais... Séquence stupéfiante quoique sans parti pris explicite à bien y repenser, que le public déduise ! Ouste la légèreté de "trouver un bon café" ! Les grands voyageurs, les familiers des tournants de désespoir se retrouveront pleinement dans Niko, aventurier d'aujourd'hui, apte à s'installer dans un fauteuil inclinable auprès d'une mamie mélomane, rouler avec un dégoûté de l'environnement qui rit si ça le démange, retrouver une ex-ronde en pleine révolution, accompagner un parfait inconnu à l'hôpital.
  • TRANSPAPA (2012)
    Note : 19/20
    Découvert au Cycle Allemand Univerciné Nantes 2012. Un plaisir de tous les instants, dû pour une large part aux dialogues percutants et aux acteurs principaux. La jeune fille avec ses sourcils qui doutent et ses exigences d'ado régressive, et ce père aux manières douces qui a fui pour se refaire, avec lequel il faut repartir à zéro, homme devenu femme, père qui n'est pourtant pas une mère... A l'heure française de la polémique concernant le "mariage pour tous", le discours "trans" même s'il peut être entendu et toléré rencontre des réticences. Ce film tâche de dédramatiser les efforts à fournir. La stupeur fait place à un lent ré-apprivoisement. Quelques moments pimentés, quelques idées reçues balayées, le conformisme et les tricheries de l'adolescence rencontrent complicité tacite ou fermeté, exactement comme entre deux parents hétérosexuels. Un état des lieux que le bourgeois préfèrera pourtant voir chez les autres... Cette rencontre d'un père devenu femme, aussi attendrissante soit-elle, trouble les saintes familles. Succès garanti en revanche auprès des aspirants au bonheur et à la liberté individuelle (homos, mères ou pères célibataires...) les individus régulièrement ignorés des statistiques familiales... La famille traditionnelle est ici campée par le voisinage, aimables et précautionneux comme on l'est devant des animaux de cirque (le fiston vend la mèche en voyant du détraqué là où il y a initiation). Très fine analyse des impératifs sociaux des jeunes générations, se sexuer clairement, être fier de ses parents auprès des copains... Honte à ce géniteur devenu complet par son mix des deux genres, avoir un père médecin à succès a tout de même une autre g... ! La relation à la mère est chamboulée si elle était responsable du virage paternel... C'est riche d'une infinité d'angles... Le style des échanges verbaux et la gestuelle, toujours très soft, invitent à relativiser, à en sourire. Ce n'est pas plus dramatique qu'un divorce... Film plein de santé, de sens pratique, d'entraide, avec son ancêtre qui héberge "la gouvernante"... On rit énormément des émois que les métamorphoses apportent aux personnages (du végétarisme austère, du système patriarcal qui fait bouder les jupes...).
  • LA GRACE (2012)
    Note : 18/20
    Perle découverte à Univerciné Cycle Allemand Nantes 2012... On plane au-dessus des rondeurs géographiques au coeur de la nuit polaire (novembre à février), une rencontre terre/océan crépusculaire qui donne presque envie de continuer le survol... Car que vont recéler tout au fond de l'écran là-bas ces cubes noirs aux points lumineux à part des ours en hibernation ? Bande-son en apesanteur, mer mouvante, horizon pour le moins dégagé et... Descente dans une fracassante multinationale, des tenues orange flashy, le stress, un rapprochement physique proche du rut tant il est rageur. Des choeurs de toute beauté s'intercalent et c'est heureux ! Comme de faire un tour par l'école, où, nouveau réveil, deux enfants crachent dans un sac de loser... Comme lien au monde, le filet de route qui longe la côte, on y va constamment, toujours dans la pénombre, des collines neigeuses pour tout repère. De brefs coups de fils chargés d'électricité... Visible qu'un chat et une souris cherchent ici un second souffle, maison de bois individuelle, job des deux signant intégration totale, sauf qu'on ne donne pas cher de leur peau ! Leurs repas sont trop lugubres à cause de papa, si caractériel... Et voilà que la voiture heurte "quelque chose", ce que c'est que d'accepter des heures d'affilée auprès de grands malades ! Inconstance contre délit de fuite, secret de plomb en même temps que retour du soleil nuit et jour pour plusieurs mois et fiston qui déjante avec sa manie de filmer en douce... Aucune baisse de régime dans ce menu excepté le va et vient sur la route fatidique vers l'issue, quoique l'ironie du réalisateur finisse par en relativiser la perception. De belles frayeurs régulières ! Dans la libellule d'acier avec la fille d'Oslo, les deux pilotes muets comme des tombes... Ou sur les terrasses, cigarettes au bec pour se croire réchauffés. Ou lors de la tardive visite ! Sans omettre ces crissements de pas qui cisaillent la glace... Une atmosphère fascinante doublée d'un récit à rebondissements des plus fins. Jürgen Vogel et Birgit Minichmayr campent avec justesse ce duo assez humain pour qu'on puisse le défendre, petite mort de l'amour physique et assistance à la mort véritable entrant en résonance de manière tout à fait crédible.
  • WADJDA (2012)
    Note : 19/20
    Découverte majeure du Festival des Trois Continents 2012. Un bijou humoristique qui aurait gagné à figurer en compétition tant il rallie hommes et femmes si l'on en juge par les applaudissements nourris lors de sa projection au Concorde. Quel talent à dû déployer Haifaa Al-Mansour pour trouver comment conter l'obscurantisme saoudien ! Sa petite Wadjda ressemble à toute fillette, à toute femme (tout individu) bloqué(e) parce que des règles nées des non dits, des usages, lui échappent. Egalement au menu le malaise de devoir faire avec un papa illimité, une maman rétrécie. Beaucoup de chaleur humaine. Des décors, des personnages dignes d'un conte des mille et une nuits mâtiné de modernité. Si les mâles sont en roue libre, l'exemplarité fait terriblement défaut du côté féminin dans cette plongée au coeur de Riyadh. Les belles enseignantes qui somment la retenue, maquillées, à visage découvert, ouaille !... Quant aux petites, il leur faut réciter le Coran pour exister dans une école où regarder une malheureuse photo est un crime, afin de correctement psalmodier (exercice nettement plus attachant quand c'est une voix délurée qui s'y colle). La communauté se gagne à force d'épreuves, même si l'avenir, sauf miracle, est l'époux courant d'air, l'épouse répandue en blablas et artifices. Etrange écho dans l'occident contemporain... Le vélo, jurant avec la faute d'être simplement "vue par des hommes" est l'oxygène du film avec ses rubans au vent, un cadeau aux jeunes générations des deux sexes ! Sortie officielle prévue en février 2013 en France.
  • ROYAL AFFAIR (2012)
    Note : 16/20
    16,5/20 : Les avides de sentimentalisme sur fond historique ressortent globalement satisfaits de ce film beau, crédible en matière de décors et costumes, instructif sur un pan de l'histoire du Danemark et même de l'Europe. Tragique sur le fond. Plein d'espoir sur la capacité à rebondir des jeunes générations. Echo possible avec le monde d'aujourd'hui, son bipartisme galopant et typique des récessions. La loi du plus fort, "l'ordre" des possédants, contradicteurs d'abord mis à l'écart puis supprimés. Qui refuse de signer s'entend répondre de signer, point ! Par moments on se demande qui est dérangé, le roi ou son encadrement. Un souverain qui ne peut qu'exacerber son monde, la reine-mère ou ce Struensee têtu, oublieux de surveiller le sens du vent... Le trio Mads Mikkelsen, Alicia Vikander, Mikkel Boe Folsgaard ont, au négatif, un numéro archi-prévisible. Au positif une justesse et un charme fous... Ils consolent du baîllement de milieu de séance. Une bonne demi-heure de trop, cette manie de croire qu'en faisant durer on captive à coup sûr... Certes, dialogues et silences sont aussi importants dans les intrigues souterraines. Seulement une fois qu'on a compris la tournure des événements, les réparties manquent de piment dans un style pictural aussi lisse. Beauté de plans qu'on se surprend à gober sans en retenir le texte à l'oreille ou sous-titré. La galopade toutes jupes au vent et la danse au ralenti avec claquements de mains sont de sublimes moments avec, en toute dernière partie, la douche encore plus froide qu'attendue !
  • SLEEPLESS NIGHT (2012)
    Note : 19/20
    Mention Spéciale des 3 Continents Nantais 2012, le très pointu "Sleepless Night" (Nuit Blanche). Une atmosphère intimiste. L'intérieur douillet d'un petit couple très uni. Elle, chatouilleuse sur la qualité de vie car son activité s'y prête (art et techniques de bien-être). Lui, conciliant, pragmatique avec ce boulot alimentaire qui pourrait bien déborder sur les dimanches. Toujours ensemble en dehors de leur travail, amateurs de verdure, de vélo, ils discutent sans se démonter, "sifflent" leurs nouilles en choeur (à grand bruit !). Les tâches ménagères partagées, du bonheur au lit, un espace vital harmonieux. Pour ce qui est d'avoir un enfant, c'est le flou, la mère de la jeune femme martèle à sa fille que c'est mieux jeune parce qu'on est plus en forme ! Voilà le premier écueil véritable. De moue en désaccord, les tourtereaux cherchent de l'air auprès d'un couple d'amis. Occasion d'une scène violente de rangement, la deuxième si l'on fait exception de l'éclat central (l'entretien avec le patron) à voir comme une allégorie. Film sud-coréen à cadence régulière, discours applicable à n'importe quel pays "mondialisé". La loi des marchés et la survie de l'espèce, vaste chantier... On sent que les deux trentenaires de Jang Kung-Jae, acrobates refusant de se lancer sans filet, sont différents après leur nuit blanche !
  • LA CHASSE (2012)
    Note : 15/20
    Thomas Vinterberg récidive dans son traitement des secrets de famille avec cette douceur d'éclairage aux tons chauds propres aux films scandinaves. A la proximité physique des enfants dans le jeu, répondent le puritanisme et l'arbitraire du collectif. Cette fois le cadre figure, non seulement le contournement des tares parentales, mais aussi bien, en seconde lecture, les réflexes induits par la récession, lisser, uniformiser... Un poison qui part de la directrice du centre, épaulée par un expert local... A partir d'une rumeur. L'art d'écarter un gêneur, trop singulier, trop indépendant. A croire que ces gens étouffent tous tacitement le véritable scandale local (le savent-ils, s'en doutent-ils, on en a la libre interprétation). Le rictus de la fillette renseigne le spectateur. On pense au procès d'Outreau, la parole de l'enfant, ce petit ange incapable d'arranger la réalité. Même impasse que dans Festen, fautif démasqué, éducateur rendu à lui-même. J'ai trouvé la petite amie d'une approche étrange, comme si Lucas s'en servait plus qu'il n'en était attiré. L'épouse du vrai grand malade et le fiston sorti de ses gonds sont en revanche très convaincants. Le bémol est que, malgré l'atmosphère très naturelle, l'excellente direction d'acteurs, les scènes de chasse et les traques, on tourne en rond à baigner dans l'obsession du réalisateur. Le dernier coup de feu qui fait mystère de son auteur est celui de trop.
  • TANGO LIBRE (2012)
    Note : 14/20
    Embarrassant, brouillon, chaotique, qui fait l'effet d'un patchwork mal assemblé. Dans le désordre, les scènes cruciales sont pourtant parfaites à l'image, il y a de l'ambiance, une lumière qui irradie l'endroit et les gens. On a envie de s'attacher aux trois protagonistes appelés à se mesurer, d'autant que Sergi Lopez débite quelques bons mots et rit en gros plan, on s'attend à une montée d'adrénaline, quelqu'un d'autre ou un événement qu'on ne pouvait pas deviner. Bien gentille la petite femme libre pour occuper l'écran. Préciser le pourquoi du comment afin de dérouler l'écheveau, ça va quelques minutes... On finit par souhaiter que le plus suicidaire disparaisse (trop de cirque !) afin d'avoir autre chose à se mettre sous la dent. Incompréhensible par exemple que le réalisateur se soit autant privé de l'acteur argentin le plus récalcitrant à danser au départ et qui finalement se décide. Il a "une gueule" et de la présence ! Dès le braquage de la caméra sur cet acteur précis, on s'attend à ce qu'il ajoute sa partition à l'intrigue amoureuse. Comparé à "Une liaison pornographique" et "La femme de Gilles" si aboutis, c'est un demi-film.
  • LES TROIS SOEURS DU YUNNAN (2012)
    Note : 18/20
    Prix du Public et Montgolfière d'Or du Festival des Trois Continents nantais 2012. Clair-obscur dans un réduit sordide, plans larges sur les déambulations au dehors entre troupeaux et chiens. Attention, le réalisateur fait jouer à ces trois enfants leur rôle véritable. Sur la forme, constamment splendide. Sur le fond, insoutenable. Et en même temps touchant. Soit, on se gratte la tête, l'hygiène se résume à quelques rinçages à l'eau froide. Cependant il flotte une réelle affection entre ces gens, chacun fait ce qu'il peut dans un univers de toute façon ingrat. La jeunesse doit apprendre à se dépêtrer. Une mère démissionnaire, un père en ville pour son emploi, trois fillettes qui travaillent chez les voisins (on vient les chercher !) contre nourriture et compagnie. Une maison incendiée. De petites ombres frigorifiées qui durent plus qu'elles ne vivent. Tombées très bas, un rien les ranime. Ainsi, leurs chaussures neuves sont comme des ailes avec papa vers la ville. L'aînée seule, elle ira à l'école, l'oeil du grand-père pas loin. C'est elle qui pourrait inquiéter le plus, sans défense parce que sans repères familiaux pendant un long moment... BIen entendu, ce n'est pas une vie d'enfants telle que le revendique le poème "Les petits damnés de la terre". De petites existences aussi rudes, ces sauve-qui-peut des femmes lassées de lutter. La région de Yunnan sans combat quotidien rendrait neurasthénique si l'on en juge par d'autres films chinois ayant dépeint ces sommets à perte de vue battus par les vents. Un point positif, cette troupe d'endurcis en réunion au milieu de nulle part et qui entend garder son dernier moyen de subsistance !
  • IT'S A DREAM (2012)
    Note : 16/20
    Découvert au Festival des Trois Continents Nantais 2012. C'est filmé façon Asghar Farhadi dans "Une Séparation", par paliers, avec des éclats débarquant violemment et retour au système D, ce revers de la mondialisation. Nouveauté, des espiègleries comme le fou rire nerveux de la jeunesse. Le personnage central voilé, au visage gracieux affiche une expression plus voyouse que d'habitude. Elle fonce, tient tête de toute sa grâce à l'homme d'affaires, à ses sbires. Pour autant, au lieu du cuisant revers attendu, ses larmes, ses trajets avec ce copain en voiture. Toute jeune créature touchant aux liens du sang jette le trouble dans le regard masculin, aussi complice soit-il avec son épouse. On reste un peu sur sa faim... Le spectateur a toute latitude pour passer du drame intime, universel, à celui du peuple iranien, là où la transgression conduit à des peines sans commune mesure avec les fautes commises. Le titre "C'est un rêve" justifierait les nombreuses ellipses ? En toute dernière partie, fort malaise. Sans doute la lassitude des issues "grand ouvert". Crainte de la censure iranienne ou limite imaginative du réalisateur ? Certains spectateurs préfèrent dire "je n'ai pas tout compris" et plébisciter un film plus net.
  • JOURS DE PECHE EN PATAGONIE (2012)
    Note : 17/20
    Le réalisateur de "Bonbon El Perro" récidive dans le style affectueux qu'on lui connaît. Même subtilité, même atmosphère de bons vieux potes. Il faut aimer la beauté des cadrages plus que l'action. Les poissons ne grouillent vraiment pas... En revanche, on a la bonhomie du personnage central, le type attachant d'emblée (quelle expression craquante !). Un gars qui se devine ancien tombeur malgré lui, sa femme et fille bâties en conséquence. Le parfait innocent des retours de manivelle. Des situations quotidiennes d'une apparente banalité défilent, on se croirait dans sa propre famille ou chez Pagnol revisité argentin. Bien observer la gestuelle, ces tout petits moments d'hésitation que l'usage fait rattraper poliment. En toile de fond, la sauvagerie de la Patagonie. La surprise est la première virée en mer après le choc, quand le corps, cette mémoire puissance mille, fait des siennes. Beau et fraternel. On peut juste déplorer quelques longueurs.
  • THE MASTER (2012)
    Note : 14/20
    Brillant techniquement parlant peut-être, quelques fulgurances desservies par des dialogues qui en restent aux petites touches" qui en jettent" et rien de plus, comme s'il fallait ne se fâcher avec personne. Film pas aimable et pas non plus émouvant. Plein de tics de comportements comme pour meubler. En plus du trop plein de bien-pensance dégoulinante étasunienne derrière les situations ! Vraiment rien à en tirer si ce n'est une espèce d'enchaînement de deux hommes, ce à quoi on arrive à force se frotter l'un à l'autre faute de perspectives. Même fatras global que "Magnolia" dont on pouvait déplorer la pesante démonstration mais jubiler en seconde partie pour cause de "point sur les i"... Ici on s'embourbe toujours plus (pauvre Joaquin Phenix en type tordu, pitoyable Philip Seymour Hoffman en prêcheur autocrate !). Défilent tous les côtés "crades" du puritanisme américain du nord... Ce qui froisse est la totale opacité du point de vue du réalisateur. Complaisance ? Vacuité ? Bien la peine d'employer un tandem de cette trempe pour un numéro aussi fadasse.
  • BLANCANIEVES (2012)
    Note : 19/20
    Comme l'industrie cinématographique produit une quantité astronomique de films chaque année, rien n'oblige à rapprocher celui-ci de "The Artist" ni même à anticiper côté oscarisation 2013... Ce muet noir et blanc de 2012 librement adapté du conte de Grimm remanié par Perrault, peut embarquer par la seule force qui s'en dégage. D'emblée, le traitement s'avère ultra-sophistiqué sur des thèmes ultra-simples. Naissance/mort, servage/cupidité, paralysie/mobilité, normalité/nanisme.... En prime, la corrida burlesque et en contrepoint une fillette sexy flanquée de sa mascotte, un coq, il rend végétarien au moins sur le moment. Des grincements réguliers... Le principe de plaisir des années Vingt est néanmoins présent, la finesse, l'espièglerie. On se croit par instants chez les meilleurs muets de Lubitsch, ou chez Chaplin pour l'aspect moral. Les rationalistes regrettent que "ça parte dans tous les sens", les puristes sont affligés qu'on ait osé (quelle insolente liberté !) et les amateurs d'action pour l'action ont un avis mitigé... Le "point de vue de l'auteur" serait trop dilué au fil des séquences ?... Vrai que c'est tellement bien ficelé qu'on en reste... muet ! Marginalité et liberté se confondent et puis voilà... Etonnante dernière partie, le sursaut et cette larme d'impuissance ! Si l'expressivité des personnages en plus de la minutie picturale et sonore captivent, l'oeuvre rejoint la bande dessinée contemporaine, on se f... de tout le reste, seul importe le regard particulier de Pablo Berger sur les contes de notre jeunesse, j'en redemande !
  • UNE JOURNÉE À ROME (2012)
    Note : 16/20
    Programmé à Univerciné Cycle Italien Nantes 2013. On sent bien que la fille de Luigi Comencini en connaît un rayon au plan technique. L'atmosphère est bien créée, avec des gags qui pimentent, un couple d'une plastique assez convaincante pour qu'on salive bien à les voir se mesurer, le féminin se taillant la part du lion. Le scénario fait longtemps léger en revanche, la drague qui monte qui monte se voit à des kilomètres, le problème est que se cantonner dans les fanfreluches et les minauderies ça demande une cervelle d'oiseau s'il n'y a rien d'autre... A mi-chemin on commence à craindre que l'idylle s'enlise, pitié quelque drame plutôt qu'une liaison banale !... L'épaisseur accourt après la robe à 5 000 euros qui voltige, le monologue de la jeune fille allongée sur les marches (très beaux instants). Ce pourrait être le charme d'une impro comme on peut en vivre parfois dans la réalité et qui laisse des souvenirs impérissables s'il n'y avait cette redescente vers les immeubles où Gina retrouve sa mère. Et là, un ange passe... La manière de s'attarder sur les apparences pour mieux amener du sordide rappellerait assez le style de Sofia Coppola, autre fille de réalisateur... Comme Cendrillon qui voit son carrosse se changer en citrouille, toute la démonstration de cette journée en roue libre (et qui a le tort de balader un peu trop les spectateurs) se mue en désespoir de la jeunesse italienne contemporaine, empoisonnée par les frasques du Cavaliere, de la Camorra en plus des décisions à l'échelle européenne et de la mondialisation.
  • LES EQUILIBRISTES (2012)
    Note : 16/20
    Projeté à Univerciné Italien Nantes Edition 2013. Quand Madame ne pardonne pas à Monsieur de l'avoir cocufiée, que la débâcle économique s'y rajoute, avec l'impossibilité de se loger, le cumul de boulots, le film semble conseiller de faire un choix radical plutôt que de se laisser glisser... Ce sont surtout les enfants qui paient le prix fort de ce dérapage d'un soir sanctionné par un divorce à l'amiable avec double pension alimentaire qu'on suppose exorbitante (tout est basé sur l'adhésion sans réserve du spectateur sauf qu' il manque des détails chiffrés pour qu'on y voie clair). Ivano de Matteo épargne la mère soucieuse de récupérer en dignité (apparemment, elle ne travaille pas). Par contre, il charge le père tenu de payer, payer et qui ne réagit plus à quoi que ce soit en fait parce qu'il déprime. Qu'ils aient des crédits sur le dos, admettons. Toutefois, ne plus pouvoir rien financer en cumulant les jobs laisse dubitatif. On se dit que sans le décrochage du mari, le couple se serait de toute façon retrouvé endetté jusqu'au cou... Giulio ne dépense quasiment rien pour lui-même une fois déconnecté de son foyer ! J'avoue avoir davantage pensé au sort des populations grecques actuelles qu'à celui des Italiens et des Français qui, sauf précarité extrême, parviennent tant qu'ils n'ont pas de loyer à payer, à vivre vaille que vaille de leurs emplois mis bout à bout.
  • AMOUR (2012)
    Note : 13/20
    Grand battage médiatique, des distinctions de toutes parts. Voilà qui force le respect. On se délecte de l'introduction, le concert, ces deux vieilles charentaises entre lesquelles on se demande ce que l'enfant en commun vient faire (Isabelle Huppert). L'idée de charger son partenaire en rejetant tout relais, qu'il s'use de son plein gré surtout, jette un premier froid. L'indéfectible tandem à hommages réguliers a de curieuses façons de concevoir l'amour humain... Tout à fait dans le fatalisme actuel, saccage des services publics, la santé incluse, les populations prennent en charge leurs maux, l'approche de la mort à distance du business. Comme la respectabilité commande de laver son linge sale en famille, on traite "le négatif" en vase clos. De là à congédier l'aide extérieure avec perte et fracas... Ils ont pourtant les moyens, ces deux bourgeois pétris d'habitudes, de se payer des auxiliaires de vie (qui ne sont pas tous ou toutes des brutes ou des souillons !). Que la dame s'oublie au lever n'est pas le plus grave non plus dans l'histoire. Les défaillances du corps qui se déglingue sont compensées par des tours de fauteuil roulant, humour bienvenu... C'est quand la parole devient grognement, avec cette démonstration très appuyée qui donne envie de dire au mari, "fais-toi aider mon vieux quoi qu'elle t'ait dit, ménage tes forces" qu'on commence à comprendre le côté "collet monté" de ce couple... Trop imprégnée de "la chanson des vieux amants" de Brel le long de leur cheminement très touchant du départ, les voir se combattre comme deux ados, c'est un peu trop... On souhaite que le rescapé se reprenne afin que l'Autre Rive soit libératrice et pour lui et pour elle... Vains dieux, si après toute une vie côte-à-côte c'est cela l'amour !... J'y vois plutôt l'austérité obsessionnelle de Haneke, son image de la famille-bastion dont nul n'a le double de clé. Malgré la performance d'acteurs, ce ménage qui semble traverser sa première épreuve existentielle m'a fait penser aux pires séquences du "Septième Continent". Sur la fin de vie nous disposons heureusement de deux films récents aussi réalistes mais avec une philosophie autrement plus partageable : "Quelques heures de printemps" et "Le sens de l'âge", certes moins tapageurs.
  • LA VILLE IDÉALE (2012)
    Note : 15/20
    Projeté à Univerciné Italien Nantes 2013. Les applaudissements (avant projection) dans la salle du Katorza de l'acteur sympathique du brillant "Nos meilleures années", une célébrité dans son pays, étaient pleins de promesses, assez pour embarquer sans résistance dans son labyrinthe kafkaïen. Or, à moins de cultiver ces ambiances du "tous pourris", de se contenter des réparties entre les oppresseurs et l'écolo ridicule tant le trait est forcé, on reste dubitatif... Voire carrément en rase campagne passé une heure. Domine cette belle dame perchée sur ses chaussures compensées, plus grande que celui qui la vénère. Le genre mannequin géant cher aux petits hommes de notre monde politico-financier, aussi majestueuse qu'une grande rose posée dans un vase fuselé ou allongée pour que le public se rince l'oeil. Hormis cette présence surréaliste, c'est une suite de bévues virant à la noirceur épaisse. Encore l'acceptation de l'apocalypse en marche, celle-là même dont l'actualité nous abreuve au quotidien. Quelques jours après persiste l'impression d'un dédale inextricable, sans point de vue de l'auteur... Même l'écologie vire à la fumisterie, on est donc désespéré, sans autre perspective que faire avec l'absurde. Un monde en représentation, d'où toute recherche de sens serait vaine. Des moments cocasses, quelques bonnes réparties peuvent aider à tenir et gommer un peu l'impression d'aimer par respect pour une première oeuvre de la part d'un acteur attachant (par ailleurs) plus que par réelle conviction.
  • ALI A LES YEUX BLEUS (2012)
    Note : 16/20
    16,5/20 : Remarqué à l'Univerciné Italien nantais 2013 pour sa personnalité. Les contradictions adolescentes sont ravageuses quand s'y ajoute l'obligation identitaire. Ainsi même si l'on naît à Rome de parents égyptiens, il faut faire des choix en tenant compte de l'islam. Ce film l'explique à travers des situations simples où le tiraillement affleure sans cesse. On comprend la difficulté que crée la souplesse de moeurs du pays d'adoption comparée à la bride que sont les valeurs familiales traditionnelles (être renié = impensable). Ils paraissent plus que seize ans les deux copains, Nader l'oiseau sur la branche, fascinant avec son regard bleu lavande et ses allures sensuelles, Stefano le Romain libre d'entraves religieuses, g... butée, volonté franche de s'affirmer, un tantinet mauvaise graine a priori, qui l'entraîne dans la débrouille... Le titre laconique "Ali les yeux bleus" se réclame du poème "Prophétie" de Pier Paolo Pasolini afin d'illustrer discrètement le printemps arabe... Au moins, Claudio Giovannesi prend-il discrètement position en exposant les différents angles qu'il entend décrire. Chaque étape amène le déclic permettant de se mettre à la place des personnages lors des crises (tristesse pour le spectateur médusé que les lentilles teintées nimbant de mystère le regard de Nader soient finalement sacrifiées à l'image, banalisant le personnage en dernière partie !). Les parents, les copains, Brigitte... L'islam semble loin de leurs préoccupations globales au quotidien, voire incompatible... A moins que Stefano, qui lorgne une pudique jeune fille à la chevelure engageante, la serre d'un peu trop près... L'escalade de violence est inévitable.
  • ALCESTE A BICYCLETTE (2012)
    Note : 18/20
    Ce qui frappe c'est le mot de la fin ! Seule une comédie peut aller jusqu'à cette extrémité sans faire lever les boucliers de la bienpensance. C'est léger et profond en même temps. Il y règne la fantaisie propre à une libre interprétation d'un classique. Tout y est recyclé pour que les jeunes générations puissent travailler l'argumentation et les anciennes s'indigner... ou s'amuser. Sous des dehors légers, on mesure l'écart qui se creuse toujours plus entre les chloroformés et ceux, volontairement en retrait, qui refusent (la vasectomie illustre bien le degré de folie auquel on est confronté). Film très sain avec ses balades à vélo, sa rengaine italienne meublant le grand vide entre les êtres, à combler par un quelconque sirop. Mentir mais toujours sauver la face s'avère un engrenage assez périlleux dans ce film. Le misanthrope campe le groupe de récalcitrants à l'alignement ultralibéral qui divise, fausse, lamine d'un bout à l'autre du globe et jusqu'aux plus fortes amitiés... Du coup, même si on n'a pas trop apprécié de l'étudier à l'école, Molière vu sous cet angle donne envie, par la parole ou le geste, de préférer chaque fois que c'est possible une pirouette à un empilement toujours plus important de mensonges à soi et aux autres.
  • LA RELIGIEUSE (2012)
    Note : 17/20
    Donne envie de relire Diderot et de revoir la version de Rivette (1966) pour débattre de la liberté individuelle. Une fois passée la cérémonie à plat ventre avec "bâche" qui peut faire croire à un regard empesé du cinéaste, on découvre qu'il n'en est rien ! Que le sort de la jeune fille dépend étroitement des mères supérieures, la première bienveillante, chloroformante, la seconde narcissique perverse, la troisième bouleversante bien qu'à force de se répandre elle en devienne aussi "frappée" (Isabelle Huppert) ! Bien sûr, Pauline Etienne a l'innocence requise, le refus des compromissions, lui manquerait peut-être un brin de sensualité ?... En parallèle il y a cet appel au secours, cet homme reçu comme devant un confessionnal et retrouvé dans la diligence (pour aller où, le spectateur peut tout imaginer là encore, qui sait ce qu'il peut advenir sous protection masculine :-) !). J'ai bien aimé le soin apporté aux lieux, ce maquillage et cet éclairage a minima, les costumes m'ont parfois surprise (ces carrés blanc bien repassés sur la poitrine, ce tissu bleu de robe de chambre et... on voit les épingles !). Bien qu'attachée au calvaire que vit La Religieuse en question, je trouve qu'il y a un fort écho avec aujourd'hui, après le cocon familial, les études qui illusionnent par rapport au monde du travail avec ses restructurations incessantes. Ainsi malgré moi, bien davantage que le sort de ces pauvres filles, j'ai senti, en creux, le défi que les jeunes générations ont à relever face à l'ultra-libéralisme contemporain toujours plus dévastateur.
  • WHAT RICHARD DID (2012)
    Note : 16/20
    Il a fait quoi au juste le jeune homme si propre sur lui... dont on relève aussi tout au long du film l'égocentrisme forcené ! L'inquiétude débute avec le besoin d'isolement par rapport au groupe à l'humour potache, le récit de la mort involontaire d'un petit animal à la petite amie... passant de l'hilarité au ravissement et au recul... C'est subtil, équivoque, le vertige réside dans la bande son, les travellings sur le toit des habitations, tous ces allers-retours sur Rich, nombril du film... Un accident oui et non. La jalousie reste quand même le déclic (quels excès ne fait-on pas par jalousie !) et après, la brume collective de l'alcool y est aussi pour quelque chose, or Rich est seul visé... On se dit que sur route en alcoolémie extrême, ces petites absences sont très répandues... Le réalisateur force sur la seule culpabilité du beau petit trop gâté, trop radieux, comme s'il incarnait la perfection que rien ne saurait égratigner... C'est oublier la complexité humaine et aussi que la vie a de ces tours et... chacun son tour ! Très belle séquence avec le père, au faciès sobre d'Eastwood irlandais, la mère restant une ombre fusionnelle ...Le rachat s'avère à la libre appréciation du spectateur tant on nage dans la demi-teinte... Adieu rugby mais plutôt que les menottes, une formule légalisant les jeux un peu "limite" ?... C'est bien mené, attachant grâce à l'interprète principal assez charismatique, mais j'ai davantage cru à "Garage" de Lenny Abrahamson, sorti en 2007.
  • LE PASSE (2012)
    Note : 16/20
    C'est avant tout un plongeon au coeur des familles recomposées. Les ronronnantes, soudain forcées à un engagement précipité (l'ex, oublié, qui rapplique !). J'ai trouvé qu'avec la fille "la messe est parfois trop dite". On se gargarise de mots superflus, reproche valant aussi pour "La Séparation" (je préférais cette sourde tension vers cataclysme à l'image comme dans "A propos d'Elly")... Le personnage de Marie écartelée entre passé et... grossesse montre la difficulté féminine à jongler entre plaisir et retenue afin de se positionner dans la durée. Il y a presque de l'austérité dans l'air à cause du chaud et du froid que souffle cette femme écartelée entre le minimum de savoir-vivre et la survie du cocon. A un moment, le scénario devient soûlant, on flotte dans l'histoire des mails au pressing (où l'employée clandestine incarne à merveille la résistance des abusés par le monde du travail). Tout un exercice d'équilibre dont quelques pesanteurs, rachetées heureusement par ce sage qui parle de "couper"... Asghar Farhadi aurait essayé de sortir du miroir iranien en francisant l'ensemble au maximum. On reconnaît bien son regard humaniste, son point de vue au bout de la démonstration qui force à pencher du côté des enfants (éblouissants de naturel) et du visiteur messager malgré lui.
  • 12 ANS D'ÂGE (2012)
    Note : 14/20
    Dommage qu'une distribution aussi alléchante laisse sur sa faim. On est pourtant gâté par la percutante introduction ! Merveilleux pot d'adieu au retraité... suivi du sale tour joué à partir de la voiture, deux très jolies scènes ! Charles (Berléand) plus casé que Pierrot l'indécis (Chesnais) fonctionnent, c'est un plaisir. Et puis ça patine très vite. Fait souhaiter que la jeunesse écluse son humour potache jusqu'à la lie afin d'épargner aux vétérans de nous déverser leur trop-plein. Du dialogue, de bons verres, la pêche... Un besoin de fantaisie pour le plus sécurisé, l'angoisse de l'immobilisme pour celui qui a mené une vie de barreau de chaise... Les compagnes ont l'oeil sur les deux galopins, tantôt femelles rivées sur leur territoire affectif ou mères qui réprimandent. Or le grand projet commun s'effiloche. L'impression que le sujet prometteur est à moitié traité. En témoignent des plans moins productifs en dernière partie, comme s'il fallait combler la lacune scénaristique. L'issue a beau appeler l'indulgence, le spectateur se demande comment des pointures pareilles ont pu composer avec des rôles aussi mal fagotés.
  • ELLE S'EN VA (2012)
    Note : 16/20
    Vaut le déplacement malgré les clichés glamour, la Miss Bretagne mûre, les grands communicants, le drame d'une plastique en perdition... L'introduction montre donc notre Catherine nationale bouffie, l'envie démange de la planter là avec ses cigarettes improbables. Heureusement pointe assez vite un phénomène de société majeur, le petit fils infâme et sa mère insupportable (jouée avec talent par la chanteuse Camille !), avec quelques astuces pour s'en accommoder...Mais c'est surtout un portrait de femme en roue libre (dans l'esprit John Cassavetes filmant Gina Rowland). A moins d'être soi-même "la tête dans le sac", soudain les silences, les mimiques, le petit rire incrédule (ah, ce petit rire !) se justifient. Assez pour donner envie de jeter l'éponge, lâcher prise sur les points qu'on n'arrive plus à maîtriser. De prendre ce qu'il y a à prendre si ça plaît et sans nuire, à grandes bouffées, aller à l'essentiel, la vie se chargeant de résoudre l'insoluble. Catherine Deneuve campe l'ultime sursaut de la femme de caractère. Incroyablement radieuse sur la fin.
  • LORE (2012)
    Note : 17/20
    Découvert à l'Univerciné allemand Nantes 2013... L'écrivain suédois Stig Dagerman dans "Automne allemand" avait osé décrire l'Allemagne de 1946, oeuvre discrète. La jeune Rachel Seiffert établie en Grande-Bretagne, née de père australien et de mère allemande, revient dans "La Chambre Noire" sur la confusion entre "nazisme et nationalité allemande". Visiblement emballée par ce récit, l'Australienne Cate Shortland fait exulter à l'écran cette Lore impétueuse (Saskia Rosendhal), symbole de l'adolescence sur fond de débâcle après la chute d'Hitler en 1945. On est frappé par la frénésie familiale... Les deux parents, dignitaires déchus sont montrés comme deux ogres qui vont cacher leur progéniture loin de tout, le père jette un froid, au plus peut-on compatir pour la mère qui fume, pauvre pantin désarticulé... On est au ras du conte fantastique. Avec une grande finesse dans les étapes. La réalisatrice excelle à montrer le naturel de ses personnages. Cette Lore au caractère bien trempé s'empare du rouge à lèvres maternel... La grande soeur et les petits poucets doivent faire dans la discrétion. Il faut contenir l'exubérance, les larmes du plus jeune qui ne comprend rien à ce qui lui arrive. Et puis manger, durer. Au fil des jours, l'impact des ascendants et la fraîcheur du jeune âge se livrent bataille. Le moment le plus fort est peut-être Thomas, ce loupé pour la postérité, véritable crève-coeur puisqu'il cristallise tout l'antisémitisme... Vigilance, transmission intergénérationnelle... C'est ce qu'aborde ce film dur, picturalement superbe, mettant en exergue la chaleur estivale avec ses robes d'été bien propres. On n'ose pas penser à un tournage hivernal !
  • NANA BENZ (2012)
    Note : 16/20
    Projeté à l'Univerciné Cycle Allemand de Nantes en novembre 2013. Voici Lomé, l'ambiance des rues marchandes, le défilé des tissus, aussi attirants que le fond musical toujours léger d'Aly Keita, le roi de la musique togolaise et son balafon, de quoi donner l'envie d'aller faire un petit tour au Togo ! Le tournage remonte à 2012, soit avant l'incendie du marché d'Adawlato le 12 janvier 2013 (coup de grâce pour le commerce des pagnes !). Derrière nous "la Suisse Africaine", les affaires à 450 000 euros par jour, on sent un peu d'amertume dans l'hommage mais la volonté d'aller de l'avant. Evoquer les "Nanas Benz" (Nana signifierait "mère") invite de toute façon au dépassement de soi. Les "Amazones de la mercerie togolaise" d'il y a quarante ans auraient largement contribué au rebond de l'économie d'alors, autant par leur tempérament, leur savoir-faire, la qualité de leur marchandise, que par le prêt de Mercedes Benz au Président de la République ! Les intervenants à l'image décrivent chacun à leur manière cet âge d'or et l'économie dégradée d'aujourd'hui avec laquelle il faut composer. Se diversifier, le maître-mot. La débrouille pour survivre ! Les tissus se déploient, riches coloris, motifs extravagants ou simplissimes, accompagnés de légendes en direct des croyances, vif plaisir pour l'oeil du spectateur... A peine un silence pour évoquer la dictature... Calme, mesure, quelque pics d'humour. Ce documentaire de l'Allemand Thomas Böltken dit surtout haut et fort que les Togolaises sont des battantes !
  • L'ÉCLAT DU JOUR (2012)
    Note : 14/20
    Projeté à l'Univerciné Allemand Nantes 2013. Nettement moins convaincant que "La Pivellina" sorti en 2010. L'introduction, mettant en scène deux personnalités que tout oppose est pourtant prometteuse. Concernant "l'ambiguïté" signalée dans le synopsis, on s'attend à tout autre chose qu'une importante différence de valeurs. D'abord les points communs de toute rencontre et, petit à petit, les premières frictions en principe sources de rebondissements. Or, rien de vraiment fracassant entre ces deux personnages excepté qu'ils représentent deux tendances lourdes de notre monde contemporain. Les comédiens jouent leur propre rôle, l'oncle raisonne souvent le plus jeune qui se réfugie dans ses représentations narcissiques, lesquelles virent au grand n'importe quoi. Les deux se tiennent en respect au bout de leurs anicroches... L'écho rencontré chez le spectateur est bien ce tiraillement entre l'art, vecteur de rêve (ou le virtuel en général) et la rudesse de ceux qui affrontent les aspérités du quotidien. La dernière partie ternit l'ensemble. Non seulement on est déçu parce qu'on peine à rester éveillé(e) (est-ce dû aux scènes théâtrales trop creuses ?) mais on souffre de ce que le plus âgé, avec son sens des réalités pures et dures, ses anecdotes de terrain (ce corps à corps avec les plantigrades !) reste beaucoup plus digne d'intérêt que son fanfaron de neveu.
  • CHASSE FERMEE (2012)
    Note : 18/20
    Prix du Jury Univerciné Allemand 2013 au Katorza de Nantes. Une belle histoire ! Des personnages en or... Le mari proche du sanglier, l'épouse qu'on croirait extraite d'un tableau de Georges de La Tour, le Juif candide et ennemi numéro un. Pour cadre, l'épaisseur des bois, quelques fusils de chasse aux abords de cette grosse maison où l'on s'isole ou s'épie, une taverne où se lâchent les copains, un vélo qu'on enfourche... Il faut aider la nature, on mène bien la vache au taureau si nécessaire, soit...Des attitudes, des mots tranchants au bout des silences. Dans ce microcosme de la Forêt Noire, suspense, Emma et ses deux hommes, gros plans sur les traits, attendrissement, puis gestes ulcérés. Délicieux comme la réalisatrice pousse le bouchon... Je n'ai pu m'empêcher de penser à "Ander" de l'Espagnol Roberto Caston, même cocasserie de situation, même émotion qui pousse chacun dans ses retranchements avec, ici, l'inexorable sablier décidant de l'heure des héritiers. L'idée de ramener au présent cet épisode datant du nazisme est louable sauf que je comprends mal le choix des acteurs qui a pu être fait au plan physique. Ils sont si peu ressemblants aux "originaux" ! Si l'introduction (l'ado cherchant son père biologique) arrive à s'incorporer au flash-back, l'issue (retour en Israël) est instructive mais mal incarnée. Du coup, le trio de départ seul reste en mémoire.
  • PAPADOPOULOS AND SONS (2012)
    Note : 13/20
    Univerciné Britannique Nantes 2013. A nouveau cette école du lisse caractéristique des téléfilms et de la pub ! La crise, la crise, langage de la bonne presse. Veuf millionnaire déchu et blonde business woman, enfant binoclard complice du tonton de retour, on les voit venir à des kilomètres... Bande-son et caméra omniprésente dans les coins et recoins, action mastiquée, aucune place pour l'imagination. Parfois un petit rire, "se faire plaisir", la philosophie des temps présents. C'est quand même une suite de figures imposées une nouvelle fois, tendance lourde du cinéma britannique contemporain ?... Des acteurs principaux très mannequins par rapport aux rôles secondaires mieux campés. Beaucoup de balayages de caméra, des gros plans hyper expressifs, avant d'en arriver à la voiture au milieu de rien avec les deux frères, le must du film. Suivi du "hello goodbye" hospitalier, assez étrange... Deux séquences qu'on croirait extirpées d'un film plus abouti. Car en dehors des infos bancaires, immobilières très accessibles à toute la famille, l'agitation et les questions pratiques font un ronron bavard, meublent. Débarquent pêle-mêle le son cristallin de la musique apparentée à Théodorakis, l'album photo, le renoncement au kébab, les danses issues de l'actualité réelle. Tous se voulant l'hommage britannique au peuple grec ou autres sacrifiés de la finance. Le glamour en moins peut-être !
  • THE HAPPY LANDS (2012)
    Note : 19/20
    Univerciné Britannique Nantes 2013. Oeuvre majeure rencontrant compréhensible réticence... Le synopsis rebute si l'on néglige de regarder la vidéo correspondante, laquelle s'avère reconstitution historique des plus agréables à suivre. On n'est jamais déçu lors de la projection tant, au niveau culture générale, c'est d'exceptionnelle qualité. Scénario, son, image, tout accroche et sans baisse de régime. Pour peu que l'on parvienne, à notre époque du "tout numérique et du tout positif" à vouloir apprendre de l'histoire au lieu de se contenter de nos manuels incomplets, des productions littéraires ou cinématographiques édulcorées et autres miroirs aux alouettes. Indispensable sortie du chloroforme... Il s'agit bien de la violence sournoise amenant les aberrations comportementales, l'hystérie collective, les divisions, boucs-émissaires, tout ce qui conduit aux extrémismes et à la barbarie... La spirale à l'origine des pires chaos de l'humanité. Mais traitée objectivement. Regard humaniste derrière la caméra, des moments heureux, cette solidarité non feinte des effondrements, quand les meilleurs du lot s'illustrent. La manière de filmer dans le genre poético-réaliste du réalisateur ménage le public beaucoup plus que notre sordide actualité. Ce pan de l'histoire écossaise (peut-être un peu didactique parfois, c'est là son moindre défaut) entre dans les consciences des spectateurs qui ont pris la peine de s'y pencher en laissant sa marque... Témoignages autour de 1926, quelques bribes d'analyse par des contemporains, un tour complet du sujet, évident parallèle avec notre monde actuel, en quelque sorte une mise en garde !
  • LA VIE D'ADÈLE (2012)
    Note : 14/20
    Sans avoir lu la bande dessinée, ce film me laisse convaincue sur le fond et très dubitative sur la forme, plus tout ce qui a pu filtrer des conditions de tournage. Déjà "La graine et le mulet", j'avais trouvé complaisant côté chair, la danseuse du ventre en action pour meubler l'issue me gênait. Toujours le même travers cette fois, on assiste à une joute des corps bien trop longue et trop appuyée pour ce que le récit veut exprimer, cette descente aux enfers des ruptures quand les sens ont trop primé sur la jugeote. On a compris, nul besoin de tant de plans pour libidineux ou détraqués alors qu'il existe des sites dédiés pour se claquer sur les fesses !... Horribles soupirs qu'on croirait des râles d'agonie tant ils auraient mérité d'être couverts par un fond sonore quelconque ! D'un goût douteux aussi cette bouche ouverte aux quatre vents, ce nez qui coule ! Beaucoup trop long ! Et une version encore plus étirée existerait bientôt ? Pitié ! Quelques coupures rehausseraient l'ensemble car pour ce qui est de faire partager les symptômes des différences de classes, le ravin culturel entre les deux demoiselles, la progression de l'intrigue, la reconstruction laborieuse, c'est très bien vu.
  • DIPLOMATIE (2012)
    Note : 19/20
    19,5/20 : Théâtre filmé, partie d'échecs, pure invention, déjà la pièce de Cyril Gély faisait jaser, alors le film avec son hôtel mythique, ce général von Choltitz (Niels Arestrup) au téléphone, qui tourne et vire... Il faut bien l'observer cependant... Attendre une certaine porte d'où jaillit le Consul de Suède Nordling (André Dussolier) dont on se demande comment il n'a pas été liquidé tout de suite. Les deux en présence, tout change. La mise en scène, l'interprétation, les dialogues, la caméra passe de l'un à l'autre et on se dit que ça va d'abord "chauffer". D'un bord, une montée d'hystérie rendant caricature de soi-même (les soldats !), de l'autre, une tractation surréaliste de prime abord, sauf que ça démange d'y croire. Paris, sa population, ses chats, ses chiens, ses monuments, une ville indestructible (rien n'interdisant de penser à Hiroshima et Nagasaki, ces deux désastres bien réels). Ainsi, le 25 août 1944 parisien se serait limité à un cessez-le-feu, à une décision personnelle d'un général, peu importe puisque les alliés y entraient... L'adaptation cinématographique (comme la pièce) a beau sembler hasardeuse aux spécialistes de l'Histoire, ses personnages croustillants en font un vrai cours. Et puis s'ajoute cette diplomatie, ce qu'on n'aurait pas osé imaginer face aux SS... Autre point fort, l'occasion de méditer sur l'effrayant "les enfants des autres ou les miens" qui reprend du service dans les sociétés en sévère régression !
  • ITALIAN MOVIES (2012)
    Note : 15/20
    . Vu dans le cadre Univerciné Italien Nantes 2014. Le climat est très accrocheur avec ces enfants espiègles dès l'introduction, des personnages nombreux, dont l'un à contre-emploi par rapport aux usages (Eriq Ebouaney). Une infinité de contrastes, de l'action, de l'injustice, de la vie. Et puis ça se gâte un peu. En tout cas si on évite les séries télé et les albums photos complaisamment brandis à la vue de tous... Après l'audace fracassante du début, on peut donc languir, déplorer que l'emprunt du matériel de tournage cause autant de diversions meublant plus qu'elles ne produisent. Hormis quelques instants plaisants vite oubliés, reste alors un petit couple filmé avec un soin particulier, chacun dans leur coin ou à deux, symbole de toute la rugosité d'univers interdits de fréquentation... Un homme et une femme attirés mais entravés non stop... en attendant le boomerang des patrons, qui arrive bel et bien !
  • NEBRASKA (2012)
    Note : 18/20
    Les réfractaires voyant débarquer ces contrées perdues sur écran large et fixe, se diront "mortel"... Et mettront en veille ce cinéaste qui s'amuse ferme derrière ses acteurs, des silhouettes étasuniennes lourdingues autour du visage Ô combien naturel du supposé millionnaire (qui plus est, récompensé par la profession) ! Par contre les adeptes d'humour pince-sans-rire seront à la fête, de plain-pied dans le vide sidéral de cet environnement-là, entre bière et ragots autour du sexe, même le plus catholique. Obésité, amabilité et coups de poignard dans le dos, silences gênés ou non dits, signes de ralliement inattendus ... A déplorer juste quelques longueurs avant le fin mot, et encore... Pour le reste, notre quotidien contemporain hors balises y défile, le plus cru, le plus immonde. Sans maquillage pour finir... Et alors ? Le miracle est qu'on en sort guillerets, imprégnés de la démarche du patriarche, d'inquiétante à hilarante pour la postérité !
  • MEDIANERAS (2011)
    Note : 16/20
    La paisible voix off embarque avec son "un homme est à l'image d'une ville et une ville à l'image de ses habitants". Promoteurs, architectes, magnats de l'immobilier, le peuple est ici calqué sur vos desiderata (de Buenos Aires à Shanghaï...). Très belle facture globale, lente, ironique et décontractée. On y trouve une collection de petites scènes intimistes au réveil désenchanté dont quelques bribes fort instructives (la piscine). On est illuminé par la splendide Pilar Lopez de Ayala. Le réalisateur de 46 ans joue sur l'esthétisme, amer, gentil, convenu... La fausse note est bien cette chansonnette You Tube en anglais, une boursouflure inutile après ce face-à-face électrique qui laissait les imaginations travailler un peu !
  • TOMBOY (2011)
    Note : 16/20
    La jeune actrice Zoé Héran rappellerait presque Bjorn Andressen dans "Mort à Venise" de Visconti. Même androgynie troublante, même gracilité, même impression de renfermer les deux sexes en un. On a envie d'arrêter les pendules car peu importe qu'elle ait dix ans et un sexe de fille, on dirait un mutant dans le bon sens du terme. Plus que les bagarres avec le groupe d'enfants voisins (elles auraient mérité un fond musical plutôt que ce brouhaha), beaucoup plus que l'idylle avec la jeune Lisa (Jeanne Disson) qui fait presque passage obligé, c'est le tandem formé avec la petite soeur (Malonn Levana) qui délivre le plus croustillant si on tend l'oreille sans faiblir. Père compréhensif, mère bien dans l'ordre des choses, un peu ch... avec sa robe bleue imposée... Fichtre, que le nourrisson fait drôlement vieux comparé à ses deux soeurs !
  • LE GAMIN AU VELO (2011)
    Note : 18/20
    Avec sa gueule de chat de gouttière plus le film avance, le p'tit gars suivi à la trace par une caméra portée ne lâche rien. Occasion pour les Frères Dardenne d'une ascension faite de rencontres trop pressantes pour être fiables, ou sincères plus que pressenti car bâties au jour le jour. Les petits coups de violon soulignent les étapes (dont une dans la voiture devrait conquérir les plus récalcitrants aux films dits sociaux). Malgré le titre qui fait banal, on devient vite ce gosse cavalant partout. Et ensuite on le piste à vélo, à toute bringue et sous tous les angles. Grande vitalité que ce parcours ! Cécile de France semble une autre personne comparée à ses débuts, posée, comme imprégnée du maintien d'Eastwood. Jérémie Rénier représente en plein ce que les pères du hasard ont du mal à s'avouer à eux-mêmes, alors à la société... Quant au petit acteur (Thomas Doret), beaucoup d'enfants au fond du trou vont se reconnaître en lui. Vivement qu'on retrouve sa petite bouille entêtée, cette voix de battant qui exige de trouver sa place puisqu'il a été mis sur terre !
  • OU VA LA NUIT (2011)
    Note : 17/20
    Tout de suite c'est à qui tuera l'autre dans ce couple, quelques spectateurs peuvent reculer... A moins que la sale binette du mari suffise à emboîter le pas à Rose (Yolande Moreau) pour son goût de la vie intact, ces embellies dont elle sait profiter (fréquent chez les femmes battues). On gomme l'escalade qu'elle a acceptée, ses fuites de petite souris qui ne veut pas le savoir. Les voitures se croisant en tous sens à plusieurs reprises comptent beaucoup dans la mise en scène de Martin Provost. Un peu de mal à raccorder les liens entre le fiston, l'inspecteur et le journaliste...Aux meilleurs moments, c'est comme une adaptation à l'écran de Simenon en un peu plus brouillon au plan de l'enquête. Dommage que ça manque un peu de flamboyance en dehors de l'actrice principale qu'on va voir comme une super copine qui vous regonfle à bloc.
  • UNE SÉPARATION (2011)
    Note : 17/20
    Contrairement à l'intensité du précédent "A propos d'Elly", pas de choc qui saisit mais des conflits "par le petit bout de la lorgnette" si jamais on oublie qu'il s'agit d'une vision de l'Iran contemporain. Asghar Farhadi met en scène deux femmes au visage de madone dans leur débrouille personnelle (voile étendu à la fillette !), sauf que les maris ne restent pas les machos de départ. Chacun biaise à sa manière, le regard de la jeunesse en dit long... La censure est toujours habilement contournée, modernité de surface, l'uniforme avec le sac à dos... Un alzheimer crée certes la zizanie, un médiateur affable joue son rôle, mais pour peu qu'on jure sur le Coran, patatras (et pourtant nous avons nous aussi occidentaux nos blocages collectifs idiots à bien des égards). Filmé de manière alerte et des plus habiles malgré une impression de piétinement, il y a des gros plans sur les moments cruciaux et des moments de castagne ne débordant jamais sur la foire d'empoigne gratuite. Manquerait juste un flash-back sur l'escalier... Garder les lunettes de l'ado Termeh (Sarina Farhadi) comme boussole en pensant aux 60 % de jeunes iraniens peut également avoir son intérêt.
  • PATER (2011)
    Note : 19/20
    Rassurants planchers qui craquent autour des dégustations de truffes, adorable félin ignorant du Cac40, cravates douces comme la peau d'Inès... Avec un faux cérémonial de gentlemen loin d'être dans la dèche, des hommes rien que des hommes sabrent nos enjeux électoraux actuels sur le mode candide : on dirait qu'on aurait un président et son premier ministre soucieux de limiter les hauts salaires... La base du discours qui s'autorise ensuite à balayer large. Un peu de patience s'impose quant à la forme du film, des petites scènes indépendantes très soignées réclamant indulgence pour quelques digressions qu'on comprendra moins bien. Qu'importe, à force de découvrir sur écran les audaces qu'on gardait tapies au fond de soi tant notre prochain est devenu frileux, le tandem Cavalier Lindon (ce dernier avec tous ses tics intacts !) inciterait les foules à s'enhardir. Non que les deux compères gomment les travers que tout haut pouvoir ramène à la surface ni le vieillissement ravageur tant redouté des politiques... Leur point fort est d'appuyer sur la fraternité humaine de tous temps à l'origine des réveils de masses. Ouste le "no alternative" actuel bouchant l'horizon et effaçant l'histoire. Et pas plus "vous me réciterez trois pater et deux ave"... De l'audace pour les prochaines présidentielles !
  • MELANCHOLIA (2011)
    Note : 19/20
    D'ordinaire, j'évite Lars Von Trier par instinct de conservation. Mais cette prédation cosmique attire. Des mariés patinant dans leur voiture avec force bisouilles, tandis que la petite étoile rougeoie, bientôt boule bleue géante et perturbante avec son souffle menaçant, ça promet... Des embourbés au ralenti dans leur dernière occupation, de bons uppercuts sur les convenances et le pouvoir en roue libre. Des dames exultent. La science masculine prend une claque. Très peu de soufre, la petite phrase de la mère, ou la mariée qui se fait la malle, le foin aussi posé sur le cadavre dans l'écurie. Du réalisme mixé à du fantastique fait que c'est proche. Ces gens nous ressemblent, ressemblent à ceux que nous côtoyons sauf le garçonnet emprunté à Tarkovski dans "Le Sacrifice". "Impossible de se cacher" dit-il. Le trash auquel les personnages arrive est acceptable puisqu'ils sont condamnés. On peut aussi visualiser sa propre mort à travers ce film. Ou y trouver une allusion aux tsunamis, éruptions volcaniques, Fukushima, et autres réalités apocalyptiques peut-être lointaines mais néanmoins réelles. Le rire s'invite pour certains sur les derniers plans, tellement ils ont l'impression de se faire absorber pour de vrai. On sort de la salle bien sonné. Bref coup de blues ensuite (en regard de l'actualité) duquel retenir, après sommeil, l'image des deux planètes... à deux doigts de s'embrasser. Un merveilleux malheur. Ouf, c'est une fiction tout de même. Et déjà un classique !
  • MICHEL PETRUCCIANI (2011)
    Note : 18/20
    Excellent documentaire qui replace le personnage de Michel Petrucciani. Le plongeon dans son passé aide à comprendre ce miracle de la volonté (alignant plus de 200 concerts annuels d'affilée quelque temps avant de se résigner à sombrer, exténué, à 36 ans...). Les extraits de concerts vont crescendo, c'est de plus en plus émouvant, jamais tire-larmes... La caméra s'accroche au jeu des deux mains dont les os plus légers que la normale auraient permis cette prestidigitation aux claviers. Porté comme un enfant par son entourage, célébré partout jusque chez le pape, le prodige, travailleur acharné pour gommer ses misères internes, avoue avoir d'abord été stimulé par les touches du piano qu'il prenait pour des dents rigolardes. Il commettait aussi de petites méchancetés et de sérieux écarts, autant de coups d'accélérateur pour accomplir ses rêves dans une existence d'avance périlleuse. Une certaine exemplarité au bout du compte, impression renforcée par les images finales, d'une élégance qui désarme.
  • TU SERAS MON FILS (2011)
    Note : 18/20
    Jusqu'au cou dans le vin mais ambiance tendue à cause d'une gêne lancinante, qu'on devine due à une fêlure du pater noster trônant entre vignes et cave. Un patriarche bien séduisant quoique venimeux comme un mauvais commercial. Quand un pervers narcissique achète son monde, les attitudes peuvent varier, charmer, susciter l'admiration ! Des situations très habilement amenées (tout à fait plausibles pour qui sait de quelles haines recuites une famille est capable) jusqu'à la faille, le ras le bol, ici venu de là où on n'osait l'attendre. On passe un excellent moment global avec ces magnifiques comédiens qui se mesurent. En musique de fond, quelques mots bleus du regretté Bashung... A noter aussi que, pour une fois, le spectateur se paie un brin de sadisme offert sur un plateau par le cinéaste, c'est trop d'honneur !
  • APRÈS LE SUD (2011)
    Note : 17/20
    Tout le monde devine le style de tragédie mais, pour une fois, le synopsis n'en dit pas trop, impossible par exemple de deviner la boursouflure de l'issue (principale faiblesse de cette suite d'angles autour du fait divers). Un film aux allures quasi documentaires qui aide les forçats des temps que nous vivons à apprécier la minute, voire à deviner quand ça sent le roussi (la spectaculaire crise d'asthme !). La facture est soignée, les pros de la technique devraient admirer le montage du parfait étudiant en cinéma. Les hyperactifs hyper confiants hausseront les épaules en revanche, pas concernés par les petites misères de ces marginaux que restent, pour le citoyen lambda, les inadaptés de nos cités : une grosse dame boulimique, une caissière de supermarché tout juste aimable, un jeune Italien qui boîte, un vieux méticuleux qui vénère Mozart.
  • L'EXERCICE DE L'ÉTAT (2011)
    Note : 18/20
    Selon le regard porté sur les personnalités politiques, le spectateur adhèrera ou rejettera cette intrusion de Pierre Schoeller dans le monde entrepreneurial des gouvernants français. Là où il faut s'allier ou se renier, le fameux "avaler son chapeau", se positionner donc, toujours rebondir, du moins en avoir l'air. La solitude est exclue, la fuite vaut désertion sur le champ de bataille. S'impose un refuge affectif solide. Tel est la vision du cinéaste qui effleure à peine l'égrillard, merci, cela nous fait des vacances... Le ministre coaché par sa gardienne anti dérapage verbal fait penser à nombre d'esclaves du business pressés ou statiques comme sphinx au contraire. Ici englués dans la grande famille de collègues-rivaux, chacun rêvant que son nom entre dans l'histoire. Petit détail que l'électorat, le baromètre qui rend la mission noble. Ces champions sont flanqués de femmes dont aucune ne saurait les dépasser dans le marigot... Et voilà qu'on bifurque sur une autoroute en construction, le film pouvait s'arrêter net, laissant une forme de fraternité pulvériser cette frénésie. Eh bien non, les parapheurs sont déjà à signer. Une forme de guerre en somme !
  • ENTRE VOISINS (2011)
    Note : 18/20
    Cycle allemand Univerciné Nantes 2011... Voici un thriller d'apparence soft et faussement froid avec ses plans comme passés au crayon gris. La chaleur dans les dialogues, toute une palette de subtilités dans les situations, petits signes, émotions réprimées, d'une infinie délicatesse. Un décor planté en deux coups de cuillère à pot pourtant sur une musique feutrée qui part comme une bobine qu'on ne retient plus. Cet effet d'alerte fait mouche, on retient son souffle en se demandant jusqu'où ils vont s'engluer, je pense à cette accélération en kayak... Un tandem délectable que ces deux voisins finalement, le Berlinois qui vient de signer avec la presse locale coincé par l'infirmier collectionneur de miniatures guerrières. A vous dégoûter d'aller frapper à la porte d'à-côté en débarquant dans l'inconnu. Un encouragement à écouter sa petite voix intérieure insistante en revanche. Il ressort de cette histoire un débat possible mais une morale imparable... Avec les ingrédients classiques du polar, une femme entre deux copains, ici deux blondes à tour de rôle. On peut dire qu'on a eu chaud avant de deviner lequel s'en tirera doté d'un lien plus fort que tout !
  • MICHAEL (2011)
    Note : 18/20
    Projeté à Univerciné Nantes 2011 cette merveille sur un sujet scabreux... que la sordide actualité peut faire fuir comme la peste. Cette horreur aux allures de documentaire, en plus qu'on la suit sans en être déshonoré, donne une idée de la relation de deux individus dont l'un détient pouvoir absolu sur l'autre (évidemment, on pense à cette jeune Autrichienne séquestrée pendant des années). Le premier "viens" avec cette porte capitonnée ouvrant sur un noir d'encre glace les sangs, quoique sortir de la salle ne viendrait pas à l'esprit parce qu'on est déjà accroché tant c'est bien amené. Captivant jeu des deux acteurs face à face. L'asphyxie devrait donc ouvrir sur un espace de réflexion... Et on n'est pas déçu ! Le quotidien de ce couple insolite, fait de rivalité, de haine bien franche, implique une dualité pour le ménage, les repas, le jeu, le troublant rapport d'affection entre un bourreau et sa victime, la loi bien connue des otages... L'adulte borderline avec sa manie d'un enfant à chosifier, en plus de pulsions inquiétantes (aller creuser un trou dans les bois !) a aussi ses quarts d'heure de pitre... Il n'en demeure pas moins sociable, piètre skieur de fond, repasseur émérite et assureur zélé. Avec des larmes lui aussi à ses heures... Quant au petit, il subit longtemps et quand il se rebiffe ça fait mal !
  • TRAITRE A LA PATRIE (2011)
    Note : 16/20
    Univerciné allemand Nantes 2011... Paul Gratzik ramant en eaux limpides redoute d'être "asticoté" par Ann, la réalisatrice. Il s'empresse d'évoquer la complexité de l'histoire allemande... Larmes aux yeux, elle tente d'apprivoiser le vieux bougon qui vit sous le seuil de pauvreté dans une maison en rase campagne aux hivers rudes. Après quelques petits verres se profile le parcours vers les machiavéliques sommets. On visualise la mère et ses enfants rejetés par la société allemande pendant la guerre. De va-nu-pied, Paul se change en beau gaillard de type tzigane brûlant de faire ses preuves dans une structure solide. S'intercalent les témoins de son parcours parmi les peintures veloutées de Leif Heanzo, à retenir les rhododendrons dans une baignoire ... Une de ses compagnes mentionne "des millions de morts causées par les tempéraments abrutis comme celui-là". La Stasi abusant de la séparation entre mission d'Etat et vie privée "infiltrait" la quasi intégralité des milieux. Ce qui fait se demander si l'intéressé était vraiment pieds et poings liés jusqu'en 1989 où il jeta l'éponge tandis que le Mur tombait, enfin, c'est ce qui est sous-entendu et semblerait encore controversé si l'on en juge par le titre du film... De même sa phrase "les traîtres souffrent aussi" touchante mais qui ne saurait, pour les populations écrasées, absoudre les tyrans des régimes extrêmes.
  • SUR LA PLANCHE (2011)
    Note : 16/20
    Festival des Trois Continents nantais 2011. Un film tourné avec fougue dont il se détache une "envie de dire" qui force l'admiration. Alors on suit ces jeunes filles en se fourrant dans la tête que la débrouille dans cette zone franche de Tanger doit être faite de ces vertiges-là. Actrices touchantes dans leur contraste volontaire, chacune jouant sa partition dans l'affrontement sans saliver de ce que l'autre soit plus ceci ou plus cela. D'une certaine manière toutes les quatre sont logées à la même enseigne, de la plus plastique à la plus garçonne en passant par celle qui s'affranchit jusqu'à ne plus savoir où se positionner. Dans la survie où culture et racines brillent par leur absence, elles jouent de leur personne en forçant le trait comme pour encore ressentir quelque chose. Peut-être justement est-ce un peu trop appuyé, avec des redondances où on frôle l'ennui avant la scène décisive ? On est plus dans le respect que dans l'émotion véritable.
  • L'AMOUR ET RIEN D'AUTRE (2011)
    Note : 17/20
    Projeté en ouverture Univerciné allemand Nantes 2011. C'est amené à l'image avec tellement d'élégance qu'on admet que cette jeune femme-là, précisément, remonte en selle comme après une chute de cheval. Un peu trop mère pour son mari Paul, tendresse perceptible mais malaise confirmé par ce mot maladroit d'un copain lors d'une soirée arrosée jetant un froid... Incrédulité, colères, prostration, c'est toute la jeunesse qui explose son refus du pire, à l'âge où on aime l'amour (ces jolies scènes érotiques comme dupliquées d'un partenaire à l'autre). Surprise d'en savoir aussi peu sur le mari cachotier et sur cette muse aussi fantôme avec son catalogue. Heureusement, les non dits qui comptent éclatent en gros plans sur les visages (Georg devinant le désespoir sous l'allure entreprenante). Temps exceptionnels de ce film côté interprétation, la méga colère de Martha (Sandra Hüller) pour un coup de fil suspect et "la chemise" !
  • PETITE AFGANISTAN (2011)
    Note : 19/20
    Projeté au 33ème Festival des Trois Continents Nantais 2011, après 4 autres courts davantage sur le mode réaliste, ce documentaire débarque comme un enchantement avec sa voix off de conteur, son raffinement à l'image, dont cette calèche sur le pont, ses chevaux faussement carnavalesques... Les paroles crues émaillées de jurons très dans l'air du temps même en occident laisseraient supposer un brin de surjeu pour la caméra de la part des autochtones, quoique cela apporte une note presque burlesque du fait que le malheur extrême fait renaître entraide et l'humour du désespoir... Les courses folles des montures traînant leur chargement comme des condamnées à court terme font maudire les taxis, ces bouffeurs de pétrole inaccessibles aux démunis... Habile reportage à la lisière du fantastique à partir d'atroces réalités, cruel sous ses dehors aimables (la raclée du cheval !) et cette chaussure rouge qui reste tanguer dans les flaques boueuses comme dans la mémoire des spectateurs conquis par ces trente minutes cinématographiques éblouissantes.
  • PERMIS DE CONDUIRE (2011)
    Note : 16/20
    Projeté au 33ème Festival des Trois Continents Nantais 2011 parmi d'autres courts réalisés par les étudiants de l'Atelier Varan : ici l'art d'une jeune femme instruite de braver les pouvoirs mâles éduqués pour l'évincer. Ce qui fait espérer en des jours moins barbares, l'attitude des jeunes hommes qui vont embaucher la jeune candidate au permis, une petite gêne reproduisant la hantise de la concurrence féminine aux mâles entreprises, c'est mieux qu'un silence masculin entendu et certainement pas pire que ce qu'on entend aux terrasses de bars français lorsqu'une créature fait saliver. Ce qui gêne en revanche est qu'on ne sache trop si les badauds applaudissent par fascination pour la caméra ou la jeune femme ou si c'est l'habitude qu'il y ait un public lors de l'examen de passage, examen admirablement tourné en dérision si l'on s'en tient aux manoeuvres filmées !
  • KABOUL AMBULANCE (2011)
    Note : 16/20
    Projeté au 33ème festival des Trois Continents Nantais 2011 parmi d'autres courts réalisés par les étudiants de l'Atelier Varan : le délabrement hospitalier afghan et sa bureaucratisation puissance mille par rapport à la situation française 2011, soit un slalom nocturne à travers les rues défoncées de Kaboul pour dénicher un patient, cette roue de l'ambulance à changer en cours de trajet dans la pénombre en plus de la tracasserie d'aller à l'aveuglette et de revenir presque au feeling tant il fait noir. Un aperçu des équipes de soignants en pause permet aussi de découvrir l'éternelle quête de lits "ouverts" et quelle opération se fait dans telle unité de soins ou telle autre... Plus le témoignage de ce père rongé d'avoir cru vivant son fils immobile traversé par une meurtrière étincelle. De quoi imaginer ce que guerre au quotidien veut dire pour une population pas prête d'avoir la paix.
  • MISS BALA (2011)
    Note : 17/20
    Projeté au Festival des Trois Continents nantais 2011. La violence infligée à la population mexicaine d'aujourd'hui concentrée dans une jeune fille volontaire mais qui à la la méfiance encore endormie. C'est terrifiant sur le fond. Inégal à l'image à cause de scènes un peu trop bout à bout. D'abord arrive une espèce de Charles Bronson modèle réduit à voix douce, sourire félin et biftons baladeurs. Il joue avec divers intervenants les frères ennemis dans le style raffiné des psychopathes (allusion aux cartels de drogue, aux tyrans d'Amérique Latine, cela peut s'étendre à des degrés variables à toutes les nébuleuses contemporaines, rien n'empêchant d'y voir en germe la finance actuelle et les Etats). La démonstration s'avère brillantissime (cette scène du premier traquenard !), on est plongés dans ce double jeu et on a les chiffres ahurissants, les sous et les morts, un style rappelant "Même la Pluie" du producteur exécutif associé Gabriel Garcia Bernal. Seul baume, voir aller et venir cette jolie brune prise en tenaille, elle et ses proches. Dommage que, pire que l'actualité pure et dure, le réalisateur en reste aux clichés bestiaux bien virils et bien plombants au lieu de raffiner dans la malice sentimentale. Résultat, on sort de la salle un peu trop sur le flanc.
  • PEOPLE MOUNTAIN PEOPLE SEA (2011)
    Note : 19/20
    Montgolfière d'Argent du 33ème Festival des 3 Continents nantais 2011... Titre du film déroutant, lenteur calculée jamais gratuite bien qu'elle puisse peser si on refuse la chape s'installant sur les épaules et qui ne sera enlevée que bien plus tard. Il faut donc ajuster ses lorgnons une fois passé le double choc à moto pour être certain(e) de bien reconnaître les gueules, surtout quand elles sont noires de suie. Et ensuite on est happé si on tient le coup. La bande-son rappelle le cri de guerre d'un certain western spaghetti. Certes c'est noir mais reconnaissons que c'est beau en plus que d'être une histoire simple. Le tout est ahurissant et à lectures infinies...Plans ultra larges façon far-west, travellings alertes en guise d'approche, plans plus serrés avant les escarmouches et... les mouches volent dans la salle d'où nul ne sort. Sans la fumée de cigarette et l'usage du portable sur l'écran, ces personnages communiquant comme des bêtes sauvages ramèneraient à la préhistoire tant les autorités sont réduites à néant : foin de l'ordre, des lois. Seul compte l'instinct de survie, les petits arrangements sordides tout juste rattrapés par les caprices de la nature. L'atroce mondialisation à venir si aucun renversement de situation n'intervient. Même si ce peuple est particulièrement conditionné à une misère indicible depuis la nuit des temps, attention, il n'y a pas qu'en Chine.
  • HONEY PUPU (2011)
    Note : 15/20
    Projeté au Festival des 3 Continents 2011. Irréprochable au plan technique et toujours agréable pour les yeux et les oreilles, même si la constante mécanisation fait soupirer. Comme c'est classé "science-fiction", chacun(e) a envie, dans cette bulle de publicités, de décrypter quelque chose d'universel. La sophistication des plans amenés en vrac font très Wong Kar Waï. Pas vraiment de scénario, des scènes bout à bout, des images léchées, jamais rien de sordide (pas de tabac, pas de drogues hormis l'addiction aux robots). De là à trouver "du fond" dans cette envolée onirique, une métaphysique façon Tarkovski ou Kubrick, sans doute que non. On est davantage dans la philosophie de la bande-annonce "The Tree of life" de Malick. Par exemple, "les abeilles disparaissent", notoire, mais affirmer "on ne retrouve jamais leurs corps", le frelon asiatique impliqué pour partie ou pas, resterait à démontrer... Quelques bons moments débouchent sur un nihilisme adolescent bien racoleur, un peu dommage... Ce qui rallie finalement est le thème de la disparition, un fléau contemporain qui tracasse tout individu encore capable de penser. Le saccage délibéré du passé dû à la "mondialisation" uniformisante, l'évaporation d'êtres sans explication ni traces, une gadgétisation, une tricherie telles que l'on ne saurait plus qui l'on est.
  • LES NEIGES DU KILIMANDJARO (2011)
    Note : 18/20
    Plaisir immense que ce grand soleil sur des quinquagénaires moyens et leur manière de se dépatouiller d'un choc inattendu, inexcusable et pourtant aménageable dans ses répercussions. L'ambiance peut agacer, il s'agit de méridionaux aux promptes émotions... Les anciens angéliques face aux paumés, une trentenaire pas mère pour un sou, son fiston qui transgresse... Davantage que bouter les étrangers hors de France, ce serait donc à l'intérieur de notre société que le danger couve à cause du grand écart entre les conditions matérielles de la génération poussée vers la retraite et la nouvelle, nue comme au premier jour, avide, irréfléchie dans son obsession à voir des bourgeois dans d'honnêtes gens d'une époque plus faste. Des innocents font les frais de cette cassure, obligeant à avoir une petite pensée pour leur sort à eux... et qui peut être vu d'un autre oeil que celui qu'on pose sur leurs parents ! On est au cinéma, univers fictif pour distraire et faire réfléchir à nos lendemains plombés par des gestionnaires sans coeur. Merci à Robert Guédiguian de démontrer qu'il suffit d'oser montrer aux spectateurs ce qui paraît incongru pour que l'avenir reste un mot prononçable.
  • CARNAGE (2011)
    Note : 18/20
    D'aucuns voient dans ce huis-clos un reflet de misanthropie liée au vécu récent du cinéaste... J'y ai trouvé l'humain appelé à négocier en territoire personnel dans le monde vachard d'aujourd'hui et avec l'éducation reçue... Une rencontre d'abord policée et, à la faveur d'un point de détail, la bride soudain lâchée. Cette longue conversation déballant savoir-vivre de base et petits incidents de la nature prend son temps malgré sa durée globale de seulement 1h20. Assis, debout, en palabres près de l'ascenseur, ces deux couples font penser à un combat de coqs lent à démarrer. Le ton finit quand même par monter, le portable et ces livres arrosés ça suffit... Ces dames décrètent qu'on n'égratignera pas plus leurs rejetons tandis que pavoisent les hommes whisky à la main. Du théâtre d'appartement. J'ai souri longtemps, médusée, et finalement ri beaucoup plus que prévu. D'une histoire toute simple émergent face visible et face cachée de l'individu, centré sur lui-même en droit fil des usages de génération en génération et pas près de changer. Divine interprétation du quatuor qui s'éclate dans les dialogues ciselés ! Si cynisme il y a, le spectateur est invité à déduire ce qu'il veut, précieux par les temps qui courent.
  • LE HAVRE (2011)
    Note : 18/20
    Carlos Gardel, Little Bob arraché des oubliettes sur scène, une robe empaquetée avec méthode, des petits bouquets d'amoureux appliqué, Monet de la police judiciaire ou le taxi 403, Laika, le fantôme canin revenu de l'espace, on n'en finirait pas d'énumérer les petits charmes du Havre façon Aki Kaurismäki... Un défilé de tableaux savamment cadrés pour filmer la débrouille des pauvres qui pensent encore. Et pourtant les intervenants, qu'on sent pleins d'estime mutuelle, affichent la rudesse du nord. On jurerait le cinéma d'avant (Chaplin, Bresson, Tati, peut-être même Lubitsch pour la malice de fond). L'univers du réalisateur se partage immédiatement dans cette histoire. Les personnages se toisent bien franchement dans un langage productif tout en collant à leur fonction (la cafetière qui sert et ressert à boire tout en conversant...), hommage aux petits métiers où on se cause d'égal à égal, loin du Cac 40. Ces braves gens veulent continuer à vivre en composant, là où ils sont, au même titre que les déplacés d'Afrique découverts dans leurs containers souhaitent trouver un havre de paix. La légèreté ambiante ne peut faire oublier qu'il s'agit une fois encore de l'Immigration. Réduite officiellement aux chiffres chaque année en France et ailleurs aussi, de plus en plus. Et qui n'empêche pas les déplacements massifs de personnes souvent sous la menace des armes... La bonne nouvelle est que ce phénomène de société qui taraude les consciences remplit les salles de cinéma (Concorde nantais plein ce 4/02/12) !
  • LA DAME DE FER (2011)
    Note : 16/20
    Film projeté en avant-première au Katorza de Nantes dans le cadre Univerciné Britannique 2011. Approche feutrée, un peu mollassonne d'une ex poigne de fer. Meryl Streep en a assurément assimilé les tics. Les anecdotes les plus caricaturales n'effacent pas le côté timide, fadasse qu'on ressent d'emblée, sans doute parce que le film démarre avec une vieille dame un peu trop éteinte, à cent lieues d'un documentaire comportant témoignages de personnalités ayant côtoyé de près cette femme politique hors du commun. L'intérêt, outre de fournir quelques précisions biographiques, se résume aux images d'archives jalonnant les étincelles du personnage avant son éviction brutale. Cet aplomb qui fait mettre au garde-à-vous l'équipe de cravatés et chouchouter la couturière penchée sur le bouton de veste d'un bleu dur, rendrait le personnage presque sympathique sans l'excès de zèle notoire dont elle se crut tenue. On a beau s'efforcer à l'objectivité, Maggie âgée ou Maggie jeune, fille d'épiciers très attachée toute sa vie au prix du beurre, une fois cernée, peine à captiver. C'est pourtant filmé avec application, en surface équilibré avec cet époux jetant une note humoristique... Las, connaissant le tempérament de feu de la dame, les ravages de son règne, c'est un portrait assez "soft". La matière ne fait pourtant pas défaut, chacun saisit la revanche adulte suite aux moqueries des copines, la gloire de quelques années et cette mémoire soudain vacillante... Oui, peut-être pas dans cet ordre-là. Ou alors avec un oeil plus acéré.
  • SUR LE CHEMIN DU RETOUR (2011)
    Note : 18/20
    Univerciné Nantes lors du Cycle Italien 2012. Un film percutant qui méritait de remporter le prix du public. Atmosphère et musique accrocheuses, économie de paroles lors d'un petit tour dans la maison, les enfants chahutant au lit des adultes le matin, l'époux (aussi crispé que Pasolini, visage et dégaine) cachant ses ennuis professionnels à son épouse trop lisse, trop offerte aussi (Donatella Finocchiaro). Leur différence d'univers est révélée par de très courts intermèdes qui vont s'avérer précieux. Défilent de somptueuses images invitant à la béatitude plutôt qu'à la vigilance (Alberto circulant au soleil couchant par exemple). Deux intrus créent l'étau qui va serrer, serrer sans jamais faire décrocher le spectateur identifié à celui dont la mine annonçait du risque. Rien de limpide quant au sens et aux motivations des divers intervenants extérieurs, un peu comme chez David Lynch, ils sont teigneux et liés à vie, c'est la seule certitude. De curieuses ellipses à certains moments, quoique le fil central soit toujours maintenu. Vrai que la petite voiture rouge intrigue longtemps pour une issue imaginée dans le même style haletant. Et que l'enfant retrouvé pouvait d'un mot espiègle alléger les semelles de plomb qu'on a en sortant de la salle. Il ne s'agirait nullement d'une caricature mais de l'effet domino en mafia calabraise, là où éducation et culture générale brillent par leur absence !
  • PERSONNE NE PEUT ME JUGER (2011)
    Note : 16/20
    Découvert à Univerciné Cycle Italien Nantes 2012. Très habile tour de passe-passe pour forcer à convenir que l'argent n'a pas d'odeur s'il sert des causes moralement irréprochables. Ou bien comédie grinçante ? C'est toute l'ambiguïté de ce film intégrant que le coût de la vie galope et que payer ses dettes en composant avec les réalités enrichit. La dame, une vautrée sûre de ses lendemains, dégringole de son piédestal, gourde qui peut bien apprendre un peu à vivre : l'exemple interdit toute contestation. La voilà en formation sur le tas et de plus en plus sexy... C'est traité en ironisant sur les deux sexes, sans machisme sournois ni sororité pleine de fiel, au contraire, ils s'arrangent de tout, le sentiment véritable couve, dureté des temps, douleur au jour le jour font qu'on s'épaule dans une complémentarité idyllique. L'interprétation et la mise en scène, la sensualité bon enfant, tout fleure bon la chanson dans la vie faut pas s'en faire. Mais voici un partenaire trahi par ses sentiments sincères qui s'offusque. Des billets lui sont tendus à ce rabat-joie malvenu d'hésiter. Les spectateurs sont sur la sellette, soudain très partagés alors que, jusque-là, ils riaient de cette comédie inconséquente... En sortant de la salle, la jeunesse dit toujours oui puisque ce genre de débrouille dure le temps de se retourner. Les parents sous décrue financière ont déjà mille questions subsidiaires en tête, demandent à voir, imaginent leurs propres enfants ou petits-enfants demain, au train où va la mondialisation.
  • ELENA (2011)
    Note : 19/20
    Le petit jour sur les baies vitrées d'une maison confortable. Lueurs solaires qui s'amplifient aux bords du long plan fixe, un oiseau pour l'animer, on est en temps réel chez des Russes un matin parmi d'autres. L'intérieur est de bon goût, ces lames de parquets très larges, bien cirées, tout respire la maison confortable. Qu'est-ce que c'est bien de voir des gens ordinaires au cinéma, ce couple avec chacun son lit pour connaître le repos, soudé par mille petits riens, dont l'hommage gaillard quand les désaccords terrassent... Une tension, les grands rejetons. Elena, physique solide d'ex-infirmière, première levée, dernière couchée, bichonne époux, enfants et petits-enfants, son mari à fille unique et caractérielle s'avérant surtout sportif. L'environnement rend dur, nombriliste, pragmatique au possible. Du coffre au train, les billets se déplacent. Un cheval blanc à terre symbolise la fin de quelque chose, de hautes cheminées surplombent des terrains vagues où des bandes nocturnes s'appliquent mutuellement les combats des jeux vidéo. Tableau au vitriol de la Russie contemporaine que cette affiche de la mamie avec bébé au giron ! Chômage et corruption commencent à griller les cerveaux dans un sens pratique invitant à ne plus avoir de scrupules du tout. Petits calculs de survie des anciens et des nouveaux, attention à sauvegarder la respectabilité de façade. A quel point est-ce russe et exclusivement russe, hum... Possible de trouver la mise en scène un peu trop délayée, franchement ce serait le seul défaut ! La jeunesse hyperactive, les très optimistes n'y verront qu'un nouveau délire de l'âme slave tourmentée qui réalisa "Le Retour" en 2003. Les patients et les réfléchis trouveront au contraire beaucoup de sens à cette anticipation de notre société à deux vitesses.
  • JEUX D'ETE (2011)
    Note : 17/20
    Film applaudi à Univerciné Cycle italien Nantes 2012. Un banal camping estival mène vers un décor champêtre avec des enfants qu'on sent décidés à en profiter au maximum. Un univers pas très tendre. Côté adultes, une charge contre la violence paternelle à l'endroit des femmes avec à la clé le repentir, créant cette terrifiante et usante oscillation du normal au sordide, cause de troubles durables dans les jeunes cerveaux. Le lien amoureux camouflé se tisse inexorablement entre Marie et Nic dont la mère, régulièrement battue, finit par penser son mari malade. A peine a-t-elle repris souffle, bras en croix à moto avec un témoin charitable qu'elle revient, le spectateur s'inquiète sérieusement pour les lendemains... La mère de Marie, elle, se dérobe aux incessantes questions de sa fille qui l'asticote jusqu'à s'abîmer dans la vérité. Les deux familles qu'on croyait inégales en houle potentielle se rejoignent. Rien n'est laissé au hasard, ni les cavalcades dans le maïs, ni les sévices crescendo, ni le chien sacrifié. En même temps, il ressort de l'ensemble un hymne à la fugacité du temps en dépit des orages. Du camping à la cabane, les personnages ne lassent pas d'étonner, passant du ravissement à la prostration. Du fait de leur règlement de comptes qu'on interprète sans retour possible case départ, ces jeux d'été s'avèrent très profitables !
  • SCIALLA ! (2011)
    Note : 17/20
    Prix du Public à Univerciné Italien Nantes 2012. Le fait que le rôle du vieux soit tenu par Fabrizio Bentivoglio et que la porno-star soit Barbora Bobulova obligent à embarquer. Ils portent le film. C'est tout de suite efficace, très enlevé, ce qui gomme la caricature de jeune, sauvée par des scènes à scooter délicieuses, mais aux caractéristiques un peu trop convenues. Pour ce qui est du vieux prof ne reconnaissant pas une ancienne conquête en face à face à une table de café, hum, là aussi, à moins que ce soit pour renforcer le comique sous-jacent, son degré d'émotion jure avec sa myopie ! Ensuite dans la tension entre générations, toute la batterie des armes réciproques se déploie, les deux forces en présence usant de tous les codes pour arriver à l'efficacité. A noter que la gent féminine libérée de toute entrave sexuelle passe ici pour égale au partenaire puisqu'il va jusqu'à mentionner sa décrue libidinale, à saluer, c'est trop rare en ce moment ! Quelques lenteurs sur la dernière partie font croire que tout est bouclé... Erreur ! Surtout rester devant le générique dévidé à toute allure ! Il faut en guetter la toute dernière image au bout des palabres avec l'ex-étudiant tout à son affaire... Sans doute arraché de haute lutte pour ménager la sacro-sainte production ? C'est pourtant le point culminant de ce film !
  • CORPO CELESTE (2011)
    Note : 17/20
    Découvert à Univerciné Italien Nantes 2012. La scénariste-réalisatrice se glisse dans la peau d'une fillette au style proche de sa soeur Alba, actrice, on se croit en famille Rohrwacher... Un démarrage pris pour une immigration clandestine avant de s'avérer procession nocturne. La foi religieuse, sans être égratignée, renferme sa dose d'amusement. La "coach de catéchisme" (renversante Pasqualina Scuncia !) occupe les jeunes plus qu'elle ne convainc, les chats bannis de son enseignement comme au temps des bûchers... Du religieux quasi ludique jusqu'à cette chute à faire expier (très jolie scène de résistance face à la lâcheté adulte !). Les anciens enfants introvertis s'identifieront facilement à la petite inapte aux jeux du faire semblant pour faire plaisir. On n'oubliera pas ce jésus arraché du village à unique habitant et qui décide de faire la planche. Les très gros plans sur le visage, les cheveux soudain raccourcis indiquent que l'enfant revient de la béatitude. Aux spectateurs adultes de déduire, on sent la prudence sur pareil sujet, surtout ne se mettre personne à dos... La communauté où Marta a débarqué rappelle assez l'archaïsme français régional d' il y a 60 ans. Mêmes pouvoirs déclinés sans discussion. Le curé fuyant sa bonne et finalement desservi par sa confiscation des votes en faveur d'on ne sait qui (voilà qui laisse rêveur pour ce qui concerne le présent)... On reste entre deux eaux, d'abord dans le dos de Marta jusqu'à ce demi-lézard qu'un tiers apporte... Cette juvénile transplantation suisse en terre calabraise n'en est pas moins fort plaisante à suivre.
  • PORTRAIT AU CRÉPUSCULE (2011)
    Note : 17/20
    Déroutante jeune femme a priori, sauf si elle représente l'intrépidité féminine, à savoir en passer par les desiderata des dominants pour leur arracher quelque reste d'humanité. Filmé à la clarté du jour, c'est volontairement pâlichon comme le contexte du message que ça veut véhiculer, c'est à dire des lendemains qui ne chantent pas trop rose. Dans un esprit de contradiction à deux doigts du malsain, quoique... Beaucoup de sens possibles pour qui parvient à décrypter. Un pavé à la seule intention de la société russe ou une charge étendue à toute société de consommation vidée de sa culture. Consommons, chantons et dansons... S'il n'y avait l'issue comme incitation à relativiser, ça ferait fuite en avant hormis l'image soignée et la très attachante actrice. Olga Dihovichnaya rappellerait assez Carole Laure dans Sweet Movie ou Carole Bouquet dans Trop Belle Pour Toi, jusqu'à ce qu'elle vire de bord pour arriver à ses fins, j'avoue que cela m'a quelque peu désarçonnée jusqu'à ce que tenants et aboutissants se révèlent... Car pour ce qui est des autres présences à l'écran, ne leur manquerait plus que les grognements pour que le pur stade animal revienne, que ce soit ces hommes qui se lâchent à la file ou cette ado au klaxon ininterrompu chargeant son père. Anticipation de nos sociétés corrompues. La victimisation féminine de bon aloi est bel et bien évacuée. La réalisatrice met en exergue l'ambivalence féminine slave, une docilité de façade vite détrônée par des raffinements de cruauté.
  • ALBERT NOBBS (2011)
    Note : 18/20
    Film injustement descendu par de nombreux critiques au prétexte d'oscar convoité ! Il s'agit d'une histoire captivante en plus d'un hymne à la délicatesse. Photographie très soignée avec son vert-de-gris de l'époque victorienne laissant affleurer les tensions qui vont naître du frottement de ces classes sociales aux antipodes... D'abord, le "ni homme ni femme" Albert toujours poli et élégant, sauf qu'il rase les murs. On brûle de savoir ce qui a pu arriver à des yeux aussi étincelants. Tout aussi captivants, débarquent les autres personnages, bien typés, la plupart sous la houlette de la fieffée Missis Baker, le docteur bon vivant (Brendan Gleeson), les servantes dont le sang bout dès qu'un jeune homme de passage fait ses ablutions... Et que de remous dans les étages ! Rien qu'à voir les "gueules" du casting, remonte l'atmosphère hivernale de cet hôtel, les calamités, les bals où il est permis de se lâcher, plus tous les moments de silence d'une infinie justesse qui signe la marque de fabrique de l'ensemble. Ni triste ni joyeux, il arrive en dernière partie qu'on rie bien franchement (au pas de la porte puis sur la plage !). Certes, je n'ai pas lu le livre dont c'est inspiré ni vu la pièce... Il n'empêche que c'est joliment traité. Les tiraillements évoqués parlent complètement à notre époque d'abondance mal partagée, l'abus de pouvoir, le repli sur soi dans des rêves fumeux, la peur de rester sur le carreau et également les coups du sort ramenant une forme de justice.
  • WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN (2011)
    Note : 15/20
    Grande marée à la tomate, un gros effet... Puis peinture rouge en veux tu en voilà. Alerte au sang ! Une multitude d'allers-retours passé et présent montre l'effroi de cette femme. Déjà in utero, elle avait mal à son Kevin. Ils contribuèrent l'un et l'autre à se scinder dans des hurlements lourds de présage. Très vite le diablotin aux sphincters régressifs, nargue, cause comme un adulte, en éternelle provoc. Une incompatibilité d'humeur incurable, la crise d'ado puissance mille tant qu'aucun événement gravissime ne vient rompre la dyade. Et chacun(e) de charger la mère ou l'enfant, elle a ruminé trop de trucs et il a écopé... Rien sur le père, occupé à viriliser son fils pollué par le malsain giron. Or, le très gros plan des deux pupilles du monstre changées en cibles jette un léger froid pour qui songe à l'actualité récente du côté d'Oslo... Dommage pour Tilda Swinton et Ezra Miller dont l'aura commune permettait davantage côté dialogues, avec une musique qui colle un peu plus à la situation aussi tant qu'à faire.
  • POURQUOI TU PLEURES ? (2011)
    Note : 17/20
    Ce qui s'appelle se laisser marier... Grande qualité d'ensemble, la musique de Benjamin Biolay toujours délicate, la ritournelle d'Enrico Macias bienvenue aussi comme dernier grincement. C'est beaucoup plus vitriolé que bobo, cruel et attendri (ces claques !), jamais trash pour autant. Pas du tout pour les esprits terre-à-terre, encore moins pour les inconditionnels des traditions. On est dans une caricature de tous les angles du mariage. Biolay crève l'écran avec des mots que viennent souvent démentir son expression de visage très mature. Il incarne l'indécision permanente, rôle plus répandu qu'on ne le croit et qui lui va à ravir (la démarche super chaloupée avant de jeter l'éponge incluse). Devos et Garcia toutes deux irrésistibles dans leur fébrilité auprès de leur homme fétiche. A part ces trois piliers rodés à articuler, les rôles secondaires aussi ont leur valeur : à déplorer la diction ultra rapide. Du surplace aussi par moments, heureusement racheté par oeillades ou dialogues. En deuxième lecture, rien n'interdit d'y voir les tendances conservatrices, cette fermeture des yeux sur les remous souterrains pourvu qu'ils soient en surface "bien gérés"
  • LA TÊTE EN L'AIR (2011)
    Note : 16/20
    Projeté au Festival Espagnol de Nantes 2012. Un banquier refusant un prêt que l'image change en vieux gâteux refusant de manger sa soupe. Et pan, bon pour la maison de retraite ! Là où finissent les atteints d'Alzheimer, le pensionnaire Emilio anticipe tout en privilégiant son présent, scène équivoque de la piscine et doutes sur l'honnêteté de Miguel, le compagnon de chambre débrouillard. Le style est en tous poins fidèle à la bande dessinée de Paco Roca, mise en scène efficace, pour les connaisseurs en animation peut-être un peu trop simple ? Cela se laisse regarder, le sujet est à prendre avec des pincettes... C'est suffisamment expressif, joli, les angles variés, les dialogues à la hauteur du sujet de fond, lequel s'avère traité avec délicatesse malgré plusieurs flèches à l'intention de ceux qui certes s'occupent de leurs hôtes mais en imposant leurs rites. Un genre de liberté surveillée tant qu'on ne perd pas trop la boule. Car passé un cap, une mystérieuse chape est mise. Consolation, l'équité absente la vie durant est enfin à l'honneur... Les parachutés en maison de repos revoient le temps de leurs premières classes quand il fallait parmi les autres trouver sa place. Au prix de renoncer à tout repère de la vie d'avant, et cela quels que soient grade et pécule. Tout cela est parfaitement distillé, avec un Miguel sans attaches qui, de gros malin, s'adoucit plus la maladie d'Emilio gagne. L'objectif est atteint. N'importe quel spectateur peut sentir le progressif passage de la vie au néant sans être choqué.
  • BONNE ANNEE GRAND-MERE ! (2011)
    Note : 18/20
    Maritxu ! Découvert ce merveilleux film au festival espagnol nantais 2012. Franchement, pourvu qu'il rafle le prix Fondation Borau Opera Prima ! Maritxu ! Un prénom repérable crié d'une pièce à l'autre et fifille qui obtempère alors que son époux trouve qu'elle s'esquinte. Ce film familial traite du sort des anciens en fin de course, comment s'arrange-t-on de devoir soudain être assistée après tant d'années de don de soi ? Moitié Tatie Danielle avec des béatitudes à la Harpo Marx suivies d'une forme d'autisme, la dénommée Mari n'est jamais à court de gags, pire qu'un apprenti marcheur découvrant la maison, car même la nuit... Ce n'est pas pour rien que le symbole des scènes de chasse revient en boucle... Ils changent tous progressivement, ces enfants et petits-enfants. Autour de la vieille au petit pas chaloupé, les trajets voiture occupent une large place avec ce bébé sur les bras et un garçonnet qui cause d'homme à homme, la vérité sort de la bouche des enfants. Vrai, c'est lui qui fait avancer le film ! On traque chaque suite de plans en accéléré, sûr de rire un bon coup lors de la prochaine vacherie de la vieille coriace... Et puis subrepticement, virage à 180 degrés vers plus grave, une ambiguïté qui fait l'effet d'une claque après caresse dans le sens du poil... A la mamie inoxydable s'ajoute une concurrente, comme le temps passe !
  • N'AIE PAS PEUR (2011)
    Note : 16/20
    En compétition pour plusieurs prix au festival espagnol de Nantes édition 2012. A nouveau le thème de l'enfance saccagée par des adultes en pleine confusion mentale. L'an dernier, c'était "Elisa K" amnésique, cette année Silvia qui somatise. Elle est flanquée d'une mère aussi navrante que papa qui joue à on se regarde dans les yeux le plus longtemps possible, brrr ! Le film martèle l'indicible de rigueur dans ce milieu où la douleur s'anesthésie, où bouder s'apparente à une faute de goût, une chape sur tout ce qui peut demander réflexion, des demi-mesures tacites qui font perdurer le malaise. L'introduction montre la petite toute enjouée entre papa et maman. La promenade se solde en yeux largement ouverts sur un canapé. S'intercalent des témoignages d'autres victimes une fois adultes... Michelle Jenner joue parfaitement sa partition, renversée volontaire sur la chaussée pour extirper son poids et être secourue par une fée soignante. La faiblesse de la démonstration (ou sa force pour les très bcbg ?) est que le propos finit par se placer prudemment "en creux" (peur de froisser la sacro-sainte dentisterie ?). Le spectateur déduit beaucoup, laissé en plan comme un vulgaire analysé. Et Silvia a souvent moins de 25 ans dans l'histoire !
  • LA ROUILLE (2011)
    Note : 18/20
    Découvert à Univerciné Nantes 2012. Dans l'Italie d'aujourd'hui, des immigrés, un notable (téméraire Filippo Timi !). La façon dont c'est traité fait songer à Barbe Bleue, Le Petit Poucet, La Petite Fille aux Allumettes. Possible d'aller jusqu'à Dracula si l'on compatit pour ce raide toubib qui, de chanteur d'opéra doucereux, dès qu'il prend sa voiture, peut virer ogre remonté avec une clé. Un grand distrait dès qu'il reste longtemps à l'air libre (scène des enfants spectateurs au ras du comique !). On navigue entre grotesque et démoniaque sans qu'aucune scène ne révulse, à part la gêne éprouvée pour l'individu qui déjante... En parallèle, cette zone rouillée loin des HLM fait l'effet d'un terrain de jeux s'il n'y avait cette terreur ambiante. La visite sur toute sa surface et dans les tréfonds alterne avec plusieurs comportements adultes et leur impact. Le jeu qui dégénère jusqu'à faire peur (Stefano Accorsi), la constante réprimande, on a droit à toute la gamme de la responsabilité parentale. La lumière poussiéreuse des premiers plans faisait craindre l'installation dans le morbide, d'autant qu'il y a quand même des meurtres... On reste pourtant en pleine sensorialité enfantine, bruitages métalliques, passage du jour au noir complet. Quelques lenteurs mais en tous points esthétique. L'issue assurée par les enfants ne lasse pas non plus de réjouir. Tout comme cette prof d'arts plastiques rivant son clou à un collègue normatif (magnifique Valeria Solarino !), un très grand moment !
  • LA VOIX ENDORMIE (2011)
    Note : 17/20
    A remporté le Prix du Public au Festival espagnol de Nantes 2012. Directement inspiré d'une fiction de Dulce Chacon (allergique aux paillettes et morte d'un cancer à 49 ans). Le réalisateur scénariste Benito Zambrano reprend fidèlement les personnages créés à partir de témoignages réels de femmes persécutées au début du franquisme. Pour la plupart échouées dans des geôles crasseuses, avec pelotons d'exécution réguliers, rites bigots empreints du sadisme qu'encourage le pouvoir absolu... Traitées facilement de "putes communistes" par des fascistes de mèche avec leur avocat commis d'office, l'issue est connue d'avance... La plus raffinée des épreuves semble être d'accoucher et d'être passée par les armes peu de temps après. Le marivaudage entre deux jeunes apporte un soupçon d'humour, ce qui change un peu des torrents de larmes versées parce que pas moyen de faire autrement... Un aperçu de population muselée juste après la seconde guerre mondiale déjà éprouvante. Quand on pense que la poigne de Franco - qui fait penser à la folie bureaucratique de l'autre extrême ! - s'exerça jusqu'en... 1975 ! Ce film terrible relate une page d'histoire de l'Espagne de manière frontale, sans doute était-il possible de couper certains plans très tire-larmes... C'est l'enfer à l'état pur. Quelques belles âmes que la mort de proches a gardé humains sortent du lot de zombies, cette garde-chiourme par exemple. Sans elle le film serait intenable. On est forcé de songer à ceux et celles qui attendent dans les couloirs de la mort d'aujourd'hui, en 2012. Sans opérer de scabreux parallèles avec notre présent, s'imprégner, grâce à ce film, des faits actuels et passés afin de rester lucide et voter pour ce qui se montre le moins toxique ne saurait nuire !
  • LES ADIEUX À LA REINE (2011)
    Note : 17/20
    Réserves faites sur la vérité historique (où est donc passé le séduisant Conte de Fersen ?), c'est un magnifique condensé des paillettes d'un pouvoir avant la chute. Trois jours pour rester ou fuir... En creux, la masse populaire, ce monstre... Pas de sang, pas de violence frontale. Juste quelques fioritures peu productives, les piqûres de moustique, la pendule... Il est contagieux le pas heurté de cette lectrice imaginaire dans le labyrinthe où elle retrouve, outre ses pareilles, les privilégiés désormais en alerte. On la suit, on tombe avec elle et on se relève aussi. Le château intérieur et extérieur est ainsi arpenté, l'occasion de cadrages d'un rare raffinement. Alors c'est vrai qu'il y a cette liste qui crée le choc. Cause le froissement bien sonore des étoffes lors d'une entrevue collective avec sa majesté. Dommage que les conversations des actrices les plus jeunes soient à l'inverse devinées plus qu'entendues nettement... Les sautes d'humeur de Marie-Antoinette comme les signes que se font en catimini ces dames dans son dos compensent cette lacune (les petites taches de lumière disséminées dans les intérieurs d'un visage à l'autre ou les plans bleutés qui prennent la relève sont pur délice). Quelques flâneries en robe de poupée le long des plans d'eau pour la postérité.Très revigorant à l'image... Un film à oscars que ce Versailles flamboyant, exportable sans difficulté. Le plus est vraiment le fond du film, ce drame qui parle à notre quotidien : milliardaires repus, hiérarchie rempart, flexibilité sans limite... Jusqu'à quand ?
  • I WISH (NOS VOEUX SECRETS) (2011)
    Note : 16/20
    Un divorce et deux frères qui se côtoyaient chaque jour communiquent par portable. Par petites touches musicales et sautillements d'un lieu à l'autre, on met du temps à les différencier... Le mot "audit" dans la bouche du piaffant Ryunosuke sonne bizarrement adulte, son trajet scolaire laisse à penser qu'il est mieux loti que son frère Koichi, gros poupon qui cultive aussi l'adulte en lui, sidéré de vivre au ras d'un volcan qui dépose des cendres sur le linge... Il est impossible d'éviter le rapprochement avec plus invisible, inodore, incolore et bien contemporain au Japon mais si anxiogène qu'on restera sur les papouilles, la complicité des grands-parents venant au secours des géniteurs séparés, ce père laxiste bon copain, cette mère attentionnée faisant partie du décor sans plus... De charmants ébats physiques dont cette longue galopade vers les deux trains à grande vitesse et les voeux crachés au vent qui libèrent d'un futur demandant des pirouettes toujours plus nombreuses. Hirokazu Kore-Eda s'oblige à rester gracieux, prend tout son temps pour enliser les spectateurs (ou les censeurs ?) dans la fraîcheur de l'enfance jusqu'au cou. Las, derrière les gâteaux au goût incertain, se profile l'archipel aux remuantes plaques tectoniques, le marasme socio-économique international, le spectre nucléaire tant passé que récent.
  • EN ECOUTANT LE JUGE GARZON (2011)
    Note : 18/20
    Documentaire en noir et blanc découvert au Festival Espagnol de Nantes 2012. Des lignes verticales coupent bizarrement les nez et les mentons des deux hommes attablés avec un verre d'eau chacun, il y a du tabou dans l'air... L'écrivain Manuel Rivas d'emblée séduisant, tout le contraire d' inféodé, jamais mielleux ni cassant. Garzon, avec sa bonne face ouverte et son langage simple d'enseignant conférencier bon père de famille est de surcroît sympathique. Place à l'éthique que les tyrannies n'ont pas et que les affaires n'ont plus. L'exemple du défunt Falcone, un juge italien persécuté de son vivant et qu'une foule nombreuse vint vénérer lors de ses funérailles est invoqué... Terroristes, tyrans, lobbies, tous mis dans le même sac sont dans le viseur de Garzon. Que l'on trouve dans ces entretiens quelque chose d'exclusivement hispanique, la lutte contre le franquisme au mépris de toute diplomatie internationale, ou bien les ravages galopants de la mondialisation qui veulent la fin de l'humanité, une constante émerge : dictature = corruption. Démocratie = l'application des lois, non leur détournement par le délitement de procès... C'est ce que martèle le petit juge menacé à l'époque du tournage et désormais acquitté moyennant de ne plus exercer. Le spectateur identifié à la cause défendue adhère à cette version des faits. Car on dirait deux bons copains qui causent. La forme statique rebuterait sans la jolie pirouette de fin !
  • LA PART DES ANGES (2011)
    Note : 18/20
    Trouver comment racheter les "salauds de pauvres" ainsi nommés par les puissants qui détournent les richesses pour les faire fructifier dans des zones intouchables. Voilà en gros le message de Ken Loach inspiré des réalités britanniques (et internationales !) du moment. L'accent est à couper au couteau, ce qui renforce l'authenticité des personnages, quoique le risque qu'ils prennent ensemble puisse semer un léger doute. Le regard reste en même temps assez distancié, Ken Loach s'amuse ferme. Léger dans la forme certes... Ce qui reste en tête après la séance est bien le doux regard du déviant, papa aussi respectable qu'un produit de la finance officiellement propre sur lui. Les situations sont caricaturales. Aucune fausse note dans cette histoire puissante, revigorante comme son whisky. Il y a bien cette pinte qui change de mains, un peu "dégueu"... Nul doute que le réalisateur passé maître dans l'art de ménager les susceptibilités en ralliant par le rire signe là une de ses oeuvres les plus décoiffantes sur le fond !
  • BIENVENUE PARMI NOUS (2011)
    Note : 16/20
    Il arrive que certaines têtes d'affiche offrent l'occasion de rentabiliser un passeport de fête du cinéma... D'abord s'habituer à la facture téléfilm, ces assommants fonds sonores qui polluent. Se faire aussi à la petite nouvelle dont le frais visage débarque en gros plans alors qu'elle passe beaucoup mieux de plain-pied tant elle est expressive (Jeanne Lambert). Boucher et serveur de restaurant ressuscitent les caricatures d'après-guerre, à croire que ce populisme-là a de beaux jours en perspective, il fait rire jaune bien qu'on finisse par adhérer, ils font avancer l'intrigue, comprenez-vous... Le fusil est crucial dans cette mini-thérapie où passe et repasse Miou-Miou et où Jacques Wéber promène sa bonhomie, tous deux aptes à attendre leur homme. Il a comme on dit un peu vite "tout pour être heureux" ce Taillandier qui peste contre lui-même. Son escapade lui redonne certes des profils féminins tout neufs, autre chose que d'éternelles chapeautées vues de dos... A part les lourdeurs de forme tout au long du récit, reconnaissons que Patrick Chesnais vaut encore le déplacement.
  • LE PRÉNOM (2011)
    Note : 19/20
    C'est envoyé énergiquement, le fait d'une caméra décidée à en découdre, qui balaie les rues de Paris à grandes louchées de voix-off suggérant les démarrages des meilleurs Woody Allen. Sans doute un peu trop classique, précieux ou convenu côté forme. Des stéréotypes sans surprise, quelques faiblesses de dialogues. Trop bavard, la suite justifierait de revenir aux présentations, merci d'avance au dvd. Possible donc, pour qui n'a jamais regardé la pièce, de s'ennuyer à ces rêveries intellos stériles, de se dire "encore des bobos répandus" ! Ils sont certes complices enchaînés, rappelant le grincement repris récemment dans le "Potiche" d'Ozon. Donc vus et revus ces propres sur eux, bien masqués derrière leurs piques indirectes, réticents à écailler leur vernis de bcbg... Et voilà que soudain l'adrénaline afflue davantage sur l'écran, on vire vers le vitriolé, j'ai pensé à "Carnage" de Polanski... En diffèrerait le rééquilibrage de l'issue la post-crise... En résumé un tonique à l'intention des familles, toutes les familles, les extraits racoleurs de la bande-annonce en disent trop ou trop peu !
  • BARBARA (2011)
    Note : 19/20
    Si la bande-annonce laisse croire à un remake des précédents Christian Petzold (Jericho, Yella), il y a bien tiraillement entre ici et ailleurs, élément liquide à braver, l'actrice fétiche Nina Hoss avec ses grands yeux, son front rond et sa bouche aux coins relevés. Sauf qu'il y a ce collègue de travail équivoque, présenté comme douteux et qui littéralement scotche à l'écran du début à la fin avec son regard qui couve et une stature qui encouragerait les femmes à souhaiter que leurs partenaires soient du style "enveloppé". Toujours aussi soigné, aussi feutré, aussi lent à se révéler, on a bien les ingrédients qui font la marque de ce réalisateur friand de gros-plans ou de rouge comme de noir et blanc bleuté pour prévenir de changements. Il offre encore un autre angle de vue sur les surprises que le sort réserve aux humains incités à s'entre-surveiller. A qui se fier, de qui se défier, cette liberté d'être enfin soi quand la faucheuse se rapproche. Une chaleur émane de cette austérité une fois passée cette apparition à la crête d'une vague. Dans la double lecture qu'on peut en faire 23 ans après la chute du Mur, se glissent plusieurs messages à décrypter selon ses connaissances historiques et l'expérience qu'on a de la vie.
  • TROIS SOEURS (2011)
    Note : 16/20
    En avançant dans la découverte de cette fratrie, nul doute qu'il est question des purges orchestrées par les gouvernants argentins et pas d'un quelconque accident parental... Davantage affalées que debout depuis la mort du pilier restant, la grand-mère, ces trois jeunes filles sont plus à fleur de peau que la normale dans l'art de s'entraider ou se heurter. Tout porte à se focaliser sur le charme de Marina (Maria Canale), la plus "carrée", celle à forte présence, sa progression face à la furie Sofia s'avère en droit fil du cinéma d'Amérique Latine contemporain, jeu feutré, lent... vers un pic qu'on n'imaginait pas aussi violent. En parallèle, il y a ce voisin pour aider à se réveiller, ce lit qui tressaute l'air d'inviter à copuler, voire à engendrer. Le synopsis laisse croire que Violeta disparaît alors qu'elle s'éclipse dans le style "she's leaving home"... La séquence où ces demoiselles écoutent un disque montre leur triple émotion, la musique d'autrefois ultra-douce, presque une autre vie... C'est joliment filmé, avec larges arrêts sur objets, meubles, notamment l'escalier ciré, indice du milieu aristocrate d'origine. Un peu trop statique pour séduire le grand public, le sort de cette jeunesse aux racines arrachées alors qu'elle se pensait privilégiée, devrait trouver écho auprès des spectateurs endeuillés ou que le saut dans l'âge adulte transfigure.
  • JANE EYRE (2011)
    Note : 17/20
    Bien stimulante version 2012 abrégée du roman. Irréprochable travail de reconstitution, on se croirait revenu à ces temps obscurs de dressage des enfants à peine présentés par leurs tuteurs à un quelconque notable. Mieux valait risquer une échappée en grande jupe dans la nature en furie n'importe où, vers cette fenêtre qui luit là-bas... Jane (Mia Wasikowska, qu'on jurerait apparentée à notre Huppert nationale, même rousseur, visage large et solide, silhouette gracile) vient se confronter à l'ambigu Rochester (Michael Fassbender, regard et voix à tomber raide surtout de très près !). Une servante et son maître dialoguent, il lui parle d'égalité possible. Cette tentation du plus puissant socialement réjouit. Puis fait tâtonner entre froid et feu dans ce château qui invite à la superstition. Jane chérit la solitude, s'adapte à ses semblables (magnifique scène d'aveux !), applique sa philosophie "se respecter soi-même". L'entrechat de la fillette et le couplet de la pianiste Miss Ingram laissent planer le spectre de la déculturation. Autre ironie, l'héritage, certes fidèle au livre, artificiel après des épreuves aussi intenses. Missis Fairfax (Judi Lench) parfaite en loueuse aux ordres tant que la roue tourne, fondante ensuite dans les ruines. Le duo fonctionne, il atteint une forme d'égalité... Le jeune réalisateur multiculturel Cary Fukunaga (35 ans) accentue à dessein la détermination féminine de ce classique du romantisme victorien, une époque plutôt machiste. Point commun avec le fracassant "Sin Nombre" (2009) sur les gangs d'Amérique Centrale, traiter de nos vraies préoccupations quotidiennes.
  • KYSS MIG : UNE HISTOIRE SUÉDOISE (2011)
    Note : 17/20
    Imaginons tomber durablement sous le charme d'une personne de notre sexe alors que d'habitude... Bon, ça sent peut-être le mobilier Ikéa mais c'est tout de même bien traité grâce à la lumineuse actrice blonde, regard limpide, esprit sans concession aussi, claire entre sa tête et son corps, ce qui rend tout possible, la nature l'emportant sur les convenances grâce à la conviction que la demoiselle dégage. Je trouve la critique pro bien sévère du fait qu'il n'y a pas ici de malédiction, que la marge l'emporte sur le croissez-multipliez, Barcelona en plein soleil est ressenti comme trop beau... C'est pourtant une authentique histoire de famille contemporaine partagée entre ce qui s'affiche au dehors et ce que l'on fait réellement. Peut-être filmé avec un peu trop de joliesse, lisse telle la Suède libre de moeurs si longtemps autoriserait à le peindre, et alors, voilà qui nous change de l'hégémonie étasunienne avec ses tics de langage et de comportements ! Surtout que l'histoire en question fustige l'identité féminine réduite à l'ombre du mâle, à rebrousse-poil de tous les magazines féminins en vogue, quel répit ! Côté sexe, le double de l'italo-argentin "Le voyage de Lucia" (Stefano Pasetto, 2010), aussi délicat sans l'assommant retour à soi par rapport aux autres. On pense à "Festen" côté atmosphère, mêmes personnages racés, mêmes tumultes sous les carapaces, bref, ça se laisse voir.
  • LE SOMMEIL D'OR (2011)
    Note : 19/20
    On se demande si on rêve à suivre ce deux-roues qui roule à l'envers. Et à découvrir les façades grignotées de cinémas dont le nom se lit encore. Des lieux spacieux, moitié délabrés même si reconvertis en commerces ou en foyers. Une ville ravagée, l'impression d'un peuple peinant à recoller les morceaux, volontaire pourtant mais revenu de tellement loin. Les survivants, à Pnom Penh ou à Paris racontent le succès fou des 30 cinémas de la capitale du Cambodge au moment des conflits. Une ancienne star confie qu'elle a joué toujours un peu la même histoire de manière différente. Une autre précise que "Les riches, les personnes célèbres" étaient les premières cibles des Khmers Rouges. Le parcours d'un producteur passé par la case Citroën puis taxi est hallucinant. Comment étaient ces quelques 400 films rayés de la carte ? Peut-être un genre parfois un peu soap si l'on s'en tient aux chansons (qu'on a l'impression d'avoir maintes fois entendues dans les restaurants asiatiques français tant elles seraient reprises), des mélodies pour la postérité. Soit il ne reste vraiment aucune pellicule, toutes confisquées et détruites ou bien ce serait encore trop douloureux pour les ressortir de leur cachette (Yvon Hem laisse planer le doute). Documentaire délicat à l'image, aussi bouleversant que frustrant.
  • ON THE ICE (2011)
    Note : 19/20
    Un thriller dans Le Grand Blanc... ou un western polaire, aussi dépaysant qu'a pu l'être le premier western réalisé par une femme "La dernière piste". Acteurs non professionnels, conditions climatiques extrêmes, esprit amérindien, trop rare encore, pas assez tapageur pour le box office, dommage car c'est une oeuvre tous publics qui apporte du sang neuf. Un genre de thriller du froid, happant d'un bout à l'autre... Si toutefois on garde en tête le repli de cette communauté d'Alaska, soit le désert dès la sortie du hameau, les éléments mouvants, eau, glace, la crainte de l'ours, l'inconvénient d'un jour interminable... Vite isolé, vite repéré sur l'immensité, ronde d'hélicoptère et intelligence humaine à l'affût des traces. Avec des soucis d'éducation, de jalousie amoureuse, d'envie de se prolonger comme tout le monde. Ils sont encore très Indiens de culture, très "eux-mêmes" malgré l'apport de la modernité économique, matérielle, inclus les poisons contemporains (artifice d'une religion étrangère, drogues, chômage). Simple, direct, sans bavardage superflu, avec images de glisse et atmosphère musicale exceptionnelle, des personnages attachants (le père et son fils embringués dans l'indicible). Un sacré beau voyage en plus du frisson !
  • J'ENRAGE DE SON ABSENCE (2011)
    Note : 17/20
    C'est un film grand public, adroit, alerte... Une famille recomposée d'aujourd'hui, et qui va de l'avant. Banale cave, quelques reliques stockées avec le vélo du fiston, 7 ans, adorable. Les dialogues ne restent pas rêver, les prises de vue virevoltent dans et autour de l'immeuble, au ras de cette vitre basse où le drame se noue... Le charme du petit garçon (Jalil Mehenni) opère tout de suite (le chut, sa manière très vive d'occuper l'espace...). Mise en scène, direction d'acteurs, tout sent la passion du travail bien fait en droit fil des expériences de l'actrice. Sandrine Bonnaire pour la deuxième fois derrière la caméra est à son affaire, dans la manière de peaufiner les angles, glisser dans le décor une forme de signature (silhouettes féminines proches de la sienne, boutique et galettes biologiques) sans jamais perdre le fil narratif. Nombre de diversions permettent pourtant de souffler, rendant fluide le recentrage sur l'enfant avec son fantôme au caveau (William Hurt), le nouveau copain adulte en tant que "père de son frère mort" autant que complément bienvenu de son vrai père (le long Augustin Legrand), ce type réglo, joueur, enfin tant que rien ne l'énerve ! Et puis Mado, la mère terre-à-terre (Alexandra Lamy), personnage ambigu avec son secret qui n'en est pas un. Elle craque, remet le couvercle sur sa gêne jusqu'à ce que... Lors du déchaînement des derniers plans, l'attitude féminine peut même jeter un peu d'ombre sur l'ensemble.
  • LES SAVEURS DU PALAIS (2011)
    Note : 17/20
    Divertissement honorable, on se croit dans le secret des dieux au fil des portes ouvertes, des cours traversées, chacun poussé du col pour passer avant machin, les caprices de la politique conduisant au chômage technique puis au rappel nocturne limite grossier... Catherine Frot et Jean d'Ormesson plus vrais que les vrais avec leur intimité tacite, leur goût du meilleur, vite suspects... On se dit pourtant qu'il vaut mieux que nos élus se nourrissent bien, il y va de leur humeur, de leur lucidité à négocier présent et avenir, qu'ils économisent donc sur plus aléatoire... Le chou au saumon fait saliver le premier, et salut également à ces coques fraîches ! Ensuite morceler les repas vient à l'esprit plutôt que de renoncer au raffinement, un sorbet au lieu des gros desserts à garder pour les goûters ! Le plus difficile à incorporer à l'ensemble serait peut-être la Nouvelle-Zélande, elle fait un peu trop pénitence jusqu'à la mention des truffières. Film à l'honneur des femmes de tête aux fourneaux et non reléguées aux épluchures ! Libre adaptation à partir d'une expérience vécue, à la fois éblouissante et frustrante. Pas petit film pour autant, en tout cas pour qui préfère bonne chère bien dosée à nourriture douteuse ou régimes qui rendent idiots. L'interprétation séduit, les dialogues sonnent juste et puis il y a cette intégrité d'Hortense confirmée par la lettre... Sans être un cocorico has been pour bourgeois pansus, plutôt un pied de nez à Monsanto et aux OGM !
  • LE SENS DE L'AGE (2011)
    Note : 18/20
    Merveilleux octogénaires que ceux choisis par le jeune Ludovic Virot ! Qu'ils vacillent, aient mal ici ou là, on les sent prêts à muer comme lors de leur naissance. Alors certes nul sans-logis, ni immigré clandestin parmi ces silhouettes bien conservées. Que des moments positifs (à la différence de "Vieillir femme" et "Vieillir homme" de Chloé Hunzinger par exemple). Ici se devinent des milieux et des porte-monnaies variables, valeurs oubliées tant la philosophie a changé. Les spectateurs "d'un certain âge" et les jeunes étudiants en gériatrie sourient dans la salle, rient aux mêmes moments (échangeront avec beaucoup de spontanéité lors du débat public après la séance gratuite du cinéma Concorde de Nantes)... De la table de ping-pong au patin à glace, de la sortie en scooter aux grands arbres, chacun(e) écoute avec attention, pas loin de souhaiter la même chose pour soi, surtout avec ce plongeon dans la chlorophylle au ras de la terre nourricière (très poétique moment !). Ce film déculpabilisant (soutenu par un assureur mutualiste) décrit le maintien dans le cadre de vie des anciens. Ils osent tout, n'ont plus rien à perdre... A la fois sensibles et détachés, autonomes encore... ce serait, malgré la cancérophobie galopante et autres alertes (qui font le miel des lobbies médico-pharmaceutiques relayés par les grands médias) le sort de la majorité des personnes âgées moyennant sans doute de discrètes mesures d'accompagnement. Aucune envie de "s'excuser de n'être pas plus loin" ou d'avoir peur de coûter dans ces témoignages. On aborde le tabou de l'amour à quatre-vingts ans et au-delà, la passion, le désir sexuel, très variable d'un personnage à l'autre... Questions débattues avec délicatesse afin que les générations en parlent ensemble.
  • NOUVEAU SOUFFLE (2011)
    Note : 18/20
    Découvert à Univerciné Allemand 2012 Nantes. Qu'importe sa faute et qu'il crache au vent en voiture. Droit et bien bâti, entraîné avec ses longueurs en piscine, Roman Kogler (attachant Thomas Schubert) bonne tête et gestes à l'économie, rallie le public (comme "Le Fils" des Frères Dardenne en 2002). Sont passées en revue les affres de la prison et des sites mortuaires, les fouilles, le froid, les odeurs, la brusquerie, l'hostilité d'un collègue. Il faut se faire à ces détails rappelant la vie carcérale ou les entreprises les plus ingrates d'aujourd'hui... Plans coupés fréquemment, dialogues minimalistes, le milieu autrichien hivernal, terne, se devine moins impitoyable que de prime abord... De la chaleur derrière la rudesse, suffit de patienter le temps que Roman Kogler se rode entre chambres mortuaires et urnes de crémation, lui qui peine à nouer sa cravate... Le premier point d'interrogation vient avec cette femme macchabée cousue par le milieu, une Kogler... Ensuite une deuxième créature plus âgée, silhouette encore bien faite, traitée comme une reine après, pourtant, un bref lancer de chausson (surprenant Georg Friedrich !), moment magique du film avec la balade en voiture au sortir d'Ikéa... Encore un peu de transgression à cause d'un policier trop zélé, une bière moyennant perte d'un gant et alcootest. On est instruit sur le métier de fossoyeur contemporain, un travail éprouvant comme celui des soignants, des sauveteurs en urgence... Les bruits de glissements de cercueils, le souffle du train incorporés à la musique sont aussi langage. Quant à Madame Kogler mère, au trot sur ses mini-échasses ou allongée sur literie avant achat, elle "décoiffe" !
  • UNE FENÊTRE SUR L'ÉTÉ (2011)
    Note : 15/20
    Vu à Univerciné Cycle Allemand Nantes 2012. Pas mal, sans plus, la musique du générique de fin assommante autant qu'impersonnelle... L'esthétisme global, la présence de Nina Hoss, la magie du lien amoureux qui se régénère, la mère dépassée, le petit bonhomme avide d'histoires, le père qui rappelle la Finlande d'antan, ne peuvent sauver l'ennui de ce va-et-vient dont on a du mal à saisir les enjeux. J'ai dormi sur la dernière moitié, réveillée à temps pour voir l'issue... Un petit peu trop "trois petits tours et puis s'en vont" à mon goût, en droit fil de la chansonnette aux deux extrémités. C'est très hollywoodien cette chimie des corps (elle s'évapore juste après l'assemblage du côté masculin et il faut croire que c'est afin de ménager des retrouvailles toujours aussi magiques). Bien lisse, bien propre en regard du couple usé depuis neuf ans. Seulement, malgré l'envoûtement qui gagne devant le soleil estival et la tiédeur du soir, il y a lieu d'espérer un miracle. Car l'enfant et la dulcinée sont charmants surtout parce qu'ils tendent le pouce en sortant du ferry. L'émotion est trop mince en regard des expériences précédentes... A moins d'être très fleur bleue ou avide de vacances dans le style agences de voyage, rien n'atteste que le prince charmant assume davantage qu'avant, on y croit donc à moitié.
  • AUGUSTINE (2011)
    Note : 16/20
    Plus que la lourde introduction (ce crabe, ces verres de vin), c'est le fil entre Charcot et sa patiente, sous l'oeil de lynx de l'épouse (impeccable Chiara Mastroianni) qui captive. L'hypnose émane d'un spécialiste, pas de Charcot, quel dommage ! On se croirait dans une arène avec spectateurs gourmands des débordements féminins. Le regard éhonté du médecin alors que la créature se fait applaudir dévoile l'essentiel (la démonstrative Stéphanie Sokolinski s'avère parfaite pour ce rôle). On peut dès lors savourer la mise en scène, éclairages (lumière quasi biblique sur le visage de Vincent Lindon), costumes d'époque (les affriolants dessous de coton blanc !), ne rien perdre des chuchotements ni des changements de place du mal, avancer dans l'intimité encore masquée d'Augustine et son sauveur, quoique de plus en plus copains sans le montrer. Une avancée médicale certaine à l'époque où l'hystérie féminine se diagnostiquait, silence sur le reste. La chute d'escalier a le mérite de relativiser la supposée guérison de la demoiselle. Surprise que l'affaire faite (soi dit en passant drôlement "à la hussarde" pour une cinéaste !), Augustine s'éloigne telle une souris qui aurait volé du gruyère. Les expressions des époux culminent à ce moment-là, dans le style échevelé de leurs soirées... Ce qui frappe chez Alice Winocour est le sens du détail.
  • LES BÊTES DU SUD SAUVAGE (2011)
    Note : 17/20
    17,5/20 : Etrange atmosphère entre foutraque et fantastique. Quelques inégalités de régime sauvées par la magie des derniers plans... Possible d'être dérouté d'entrée de jeu par l'apparence brouillonne... On oscille entre "Uncle Boonmee celui qui se souvient de ses vies antérieures" et l'éprouvant "Three Sisters" chinois pour l'atrocité du cadre. Un hommage aux oubliés des catastrophes naturelles, à ceux qui connaissent le retrait progressif de la terre sous les pieds. La terreur des tempêtes, l'obligation d'habiter sur l'eau dans des embarcations de bric et de broc, la hantise d'être parqué dans des enclos aseptisés... On est saisi par ces vaisseaux de fin du monde, bouleversé de l'entêtement à refuser les secours afin de rester là où jeta la naissance. D'un côté c'est merveilleux parce qu'on voyage ferme, que les troupeaux d'aurochs captivent... et que la bande-son entraîne comme une courroie (somptueux accords !). De l'autre, c'est désespérant... Sans cesse la caméra se pose sur la petite fille, incarnant à elle seule la jeunesse qui fait face au pire. Visage et silhouette d'une douceur infinie comparée à la rudesse des échanges...Toujours lutter, casser ce qui reste pour se défouler malgré l'envie d'être prise dans les bras. Il se glisse des minutes veloutées entre père et fille, la caméra en champ contre-champ livre leurs regards, interdit de pleurer, mon oeil.
  • UNE VIE SIMPLE (2011)
    Note : 17/20
    La bande-annonce attire du fait des deux acteurs principaux. On est consolé de perdre ses parents âgés par exemple. Le film proprement dit ne comporte aucune scène déchirante du style "Amour" de Haneke. On est dans le lien spontané que les grands-parents peuvent avoir avec leurs petits-enfants. Ce qui n'empêche pas le trivial du quotidien, les tâches ménagères, la popote, le dernier héritier a l'habitude d'être servi, la vieille employée a ses moments d'entêtement... A l'heure de la maison de retraite, rien de glamour non plus... ça sent le sursis, face aux coups du sort, on s'entraide, on s'estime heureux... Un bon point pour l'accent mis sur l'exercice physique dont l'utilité au quotidien gagnerait à être expliquée aux seniors en fin de course. La réalisatrice bichonne ses deux héros... Roger, une fois les premiers secours prodigués à Ah Tao devrait regagner une quelconque forteresse de connaissances bien ancrées, dans le rail de son éducation. On s'y attend. Or, les atomes crochus entre la nounou d'antan et le petit garçon devenu homme remontent des tréfonds, deux solitudes des temps modernes qui se répondent... Le duo est tellement juste dans sa complémentarité que l'inversion des rôles va de soi. Et pourtant dans notre société affairiste il prend des proportions à la limite du crédible !
  • THE DEEP BLUE SEA (2011)
    Note : 17/20
    Cycle Univerciné Britannique Nantes 2013. Ce qui frappe dans cette romance des années Cinquante (tirée d'une pièce théâtrale) c'est que l'image fabriquée en 2011, cette impression de perpétuel couvre-feu, un je ne sais quoi d'atmosphère lourde réussissent à acclimater passé un moment. Très beau, un peu dans le style des films américains des fifties, mais tout de même la manie de l'introspection à pas de velours très appuyée. Le réalisateur dépeint ses étapes dans une chronologie de gestes quotidiens, par petites touches productives, rien ne manque... Le labyrinthe sentimental une fois appréhendé, le crime passionnel vient même à l'esprit... Peu de lumière (comme s'il n'y avait qu'un petit jour au fin fond d'une grotte), des prises de vue très inspirées dans des intérieurs pour la plupart, toujours dans un souci esthétique mais qui apporte du sens, on s'en rend compte après (la séquence de la caméra qui tourne autour de la jeune femme à l'esprit chaviré marque la mémoire). Beaucoup de minutie dans les choix musicaux, les décors, très respectueux de l'époque décrite. Cerise sur le gâteau, Rachel Weisz, diaphane ou effondrée, toujours un peu "absente à elle-même" ou feignant de l'être, . Le mari très adulte, touchant parce qu'avec toutes les facettes d'un homme fait. On a souvent envie de conduire Freddy à son avion... En résumé, si on ne dort pas dès les premiers plans, embarquement possible avec ce trio infernal, du dialogue redouté aux arrangements de bric et de broc vers l'ultime poigne morale.
  • ITALY : LOVE IT OR LIVE IT (2011)
    Note : 17/20
    Découvert ce documentaire de 2011 au Cycle Univerciné Italien de Nantes 2014. L'un des compères pour l'émigration en Allemagne, l'autre restant au pays. C'est entrecoupé d'images d'animation du meilleur effet. On monte, invisible dans la Fiat 500 où le pour et le contre sont débattus en attendant les haltes auprès des populations. Puissantes interviews, des travailleurs pauvres à la vieille garde ! On sent les premiers passablement secoués, les seconds (et surtout secondes !) adeptes de l'austérité (Silvio Berlusconi quitta le pouvoir le 12 novembre 2011). Des harpies favorables à l'entretien des vieux coqs tel que préconisé par le Cavaliere, une seule femme estimant poison mortel cette discutable activité... Le spectateur français, qui parle peut-être un peu moins ou moins fort, quoique..., est à peine dépaysé tellement la tension n'a cessé de monter ces dernières années en détraquant toujours plus corps et surtout cerveaux... En face de quoi les quelques agréments du quotidien (bons plats, café exceptionnel, paysages, oeuvres de renom) paraissent aujourd'hui un trompe-l'oeil... Et même si un homme d'expérience incite à défendre le bastion, à éviter la dilution dans le grand n'importe quoi économique et culturel, on se dit qu'il faut un cran presque surhumain... Gustav Hofer et Luca Ragazzi abordent l'adaptabilité suite aux pertes de repères de ces années-là sans bilan depuis, cela manque.
  • WEEK-END (2011)
    Note : 19/20
    19,5/20 : Magnifique film-flash entre deux êtres qui vont s'apprendre l'un de l'autre durant un week-end. Du ton cru de cette rencontre à la pulsion, on attend d'abord du plus salace, voire du sordide. Sauf qu'on va virer en quelques plans et une explication brève à une adhésion totale. Emotion grandissante... La manière de filmer y est pour beaucoup (le champ contrechamp pendant les paroles décisives, ou la plongée sur la petite silhouette qui se retourne, repart...). Mais sans doute en premier l'assortiment des deux acteurs principaux, soit Russel, un jeune sans référence parentale précise, réfléchi, souvent partagé entre intime et public et Glen, le gars de passage qui dit ce qu'il veut de lui, un tantinet hâbleur, attention, c'est le plus surprenant ! Des scènes affectueuses de défi, d'autres un peu hot avec le recours aux expédients pour monter très haut, mais jamais porno décérébrées ni même homo collectionneur frotti frotta. Le regard de Andrew Haig se veut frais sur ces êtres livrés corps et âmes, parce que c'est plus fort qu'eux et parce que c'est leur heure. L'homosexualité version amour universel, une merveille à offrir aux homophobes !
  • IN THE FAMILY (2011)
    Note : 19/20
    "In The Family", on s'attend à un énième mélo sur la sacro-sainte famille. Or, c'est un beau et grand film d'auteur étasunien sur la garde d'un enfant suite à un décès de l'un de ses deux papas du quotidien : quand la famille porte plainte et qu'il convient de trouver un arrangement à l'amiable une fois passée la douleur de tous. Possible de déplorer l'aspect caricatural du huis-clos vers l'issue, cette charge un peu invraisemblable, quoique... Les prises de vue tapant "dans les coins" sont un régal en revanche, on est embarqué, pris par ces émotions rentrées que seule l'image révèle, et encore, par à-coups ! A noter, le jeu subtil du réalisateur également acteur premier rôle, d'une énergie à toute épreuve. Rarement au cinéma est traité avec autant de minutie l'art de l'écoute active de l'adversaire, non pour le descendre, mais pour arriver à un compromis le plus humainement viable : ah, ce dernier plan qu'en toute logique on cultivait dans son for intérieur sans le savoir !
  • L'IRLANDAIS (2011)
    Note : 16/20
    Tout dépend de quoi on se permet encore de rire en 2011-2012 sans risquer la camisole de force... Bière, whiskey et amuse-bouches ouvrent cette balade en côte ouest irlandaise. De gros effets picturaux situent le flic de la vieille école, la scène cruciale restant celle de la bande-annonce autour du demi-milliard... L'Irlandais pure souche Boyle (Brendan Gleeson) et l'envoyé étasunien noir issu de milieu aisé (Don Cheadle) se heurtent pour le principe, tout comme la blonde Croate amorce pour les besoins de la cause. Côté dialogues, un accent respecté (et même du gaëlique !), des inégalités. C'est parfois brillant, parfois plat, entaché d'un fond sonore qui peut devenir un peu assommant. Par bonheur, trône la carrure de Brendan Gleeson comme en énième mission pour "Bons baisers de Bruges". Sa personnalité bien mise en valeur face à son comparse du FBI amuse plus qu'elle ne fâche (à moins d'être un incorrigible chatouilleux), donne tacitement la mesure de la corruption contemporaine, tous sous addiction atténue le réalisateur... Bien grinçant, quoique sain (plaisir bien différencié de la douleur). Il faut que débarque la parodie de western (brillante dernière partie) pour qu'on y voie à peu près clair. J'ai souri et ri vers la fin, dieu me damne !
  • LE SKYLAB (2011)
    Note : 17/20
    Si c'est moins abouti que le cruel "La Comtesse", c'est on ne peut plus enlevé grâce au plaisir de jouer de la palette d'acteurs. Chacun peut se retrouver petit(e) en vacances lors des grandes tablées au jardin... Un dédale naturaliste qui remémore la cruauté dans les fratries ou envers les cousins tempérée par la poigne parentale (très bien vues !) pour déboucher sur encore plus cinglant (l'oncle qui se sait différent ou bien les séquelles des guerres indicibles, retour sur les séquelles des "têtes brûlées"!). Un joli patchwork des années pré-mitterrandiennes défile dans les ambiance passant du sucre au vinaigre... Ni la menace du Skylab, ni l'introduction ni même l'issue en train, et pas plus l'épisode "nudistes" ne m'ont pesé. J'ai davantage soupiré pendant les chansonnettes ou le slow en version intégrale et toujours sous le même angle, sans parler de la démo aspirateur !
  • LE NOM DES GENS (2010)
    Note : 15/20
    Tant mieux pour Sara Forestier, distinguée suite à ce film et merci à Jacques Gamblin toujours aussi proche du spectateur dans tous ses rôles. Mais si j'ai souri, ri à plusieurs reprises, bien perçu la volonté de fraternité sous la rudesse, c'est vu par un esprit "bobo", bien formaté tout ça, avec des situations très "réflexe" côté dialogues et mise en scène, et puis Sara en fait quand même des tonnes, trop en roue libre, bien tape-à-l'oeil, autrement plus captivante dans "L'esquive" !
  • LA PRIMA COSA BELLA (2010)
    Note : 15/20
    Vu à Univerciné italien 2011 à Nantes sans en être marquée outre mesure. Evidemment, on brûle de savoir si la belle est bête ou pas si bête... Chacun en prend pour son grade dans son entourage dès qu'elle paraît : trop belle donc. Hélas, inutile de croire la comédie italienne ressuscitée pour autant. La magie de la bande-annonce s'envole très vite, c'est trop brouillon et bien trop bavard. Encore plus pour tenir le choc quand la poupée se rabat sur son fiston en mille et une nostalgies. Hormis cette belle plante à admirer, sorte de Sofia Loren recyclée en nettement moins charismatique, c'est un divertissement bien fait qui aurait gagné à en faire moins.
  • PARIS - MADRID, ALLERS - RETOURS (2010)
    Note : 15/20
    Cette oeuvre d'Alain Bergala, projetée au festival de cinéma espagnol nantais de 2010, est entièrement consacrée à Victor Erice : ses expériences, sa philosophie. Le personnage dit des choses palpitantes mais, du fait d'un ton monocorde, on devient l'étudiant luttant pour rester attentif... N'empêche qu'on balaie les origines du cinéma espagnol : en particulier, cette absence paternelle qui était la règle à cause des événements (guerre civile, franquisme, exil...), et qui explique que la plupart des premiers cinéastes espagnols, même s'ils avaient connaissance des fictions étatsuniennes avec les bons qui gagnent sur les méchants, se sont davantage rapprochés du néoréalisme italien... A déplorer que l'ensemble de cette rétrospective frôle l'académisme (long passage sur "cinéma classique et cinéma moderne", ainsi que sur "la nouvelle vague française" façon intello un peu raseur... Heureusement, la photo accroche suffisamment, on guette les intermèdes, ils auraient pu être plus nombreux d'ailleurs : telle cette rencontre éclair avec Michel Piccoli et ce flash non moins splendide sur la petite Anna Torrent (héroïne de "Cria Cuervos") dans "L'esprit de la ruche"
  • SHUTTER ISLAND (2010)
    Note : 14/20
    Horreur d'être mise dans cet état de cette façon-là... Hum, minoritaire, je le constate ! Toute la foule des rompus du genre s'extasie ! Séduite moi-même par la concertation en fonçant sur l'île par les deux stars Mark Ruffalo et Leonardo Dicaprio dans le même bateau... Et patatras, cette musique lourdingue martelant l'entrée en terre inhospitalière, ils vont vivre l'enfer au cas où on ne l'aurait pas deviné... Léger trouble dans les attitudes : l'indice qu'on aura en permanence à douter de qui est le plus fou... Et voilà que ça s'enchaîne sur cette interminable purée de poix : flashs-back en avalanche, Shoah, épouse détraquée, l'illustration de ce qui se passe dans la caboche de l'un des enquêteurs (2 heures 17 de projection en allers-retours de l'onirisme aux réalités, pas une seconde pour reprendre souffle). Epuisante recherche d'individus mythiques, tout un délire mélangé aux découvertes sur place... J'ai mal ressenti ce froid défilé d'informations du virtuose Scorsese, qui ne lésine sur aucune prouesse technique afin d'épauler ses acteurs. Il est pour la première fois secondé par la scénariste Laeta Kalogridis (action et séries télé étatsuniennes) : si je suis réservée sur la brutalité de l'ensemble, les amateurs de sensations fortes tiennent le coup, prêts pour une deuxième projection à cause de l'issue, particulièrement "soft", ils pensent avoir manqué quelques détails. Hormis les gros effets (maquillage du sang sur les jambes de la fillette sortie de l'eau par exemple !) c'est une illustration assez fidèle du livre (parcouru depuis) sauf que l'imagination, privilège du lecteur, n'y a aucune place.
  • NANNERL LA SOEUR DE MOZART (2010)
    Note : 16/20
    Peut-on réaliser un film en étant archi-faux au plan des dates de l'Histoire ? Toute la famille Féret réunie en album photos aux couleurs chatoyantes tendrait à le démontrer... Joli travail d'orfèvre que cette retranscription du dix-huitième siècle, atmosphère, décors, costumes, poses, dialogues. Juste un brin d'académisme et surtout les bourdes historiques précitées, ce fils de Louis XV déménagé de son époque !)... Sans ces failles, l'oeuvre était remarquable... Des scènes du quotidien attachantes, une musique sublime, je retiens ce morceau précis attribué à la jeune fille, qui donne envie du dvd... Le réalisateur "brode" avec infiniment de goût pictural et sonore le périple d'une famille musicienne à travers les Cours d'Europe. Féret est convaincu que "Wolfie" a assombri l'avenir de sa soeur aînée : une virtuose interdite de violon, cantonnée au clavecin et au chant par les usages... Elle eût certes gagné à refuser de se travestir pour approcher ce fêlé de Dauphin... Si l'on parvient à dépasser les anachronismes fort dommageables à ce film, quelques lenteurs aussi, ce portrait de créatrice ciselé avec art (dont le père Leopold sait la valeur !) peut faire chavirer hommes et femmes !
  • LES MAINS EN L'AIR (2010)
    Note : 16/20
    Un peu déçue du déroulement, trop axé sur les traficotages enfantins afin de ne pas trop "appuyer" en faveur de ces sans-papiers précis et des sans-papiers en général, ces "mains en l'air" venant à point nommé estomper la fugue juvénile... Désolée, je m'ennuie avec ces gosses facétieux, c'est brouillon comme approche, sauf la caméra braquée sur la petite Tchétchène qui joue très juste... Merci Mme Bruni-Tedeschi pour votre parti pris grâce à ce rôle, pensez à répercuter à votre soeur qui chuchotera dans le creux de l'oreille à notre vénérable petit père des peuples ! Prendre position ou pas, à la bonne heure ! Il s'agit des réfugiés tchétchènes, un coin du globe où ça chauffe sérieusement pour les civils (à cause d'une frange minoritaires d'extrémistes) et sans que la Russie le reconnaisse, elle en ferait plutôt une affaire privée ! Alors, difficile, oui, de voir renvoyer ces réchappés de l'horreur dans leur poudrière natale sans en être bouleversé ! Hommage surtout à la cause défendue par Romain Goupil (bien davantage qu'à sa manière d'amener son sujet) en l'occurrence l'une des pires aberrations contemporaines !
  • COPIE CONFORME (2010)
    Note : 17/20
    Reconnaissable à ses particularismes pour filmer l'anodin qui en dit long, Abbas Kiarostami fait craindre une balade en voiture comme dans "Le goût de la cerise". C'est un curieux périple en fait, "je ne comprends pas", disent les rationalistes... Certes, le verbiage entre original et copie peut séduire les intellectuels de haut vol, "cause toujours"... Mieux vaut se focaliser sur les attitudes du couple (à partir de ce café interrompu par le portable, quand on est encore sûr que la tavernière se trompe). Kiarostami use d'un artifice pour provoquer des lectures multiples : ce peut être l'impasse où s'engluent deux caractères mal assortis dont l'enfant illustre le ratage. Le refus de fibre paternelle pur et dur. Le renoncement suite à des étripages sans issue. L'emprisonnement de l'individu, en Iran ou ailleurs. Ou un cri de ralliement à cette désespérée ? Il faut reconnaître, et l'affiche le traduit complètement, que face à un écrivain évadé depuis longtemps dans les hautes cimes, bâton de rouge à lèvres et pendants d'oreilles font triste figure !
  • LA TÊTE EN FRICHE (2010)
    Note : 15/20
    Les hautes sphères du cinéma "intello" condamneront cette bluette en arguant que cette France-là est une vue chimérique de bobo... Pourtant, l'intention à elle seule justifierait la bienveillance, en tous cas pour ceux qui ont raffolé du temps de Bourvil, Gabin et autres figures s'ébrouant dans le genre populaire. Discrète justice rendue à la perte affective et aussi à l'âge, en particulier du côté féminin. Audace de se pencher sur les substituts de père et mère, autant d'opportunités pour panser les plaies mal refermées de l'enfance... Hommage à la culture livresque facile d'accès et qui console des poches percées dues aux récessions économiques en maintenant vivant, voire en rattrapant les lacunes scolaires... Surjoué par moments (les scènes du café regorgent d'archétypes), avec des dialogues inégaux, parfois très convenus... On frôle la caricature de villages, promiscuité = ragots ou entraide, mais reconnaissons qu'il plane une réelle bonté, une volonté de pacification qui fait du bien en ces temps vachards... Du reste, quelques bons mots sur la fin rattrapent le décor un peu facilement planté... Résultat, grâce à ses acteurs complémentaires (Casadesus, Maurane, Depardieu, Stévenin et les autres...), de ce film estival, on retiendra les valeurs profondes. Possible de le coupler avec "Les petits ruisseaux" de Pascal Rabaté à l'affiche également : traiter du grand âge sans tricherie, sans peur, vaut de l'or en 2010 !
  • LES PETITS RUISSEAUX (2010)
    Note : 17/20
    A part le choc des rateliers... (un peu rude pour les crocs !) la promenade revigore, jamais trop égrillarde, plutôt instructive. Davantage de piment dans les situations à partir de la renaissance n'aurait pas nui... Etant entendu que les délires de la chair usée glaceront, ou feront hausser les épaules des hercules du lit ("c'est dégueu" ou "merci, j'ai ce qu'il faut à la maison")... On baigne dans un naturalisme dont l'approche rejoint les films scandinaves. Avec de jolis effets à l'image renvoyant à la bande dessinée du même auteur : la voiture orange miniature comme un jouet sur des paysages à très grande profondeur de champ (une caméra qui balaie comme un aigle avant de piquer sur sa cible), ou encore cette halte sur un plat de poisson entamé quand devisent, au second plan "notre homme" et sa descendance en gestation... Si le deuil du copain sonne comme un réveil-matin d'autrefois, que de risques courus depuis ses affolantes peintures ! Plusieurs fois le profil (si caractéristique) de Daniel Prévost en frôle-la-mort voulant réussir sa dernière ligne droite, invite à l'observation. Guérir des deuils, saisir les opportunités... Rire garanti pour les résolus à faner comme les plantes et qui s'estiment gagnants sur tellement d'autres tableaux. Les moins prudes, quelle que soit leur avancée dans la vie, devraient s'égayer du "je suis vieux", aveu du condamné précédé d'un "merde, je bande" annonçant le fiasco ! Le regard de Pascal Baraté ose traiter de la condition masculine axée sur la performance. Il en souligne les limites mais ne sonne point le glas... Sous le côté anecdotique, c'est une fine analyse de la vieillesse au niveau sexuel, cette hantise de "ne plus pouvoir y arriver" (et qui peut parfaitement venir en complément de "La Tête en Friche" en salles aussi en ce début d'été 2010 sur le grand âge au féminin).
  • TAMARA DREWE (2010)
    Note : 13/20
    C'est du lourd... Ouste la sensibilité à fleur de peau de "Liam", "The Queen" ou "Les liaisons dangereuses" ! Bien empaqueté, mais ce que le réalisateur fait dire ou faire à ses acteurs m'a refroidie. Tout d'abord, cet écrivain aux toilettes, prochain de l'épouse à l'oeil de chien battu et au popotin dans le viseur... Gros rire d'une grande "beaufitude", on sent les enjeux gros comme une maison, la seule surprise réside dans ces vaches déchaînées pour cause de chien dans leurs pattes (une scène spectaculaire, inattendue, sans doute vertigineuse à tourner). Pour le reste, je fais partie des peu emballés, et surtout pas par cette tornade de retour au bled (bien balancée, féministe mais trop minois de séries anglo-saxonnes)... On pressent aussi le clash avec ces deux pestes à l'affût, dont l'une va monter au créneau (et pourtant les avoir filmées en embuscade permanente peut raviver de jolis souvenirs de méchanceté enfantine)... Après toutes ces frictions d'un goût discutable, on doit s'attendrir, la morale l'ordonne. Alors que fait encore défaut le décollage. C'est une farce incompatible avec ce dénouement de consolation, cette façon de se rabattre sur le sentimental. Mais je n'ai pas accroché à ces arrangements de façade... Il manquait la magie, je revoyais trop le monsieur sur le trône !
  • DES HOMMES ET DES DIEUX (2010)
    Note : 19/20
    Merci au "Concorde" nantais d'avoir offert à quelques cinévores le 26 août 2010 ce film bouleversant autant que délicat. Une oeuvre se gardant bien de pointer un accusé précis (terroristes islamistes ou armée algérienne ?) mais où on sent la prise de position de Xavier Beauvois : prouesses que la foi permet, sans aucun doute, mais surtout avantages du bien vivre ensemble... Avec ces quelques mots sur "l'amour entre un homme et une femme", de la part de trappistes supposés vivre sous cloche... La ferveur plane sur le monastère entouré de paysages semi-désertiques... Ainsi, ces êtres qui boivent du vin en musique, mangent parfois des frites, sont épris d'absolu, incarnent l'exemplarité qui manque tellement à notre époque : tendre que les actes et les paroles demeurent en harmonie. Trop purs, ils furent sacrifiés (sauf un, leur témoin le plus fiable à ce jour) : qu'on ait pu les viser eux, les derniers hommes à supprimer, c'est cela qui émeut les cuirs les plus durs. A partir du récit de faits réels dans une région précise fort bien dépeinte, on imagine bien la tension puis la foi, implacable... On se surprend à suivre ces êtres de conviction, aussi proches que de vieilles connaissances. Leur art de cohabiter, leur fraîcheur de nouveaux-nés par rapport aux dénaturés (Ô combien majoritaires en tous temps !), remet en mémoire que "ce n'est qu'après, longtemps après...". Des joies parfois mélangées à la tristesse (vin et musique), des doutes, cet étau qui se resserre plusieurs fois. Très accessible, et point n'est besoin d'être mystique pour en sortir remué durablement.
  • ENTRE NOS MAINS (2010)
    Note : 18/20
    Ceux qui s'estiment à l'abri d'un licenciement et exigent de se déplacer au cinéma pour de la virtuosité ou du divertissement avant tout, fustigeront la façon un peu "ras du sol" d'aborder cette banalité de nos jours : "une difficulté d'entreprise". Nulle poésie... La caméra se plante au plus près des salariés. La position des dirigeants est ambiguë. On sent une tension générée par une tactique du patronat largement répandue, de la préparation, des ménagements suspects... Le produit à lui tout seul incroyablement ironique... Fabrique-t-on des culottes et soutiens-gorges pour se retrouver en petite tenue ? ... L'intrigue rattrape les prises de vue ordinaires, donne un aperçu des raffinements contemporains en trompe-l'oeil... Des encouragements stériles, et en vis-à-vis, le dialogue entre gens qui se connaissent assez pour trouver qu'il y a du louche... Elles se sont si souvent côtoyées de longues heures à leurs postes, ces dames qui rangent ou repassent comme si elles étaient chez elles, lassées mais attentives au sort des collègues récentes. Largesse de vue et esprit vif sous la diction parfois traînante ou la référence au mari... Très justes aussi, ces syndicalistes qui expliquent d'une certaine façon... Mettre son écot dans la balance, il pouvait en résulter une embellie avant les années quatre vingts.... Mais à présent que les intouchables tapent dans la caisse comme au bon vieux temps des rois et des cours... Fou ce que ça ressemble à une charade : mon premier, donner un mois de ma paie au boss afin que la boîte continue à tourner. Mon second, ciel un repreneur, et ensuite ? Macache !... Il faut aller voir le film, pas pour sa performance technique mais pour l'horreur économique à son zénith.
  • ONCLE BOONMEE, CELUI QUI SE SOUVIENT DE SES VIES ANTÉRIEURES (2010)
    Note : 17/20
    Balade dans une jungle où un murmure de basses rassure tout de suite... On vient à la rencontre de l'oncle aux reins défaillants, des apparitions tout ce qu'il y a de gentil. Il doit "naître à rebours", aller se perdre au fin fond des grottes (bien des similitudes avec "Tropical Malady"). Autant se caler dans son fauteuil, fondu dans la pénombre, faire corps avec la nature moite, arrêter de penser... S'en remettre à l'eau, les pas dans la végétation, le très lent déplacement de caméra vers dieu sait quelle curiosité... Apichatpong Weerasethakul, surnommé "Joe" ou "le David Lynch thaïlandais", aurait beaucoup puisé chez l'Américain Bruce Baillie ("Castro Street") : la passion des tunnels tourmentés ouvrant sur le soleil leur est commune. Rien n'interdit de se remémorer Pink Floyd non plus ("A saucerful of secrets")... C'est toujours beau, féérique, purifiant. On se croit dans un conte pour adulte. Las, l'animisme majoritaire dans lequel on s'est allongé, confiant, finit par décontenancer, il y a télescopage avec les éclats de mondialisation, une uniformisation de comportements devenant pesante sous toutes les latitudes... Résultat, on est zen mais avec une légère gueule de bois. A regarder de plus près la production précédente de ce plasticien, il sait pourtant raconter la Thaïlande actuelle de manière moins emberlificotée. Il gagnerait à approfondir, qu'on retienne quelque chose en plus de l'envoûtement... "L'Etat du monde" (pour la partie qui le concerne) semblerait plus engagé. "Syndromes at a century" et "Blissfully yours", enchanteurs et moins hallucinogènes. A suivre !
  • SUBMARINO (2010)
    Note : 17/20
    "Submarino" signifierait dans le milieu nordique "lent étouffement"... L'âpreté d'un jeune écrivain danois aurait fortement inspiré Thomas Vinterberg... Son entrée en matière s'avère à la limite du soutenable : le pilier familial blindé réclamant son vermouth aux gosses, taloches et... Rideau... Des images très blanches, un bébé réclamant de l'attention par gazouillis ou pleurs... Quand bien même ces drames ont cours dans notre immeuble et sont camouflés au grand jour, cela reste une torture de les voir sur un écran de cinéma (le délire de "Festen" continuerait-t-il à travailler la peau du cinéaste ?)... L'étouffoir donc... Jusqu'à ce garçonnet écolier : instinctif, affectueux, qui dit ce qu'il ressent, avec lui, pour lui, ça vaut la peine de s'accrocher : "pof" (un bruit marquant !), dès qu'il ôte le capuchon de son stylo à dessin, l'oxygène est de retour... Soudain, peu importe le mystère des deux frères dont l'un irradie (gros-plan de regard d'apôtre fixant la caméra) alors que l'autre semble dans un labyrinthe... C'est assez téléphoné comme déroulement dès que ce garçonnet paraît, mais l'art et la manière, plus l'émotion qui déferle la dernière demi-heure, font que - miracle - on aime l'intégralité de l'histoire !
  • BENDA BILILI ! (2010)
    Note : 19/20
    Un jour tu bouffes, un jour tu bouffes pas... Quand le handicap couplé à la misère donne des ailes.... Renaud Barret et Florent de La Tullaye ont eu le nez fin de s'attarder sur le "Staff Benda Bilili", Ricky, Roger, Coco & Co. Des tricycles de fortune. Devoir braver la dureté ambiante et tant pis s'il faut échouer la nuit sur des cartons : ils vous en bouchent un coin, ces réchappés de l'écrabouillement filmés à hauteur de tricycles avec leurs jeunes accompagnants, autant dire des "pages" new style... Les uns et les autres évolués dans leur tête. Une rage qui rappellerait assez les premiers bluesmen noirs américains en plus communicatif. En quelque sorte, les messagers du Congo et du peuple africain tout entier qui disent "nous continuons à vivre !". Quelquefois à flanc de train d'ailleurs, au péril de son existence (et sans doute pas pour espérer passer à la télé un jour !). Au diable les intentions de façade ("les autorités se foutent de nous") ! Place à la survie avec les moyens du bord ! Travailler sur soi... Ils ont la musique dans le sang, comme leurs ancêtres, apprennent en se trompant. S'exercer seul, ensemble, sauter les obstacles... Le studio, premier cap... Les faux-départs... Les pièges déboulent en même temps que les honneurs (fumette, alcool, hélas, planent comme un bémol)... Décollage en règle à Belfort lors des "Eurockéennes"... La récompense, une pause méritée... "Buena Vista Social" traverse aussi l'esprit. C'est ressemblant, en plus resserré. Davantage une transe installant les spectateurs dans une admiration éperdue (exception faite des esprits obtus qui y voient une illustration pour associations caritatives)... Crénom de nom ! Les yeux mouillés, un sourire de bambin vous anime, ainsi que l'envie de danser si ce n'est de créer un instrument dérivé de cette enchanteresse boîte de lait (ce serait un calvaire d'en sortir les notes épurées qu'on finit par entendre)... Assez optimiste pour qu'on sorte de là au pas de charge, prêt à en découdre. Le dvd avec ses bonus est attendu de pied ferme !
  • CRIME D'AMOUR (2010)
    Note : 14/20
    Divertissement télé honorable pour une soirée d'hiver. Le début et l'issue à eux deux suffiraient presque. Mais si on est armé de patience, tout peut se regarder car l'image est toujours de qualité, le décor se plante gaillardement, fond de jazz et carillon chinois du plus bel effet pour ponctuer les scènes. Petite faiblesse des dialogues parfois, les déclarations d'amour pleuvent dans ce milieu très bcbg. Autrement plus intéressant, le harcèlement hiérarchique, ce lent empoisonnement arrivé au stade "quitte ou double"... Le regretté Alain Corneau raffolait des duels de femmes à l'écran. Mais que Christine (Kristin Scott Thomas) bien que minaude à l'excès ici, lâche le spectateur aussi vite, c'est une faute de goût... Au profit d'un système d'horlogerie "tiré par les cheveux" (rappelant dans sa minutie la poursuite de véhicules de "La menace"), déconcertant... Pour en venir à un machiavélisme orchestré par la fragile Isabelle (Ludivine Sagnier, mais pourquoi donc laisser cette jeune actrice s'ébrouer dans un seul registre ?) : si son dernier chevalier-servant remet le doute à l'honneur lors du dernier plan, sa démarche de vamp, sourcil ahuri et moue enfantine, non seulement tapent sur les nerfs mais sont inappropriés pour une comploteuse de ce calibre !
  • PAULINE ET FRANÇOIS (2010)
    Note : 17/20
    Un goût de trop peu ou alors un défaut d'assaisonnement ?... Hyperactifs, cartésiens, citadins allergiques à la campagne, allez voir autre chose, ou alors déplacez-vous pour les acteurs, tous dignes d'intérêt dans cette histoire... Film de pure atmosphère, ce qui s'appelle "un joli film". Le quotidien dans nos chaumières, le déclic causé par un changement dans l'entourage. Toujours agréable, on ne peut plus juste... Les personnages dignes d'un peintre naturaliste. Tout est à fleur de peau. Des instants de grâce réguliers, et cette lumière délicate (mèches dorées de dos en clair-obscur, yeux clairs de Laura Smet fondus dans le décor, ou le petit constructeur de lego filmé en temps réel). Bande-son folk du meilleur goût aussi, avec la voix de Jean-Louis Murat ressuscitée dans le genre Manset... C'est le premier film de Renaud Fély, également deuxième assistant de Pascale Ferran dans "L'amant de Lady Chatterley" : même réédition de sous-bois où trouver paix et fortifiant. Le déroulement fait qu'on oublie où on est, les non-dits, les élans contournés, tout s'avère langage accessible... Un lent tissage qu'un choc devrait venir justifier, on l'attend comme la récompense à notre patience de spectateur qui n'en a pas perdu une miette. Mais, surprise, au lieu de la décharge électrique escomptée, une pirouette et vlan, déjà le générique !
  • LES AMOURS IMAGINAIRES (2010)
    Note : 17/20
    On fume vraiment beaucoup dans ce film. Le premier et le dernier ralentis, très appuyés, ont leur raison d'être, les autres beaucoup moins... Idem pour le tube "Bang bang" en v.o. italienne, il eût été préférable de placer une autre romance plutôt que d'en remettre une couche... Toutefois, c'est plaisant à suivre, on ne s'ennuie pas dès lors que le côté "plus fort que soi" dans un contexte quelque peu vertigineux est entériné. C'est une histoire à l'intention des amoureux de l'amour, ces partenaires prêts pour le duel sans merci. Pour qui s'est sorti de ce genre d'impasse dans l'un et l'autre sens, un sourire béat pendant toute la séance : joie de revisiter la niaiserie de la victime et la prétention des cibles en se disant à part soi : "c'qu'on est-y bête !". Xavier Dolan situe bien l'aveu verbal, cette imprudence sans laquelle la parade durerait sans péril pour bifurquer en douce ensuite vers une autre proie... Un regard sans concession, très personnel, qui devrait faire hausser les épaules des durs, des costauds.
  • LES REVES DANSANTS SUR LES PAS DE PINA BAUSCH (2010)
    Note : 19/20
    Merci au Cinéma Concorde de Nantes de m'avoir fait découvrir le 26 août 2010 cette pépite... Pina Bausch, voix presque mâle, beau visage altier, toge blanche en scène, souvent en noir à la ville... Foudroyée en 5 jours à l'hôpital à l'annonce d'un cancer généralisé : quand on le sait, ce documentaire (déjà intense par lui-même) vous l'attache pour le cadeau qu'elle laisse au monde. Quelle somme de travail ! Quelle passion dévorante aussi ! Pina semblerait avoir retenu de son passage ici-bas, l'alternance d'attraction-répulsion avec son semblable, vite apprise dans le bistro parental où elle vivait petite, dans l'observation des autres, que l'alcool rend toujours plus expressifs... Mais même sans raffoler de la "Tanz-Theater" sa spécialité, ces grands levers de bras, le visage de Pieta qui fait souhaiter que le mime Marceau débarque avec un gag, on peut apprécier la compagnie de ces êtres encore neufs dans une révélation à eux-mêmes. La bande-annonce reflète parfaitement l'esprit ludique, les trois chorégraphes à l'unisson... Aucune longueur. On fredonne, on sourit face à ces garçons et filles si nature, illustration des premiers émois (voire réellement ressentis ?). Heureux d'être là sans préparation particulière, dans l'émulation (le fait d'ignorer qui sera choisi pour figurer au premier plan les motive)... De brèves confidences, des images plaquées sur des rengaines sentimentales des années trente, quelques envolées... Une fraîcheur permanente, tous s'avérant dignes du flambeau qui leur est transmis... Quant à Pina Bausch, elle surveille attentive, amusée, souvent radieuse... Sans doute la meilleure image d'elle pour le grand public.
  • TOUS MES PÈRES (2010)
    Note : 16/20
    Découvert lors du cycle allemand Univerciné de Nantes novembre 2010. Dans les petites bourgades de l'ex-RDA allemande, les années 80 signifiaient encore pressions familiales, peur panique du qu'en dira-t-on, un peu comme en France dans les années 50/60 (silence sur la contraception ou l'avortement dans ce documentaire). On arrangeait en catimini la grossesse extra-conjugale, les grands-parents au secours de la jeune femme féconde, tout sauf l'opprobre... Bien avoir cela en tête pour découvrir Jan Raiber, 30 ans (et père d'un tout jeune enfant à son tour), faute de quoi sa résilience ferait banale recette de télé-réalité tant elle en rappelle les façons. Histoire d'illustrer son récit, l'acteur-réalisateur toujours bien attaché, monte et descend un pic surplombant son village. Les freins de l'entourage sont entendus mais vite changés en "cause toujours"... Outre que ce secret familial peut servir à rompre des silences lancinants dans les foyers, c'est le dialogue mère-fils qui est ici remarquable : foin du "je suis ta mère, j'ai fait comme j'ai pu et n'ai pas de comptes à te rendre" ! Le rejeton preneur de son et son copain à la caméra renversent la table, emportant l'adhésion du jeune qui sommeille en soi. La conscience du parent gamberge pour cause d'esquive de test ADN. Tandis que la pension alimentaire continue de planer, débarque "la surprise" annoncée par téléphone et aussitôt mise en pratique. On passe à deux doigts d'une crise cardiaque.
  • SANTIAGO 73 POST MORTEM (2010)
    Note : 14/20
    Découvert au Festival des Trois Continents nantais 2010. L'image est beige rosée, parfois belle, parfois fade... Le degré de tension monte avec ce plan séquence de la douche tandis que ça castagne, que ça gémit de l'autre côté de la rue : Santiago du Chili lors du Coup d'Etat de 1973 contre Allende avant la dictature de Pinochet. C'est une simulation des violences arbitraires car le cinéaste n'a pas lui-même vécu ces horreurs. Il faut lire entre les lignes (manqueraient quelques explications sur l'écran, trois fois rien et ça ferait tout de suite moins nébuleux). On saisit bien les "descentes" chez certains habitants, le personnel de l'hôpital se voit sommé d'obtempérer, le fonctionnaire des pompes funèbres entasse pêle-mêle des morts qui tombent de son chariot tout en remettant sur pattes un caniche blanc rescapé d'en face... Une scène de révolte féminine tout à fait remarquable réveille de la gestion mécanique hospitalière... Dommage qu'ils soient si glauques les personnages du cinéaste Pablo Larrain. La voisine qui cherche à sauver sa peau, les couteaux à dissection d'autopsies.. A quel moment le cerveau finit-il par déjanter ? Des portes, en voici une entrebaîllée : la voisine qui trouvait faux le chat n'osant pas regarder celui qui lui donne à manger est là avec le petit chien (qui va où on le met) et un quidam plutôt jeune... A la manière du Mexicain Enrique Rivero dans "Parque Via"(également distingué à Nantes en 2008) on assiste alors à un de ces coups de sang !
  • LE DERNIER VOYAGE DE TANYA (2010)
    Note : 17/20
    Après ce flash pour situer les personnages, faisons confiance aux deux passereaux transportés dans leur cage en voiture, suivons ces deux taciturnes devant et, allongée à l'arrière, le cadavre d'une bienheureuse qui semble dormir : la route est longue... S'assoupir légèrement (pas trop) n'aura que très peu d' incidence. Surtout ne pas quitter la salle ! Car une seconde tranche de vie commence à partir du feu. Il crépite au bord de l'eau, des bruants sautillent sur les branches dénudées. Jouez violons, et vlan, l'alliance à la flotte ! Etrange "tristesse mêlée de gaité", les traditions finnoises ont une curieuse logique... Tant pis pour eux, quelques spectateurs lassés sont partis et voilà que ça déménage : glissant avec la grâce du cygne de la droite, ce garçon en bateau. Un écran banc laissant croire à une panne... Mais non, si l'on en juge par ces deux mini-silhouettes tout en haut à droite... Comme souvent dans ce genre de quête initiatique slave, le dénouement tient sur la toute dernière phase... Le romancier et scénariste Denis Osokin brille une nouvelle fois aux côtés d'Alekseï Fedorchenko (44 ans), un audacieux qu'on aurait tort de prendre pour un freluquet même s'il fait dire à un veuf que les femmes sont des fleuves.
  • BARRIERE (2010)
    Note : 17/20
    Découvert au Cycle allemand Univerciné Nantes de novembre 2010. On est intrigué par ce bébé qui pleure comme s'il avait des dons de voyance. Brève présentation des neuf acteurs (dont trois seulement seront retenus) dans leurs répétitions :"Hamlet", une oeuvre grandiose... Déjà, l'hébergement jure par rapport à la qualité requise. Les neuf collègues doivent s'allier un metteur en scène caractériel quoique réceptif à leurs particularismes (attachant Matthias Habich) et contourner l'étrangeté du vraiment très jeune projectionniste... Sauve qui peut, l'une veut refaire sa valise... Réflexion faite, chacun jouera des coudes, en se ménageant des récréations diverses, parfois jusqu'au délire suraigu... Le spectateur est gâté côté photo, un noir et blanc pur, lumineux, chatoyant (Visages en plans rapprochés, esthétisme des corps dont la plastique parfaite de Klara Manzel !). Du sordide interfère, ce couple de Bidochons avec bébé (souvent en larmes lui aussi). Il faut attendre les derniers plans, Ophélie entre réalité et mythe, pour apprécier le scénario, bien boutiqué finalement. Sans être frontal comme Dennis Gansel dans "La Vague", Andreas Kleinert décrit avec beaucoup de subtilité comment un concours de circonstances peut privilégier l'instinct de conservation de l'individu par rapport à toute autre chose et sans état d'âme particulier.
  • L'ETREINTE DU FLEUVE (2010)
    Note : 18/20
    A décroché la Montgolfière d'Or au 32ème Festival des Trois Continents Nantais (2010). Cela part d'un brouillard qui serait déménagé d'un conte nordique en Amérique Latine. Dans une brume bleutée, on devine des offrandes au monstre, un rite donnant l'occasion au cadreur de s'attarder sur la végétation à fleur d'eau. Seul petit défaut peut-être, la lenteur à en venir au fait... Sinon,c'est complètement envoûtant, l'espace de quelques secondes, on jurerait une aquarelle. Une atmosphère voisine de "L'Oncle Boonmee" mais à des fins différentes : "Magdalena", fleuve traversant la Colombie du Sud au Nord, autorise les populations à circuler et même pêcher entre les turbulences. Il se chuchote qu'un ferry se déleste de curieux poids, rien que d'en parler, les femmes sont prises de panique... Pas de police. On survit grâce à l'imagination collective. Depuis 2002. Et même des décennies en arrière au dire de personnalités lasses des affres de dictatures successives...Le réalisateur Nicolas Rincon Gille traduit le malaise en un documentaire éblouissant Il est à la fois journaliste, peintre, sociologue. Les spectateurs sont particulièrement ménagés dans son récit. Il s'agit d'horreur bien réelle, mais toujours amortie et sans pour autant sonner faux. Devrait rester en tête cette petite lumière clignotant sur l'eau noire.
  • THE FOURTH PORTRAIT (2010)
    Note : 19/20
    Prix du public au 32ème Festival des Trois Continents. En découvrant le jeune Xiang, on songe à tous ces gosses livrés à eux-mêmes. Petite bouille craquante bien qu'en deuil...Se fait remonter les bretelles par un vieux revanchard. Tout le monde va se retrouver dans les histoires de familles recomposées qu'un secret empoisonne pour sauver l'honneur adulte. Toutefois, il faut être aveugle pour manquer la seconde lecture à ce discours, confirmée par le réalisateur et le producteur ainsi que leur interprète, présents dans la salle du Katorza nantais (on ne peut rêver meilleurs ambassadeurs pour une promotion cinématographique, bien qu'ils n'éludent pas la réticence de leurs compatriotes à devenir amnésiques)... Ce "quatrième" portrait peut échapper tellement la double interprétation du récit occupe les méninges. C'est plaisant à suivre, tendre aussi, et pas du tout statique. Quelques mémorables étincelles, ce petit est adulte avant l'heure en gardant la spontanéité de l'enfance (la rampe d'escalier en marbre pour toboggan) et la scène en plongée sur les deux comparses aux toilettes, on a le vertige... En attendant le dvd, une excellente occasion de se pencher sur l'histoire : revoir pourquoi Taïwan (ex Formose = "La belle île"), entre Japon et Chine, a dû batailler ferme depuis toujours.
  • PEAR (2010)
    Note : 16/20
    Projeté au 32ème Festival des Trois Continents nantais (2010). Double lecture, chaque rôle figurant les différents tiraillements de la Chine d'aujourd'hui... Voici la "Maison de Joie" (!) avec sa façade de bonbonnière : au menu, télévision, provisions de bouche à volonté, plus si les travailleuses sont disponibles (l'art de doser labeur et détente...) = un bordel glamour. La jeune tenancière, proche de ses employées, materne ou rudoie. Les excès sont tolérés... Mais aucune mention de contraception ni préservatif.... Le couple dont il est question souffre, si l'on en juge par sa physionomie sous les lampes roses. Chacun s'ébroue pourtant comme il peut. Défilé de cigarettes. Rage sur ce briquet nerveusement actionné... Entre deux "siestes", on déguste les poires, ramenées de la campagne, la seule douceur véritable d'ailleurs, sauf qu'elles finissent par donner une vague nausée malgré toute la convivialité de ces estropiés du coeur. Triste visage féminin condamné à l'absurde. Longs tunnels traversés : le communisme puis l'ultralibéralisme, on est ankylosé comme ce bébé maintenu debout par sa chape de bois.
  • CUCHILLO DE PALO (2010)
    Note : 17/20
    Montgolfière d'Argent du 32ème Festival des 3 Continents nantais et Prix du Jury Jeune (2010). Le thème est généreux, rarement abordé de cette façon. A déplorer quelques redondances avant d'en venir au fait... La toute jeune réalisatrice (trentenaire) joue elle-même le rôle de la nièce cherchant à comprendre pourquoi l'oncle était, de son vivant, regardé de travers : ainsi, on apprend que, dans les eighties (ce n'est pas vieux !) "108" homosexuels auraient subi les sévices de la dictature paraguayenne d'Alfredo Stroessner. Le récit montre bien, que ce soit dans le tête-à-tête d'un père et sa fille ou les célébrations collectives, que l'on ne parle pas de ça, que si c'est arrivé c'est parce que c'est "contre nature" parce que "croissez multipliez"... Bref, la vérité de siècles d'obscurantisme. Un aperçu des mentalités d'Amérique Latine entre crucifix et chapelet, la difficulté pour la jeunesse qui s'est émancipée d'admettre les idées reçues générant l'exclusion... C'est déroulé avec minutie et soudain, une femme parle et nous autres spectateurs, entendons l'indicible... Renate Costa aurait dû sauter à la gorge de son père à l'écran, insupportable rabâcheur de "nul n'est prophète en son pays" !
  • COURS SI TU PEUX (2010)
    Note : 14/20
    Film-culte au cycle allemand Univerciné nantais de novembre 2010 : la misère existentielle d'un paraplégique par accident, le jour où son auxiliaire de vie lui fait voir de près la jeune fille qu'il convoite de son perchoir. Ils dorment tous les trois comme des braves... Dans la salle, les jeunes adhèrent tout de suite, rient beaucoup, totalement identifiés. Plus grande réserve des adultes... Car on peut trouver niais ce langage codé, languir de ces méandres immatures vers l'ultime vérité (à deux doigts de la fin seulement)... L'eau envahit ou engloutit... Quelques scènes intenses maintiennent en éveil, le ton change souvent, du léger au pertinent, j'aurais aimé davantage d'épaisseur... Une deuxième lecture se superpose, ces lugubres immeubles figurant l'économie actuelle, la solidarité d'une jeunesse prostrée en attendant le saut d'obstacles de la vie active. Ce jeune réalisateur est plein d'imagination à l'image mais m'a donné le tournis avec sa démonstration qui n'en finit pas. Je peux comprendre que ce type d'ambiance soit prisé avant d'affronter les obstacles de la vie d'adulte. On est plombé en plein vol et on reste "biberonner" parce que c'est la fin du monde... Oui, une vie avec un handicap lourd semble LE fardeau. La dernière demi-heure abonde d'effets faisant parfois penser aux énigmes de 2001 de Stanley Kubrick, tout aussi "barré"... Fan ou éreinté, en sortant de la projection, chacun devrait apprécier ce dont il dispose dans la vie réelle.
  • POTICHE (2010)
    Note : 19/20
    Parfaite caricature des entreprises familiales des années 70 présentée avec le piquant des comédies américaines d'après-guerre 39-45. Une fabrique de parapluies : rien qu'à voir l'enseigne, mes zygomatiques entrent en danse... Peu d'atteints de sinistrose grimacent autour de moi dans la salle, les petits patrons seraient autorisés à tiquer mais rien de sûr... Pour qui a approché les contradictions d'une entreprise familiale, jubilation presque obligatoire. Luchini et Deneuve s'étripent, dans un tac au tac bien ajusté qui prélude à un renversement de situation... Depardieu en rajoute une couche... Les enfants se rallient au parent préféré... Mémorable apparition éclair de Sergi Lopez en chauffeur poids lourd... Du diable si ça fait un peu "Au théâtre ce soir", toutes les vieilles ficelles : on éclate de rire parce que ça pulse de tous les côtés ! A peine une petite baisse de régime avant l'explosion finale. Un registre certes emprunté à une époque révolue, "naphtalinée" selon certains internautes. Etrange comme cela rencontre un écho en 2010. Ozon évite (une nouvelle fois !) de nous inonder de personnages malsains ou qui ont un petit pois... Au passage, quelques relents de campagne présidentielle 2007 ou même de mandat présidentiel tout court. "C'est beau la vie" chanté autrement, on y croirait presque tant Catherine Deneuve est épatante dans ce style-là !
  • THE HIGH LIFE (2010)
    Note : 19/20
    "La grande vie", titre ironique qui tient ses promesses, est repartie bredouille du 32ème Festival des Trois Continents nantais 2010 : la énième rengaine de l'enfermement d'un peuple lasserait-elle les esprits occidentaux ?... A Guangzhou, le recruteur de rue (apparenté à nos assureurs ou à une agence d'intérim en plein vent) fait venir à lui des passants avec cv, sans même bouger de sa chaise. Il attend... Nonchalant et cynique. Le soir dans son home, Jia Ming, le même, punaise les photos de ses victimes avec sa régulière. Mais le voici soudain touché par la candeur d'une créature débarquée de la campagne, plus naturelle, moins pot de colle que l'autre, il se sent retrouver des forces, sauf qu'il a mal calculé sa reconversion...On se souviendra du personnage principal avec sa "gueule" si caractéristique, incarnation de l'ennui au pays de la débrouille. Plus sympathique que bien des héros de films chinois contemporains. Restera dans la mémoire également cette douche collective féminine, incroyablement joyeuse bien que sous le regard du maton... Les scènes de prison, ces filles à toute épreuve malgré leur conditionnement hallucinant, l'injonction de réciter des poèmes d'un goût douteux pour cet égaré de la vie, tout cela incite à penser que les Chinois en milieu urbain en sont vraiment au stade de la folie douce.
  • GESHER (2010)
    Note : 19/20
    Temps fort et comme suspendu des "3 Continents nantais 2010" : le gesher est un animal sud-iranien à peau douce et lisse qui devient carapace à pointes tranchantes (et accessoirement, un parti politique iranien tendance centriste autodissout ?)... Le réalisateur trentenaire Vahid Vakilifar et son équipe, disposait de 20 fois 24 heures pour tourner ce docu-fiction (inspiré de situations bien réelles). S'ajouta vite la hantise que les industriels sur place retirent l'autorisation de filmer au moindre faux pas... On découvre Ghobad, Jahan et Nezam dans "le paradis du Gaz", Oslouyeh, sud de l'Iran contemporain. La raffinerie permet de ne pas crever de faim moyennant escalades, débouchages, suffocation suivis d'un sommeil dans un bout de pipeline à claire-voie. On sent bien qu'en comparaison, la cigarette, le plongeon dans la mer, le frisson de la transgression ou l'envoi d'argent à la famille font figure de loisirs. Trouver des astuces afin de respirer, arriver à tenir dans ce bout du monde dénaturé... Une créature chahutée traverse la pénombre, vite repartie. Chaque matin, retour de la côte avec sa lumière si particulière (un éclat déjà observé dans d'autres perles cinématographiques iraniennes comme "Le coureur" d'Amir Nadéri). C'est une vidéo d'un grand raffinement pictural et sonore. Les portraits de ces mâles esclaves sidère car ils n'affichent ni religion ni stoïcisme entretenu. Juste la sérénité dans ce pari de composer avec l'industrialisation aussi outrancière soit-elle, j'entends encore ces bruitages grinçants valant n'importe quelle voix-off.
  • SOME DOGS BITE (2010)
    Note : 14/20
    Prix du public Univerciné Nantes 2010. Les intentions sont louables, c'est un hommage rendu aux détresses juvéniles mais si j'ai admiré la façon de filmer ces traumatisés émergeant directement de la route ou de la nuit noire comme s'ils n'avaient nulle place sur terre, je n'ai pas réussi à me faire aux lenteurs ni aux enchevêtrements de situation, persuadée que la même histoire se déviderait sans qu'on s'en aperçoive traitée par d'autres cinéastes dont je raffole et qui se situent plus à l'est. A retenir tout de même, la scène du train. La difficulté entre jeunes gens et jeunes filles, un suspense très bien rendu mais ensuite une tournure d'événements déjà moins palpitants. Le must est bien évidemment le bébé, d'abord assis sur un carton tout seul. Ses rires et ses larmes, un vrai baromètre, bien qu'incroyablement mal porté sur le dos du cadet, bonjour les colonnes vertébrales... Nombreux moments d'attendrissement lui sont dus à ce petit, presque tout d'ailleurs et en particulier ces minutes où le grand frère le soulève en silence, on voit ses petites chaussures dans le vide, ouaille, que ça fait mal... Une grande recherche picturale, mais on ne pleure pas assez. Il manque un déclic pour que ces bonnes bouilles d'enfants perdus bouleversent pour de bon le public de tous âges, pas seulement les jeunes auxquels ce film parle forcément, rien de tel que de leur offrir du compassionnel pur, ouste les efforts et les remises en cause !
  • ANOTHER YEAR (2010)
    Note : 18/20
    Très appréciée en avant-première au Cycle britannique Univerciné Nantes 2010, cette intrusion dans l'intimité d'un couple à grande santé psychique : Tom et Gerri (on jurerait un vrai chat et une vraie souris !) sont conscients d'être en dernière ligne droite et tiennent à faire au mieux avec leurs acquis. Soudés par le même amour de la vie et un intellect entretenu hors des croyances abêtissantes. A l'image de leur potager inondé de lumière quelle que soit la saison. Chez eux, de fins repas, de bons vins, des conversations fructueuses, autant dire la maison du bon dieu. Le climat habituel de Mike Leigh est présent mais la caricature est beaucoup plus fine que ce que j'en connaissais. Par exemple, au lieu de la pétillance de "Be happy" qui bousculait le mal-être avec son juvénile "je sais être heureuse moi", on a la tranquillité de deux âmes aguerries, sans illusions, persuadées qu'on peut transcender bien des situations avec de la chaleur humaine, au besoin un peu d'adresse (malins aussi les deux vieux !). Un humour débonnaire, des balises pour éviter la fausseté, et surtout cette volonté de compromis. Se glissent quand même des minutes graves, la confidence d'une éclopée dont on se demande si elle se souvient seulement d'une seconde de joie dans sa vie. Evidemment, "nobody's perfect" même le plus charitable... Les travers de tous, inclus le couple modèle se révèlent par la caméra qui s'approche doucement sur un visage, s'attarde... Entre autres Gerri, l'épouse raisonnable, y a droit et forcément la célibataire Mary, si avenante mais plombée d'avance par sa mendicité affective (un rôle en or pour Lesley Manville) !
  • OCTUBRE (2010)
    Note : 16/20
    Sur la table en travers de l'écran (cinémascope), une première ironie : la chaise de gauche à ras du sol par rapport à celle de droite sur laquelle trône l'apparent décisionnaire... Ensuite, où qu'il soit, chez lui, sur un lit de passage ou dehors, la douceur de la photo fait qu'on lui emboîte le pas. Il y a cette rue sombre avec plein soleil en arrière-plan. Cette paroi turquoise fluo ou ce blanc nacré qui tranche avec les bruns rosés déclinés sur tous les tons. La disposition de chaque objet vise l'épure. Pire qu'un peintre jamais satisfait. Cette ambiance de spécialiste lasserait sans le détail qui vient émoustiller : au premier plan, un panier qui bouge. Ah ah, cette découverte, couteau en main, d'un être innocent ! Tout comme l'arrivée de la mante, la taille ceinte d'un cordon de moine... Beaucoup de chaleur humaine dans ces portraits finalement. La fréquente plongée dans la chambre fait comme si on était chez soi, surtout quand la petite tête s'agite sur l'oreiller... Quant aux processions, aucun malaise, elles durent peu et enveloppent de leur halo orange ces solitaires en recherche de béatitude. Le seul reproche serait ce rythme du début, il faut s'y faire. A retenir la photo de famille, elle vaut son pesant de "touron". Egalement au rendez-vous cette caractéristique d'Amérique Latine de partir de la vertu pour rallier l'obscène (le verre d'eau !).
  • NOS RÉSISTANCES (2010)
    Note : 17/20
    Les anciens combattants, les résistants de tous bords vont hurler face aux libertés prises par ce cinéaste de 25 ans avec la Résistance française... Moins les sceptiques, les convaincus que l'humain est un être double si les circonstances s'y prêtent, les documentés personnellement hors des manuels scolaires : ils devraient se dire "enfin" ! Enfin un film osant montrer qu'on n'a pas tous le patriotisme automatique. La jeunesse goûtera particulièrement la mise en scène, habile à capter au vol le dialogue dont le sous-titrage n'aurait pas nui... Quand même un brin "gore" le soin au blessé (images hilarantes à force de réalisme !). N'empêche, les secousses vécues par François (19 ans dans le film) chavirent bel et bien le spectateur le plus endurci. Des façons empruntant à la jeunesse contemporaine mais qui tendent vers l'universel. On sent la grande maîtrise photographique de Romain Cogitore. D'un côté les Vosges sous tous les angles et de l'autre des intérieurs labyrinthiques avec ces surprises derrière les portes... Ce réflexe de se terrer... La bande son de hip-hop et classique personnalise l'ensemble sans jamais heurter l'oreille. Finalement beaucoup plus respectueux qu'il n'y paraît.
  • DESSINE-TOI (2010)
    Note : 15/20
    Rêvons un instant que les adultes s'y collent, dessinons notre moi intérieur représenté par un corps, un habitat... Trêve de plaisanterie, il y a des hauts et des bas encore dans cette escapade au gros feutre noir sur vitre. Certes, ils sont tous craquants ces petits, qu'ils rient, se fassent prier, ou laissent deviner leur malheur, cette difficulté à représenter quelque chose ou alors si minuscule... Dommage de s'être cantonné à un style de feutre sur une vitre. Passé une demi-heure, l'attention se relâche, on veut l'animation après l'esquisse, ce tracé blanc sur fond noir qui ouvre sur tous les possibles. Beaucoup plus palpitant. Mais hélas avec un goût de trop peu. Car retour au carreau et rebelote le gros feutre noir. Plus d'une fois, on a envie d'apporter sur l'écran une boîte vide de camembert, un bout de carton, du papier d'emballage et surtout des feutres couleurs.
  • 20 CIGARETTES (2010)
    Note : 17/20
    Réjouissant "Prix des Lycéens" du cycle "Univerciné Italien" à Nantes en ce soir du 20 février 2011 ! Ambiance incroyablement légère en première partie pourtant, au point qu'on se sent chloroformé pour errer dans le désert en comptant les cigarettes. Tout commence avec la pancarte "Nassiriya". Après quelques vues de l'endroit, grand sursaut dans la salle (j'ai même vérifié sur ma gauche, croyant à un impact). Non, ce ne sont pas des blagues, plutôt un puissant rappel qu'en ce moment-même et depuis déjà pas mal d'années, des "raclées" de cette ampleur arrivent aux tout fous croyant à un quelconque ange gardien. Film déroulé comme un reportage dans l'urgence (cet attentat de 2003 aurait d'ailleurs bouleversé l'Italie). On est cette main dans le sable, on pousse ces petits cris... L'écran littéralement labouré, la rage au coeur ! Reconnaissons que ce qu'on voit et entend est un peu appuyé... Mais grâce à l'alchimie générale, au ton de sincérité impossible à mettre en doute, tout se tient dans ce film coupé en deux où trouve moyen de se glisser une pointe de sensualité sans oublier la dérision des soignants habitués au pire. Le regard d'un tout jeune cinéaste terriblement attachant.
  • LA SOLITUDE DES NOMBRES PREMIERS (2010)
    Note : 15/20
    Très remarqué à "Univerciné Cycle Italien" de Nantes (février 2011). Des moments envoûtants grâce aux exploits du cadreur. Des images somptueuses autour de ces deux emmurés. Bien qu'on ait du mal par moments à tenir le fil malgré l'élégance générale. Parce que la compassion est vaine. Que faire pour pour ces deux-là, formalisés pour un rien avec violence retournée contre eux-mêmes... Tant qu'ils sont enfants ça va encore mais ensuite grande est l'envie de les secouer, de leur tendre un alcool fort pour les réveiller ! Il y a du Kubrick dans ces déambulations embrumées, bien des aspects rappelant aussi "Cours si tu peux" du jeune Allemand Dietrich Brüggemann. Snob, le discours sur le corps problématique, on peut dire "tendance", révélation d'une profonde vacuité ambiante aussi. Proche du mal-être qui va avec les suicides actuels. Le bouquin après la projection pour ceux qui se seront identifiés. Dernières images exceptionnelles en revanche.
  • LA PETITE CHAMBRE (2010)
    Note : 16/20
    Les crêtes suisses enneigées bordent un drame féminin jusque-là peu représenté avec autant de détails : ou comment on préfère soigner autrui quand son propre coeur est en cale sèche... Dans la vie réelle, encore plus étonnant de côtoyer les revenus de toutes les étapes conseillées en pareil cas par le monde médical... "La petite chambre" avec ses préparatifs attendant la cicatrisation propose une passerelle efficace autant que généreuse... Edmond et Colin... C'est un peu terne, souvent tristounet. Toutefois, au fil des silences et autres grosses colères faisant avancer l'action, c'est un plaisir de voir se transformer le trio qui nous intéresse : Michel Bouquet le vieux qui mord, Eric Caravaca le compagnon tiraillé mais raisonnable et Florence Loiret-Caille, la fausse-dure.
  • MEME LA PLUIE (2010)
    Note : 19/20
    Ah la la, ce que c'est bien ! E-blou-iss-ant ! Ne pas craindre l'exhortation "changer le monde commence par changer soi-même", s'il se dégage une morale, chacun en prend pour son grade. A retenir la photo, acrobatique, vivante, souvent latérale, avec cette surprise du flou pour pointer ce que l'oeil aurait escamoté. Ces dialogues très ajustés à l'action, ça pulse sans qu'on s'en rende compte. Formidable bande-son, jamais elle n'entête mais quel précieux repère ! Paul Laverty, le neuf fois scénariste de Ken Loach et Iciar Bollain, la réalisatrice de "Mataharis" et "Ne dis rien" ensemble : deux virtuoses d'un cinéma grave, mais qui se boit comme du petit lait. A partir d'un drame social remontant à 2000, défilent tous les points de vue appelés à se frictionner. En plus du soulèvement contre la confiscation de l'eau par le privé, remontent les raffinements de la colonisation. Un instant aux confins du fantastique : ce "l'eau est à vous" (pulvérisant "l'eau a un coût" du capitalisme sauvage). Il y a certes un peu de violence. Et de la tendresse virile aussi. Le plaisir de retrouver Luis Tosar ("Malamadre" dans "Cellule 211") et Gael Garcia Bernal, la découverte d'Almodovar enfin de retour avec un rôle en or. La Bolivie est également un personnage ici. Fier, changeant avec ses "gueules" et ses bébés qui pleurent dans les bras maternels. Un film qu'il faut courir voir.
  • AVANT L'AUBE (2010)
    Note : 19/20
    Si vous aimez le linge sale au cinéma, courez voir ce thriller filant en lacets vers un hôtel de montagne. Une excellence photographique ménageant des coupures de plans, que le spectateur respire, déduise. On embarque, tout de suite gâté. D'abord côté distribution, tous, mais surtout le contraste Bacri Rottiers = "le pied" ! L'arrêt sur les expressions des personnages, le naturel des dialogues : assez vite on retient son souffle, que ce petit ne meure pas surtout... Un climat feutré, entre blanc et noir avec, constamment, deux milieux frottés comme pierres dégageant étincelles... Et pourtant pas d'explosion, un rapprochement bien réel, des compromis tacites. Côté scénario, c'est qu'on appelle "une bonne histoire". Certes, on peut lui reprocher son traitement classique, quoique quand cela décrit des dérives devenues une sale manie ça ait le mérite d'être limpide. Raffinement suprême, le point de vue du réalisateur tendu comme une perche aux plus téméraires !
  • CE QUE JE VEUX DE PLUS (2010)
    Note : 17/20
    Projetée au Cycle Univerciné Italien de Nantes 2011, cette analyse très fine des ressentis des deux sexes sur la manière "d'aller voir ailleurs". On fait comment quand débarque une forte attirance et aucun cadre pour éviter de s'y engluer. Ravissement, panique, avec très vite l'inconfort de la position d'attente. Au tournant, les intérêts familiaux qui remettent de l'ordre. Pour ce réalisateur, la double vie se règlerait plus facilement côté masculin où mentir = respirer ?... En tous cas, si l'on en juge par l'adoucissement progressif de la photo (rien de sulfureux dans leurs ébats, plutôt la passion incompressible !), le couple passe vite de l'étreinte libérant une tension à l'attachement romantique requérant de l'entretien plus des échanges verbaux. Les femmes devraient se reconnaître en Alba Rohrwacher, genre de Monica Vitti contemporaine vivant sa passade en toute lucidité malgré le conditionnement dévolu aux femmes pour d'obscures raisons. C'est joliment mené et pour ce rôle précis de l'actrice, le film justifie le déplacement en salle.
  • DEUX VIES PAR HASARD (2010)
    Note : 15/20
    Prix Jury Jeune Univerciné Italien 2011 à Nantes. L'histoire va et vient entre deux possibles : soit Matteo heurte la voiture de deux policiers en civil sur le trajet de l'hôpital où il conduit un ami (et alors garde-à-vue musclée, recours à un avocat, révolte refoulée jusqu'à engagement dans Les Carabinieri). Soit Matteo freine à quelques centimètres du pare-choc des policiers : dans ce cas, seul le présent compte, son travail mal payé dans une jardinerie, les petits jeux de séduction entre la serveuse du bar et une jeune cliente devenant la petite amie qui aime cuisiner. Se rajoute un individu d'apparence amicale. Or, plus douteux il n'y a pas. Vient se greffer l'expérience disciplinaire, ce tri que Matteo fera dans le collectif au garde-à-vous,l'acceptable pour s'endurcir mais pas l'aliénation, la preuve que sa sensibilité reste intacte. Il y a un moment explosif dans ce film. Un autre où un trou dans le sable promet l'anéantissement. On devrait se sentir complètement hermétique à nager dans pareil fatras, finir allergique à cette description du désarroi juvénile. Le plus fort est qu'on parvient à embarquer. Sans doute grâce au son et à l'image bien terre-à-terre. Egalement aux phrases réalistes prononcées par l'entourage adulte.
  • TRUE GRIT (2010)
    Note : 19/20
    Ce western des deux frères jure avec leurs productions récentes. Plus tendre mais sans renier l'habituelle dureté de façade. Poétique à l'image, le bleu nuit, les silhouettes découpées sur le ciel, la neige comme de la plume, ça fait presque illustré d'antan. Bien caricaturée, la verve du vieux cow-boy indétrônable face au rival à taquiner... Assez peu de combats en définitive, mais tous captivants pour n'importe quel public grâce aux prises de vue dans tous les sens ainsi qu'aux commentaires sur les blessures (aucune souffrance de n'avoir pas vu la version précédente)... Qu'est-ce qu'on rit ! C'est à moitié John Wayne, à moitié "Appaloosa" et pas mal "Le bon, la brute" en même temps... Avec un je ne sais quoi de conte pour la jeunesse vers l'issue... Tout cela pour "la petite aux nattes", une enfant-femme aux côtés de rapides à dégainer (très expressive, les photos nocturnes en plan très rapproché de son visage dans le film tranchent avec le ton acide non-stop du début à la fin, et qui, s'il le frôle par moments, ne dérape jamais vers le grotesque).
  • TOUTES LES CHANSONS PARLENT DE MOI (2010)
    Note : 17/20
    Encore une pépite du 21ème festival espagnol de Nantes. Pourtant, je me suis ennuyée un bout de temps dans cette suite d'autres expériences après une rupture sentimentale d'une durée de six ans. Ce sont davantage les jeunes femmes qui dominent l'histoire par leur plastique autant que leur bagou. Peu de chansons, quelques jolis passages instrumentaux (pas trop cette flûte qui grince...). Voilà bien les allers-retours qu'on fait le temps de cicatriser en principe. On se surprend à penser à ce cher Rohmer par moments... Mais qu'il marche donc à petits pas, ce jeune homme enlisé, est-ce pour avoir oublié son talent pour l'écriture ? Or voici que, sans crier gare, ça décolle complètement ! Dix minutes au piano et aux percussions, le bouquet final que cette tirade en direct du coeur incitant à se coucher par terre bras et jambes en croix les yeux fermés tellement c'est touchant, impliquant, invivable !
  • TOUT CE QUE TU VOUDRAS (2010)
    Note : 18/20
    Raffolé de "Tout ce que tu voudras" (Todo loque tu quieras) de Achero Manas, découvert au 21ème festival espagnol de Nantes 2011. L'introduction en accéléré peut décourager, elle s'avère en parfait contraste avec le reste de l'histoire, traité avec une irréprochable minutie. J'ai irrésistiblement pensé à l'Italien Kim Rossi Stuart dans "Libero" sur la mise à l'épreuve du père. Même rudesse, même tendresse, même panique, mais pas du tout le même remède. L'enfant effondrée fait peur à son père qui décide de la prendre au mot. Papa dans la peau de Maman ? Allons-y pour le rouge à lèvres ! Une pirouette pour parvenir à faire ensemble le deuil, attention à la bien-pensance... Le spectateur se demande où va mener ce transformisme amusant cinq minutes, peut déplorer que la deuxième maman disparaisse... Plans toujours somptueux à dominante sépia, dialogues, mise en scène, acteurs principaux et secondaires, tous magnifiques. De quoi débattre dans les milieux éducatifs !
  • DES PROJETS POUR DEMAIN (2010)
    Note : 19/20
    Cette merveille de Juana Macias passe au Katorza de Nantes à nouveau lundi 28 mars et dimanche 3 avril 2011 dans le cadre du 21ème festival espagnol. La musique d'introduction, d'une douceur laissant présager quelque sirupeuse histoire de jeunes préservés cède la place à d'importantes remises en cause adultes dont l'enfant subit les répercussions. L'une des séquences fait irrésistiblement penser à "Tous mes pères" de l'Allemand (ex-RDA) Jan Raiber. Constamment, Juana Macias varie les points de vue, enchaîne de manière fluide, toujours très agréable à l'image et au son. Mine de rien une série de chocs que la jeunesse encaisse de plein fouet ! Beaucoup d'émotion en dernière partie. Un rappel de notre précarité qui donne une furieuse envie de fidélité à soi-même !
  • L'ETRANGE AFFAIRE ANGELICA (2010)
    Note : 17/20
    Bien aimé ce lent voyage au piano dans la pénombre. Atmosphère proche des rêves nocturnes rassurants quand on en émerge au petit matin (attention, certains détestent ça !). Manoel de Oliveira,103 ans à la sortie de ce film, estime que ce sont les humains qui font tout un tintouin de la mort en martelant que la vie seule a droit de cité, oubliant l'éternité, ce long sommeil égalitaire quoi qu'on ait fait de son vivant. Bien mieux que le travail de la terre, la lutte des classes, les dangers de la pollution... Tel ce chat lorgnant l'oiseau dans sa cage, le photographe se laisse envoûter par son sujet. Moments délectables que ces yeux qui clignent dans un sourire élargi et ce couple allongé qui circule d'un bout de l'écran à l'autre, humour de cette rose jetée négligemment en cours de route. Même ironie que "Belle toujours", personnellement j'adhère. Mais les rationalistes gagneront à aller voir autre chose.
  • WINTER'S BONE (2010)
    Note : 16/20
    L'extrême pauvreté 2010 aux Etats-Unis filmée à ras des situations, encore plus sordide que "Frozen river" mais avec la même démonstration de force vitale. On compatit et on admire cette petite de 17 ans qui lutte pour son bastion familial. Des prises de vue du Missouri désertique aux gros plans sur les visages, c'est une errance pleine de dignité, d'obstination juvénile à tout assumer sans broncher, avec des "gueules" à la limite de la caricature... La suite de visites lasserait sans la somptuosité à l'image et les jolis passages musicaux mêlés de bruitages virant presque au fantastique (excepté le banjo rappelant "Délivrance" à peine gratté, quelle erreur !). Soit, la jeune actrice incarnant la marginalité cachée serre le cœur, emporte l'adhésion inconditionnelle. Quoique la virée nocturne en barque, hum, difficile à croire... Et que de poisses à digérer pour le spectateur ! Certes, c'est quand même bien vu tout ça, mais j'avoue préférer les balades vers l'abîme total à un moment imprévisible, par exemple "Katalin Varga" (2009) ou "Des chiens dans la neige" (2007), films percutants aux acteurs et actrices tout aussi séduisants mais hélas sur lesquels on parie moins gros avant même la sortie du film.
  • BALADA TRISTE (2010)
    Note : 10/20
    Présenté au 21ème festival espagnol en 2011 à Nantes. Pour ceux que rien n'inquiète ou qui raffolent d'action façon western et d'un humour noir saturé, à deux doigts de se griller la cervelle. Très très grosses ficelles en cascade, salves musicales rappelant l'envoi des pubs en avant-programme au cinéma. Il faut aimer ou en être assez imbibé pour ne plus en faire cas. J'admets quelques fulgurances côté dialogues et une bonne entrée en matière entre les deux personnages en parfait contraste. Techniquement, c'est du haut de gamme rappelant par moments la mégalomanie de Welles. Du boulot pour agencer tout ça, aucun doute. Instillé dans un film à l'intrigue plus étoffée, ce serait divin. Nul doute que le clown triste avec flingue s'avère une excellente variante du clown meurtrier de Stephen King. On est en déroute, ça accroche. Possible aussi d'être happé par tout le visuel, ces savants maquillages de gueules cassées. Un discours hara-kiri qui peut prendre si on aime l'action et le rire premier degré. Ou faire qu'on quitte la salle à une demi-heure de la fin, ulcéré de cette frénésie de galopin exhibitionniste (bien davantage qu'historien !)... Heureux ceux qui peuvent, pendant deux heures de violence virant au cauchemar rire de deux clowns s'étripant pour un clone féminin. Pas une seconde de romantisme pour adoucir mais une foire permanente !
  • PAIN NOIR (2010)
    Note : 18/20
    Merveilleux grâce au mot de la fin. Les premières prises de vue sidèrent, de cruauté, de beauté, d'adresse technique : comment filme-t-on un cheval dans une posture aussi acrobatique ? Le flou est entretenu ensuite : "qui a pu faire le coup". Inquiétant recours aux notables à double tranchant et refuge dans la nature, on frôle le fantastique, déjà résigné à un obscurantisme toujours croissant. Et pourtant, impossible de détourner son attention de ce petit avec ses grands yeux observateurs qui commandent d'engranger pour après. "Mourir pour des idées"... Agusti Villaronga décrit le conditionnement familial par petites touches certes un peu longuettes, pour conduire au mouvement du coeur irrépressible. Liens du sang, attachement à la communauté, croyances idiotes, bipartisme, on ouvre les yeux sur ce qui fait avancer d'un cran au plan individuel dans un premier temps, collectif par ricochet beaucoup plus tard. A notre époque frileuse sur ces questions (du moins officiellement), c'est bienvenu.
  • LES FEMMES DU 6E ETAGE (2010)
    Note : 18/20
    Excellente idée de remettre les préjugés des années soixante sur l'immigration espagnole par le biais d'aristos guindés mais désireux de "faire un geste" pour les nouveaux venus, chose délicate maintenant où tout est si formaté. Entre ces avides d'échanges, l'histoire fonctionne, des temps forts et des moments où ça patine un peu... pour finalement rebondir quand on ne s'y attend plus. Les deux acteurs principaux font irrésistiblement penser à des milieux guindés non exempts de décontraction qui existent encore (demandez aux employés(ées) de maison !... J'ai trouvé le mélange croustillant, déploré de ne pas tout saisir des bribes de français prononcées par ces dames. Bien plus qu'une comédie dramatique, voilà un "bon divertissement", avec les piques indispensables, des subtilités pour ménager les deux milieux et quelques allusions déclinables à notre époque.
  • LA NOSTRA VITA (2010)
    Note : 17/20
    Il faudrait aller demander aux entrepreneurs européens du Bâtiment s'ils sont si loin de la débrouille de ce père matérialiste qui déjante. Que ne ferait-on en pareille situation avec trois gosses en bas âge ?... Aucune certitude que l'esprit de famille du côté des frères et soeurs soit partout à ce point présent, quoique... Tout du long, on sent cette hésitation entre appuyer ou effleurer, résolue par des focalisations sur les attitudes : une atmosphère générale qui fait penser à Ken Loach. J'ai aimé l'ensemble mais trouvé qu'un accident de la route aurait été moins atroce comme contexte de bouleversement, celui retenu pouvant s'avérer par trop indigeste, tout comme cette chanson symbole... L'interprétation est toujours attachante, tous aiment la vie à leur façon. Bien retranscrite aussi, l'ambiguïté des Roumains du film, grand moment que ce revirement du jeune, sa déduction imparable !
  • LA MOUSTIQUAIRE (2010)
    Note : 19/20
    Point stratégique du 21ème festival espagnol de Nantes 2011. Il s'agit de ces fêlés qui ont l'air de gens normaux...A l'heure où on fait tout un plat de la psychiatrie, de la tendance borderline des sociétés décadentes etc., remonte des oubliettes une folie transmise de génération en génération entre soi et qui, pour se désennuyer, contamine un peu au dehors, en catimini, les silencieux, les solitaires, le copain du fiston ou une jeune étrangère suite à une catastrophe par exemple, mais attention, en faisant d'abord mine de ne pas y toucher... Trouble de la personnalité difficile à prouver, a fortiori jamais soigné, aggravé par "des substances" qui peuvent être médicamenteuses allongées d'alcool ou non. Des déformations entretenues, souvent à l'origine du sexe "sale", du bizutage, et autres dérapages salaces favorisés par la valse des billets de banque pour toute valeur. Des dégâts tacitement reconduits de père en fils, de mère en fille, plus la réaction parfois cocasse des satellites servant de déversoirs. Ce film montant en puissance d'Agusti Vila propose une sublime caricature d'un groupe de "collets montés". C'est d'une justesse et d'une ironie qui devraient faire des émules chez les cinéastes et les spectateurs, souhaitons-le pour nous tous, encore plus quand le fait divers dépasse la fiction (famille au-dessus de tout soupçon décimée en avril 2011 à Nantes) !
  • SIBERIE MONAMOUR (2010)
    Note : 19/20
    Vu cette splendeur à Nantes en avant-première russe du 17 avril 2011... Slava Ross contourne la censure pour crier les maux de la Sibérie profonde. Avec une maîtrise parfaite de la mise en scène, du son (ces bruitages musicaux) et des prises de vue à couper le souffle. En plus d'une morale curieusement universelle et d'un brin de poésie. Bien que le film débute par des images crues et demeure alerte, pas du tout gnangnan, Monamour étant un lieu, on peut déplorer que ça ressemble à un conte pour la jeunesse (l'enfant incarnant la pureté, les chiens rappelant les loups, le puits symbolique quelque mauvais sort jeté. Fausse naïveté car on trouve dans le dénuement décrit, à la différence du beau mais misérabiliste "Winter's Bone" (auquel il est permis de songer), le tempérament qui permet de rebondir sur le malheur. Aucune demi-mesure... Les durs n'ont qu'à bien se tenir, les femmes se rebiffent, l'enfant lassé d'attendre son père fantôme joue sa vie. Un regard plein de perspicacité pour une histoire rude mais dont on sort gonflé à bloc !
  • CHICO ET RITA (2010)
    Note : 19/20
    Rien qu'à entendre la voix pénétrante de Fernando Trueba au Katorza de Nantes en clôture du 21ème festival espagnol 2011, on devine que ce qu'il vient présenter sera comme lui : raffiné, hors du racolage commercial. Certes classique, pour certains trop gentil sur le fond, mais au moins nous sera épargné ce piège des détraqués prompts à faire endosser au public leur obscénité : ce grand naïf déclare "filmer ce qu'il aime" ! Evaporé ? Vieux jeu ? Outre que cette animation cubaine rejoint les plus grandes productions du genre, elle possède "sa patte". On a l'impression qu'ils sont en chair et en os ces expressifs qui nous renvoient à nous-mêmes (avis à ceux qui répugnent à se déplacer pour un dessin animé) ! S'il s'en dégage la grande fraîcheur des oeuvres intemporelles, ne pas se méprendre sur les intentions profondes, ça concerne Cuba. Avec, dès l'introduction, ce transistor stoppé net au mot "se conformer". Un ensemble éblouissant qui renferme tout ce qu'on aime trouver chez les artistes en dernière ligne droite.
  • COPACABANA (2010)
    Note : 18/20
    Avouer à sa mère qu'elle nous fout la honte, on le pense parfois... De là à le dire en face... Les mères faussement fofolles, juste un peu créatives, trop libres face à des jeunes raisonnables, seront stimulées... Ce film, sur fond musical brésilien prometteur, avec de la couleur là où on crève de froid, est fait pour celles qui sortent d'un blocage comparable ou qui sont pieds joints dedans (Isabelle Huppert jouant ici avec sa vraie fille dans la vie). L'allumage tarde un peu... On déplace et replace un canapé chez la copine... Et puis ce prétendant va-t-il vraiment convaincre avec sa noce guindée ?... Ostende, son port, son Casino... Bigre, le marché immobilier prend une belle claque au passage ! On rit ! C'est d'une omniprésente vitalité, avec des vagues d'émotion qui n'empêche pas le mouvement ! Une comédie estivale piquante, profonde, inclassable. Le spectateur devient funambule, où va cette bourlingueuse Babou dont on ignore de quoi elle vivait avant ?... Marc Fitoussi, en braquant l'attention sur son double-portrait, instille l'essentiel des dérives actuelles (travail, marginalité) sans oublier "le grand jeu" !
  • LA DERNIÈRE PISTE (2010)
    Note : 18/20
    Convoi restreint aux jupes traînantes et aux chapeaux ronds à oeillères, avarice de dialogues, musique faisant des signaux. On détecte les petits détails de très loin grâce au format carré (réputé plus favorable à la profondeur de champ). Sous la beauté picturale indéniable, c'est un pur western bien rude avec de la crasse sur les peaux et sur les tissus, les rivalités de pouvoirs. Premier western entièrement conçu par une femme (curieux que cela soit tu...). On est dans la lignée de "Appaloosa" et "True Grit" par la modernité de ton. Quelques outrances signant la féminité de base : face au trappeur qui dragouille, l'indien séduisant de bestialité, le droit de choisir son apprivoisement en fonction de son flair... Voici une femme qui tire sans se poser en virago une seconde ! C'est longuement statique à la manière des films de l'est mais attention aux branle-bas de combat au plus fort des tensions. Proche des films sur le désert avec l'impression de mirages successifs, la soif, et pourtant on commence par laborieusement traverser une rivière... Les images ultimes laissent leur marque, en pleine contradiction avec ce qu'a véhiculé longtemps la culture anglo-saxonne. Et pourtant tout reste ouvert !
  • UNE VIE TRANQUILLE (2010)
    Note : 18/20
    Refait à neuf dans le secret, le héros sait ce que vie normale veut dire. La chasse au sanglier et les lettres rouges "Da Rosario" sont ses points d'ancrage. Un restaurant isolé de tout, on pense à "Avant l'aube" pour l'intrigue retorse, ou à "Soul Kitchen" pour le muscle ! C'est aussi un conte noir à rembobiner en fredonnant la chanson finale "A quiet life", voix grave du mutant hors de l'armure. Quand les trois lascars débarquent à l'écran, on se demande bien lequel va écoper le plus. L'étau progressif amène à gigoter sur son siège, vraiment embarrassé...En même temps on en redemande car suspense et plaisir se mélangent. Film rude, vachard, avec des parenthèses et ellipses d'une logique qui peut heurter mais que vient compenser la grande douceur de fond : bruitages musicaux, règlements entre quatre zyeux et traque dans la pénombre, qui va trahir qui et quand... Un régal !
  • BLUE VALENTINE (2010)
    Note : 16/20
    Blue Valentine, titre de Tom Waits ou "le blues des amoureux"... L'enfant étant le lien, le sort du chien la hantise. Unis par leurs désirs de bâtisseurs, ce jeune couple des classes populaires étasuniennes s'est pourtant juré "fidélité pour l'éternité". 4 à 5 ans plus tard, le spleen. En d'incessants va-et-vient entre passé et présent, leur intimité à la loupe est dévoilée en une successions de scènes très racoleuses dont le mérite est de remonter à la surface le premier vrai couple sommeillant en chacun(e), du feu aux joues aux soupirs de rage, en passant par la culpabilité sur fond d'entraide et l'espoir que l'autre change. Jusqu'à l'explosion, l'attitude saine malgré le tiraillement d'avoir tranché non sans dégâts... Acteurs inégaux pour des rôles eux aussi en net déséquilibre. Michelle Williams (héroïque dans son épreuve hospitalière !) beaucoup plus palpitante que Ryan Gosling dont on repèrera la très jolie voix chantée.
  • NAOMI (2010)
    Note : 18/20
    La mère, personnage central, rappelle à son grand fiston que rien ne l'a obligé à pareil choix, qu'il lui faut donc s'armer en travaillant ses points forts. Justement, outre la sublissime avec son grain de beauté à gauche sur la lèvre supérieure (que fait-elle avec cet "ancêtre" ?), le personnage de cette mère ne lasse pas d'étonner, son langage savoureux semblant représenter la distance qu'on peut avoir en découvrant Agecanonix et Falbala en chair et en os. D'autant plus raffiné que ça se passe en Israël sans la guerre. Sauf que ce n'est jamais irrévérencieux car ce couple, en dehors d'une inégalité qui fait sourire, a une réelle complémentarité. C'est faussement lent. Attention, ça couve : première partie d'un stoïcisme trompeur. La scène haletante autour d'un calumet témoigne d'une violence intériorisée qui n'arrêtera pas.
  • LE VOYAGE DE LUCIA (2010)
    Note : 16/20
    Anciennement titré "L'Appel", Prix du Public au Cycle italien Univerciné Nantes 2011, les deux actrices principales font tout le prix de ce film gracieux. Elles peuvent tout se permettre sous ce regard fin, distancié, décortiquant l'attitude des compagnons, ce qui fait qu'hommes ou femmes sont sous le charme, très intrigués quant à l'issue. Si le naturel de Léa, Argentine et bohème va de soi, Lucia, hôtesse de l'air est avant tout pianiste (point culminant du film, ce "vivre l'instant" de l'aïeule !). Prises de vue, son, dialogues, d'une délicatesse constante virent aussi vers les dures réalités. On patine sur le rafiot en Patagonie mais la morale sera sauve : les dernières minutes récupèrent magistralement les spectateurs et spectatrices qui auraient été tentés de décrocher.
  • MINUIT À PARIS (2010)
    Note : 18/20
    Pour ceux qui préfèrent le cinéaste quand il tourne hors USA. Le personnage principal masculin incarne tant dans son phrasé que sa dégaine, un Woody 2011. Ah ah, la bonne société en vacances à Paris... On visite en organisant les activités du matin au soir et du soir au matin. Le réalisateur sabre un tantinet le programme. C'est un défilé d'hommes et de femmes tous craquants dans la gentille caricature qui en est faite. Notre Carlita, guide gracieux sans plus par rapport à Marion Cotillard dans le créneau "plaisir d'amour". Des grincements. Les Français demeurent pétris des sensoriels conquérants que sont les artistes internationaux, suffit de remonter un peu les pendules.... On guette la voiture qui se pointe à minuit comme variante de Cendrillon. A chaque passage, une attente amusée et c'est la bascule dans l'onirisme... Curieux réveil, quasi indolore tellement le pragmatisme a pris le pas sur tout le reste.
  • HABEMUS PAPAM (2010)
    Note : 18/20
    Divin ! Je me suis amusée comme une petite folle, loin d'être la seule... Les conservateurs seront pincés, c'est entendu, et qu'ils soient psys, ecclésiastes ou fidèles. Ah que voilà pourtant un pape qui donne des ailes, même pas arrêté par ce taquin d'analyste interdit de portable ! Andropause ou reprise en main de sa destinée par lassitude des faux-semblants, voilà notre saint homme en fugue (dém...-vous !), chacun restitué à son libre-arbitre. Certes touchant comme l'agneau avec son besoin d'air tandis que poireautent les copains cardinaux... C'est filmé avec malice, un peu d'égarement côté sport et théâtre, de saintes colères, jamais d'austérité... Merveilleux rideau rouge ondulant sur fond noir, silhouettes en contre-plongée à reculons, quelle aventure... Déclinable à bien d'autres domaines contemporains où trop rares sont les démissionnaires !
  • AU REVOIR (2010)
    Note : 17/20
    Beaucoup de soin à l'image pour nous inviter à suivre l'inévitable madone iranienne aux traits purs en d'infinis plans-séquences. Promenée entre lumière et ombre sur cette grâce physique un peu altière (culte du vernis à ongles), j'ai immédiatement perçu la détresse domptée de cette diplômée avocate sans père ni mari présents. Mohammad Rasoulof martèle que son film n'est pas politique. Si chacun interprète les mille et une lectures possibles, impossible pour autant de nier le carcan totalitaire sous l'affichage moderne, l'entraide à coups de billets de banque feuilletés à grande vitesse, les intérieurs de bon goût aux couleurs pastel gris bleuté et grenat. Bref, la vie quotidienne iranienne prend les traits d'une femme (déboussolée ou un peu nonchalante ?). Un spectacle invitant à mesurer une fois de plus le désarroi d'une génération sacrifiée sur son propre sol. Alors, certes on est loin de l'humour viril de "La Vie sur l'Eau" du même réalisateur (encore "bon enfant" car bien avant les événements tragiques électoraux). Justement, sous ses airs de ne pas y toucher, le message gagne en force.
  • LES JOURS A VENIR (2010)
    Note : 16/20
    Prix du public Univerciné allemand Nantes 2011 : une anticipation du futur proche (maxi 2020) qui a séduit largement, à défaut de tout à fait convaincre les difficiles à cause des gros effets de style qui d'office tuent l'imagination (Lars Kraume est issu du monde publicitaire). Plans généraux déployés, angles d'images multiples, personnages aux trajectoires bien déterminées (cette tête à claques de Konstantin !). Cela tient bien la route toutefois grâce aux dialogues clairs dans les situations enchevêtrées. On y pense tous à ces pièges que la vie tend par rapport aux idéaux qu'on se fixe. Avec des influences aussi dangereuses que déterminantes : la scène terroriste du restaurant dans sa progression visuelle et sonore, sublime moment autant que mise en garde. Ce film datant de 2010 caricature l'avenir européen par rapport aux énergies fossiles, imagine l'extrême inverse du terrorisme financier dans une Europe constituée de pays fermés et d'autres accessibles à ses risques et périls. Pour ma part, ce n'est qu'une fois passée derrière la porte, direction le chalet avec l'enfant, tout cet épisode étonnant dans son aspect western, que j'ai ressenti la première vraie émotion.
  • LES VIEUX CHATS (2010)
    Note : 19/20
    Projetée au Festival des Trois Continents Nantais 2011, cette renversante caricature de conflit de générations. Irrésistible vieux couple, Enrique ange-gardien et son Isadora, s'avalent chaque matin une dizaine de gélules chacun. On peut comprendre, dans leur résignation, l'écrasement des populations d'Amérique Latine, la double lecture devenant réflexe pour les pays où la tyrannie s'est longuement exercée. Possible aussi de rire de la condition humaine, d'eux sur l'écran et de nous tous, de la fronde juvénile avide de sensations fortes (qui "sniffe" beaucoup dans tous les sens du terme) et des vieux jetons aguerris laissant croire qu'ils sont malléables. Les félins, premiers à l'image avec les objets passés en revue, semblent incarner, dans leur bonhomie fourrée, le double regard chilien des cinéastes, à la fois à distance et au ras des péripéties quotidiennes. Une fois vécue la première véritable absence, on sort de l'image qui chavire avec discret roulement de tonnerre comme du somnambulisme. Le style de l'ensemble verse davantage dans l'autodérision que dans la méchanceté gratuite. La dernière échappée de la dame inviterait presque à en jouer comme d'un levier pour régler ses comptes, avec tout le respect dû aux âmes sensibles que quelques moments grinçants vont immanquablement froisser. C'est sentimental, plein d'espièglerie et en même temps gravissime. Interprétation des quatre principaux personnages remarquable.
  • KINSHASA SYMPHONY (2010)
    Note : 17/20
    Découvert à Univerciné Nantes Cycle Allemand 2011. L'assimilation entre musique classique et classes bourgeoises blanches n'est un secret pour personne... La mention de "cordes frottées" est donc précisée, que l'autochtone différencie bien ce premier orchestre de musique classique noir africain officiel de "la fanfare"... Organisés sur le tas (dans le brouhaha de la vie trépidante locale), avec un chef d'orchestre juste mais ferme, ils doivent dépasser leurs soucis personnels (la faim ?), les journées harassantes pour leurs répétitions, où chacun travaille sa spécialité, au luthier de dénicher le meilleur bois pour les instruments par exemple. De beaux plans rapprochés sur les visages féminins les plus accrocheurs... Peu de ratés pour l'oreille, l'harmonie entre instruments et voix est question d'ajustement pour ces passionnés, le feeling ancestral coulant dans leurs veines. Et voilà que ça "décolle" avec un choeur d'Haendel, ces yeux grand ouverts sur l'éternité créent la première grosse émotion en s'appropriant le genre ! On suit crescendo d'autres temps forts jusqu'à la consécration (ces vêtements féminins dorés !) et un public archi conquis. La récompense au plan moral car, pour le reste (contrairement à "Benda Billili"), on ne sait pas trop, c'est avant tout un reportage.
  • LA PRINCESSE DE MONTPENSIER (2010)
    Note : 16/20
    Découvert en présence de Bertrand Tavernier au Katorza à Nantes en avant-première en octobre 2010 : ses explications ont relevé les applaudissements "très respectables mais sans hurlements"... Un film historique, déroulé à la manière des grands westerns, plans larges, musique grandiose (avec un petit brin du ton caustique Eastwood)... Très documenté, ne massacrant pas l'histoire, même s'il use des émotions de 2010 (aucune parole qui ferait "d'jeune", pas plus d'anachronisme, et il s'y glisse aussi de savoureuses formules inusitées aujourd'hui). Classique dans la forme, presque scolaire. Bon, 2 heures 19, c'est un peu long, d'apparence étirée sans raison suffisante par moments... Peut-être à voir deux fois. La première pour goûter l'ambiance, les costumes, les assauts (ces pattes chevalines trébuchant avec ironie lors des départs), s'imprégner de cette période de l'histoire. Et à revoir pour mieux cerner l'intrigue, notamment se faire à cette tête à claques de mari (Grégoire Leprince-Ringuet)... Sans doute pas le meilleur Tavernier mais une démonstration de sa valeur de grand cinéaste une fois de plus. Il permet aussi de relire Madame de Lafayette afin de se projeter dans une période controversée de l'histoire de France, pourquoi pas ?... Barbarie, conflits d'intérêts, un film jamais lugubre cependant grâce à la modernité du traitement : à tout prendre, on rit plus qu'on ne pleure... Tous les acteurs (les secondaires inclus) bien à leur place. Au premier plan, la jolie dame tiraillée (Mélanie Thierry) dont les yeux ne cesseront de se dessiller... Mais c'est surtout Lambert Wilson qui s'en tire avec panache ainsi que Raphaël Personnaz, irrésistible en Duc d'Anjou !
  • LE POLICIER (2010)
    Note : 18/20
    Prix du Public pour ce film très remarqué au Festival des Trois Continents Nantais 2011. Tout s'équilibre dans la démonstration des deux clans sauf leur côté va-t-en guerre, à l'image de l'éducation dispensée à la société israëlienne. Ou combien la discipline excessive contribue à déformer la personnalité. Que ce soit du côté du policier à l'affichage d'une débordante virilité, ou des jeunes préparant comme un rituel sacré la mise en pratique de leur plan de petits durs. Réel suspense, bien que les détails de la mise en place fassent que ça patine parfois, donnant envie de tout revoir en salle ou en dvd côté détails. Regardez bien la noce... Encore mieux la photo de famille..., car c'est là que ça commence à sérieusement parler au spectateur. Et quand le décor gagne le sous-sol, on est dans nos petits souliers, encore que la répétition du slogan par la jeune fille puisse finir par taper sur les nerfs, tout comme peut sembler improbable le noir complet et des cibles aussi bien visées... Il n'empêche, ces petites maladresses sont vite oubliées quand on arrive au fait. C'est certes l'illustration des conflits internes à tout individu, mais aussi la lente avancée de deux armées que tout porte à se colleter, ou deux tendances politiques au bout du rouleau... La plupart des textes ont une portée bienvenue dans l'état actuel du monde, d'autant que Nadav Lapid, en misant beaucoup sur les expressions silencieuses en plan rapproché, avec ensuite cet ultime face-à-face entre deux humains ramenés à l'essentiel, fait mieux que prendre parti.
  • GUILTY PLEASURES (2010)
    Note : 18/20
    Prix du Jury Jeunes au Cycle Univerciné britannique nantais décembre 2011. De ces minces livrets vite lus, d'un coût abordable, il serait vendu un exemplaire toutes les 4 secondes dans le monde ?... Voilà qui invite à se pencher sur le trust qui a absorbé "Mills & Boon", Harlequin, une entreprise canadienne loin du dépôt de bilan... Dès l'introduction du documentaire, se perçoit une complicité amusée entre les intervenants et la personne qui les filme donnant à chacun(e) l'impression de rejouer à Barbie et Ken ou de se gaver de sucre. Plaisir pour hommes et femmes puisque nul sexisme possible à part de savoir que la romancière Gill Sanderson s'appelle Roger... Allez, ça ne fait de mal à personne ces petites lectures depuis que la terre tourne, l'instinct des femmes les orientant souvent vers des combines pour éviter remises en cause personnelles, casse regrettable de leur foyer, etc. Le regard de cette jeune réalisatrice qu'on sent toujours à bonne distance avec son humour décontracté, fait songer au-delà des apparences au stoïcisme comme aux comportements moutonniers. Derrière ces images filtrées de rose, à suivre les couples qui défilent (le 238 gagnant, cette tête à l'envers de la jeune femme avec son homme archi-stressé), on reste partagé... Remontent ainsi deux troublants extraits : "tous ces soutiens-gorges et pas un seul rendez-vous !" ou "les femmes font l'amour pour se marier et les hommes se marient pour faire l'amour". A méditer.
  • TATANKA (2010)
    Note : 17/20
    Découvert à l'Univerciné Italien Nantes de 2012. Une adaptation de "La beauté et l'enfer" de l'écrivain Roberto Saviano qui part tel un classique d'action. Ebauche des caractères, narration et dialogues ultra-compactés, caméra nerveuse qui court à l'essentiel. L'acteur principal adolescent change (Lorenzo Scialla), devient adulte (Clemente Russo) : une durée de 8 ans exprimée par des grilles et les deux compères face-à-face en plus affirmés, soit l'incorruptible silencieux et le magouilleur un peu trop répandu en largesses. La première partie se constitue d'un défilé d'images appuyées par la bande-son (parfois un peu trop forte) mais pas pour le plaisir de gros effets gratuits. Plus ça se déroule et cogne, mieux on perçoit les grincements du réalisateur à décrire les dérives contemporaines décuplées par la mafia sur le sol italien. Le champion daigne s'encanailler un moment auprès de masseuses, terrasse même en bon Tatanka (bison) une femelle buffle. Il faudrait qu'il perde. Ne lui reste que l'exil... Rugueux avec les dames passée l'approche (une brute épaisse !), il est si bien mis en valeur d'un professeur de boxe à l'autre avec des retours sur son grand-père aux oiseaux qu'on reste de son côté malgré quelques soudaines longueurs en Allemagne. Exceptionnel au cinéma, le boxeur Michele à l'origine du film et du livre EST le boxeur Clemente Russo himself, un beau taiseux efficace qui peut faire acteur !
  • LES ENFANTS INVISIBLES (2010)
    Note : 19/20
    Projeté en avant-première à l'Univerciné Britannique de Nantes en décembre 2011. Sortie officielle française prévue sous le titre "Les enfants invisibles" en principe... Jim Loach, en digne fils de son père, dévoile avec beaucoup d'application ce pan de l'histoire britannique aussi surprenant qu'odieux : 130 000 petits êtres de 5 à 13 ans envoyés au diable. La main en visière au soleil couchant de l'assistante sociale aux yeux lumineux invite symboliquement à s'attarder sur l'horizon marin... Ce qui frappe est l'absence de suivi du côté de Sa Majesté... Le non dit est assourdissant : des enfants sans appartenance précise ont été exilés par bateaux pour que leur masse not bankable ne soit plus une lourde dépense sans retour sur investissement. Aubaine que ce filon de 1930 à 1970 qui garantissait le rachat de ces petites âmes d'extraction problématique ! Les autorités auraient demandé pardon officiellement depuis pour avoir négligé de vérifier sur place (l'Australie en 2009 et la Grande-Bretagne en 2010), mais nul châtiment à l'horizon, pas plus d'indemnités si l'on se fie au film... Apparaît de façon criante l'utilité des boucs émissaires dans une société attachée à ce qui se voit... Sans doute faut-il se garder d'affubler tous les petits britanniques déplacés du même sort que les rescapés du bush australien tenus de rembourser leur séjour paradisiaque pour s'amender de leur condition bâtarde. En 1986, l'assistante sociale, mère elle-même et grâce à qui ce film voit le jour, devrait être décorée pour avoir défié les saints pères fouettards dans leur désert où crier est inutile. Quand la caméra se braque sur le repère en terre rouge, on mesure mieux l'inconscience collective, le refus d'admettre que sexualité et bestialité ont toujours accompagné l'esclavage des sans défense. Triste rétrospective, curieusement sans larmes puisque l'actrice Emily Watson pleure à notre place.
  • AMADOR (2010)
    Note : 16/20
    Projeté au festival espagnol de Nantes 2012. Un portrait plein de charme, pas pressé du tout, bien servi en réparties lors des confrontations. Marcela, belle plante d'Amérique Latine (Magaly Solier) traverse l'écran de sa gracieuse massivité, ses grands yeux noirs dont le droit à cicatrice accentuant encore le regard de velours, et ses irrésistibles fossettes quand elle s'anime !... Elle affiche la lassitude et pourtant envoûte presque tout le temps, oui presque... car une passivité apparente servie aussi longtemps peut déclencher une somnolence par à-coups... Comme cette ombre si longtemps sous les draps. Ou le rite de vaporisation sur ces roses de frigo volées, reconditionnées, fou ce qu'elles restent fraîches, enfin il faut voir dans ces bizarreries, de probables allusions voilées à la débrouille hispanique passée et en marche. Une demi-heure de moins n'aurait certes pas nui en ce qui me concerne, ou alors un peu plus d'Amador dans son lit avec son puzzle entre ciel et mer, sa visiteuse du jeudi, véritable baromètre, et ce jeune cureton, permissif au-delà des mots... D'heureux intervenants qui rattrapent l'interminable cheminement de la protagoniste. A leur contact son ingénuité s'affirme au centuple, son sens pratique aussi, il faut dire que leur logique faite de contrepieds divers, ne manque pas de sel !
  • ESPAGNOLS ! (2010)
    Note : 16/20
    Festival espagnol Nantes 2012. La voix-off du réalisateur Carlos Iglesias rappelle cette décision des pouvoir espagnols républicains (juste après Guernica) d'éloigner 30 000 enfants du territoire, dont 3 000 gagnèrent la Russie qui devait alors entrer en guerre contre les nazis, ce qui n'était pas du tout prévu... Le commissaire communiste et l'ex-aristocrate incarnent, après une altercation de principe, le juste milieu, honni quand le patriotisme refait surface et pourtant le seul apte à contenir les extrêmes. On suit donc ce train traversant les étendues neigeuses, le petit groupe avec les inévitables rapports de force et puis la faim qui fait courir des risques... En dehors de quelques haussements de ton, de plusieurs jolies scènes aussi (l'accueil réjoui après pourparlers, la singerie de marivaudage des trois jeunes, cette cigarette allumée par terre !), on se détache volontiers de ce convoi toujours plus effiloché pour se pencher sur les rescapés qui tentent le retour en dépit du franquisme... Les affres météorologiques rencontrées au tournage en Suisse feraient presque autant compatir que le sort des petits déplacés avec leurs guides dans les imprévus de la Seconde Guerre. Facture linéaire, style réaliste. Les échanges verbaux du groupe partent bien, attention à les capter vite sous la traduction allemande en bas de l'écran. Tout cela s'essouffle dans l'errance au milieu de nulle part. Dommage que l'émotion bien amorcée se raréfie... Instructif, infiniment respectable mais... classique comme un cours d'histoire !
  • QUERELLES (2010)
    Note : 18/20
    D'abord du noir complet et des parlotes sous-titrées, hum... Ensuite, la petite voiture filmée comme un jouet sur circuit embarque à grands coups de dialogues sous-titré et un son très feutré. On sent l'apport Kiarostami dans la manière de prendre son temps, de surprendre le regard en apportant des angles inattendus pour d'un coup s'inviter dans l'habitacle du véhicule et ses occupants, ouf, nous y voilà ! Les prises de vue passent des plans généraux très larges au noir d'un capot automobile ou d'un tunnel de train, quel voyage... On est surtout identifié à cet enfant aux allures aristocratiques taxé d'une envie de faire pipi dès qu'un arbre apparaît, quoique le couple fournisse aussi son effet miroir sans problème. Une panne, un pont, des fruits éparpillés... L'angoisse du noir à la pleine lumière, le vent sur la végétation, des chemins de terre étroits à la route qu'on quitte suite à une pulsion du conducteur, des trombes d'eau... Un film iranien, vite éjecté par les autorités contemporaines, se doit de dire sans dire. C'est long et pourtant on s'arrête ou on roule avec ce duo plein de gestes et le petit entre eux qui n'en perd pas une... Les jeunes cerveaux exècrent les chamailleries adultes et les reproduisent à leur tour en ménage. L'Iran, pays à jeunesse largement majoritaire cloué sur son sol démontre l'impasse totale sur ce point, on pense au dernier succès d'Asghar Farhadi au message très proche.
  • LES FEMMES DU BUS 678 (2010)
    Note : 16/20
    On est en territoire arabe où la notion de déshonneur dans la communauté relève du sacré. Récit inspiré de réalités qui ont fait légiférer juste avant la révolution égyptienne. Français et Françaises amputés depuis peu de ce garde-fou en tombent à la renverse après 5 ans de reculs divers... On croit entrer dans un documentaire juste assez romancé pour intriguer. Il y a la modernité des accoutrements féminins mélangée au désir de couvrir son corps, planent d'autres temps plus débridés aujourd'hui révolus... La première partie démarre très alerte, bondissant d'une femme à l'autre, avec les recoupements d'usage, Mohammed Diab serait un fervent d'Innaritu. A mi-parcours, le poids des croyances vient ralentir un peu ces sauts qui fatiguent la vue et le cerveau, soudain ça patinerait presque... Jusqu'à l'expérience personnelle de l'inspecteur, ce père de garçons programmés... C'est faussement anecdotique. Est posée la question du marquage collectif de l'individu qui baigne dans un contexte où la femme passe pour démoniaque par nature, une régression qui donne de l'amertume en sortant de la salle, ça se dissipe ensuite en se remémorant l'issue. On patauge non stop dans cet incroyable retour aux archaïsmes, la guerre des sexes qui sied bien aux économies nourries aux scandales et qui minimisent "les petits accidents du quotidien". Ce que c'est que de voyager debout l'un derrière l'autre avec des mains sans cesse en mouvement ! Messieurs les concepteurs de bus, davantage de places assises s'il vous plaît, même des strapontins, que l'aiguille féminine brandie côte-à-côte ou face-à-face devienne un code social comme un autre !
  • 80 JOURS (2010)
    Note : 19/20
    Découvert dans le cadre du 21ème festival espagnol de Nantes (2011). Imaginons une amitié féminine adolescente de retour à l'âge où la sexualité et les goûts séparent à nouveau les sexes. La façon de filmer fait descendre au ras de comateux allongés tels des morts. Côté son, une radio à modulation de fréquence instable. Ces dames complices après un petit verre ensemble soudain moitié fâchées... Traditions familiales, difficulté identitaire, il est parfois exclu de composer avec l'aspect charnel et pour des raisons que les mots ne peuvent expliquer. Des dialogues croustillants contournent l'obstacle, avec de savants gros plans sur les rides. Ce double portrait sans concession (toujours habillé) qui donne quelques vapeurs, serait stérile sans la superbe nièce, très affectueuse qui vient mettre son grain de sel au moment où cela démange d'appeler les hommes au secours pour redonner de l'équilibre au film... Un bain imprévu, des scènes de ménage, une filature, quelques larmes, vite séchées, tout l'intime féminin et ses contradictions passés au crible de manière attendrissante. Que ne fait-on pour grappiller un peu de bonheur en dernière ligne droite !
  • UN POISON VIOLENT (2010)
    Note : 19/20
    Katell Quillévéré, tout juste trente ans, mais on la sent vibrer derrière sa caméra, tant elle se délivre elle-même de ses tiraillements de jeunesse. Non, ce n'est pas juste une histoire de bigoterie austère rattrapant le destin d'une déchirée entre sexe et fracas familial. Poétique, espiègle ou franchement houleux, aucune minute creuse, sur le fond assez métaphysique mais facile d'y entrer grâce au bercement musical émaillé de quelques gags. La scène de l'église est grandiose même pour agnostiques et mécréants, le fantasme de Galabru en vieil homme usé passe incroyablement bien. Chacun(e) peut se revoir dans sa prise de conscience d'ado, au premier chef les trentenaires de 2010-2011, les gosses de divorcés et leurs parents perdus le temps que les choses se tassent, beaucoup de monde finalement, ennui et souffrance mêlés aux éclats de rire. Le regard sans concession, l'objectif de transmettre à tous une volonté d'harmonie habitent ce petit chef-d'oeuvre à voir au moins deux fois !
  • WE WANT SEX EQUALITY (2010)
    Note : 14/20
    Projeté au festival Univerciné britannique 2010 de Nantes. Premier constat, on serait tenté de dire que le titre à lui seul se doit de remplir une salle. Dès les premiers plans, on s'aperçoit que la cause, tout l'acharnement qu'il a fallu à ces femmes, fait qu'on va bien noter ce "drame comique" (!). A retenir Rita (toujours charmante Sally Hawkins, aussi happy que dans "Be happy", ici représentante du personnel en 1968, période de l'émancipation féminine par excellence. Elle désarçonne par sa fragilité : une contenance dont elle fait une arme. Quelques bons moments de cocasserie, la gent masculine s'adapte... Beaucoup de remises en cause et de pugilat en haut lieu ! Egalité professionnelle effective des hommes et femmes britanniques nous dit ce film : sauf erreur, les Françaises seraient toujours payées 25 à 30 % de moins que les hommes en moyenne pour les mêmes fonctions. En sortant de cette oeuvre britannique reprenant l'époque soixante huitarde (dont on peut déplorer la forme archi caricaturale du côté revendicatif), une question se pose : des deux côtés de la Manche, compte tenu des temps partiels, des petits contrats temporaire bout à bout, du chômage de masse, le salaire mensuel perçu par les femmes au travail aujourd'hui (de 2010 date du film et les années suivantes) est de quel ordre ?
  • TÉLÉPHONE ARABE (2010)
    Note : 18/20
    Sorti officielle 25 juillet 2012. Cet humour bourru cachant beaucoup d'affection entre les humains rappelle les films français des fifties, pas assez féroce pour le 21ème siècle, pas de sang, rien que de l'eau ! On est dans une bourgade où tout le monde se connaît, ouaffe la grosse caricature simpliste... Ce cri du coeur se veut dérision globale sans jamais tomber dans le prêche. Discutable est le genre de toxicité invoqué quant aux antennes-relais. Il resterait à vérifier sur place celui des frictions entre les communautés. Qu'importe. Accrochée aux yeux lumineux et aux fossettes de Jawdat (Razi Shawahdeh) face à son paternel qu'on jurerait l'incarnation de Max (animation "Max & Mary", 2009), j'ai embarqué tout de suite... Noté les obligations religieuses, la sensualité ironique de la jeune fille en voiture, la mère redoutable en grève de cuisine, la position ambiguë des autorités... Côté forme, admettons que ça n'ait rien à voir avec les autres témoignages cinématographiques sur la communauté arabe israëlisée sur son sol, la Palestine, en 1948. Mais sur le fond si ! Le pacifisme ambiant pointe l'étau local, l'étend à toutes les minorités aplaties par un système devenu fou. La prise de position est nette sous l'esquive finale, une pirouette genre principe de précaution. Bienvenue à cet oxygène estival apte à dérider et à dépassionner les frictions au moins pour quelques jours. Le portable, reflet de la mondialisation qui engloutit l'individu sous des besoins dont il pourrait souvent se passer. Voilà une charmante production de plusieurs pays dont certains sont censés ne jamais coopérer !
  • WHITE MATERIAL (2010)
    Note : 15/20
    Bande-son envoûtante, dépaysement, on peut s'accrocher à l'échelle du car et tanguer avec cette nouvellement montée et qui s'accroche... Attention, méandres anecdotiques fréquents. La petite dame en robe d'été veut juste une semaine de sursis avant de plier bagages, "le café est mûr". Ses cheveux, véritable reflet flamboyant de la terre rose africaine signalent qu'elle vient d'ailleurs, en témoigne le message qui lui est destiné du haut d'un hélicoptère et aussi le coffre aux clés baladeuses. Déjà le spectateur, séduit par le charme pictural et auditif, est dubitatif quant à la valeur de la dernière liasse... Flash-back, retour au trajet, Maria assise cette fois dans le car... Arrivée dans une maison en dur, quelques survivants, un fiston qu'il aurait été préférable de laisser au lit (Nicolas Devauchelle, carrément deux personnages pour le prix d'un) ! Beaucoup d'indices pêle-mêle, des dialogues animés, et toujours rien de clair. La volonté de multiplier les interprétations, ou une délicatesse franco-africaine de bon aloi. Pistolet sur la tempe et... la dame toujours aussi battante ! Les dialogues instruisent tout en omettant le petit plus qui ferait qu'on embarque. Attendrissante Isabelle Huppert en récoltante de brousse aux prétendants clairsemés (Christophe Lambert, lui aussi bien mis en valeur). L'impression de vide se change en malaise. Le voyage esthétique, l'ambiance réussie laissent sur la faim car Madame Vial dévisse, sans doute victime d'un coup de chaleur... A retenir, l'attitude des enfants-soldats, le racisme rampant qui devient traînée de poudre si les circonstances s'y prêtent : ils font la force de ce film.
  • SMALL CREATURES (2010)
    Note : 16/20
    Univerciné Britannique Nantes 2012. C'est dur et pourtant mignon. En perpétuelle oscillation entre "la mauvaise graine" et le foyer comme refuge, en témoignent les photos de famille. Avec une tension qui plane dès le début. Coggie en crise (et qu'on devine sans père) s'éloigne du giron maternel, combat sa grande soeur, charpentée, face rebondie, une gendarmette. La personnalité du film est qu'aux pires moments de violence hors champ, sont montrées les "petites créatures" symbolisant l'enfance, ce temps d'avant d'être déçu. Hamsters duveteux en plan très rapproché, bon gros chat tacheté. La maison, ses habitudes ont l'air de promettre qu'un jour tout s'arrangera. Le processus de cruauté arrive lentement et sûrement (un peu trop, on baîlle !). D'abord les insectes en deux morceaux. Et puis des tergiversations. Coggie a peur de lui-même, bien qu'il veuille se distinguer d'une façon quelconque, que sa seule possibilité se trouve à l'extérieur, ces copains-là, s'il ne veut plus, eux l'y obligent. Bandes de jeunes ni sportifs ni imaginatifs, société malade en recherche de boucs-émissaires, on peut penser à tout cela ou en rester à ce coin de Liverpool où un couteau signe le commencement d'une escalade. Steve et sa gueule d'ange devraient ulcérer les spectateurs. Coggie, fluet à figure ingrate mais vulnérable laisse partagé. Autant de teigneux que de doux dans cette histoire qui fait penser aux "Quatre cents coups" ou à "Fish Tank" !
  • A ALEGRIA (2010)
    Note : 13/20
    Projeté aux Trois Continents Nantais 2013. L'idée de fond séduit. Affiche et bande-annonce attirantes, toujours précieux quand une bande de jeunes décide de créer pour faire passer sa colère. Sauf que c'est un peu "tiré par les cheveux" côté déroulement de l'histoire ! Il y a bien quelques bons moments si on parvient à se dédoubler, à entrer dans les jeux de rôles aidant à faire passer les croyances. Mais à aucun moment, ce fantôme qui débarque parmi des ados ne déclenche d'émotion. Bien trop fumeux à moins de s'enliser dans le retour des croyances actuelles, chloroforme des sociétés en récession... Belle réussite des masques à l'écran toutefois, le fantôme animal sur la plage a beaucoup de g..., fait un instant s'évader du frelaté global. Quoique la conclusion rachète un peu l'impression brouillonne par son sursaut de vitalité, je reste décidément sceptique sur un partage possible avec des spectateurs de cette manière détournée d'encaisser les violences existentielles. Ou alors traité plus finement.
  • LA RIZIÈRE (2010)
    Note : 19/20
    C'est, déménagé chez les Dong, ethnie chinoise de la province du Guangxi, dans le sud de la Chine, aussi familier, aussi délicieux comme ambiance que les meilleures oeuvres de Pagnol portées à l'écran, avec un zeste de western dans la façon de balayer le décor. On est emporté dans le mouvement : ce vent dans la végétation, les glouglous de l'eau, le meuglement des buffles, tous ces petits bruits de la nature que l'enfance capte pour la postérité. Subtile mélodie de Bruno Coulais incorporée, voilà une Chine plus attirante que d'habitude ! Des couleurs chatoyantes (les bleus vifs et l'ocre jaune du riz), du flou sur les toits sombres et les cultures étagées, l'harmonie est partout. On se sent chez des cousins chinois. La ville ouvre encore des perspectives, pas franchement une menace (le camion paternel). Ils ont leurs humeurs, ces braves gens : la mère chante à tout propos, son mari s'impatiente... Quelle bonne idée d'avoir choisi cette adorable fillette (léger reniflement, battements de paupières rappelant Bambi...), en parfait contraste avec son cadet, un ahuri qu'il faut traîner... Exilée en France depuis les années 90, la jeune réalisatrice Zhu Xiaoling (présente dans la salle) dit s'être inspirée du cinéma de Jean Renoir, même sens des couleurs et grands chambardements à l'image. On ne compte plus les décalages entre ce qu'on entend et ce qu'on voit, ni les effets de miniaturisation rappelant la bande dessinée. Moderne et enchanteur. Anti-blues de la famille. Le dvd très indiqué comme cadeau de fin d'année 2010.
  • L'UNIVERS N'OUBLIE RIEN (2010)
    Note : 17/20
    Découverte Univerciné Nantes Cycle allemand de novembre 2010. Elle a un de ces p... de caractères, Kathrin, suffit de la voir tancer une de ses congénères trop mère poule ! Alors si un quidam la suit, Messieurs garez vous... La dame (elle ronfle comme un sonneur !) affiche une joie de vivre certaine autant qu'une décontraction suspecte. Car c'est la même qui dévore des livres hautement philosophiques quand personne ne la voit. Lui à la cuisine - et sur son roman enfin nourri de quelque chose - et elle au boulot dehors qui finance tout : marché conclu... On admet que ces deux-là, rage organisée et hésitation chronique, puissent se télescoper. Et même s'investir puisque tout les y invite, un médecin tout prêt à assurer les lendemains. On rit beaucoup, mais silence et grosse émotion sur les dernières images.
  • SOMEWHERE (2010)
    Note : 14/20
    Beau beau beau et c... à la fois. D'abord ce bolide qui se mord la queue suivi de près par les blondes bien dressées. On sent à peine l'ironie derrière la caméra au point de se dire fichtre, ça remplit bien la pellicule tout ça... Couper, dévier de ce constat tout de suite, non ?... Bien capté l'état du rêve américain version années 2000, l'acteur pantin livré aux filtres féminins, cet éternel malentendu quant aux modalités, marche au pas mon garçon, tu es cadré, mécanisé, privilégié aussi, on a compris. Bande-son irréprochable, idem les prises de vue, toutes pertinentes comme Sofia Coppola sait faire. Son intrusion chez ce bellâtre formaté a au moins le mérite de rappeler les distances à parcourir aux Etats-Unis pour la garde alternée d'un enfant. S'occuper de son corps et compter les points, c'est court et limite f... de gueule comme menu sinon... Peuvent imprégner le spectateur la petite patineuse dans son jeu sobre de débutante, le désarroi affectif commun père-fille qui donne fuite ou recherche l'un de l'autre plus tard. On atteint des sommets avec le générique, véritable chamallow pour se consoler de ce trop-plein de vide.
  • MASQUES (2009)
    Note : 14/20
    Des fulgurances (je pense à cette tirade concernant l'aviateur Lindbergh), quelques révélations certes sur le monde intérieur des artistes, mais il faut être fan d'Orson Welles pour vraiment s'éclater à suivre José Maria Pau dans sa préparation. Intérêt de la démarche pour le spectateur lambda = oser "cracher" sur une scène ce qu'on a peine à effleurer dans la vie quotidienne, offre un équilibre de la santé globale. Un peu monocorde à mon goût comme démonstration, en dépit des colères du comédien (feintes ou ressenties vraiment, on ne sait trop)... Gens de théâtre, acteurs passionnés, poètes, toute la gamme des psys, apprécieront probablement davantage que le grand public.
  • LE BRUIT DES GLAÇONS (2009)
    Note : 17/20
    Très bien "envoyé" dès les premières images. Efficacité de la mise en scène pour créer l'étau... Les dialogues comme les corps abattent de la besogne, le seau à glace prend tout son sens... Un scénario caricatural dans un univers familier : rire un bon coup si le cancer en est au stade de la petite hantise existentielle. Mais si la maladie a frappé trop fort, rire jaune probable, malaise en tous cas... J'ai un peu souffert des cris stridents. Me suis focalisée sur les rémissions, elles justifient le déballage. Alors, au bout de cette agitation fébrile toujours menée de main de maître, on est avec les deux cibles devenus des fugitifs... On meurt d'envie que les deux silhouettes rappliquant dans le lointain vers l'embarcation aillent au diable !
  • WELCOME (2009)
    Note : 17/20
    L'immigration clandestine en France en 2009. Circulez ! Soit on se drape dans l'étendard tricolore aux côtés des autorités chargées de sévir (peinard !), soit on manifeste trop d'empathie pour l'étranger à la marge (renégat !). Dans un juste milieu, Philippe Lioret offre à réfléchir sur la pulsion d'héberger "l'intrus", l'enjeu étant d'avancer dans son lien à autrui, laisser la peur de côté (on est au cinéma, ce n'est pas un documentaire mais une fiction)... Quelques failles: non pas les échanges en anglais sous-titrés, mais les conciliabules du couple français, ils sont marmonnés, on devine grâce aux expressions des visages ! Quelques clichés aussi, amortisseurs nécessaires pour entrer dans le vif du sujet : la limitation d'immigrants quand l'économie chancelle, couplée à l'injustice de la naissance, qui rend enragé... On peut toujours éviter de soutenir le regard de ceux qui fuient leur lieu de naissance, se dire "à chacun sa destinée" ! Vincent Lindon (Simon) face à Firat Ayverdi (Bilal), avec la belle Derya Ayverdi (Mina) comme enjeu outre-Manche, tournent bien les sangs... Non qu'il faille absoudre d'office le clandestin en fuite, affamé de tout, vite enclin à transgresser, etc. Mais enfin, le coeur se serre en approchant le sort de ce jeune échappé du Kurdistan, un bien joli pays où, depuis le cauchemar "Saddam", c'est la dèche... Car les nouveaux dirigeants politiques, ex patriotes maquisards, se seraient changés en odieux "bling-bling" locaux (vite, un vaccin pour cette contagion pire que la peste !), occupés qu'ils sont à se partager la manne régionale pétrolière... Ainsi, "l'oasis démocratique" espérée par les électeurs avoisinerait les 500 % d'augmentation du coût de la vie, accès à l'eau courante tous les quatre jours, entre autres joyeusetés ! De quoi relativiser ses vues concernant les "flux migratoires" !
  • ÉTREINTES BRISÉES (2009)
    Note : 13/20
    Une "big love story" techniquement parfaite, qui passe pour un puissant hommage au cinéma, voilà ce qu'on nous serine. Oeuvre très personnelle surtout. Gros crabe à décortiquer ! L'intérêt majeur, bien plus que cet aveugle dont le mérite réside dans la jonglerie des pseudonymes, est de suivre Penelope Cruz, l'attraction principale(arnaque que cette perruque platine de l'affiche portée juste pour UNE photo !), quoique sa parodie d'Audrey Hepburn lui aille comme un tablier à une v....! Une actrice autrement plus palpitante quand elle tape sur la table chez Woody Allen ! Rien de nouveau à travers les autres acteurs, serait-ce de l'alimentaire Almodovar ? Bien sûr, il y a ces bonnes femmes éplorées qu'on aime bien voir débarquer tout autour de l'intrigue (le jeune homo au stade boutonneux, en revanche, est à hurler). Difficile d'adhérer à cette rengaine sentimentale à partir d'un désir charnel de vieux cinéaste... Les jeunes hommes se bousillent avant d'espérer y voir plus clair, et les hommes vieillissants sont tenaillés par le lit jusqu'à en perdre tout sens commun, on est bien avancé de tirer une gueule longue avec ces deux constats... Vraiment, est-ce ironique ou dramatique pour Almodovar ? On ne sait sur quel pied danser, d'autant que la vision de la bonne petite famille sécurisante plane une fois la star évaporée, un rien trop vertueux... Bavard, brouillon, un fil assommant, que la beauté des plans et la musique insolite ne suffisent pas à enrubanner. Sans doute plus accessible en dvd pour les inconditionnels de Pedro. Pourra se suivre en coupant le son tout aussi bien, voire mieux ! On est loin de l'émotion contagieuse de "Volver" !
  • JAFFA (2009)
    Note : 17/20
    Si encore Toufik n'avait pas ces yeux bleus étincelants, mais alors quels yeux, en plus de sa dégaine décontractée, de sa droiture de caractère (toute première apparition de Mahmud Shalaby, une présence sans rien faire de spécial si ce n'est être là !). L'employé modèle, tout le contraire du fils du boss, ce Meir, post-ado usé de dépendre de papa et maman et qui se croit autorisé à jouer au petit chef moins l'exemplarité... Facile, partant de là, de se glisser dans la peau de Mali (Dana Igvy), standardiste de l'entreprise familiale, le style "cause toujours", déchirée entre l'attachement à son frère et l'envie de déserter avec l'élu de son coeur. Ce pourrait être dans d'autres pays industrialisés comme crise familiale, sauf qu'on est en Israël, l'interprétation de ce récit prend de l'envergure à cause des haines rentrées entre Arabes israëliens et Israëliens "de droit". Les seconds rôles vont servir de faire-valoir dans ce théâtre qu'on pressent d'emblée déroutant... Le garagiste en chef (père de Mali et Meir donc) fait ce qu'il peut (Moni Moshonov, la "gueule" du juste). Mais la mère se devine déjà plus trouble en star vénéneuse au foyer (sidérante Ronit Elkabetz, elle a du registre de Tallulah Bankhead en réserve, beauté et intonation de voix !), enfin, les enfants de ce couple ont du mal à exister car trop peu d'autonomie. La cinéaste israëlienne Keren Yedaya excelle à traiter le vide des repas tendus et la douleur dans ses manifestations intimes, tous ces longs plans-séquence en durée réelle avec des dialogues ajustés aux attitudes, comme pleurer cassée en deux à même le sol dans la salle de bain, ça sonne toujours juste. La tragédie antique semble idéale pour camper Israël et le monde arabe tributaires du piétinement de leurs gouvernants. Du reste, on chuchote que les lassés de cette tuerie commenceraient à être nombreux... Suspense dans cet oeil oblique de fillette folâtrant en bord de côte, que n'eût-il été bleu ce regard, on plongeait alors dans un conte fantastique !
  • DANS TES BRAS (2009)
    Note : 14/20
    Pour avoir été placé dans des familles d'accueil enfant, sûr que le réalisateur peut se retrouver dans tous les silences ou regards interminables autour de ce jeune de 16 ans en crise identitaire. Côté spectateurs, l'intervention de la musique permet de reprendre souffle entre deux tensions et de contrecarrer l'austérité générale : aimable Capverdienne Mariana Ramos (avec le talentueux Teofilo Chantre, reconnaissable entre mille !)... Charmante hôtelière rousse et son histoire de mère presque inverse. Ce thème difficile qu'est l'adoption démarre assez fort mais s'effiloche aussi sec à cause de dialogues plats, l'expression "quelqu'un de bien" utilisé trois fois par exemple. Ni audace ni humour. Bien la peine que ce jeune soit aussi bien disposé envers une génitrice qui ne s'est jamais, Ô grand jamais, attendue à un effet boomerang... Malgré les acteurs tous à leur place, cette volonté de surfer sur le déni piétine et on se rabat sur la gestuelle, avec force attitudes "en chien de faïence"... Une scène de danse avec fiston amorçait des retrouvailles gagnant en chaleur pourtant, mère et fils pouvaient forcer sur le champagne pour qu'elle sorte de ses gonds, plus drôle que ces gueules mortifiées !
  • WHATEVER WORKS (2009)
    Note : 14/20
    Etonnée du peu d'impact me restant de cette comédie de Woody Allen une fois sortie de la salle. Pourtant, après une demi-heure en avalanche, fort bavarde, surjouée de mon point de vue (accent américain du nord de l'ingénue cornant dans les oreilles !), j'ai bien ri face à cet effroi qu'est la simple disparition de la surface du globe : pourtant très relative, la mort à y bien regarder, surtout sur les vieux jours, quand on a intégré que l'enfer serait plutôt ici-bas, certes à des degrés variables. La logique commande : tant qu'une situation marche, la garder, sinon en changer... Pour ma part, je préfère le cinéaste dépaysé hors de son fief, et dirigeant des acteurs plus charimastiques. Ou alors un autre registre que la démonstration d'écran à spectateur pour traiter le vertige qu'inspire le néant. Pour dire le fond de ma pensée, j'aurais cent fois mieux aimé Woody Allen à la place de Larry David, le rêve suprême et inaccessible étant Groucho Marx, ce film n'a cessé de me faire penser à lui. .
  • AMERRIKA (2009)
    Note : 17/20
    L'actrice principale est une merveille. Ronde comme une balle mousse, une belle tête charnue, avec ça bonne comme le pain, elle crève l'écran et on n'a qu'une envie en sortant : la revoir bientôt. Utile aussi de garder en tête que ces Palestiniens des "territoires occupés depuis 40 ans" non seulement auraient été bafoués au profit de l'Etat d'Israël, mais sont toujours à l'heure qu'il est chez eux nulle part (paradoxalement, un sort aussi atroce que le calvaire juif subi par les nazis). Merveilleux film dénonçant les amalgames du style épingler musulman tout Arabe, mettre dans le même sac islamisme, extrémisme ou terrorisme, commode pour faire dégénérer les bagarres de récréation en pugilat hautement répréhensible. A l'occasion de ce mélange de destinées, sont traités les travers de l'immaturité collective, des haines épidermiques entretenues par l'inculture à un endroit donné. Pour peu que des exilés d'origines différentes s'expatrient, hors des zones de conflit, les voilà qui s'épaulent, témoin ce Juif polonais (invité au restaurant !) : discours partageur sans mièvrerie, à en juger par ce "tahini" parvenant à dérider le collègue peu amène au départ ... Se perçoit aussi le lien familial indéfectible des communautés traquées de longue date ! Jolie musique diffusée par bribes. Large place au pays d'accueil certes, on voit trois fois rien de la Palestine, toujours assez pour en deviner l'étau et se dire que quand le pays d'origine n'ouvre sur rien si ce n'est sur des risques d'attentats permanents, laisser les check-points derrière soi pour un ailleurs peut sérieusement démanger ! .
  • SINGULARITÉS D'UNE JEUNE FILLE BLONDE (2009)
    Note : 17/20
    Encore une pépite de Manoel de Oliveira, cinéaste centenaire maintenant (né en 1908 et toujours d'attaque !), dans ce film plus par son habileté que par l'histoire elle-même, un peu mince : un comptable sentimental, qu'on devine élevé en milieu strict, tombe en arrêt devant une fenêtre où une jeune beauté à l'éventail chinois paraît tandis que des cloches tintent... On se croirait chez Maupassant, l'emballement masculin rappelle aussi un autre film, "Dans la ville de Sylvia", les longueurs en moins puisque la projection dure une petite heure ici... Indéniable virtuosité, c'est foisonnant, délicat, l'humour reste sous-jacent, l'image a toujours un je ne sais quoi qui réchauffe, juste un brin d'austérité quand le jeune éperdu est viré par tonton. Visite (comme guidée) des intérieurs aristocrates, l'occasion d'un quart d'heure culturel (exactement comme dans "La lettre", cette adaptation de La Princesse de Clèves) du même auteur... La scène du train, pleine d'une fausse bonhomie, est astucieuse, on arrive au fait presque par surprise. Perce la fierté du peuple portugais vacciné par les privations connues sous Salazar = aide sociale nulle... L'oncle est impayable dans sa rudesse envers son jeune parent ! Seule déception peut-être, cette sensuelle blonde, aussi craquante soit-elle sous ses allures de star en devenir : ses singularités m'ont laissée sur ma faim, j'aurais préféré une autre manie que celle-là. Finalement, c'est le jeune homme qui est singulier.
  • CENDRES ET SANG (2009)
    Note : 14/20
    Enigmatique, à l'image de Fanny Ardant. C'est âpre, ça travaille la peau en sortant de la salle, il faut dormir et se réveiller en milieu de nuit pour trouver de la portée à ce film basé sur l'onirisme de leur auteur, elle-même travaillée par la complexité du sang dans les généalogies... Première demi-heure déroutante à souhait, on a beau scruter et ouvrir ses oreilles, il manque d'explications, on est à la limite de décrocher mais on tient bon grâce à la technique, très au point, la photo en particulier : se glissent quelques tableaux d'une grande beauté, brumeux, repoussants parfois (ou dont le sens échappe à l'entendement) mais néanmoins impressionnants. On peut aussi souffrir des accents à couper au couteau en plus du curieux découpage global, vrai puzzle éparpillé... On note deux parfaits doubles de la réalisatrice en les personnes de Ronit Elkabetz et Madalina Constantin. La marque de fabrique "du Fanny Ardant tout craché" est bien présente, perplexité à la première approche, et envie de revoir l'oeuvre à tête reposée par estime pour l'actrice, dans toute sa "sauvagerie" ici. Elle semblerait assez prometteuse comme cinéaste malgré un regrettable maniérisme (cet arbre généalogique de fin, qui donne le tournis tant on a été secoué par le drame...). Les comédiens sont bien dirigés. Manque juste que le spectateur moyen soit un peu ménagé.
  • PARTIR (2009)
    Note : 18/20
    Epouse de médecin, vingt ans au foyer pour élever les gosses, demande retour à elle-même : le mari est conciliant, va pour l'ouverture d'un cabinet, masser les autres guérit du spleen, les travaux commencent... S'amène cet ouvrier espagnol, complice d'emblée rien que dans le déménagement de vieilleries. S'ajoute, en plus d'un frein de voiture oublié, cet "encore du poulet à manger ?" qui fait lâcher le plat. Pour un(e) kiné, "le corps a ses raisons que la raison"... Radieux sur le fond, tragique sur la forme, ce film renie la fourmilière sécuritaire, l'obligation (de retour plus que jamais aujourd'hui) à rester dans son rail. Alors, la bourgeoise et le prolo, on couche une fois ou deux à la rigueur, "faut s' reprendre" ! L'alchimie physique féminine, ce détonateur, ça se rationalise, ça se combat... Filmé sous le soleil de Nîmes par une virtuose de la caméra, avec une musique plus efficace que les mots pour signaler la tragédie. Dialogues intelligents. Dépassement des seuls intérêts financiers, oui, certaines femmes se foutent du fric pour y avoir perdu leur âme, c'est Catherine Corsini, une femme plutôt aisée qui le rappelle. Le couple spanish-british Lopez/Scott Thomas ôtant un à un les oripeaux du convenable au profit de l'instant qui passe est divin... A noter que l'héroïne est marquée par une veine au front qui, loin de la desservir, lui confère une authenticité stupéfiante en plus de sa beauté au zénith ! .
  • TU N'AIMERAS POINT (2009)
    Note : 17/20
    . La ronde des petits chapeaux noirs dans la pénombre... Brrrrrr, des Juifs orthodoxes, les plus coincés... Voilà qu'il pleut, un portail est enfin ouvert à coups de cailloux sur une boucherie d'où toute la viande sera jetée... En plus de la qualité d'image, une onde musicale s'insinue telle un serpent rasant les murs. Délicieux et vaguement inquiétant... "Recherche employé"... Le jeune et l'ancien face à face, bougons, pas vraiment le coup de foudre... Ces extrémistes sont aussi fêtards, ils trinquent, apprécient les soirées douillettes en famille. Braillent en choeur aux cérémonies religieuses où l'on philosophe. Le rabbin mentionne avec entêtement cette jeune femme qui fricote où elle ne doit pas, l'occasion d'une visite collective rappelant à l'ordre... On raconte aussi que le nouvel apprenti boucher serait un semeur d'opprobre... En fait d'homosexualité, elle se perçoit sans flagrant délit véritable. La menace par affiches placardées à mots couverts, puis intrusion d'éléments fougueux dans le magasin, conflit entre la jeune frange contre le patriarche, tous orthodoxes pourtant... Interdiction de plaisir "impur", amants en apesanteur reprenez-vous ou circulez... Il est permis aussi de se mettre une seconde dans la peau de l'épouse et des enfants en pareil cas (hors orthodoxie). Mais c'est vrai que Madame et sa brosse à cheveux en action, ces lits à déplacer ne sont rien en comparaison d'une chair fraîche de pur sang... Ce sage boucher déclarant à son supérieur spirituel "être un mort redevenu vivant", quel aveu d'étincelles dans une existence trop morne : l'absolution plutôt deux fois qu'une !
  • LE TEMPS QU'IL RESTE (2009)
    Note : 17/20
    En gommant le contexte, pour peu qu'on n'ait jamais connu ces tiraillements de territoires, on peut trouver ces souvenirs comme trop intimes, indignes de constituer un film international. Sont posées une suite de "colles", cette voiture sous la tempête, quelques références guerrières... Puis l'auteur d'abord en retrait se plante devant la caméra avec sa silhouette souple, beau visage, regard méridional parfois humide, l'air de nous dire "est-ce que ça vous parle ?"... (Les rationalistes peuvent décrocher d'entrée de jeu)... Sont inscrits dans les gènes d'Elia Suleiman "les Palestiniens depuis 1948", sujet méconnu, à savoir des populations devenues minoritaires sur leur sol, ou bien délogées de gré ou de force de leur terre natale : et tout ça "pour que le peuple juif ait une terre"... (Ce qu'on ne sait pas : Israëliens souvent installés dans des maisons palestiniennes désertées comprenant mobilier, vaisselle, photos de famille, le chien et le chat, avec interdiction, encore actuellement, de restituer leurs biens aux Palestiniens chassés) ! L'essentiel se passe donc à Nazareth, un bien joli patelin... Flashs-back, quelques plans sur les parents (dont la vraie mère âgée du réalisateur), dans un contexte arabo-israëlien mêlant ritournelle palestinienne d'antan et refrain américain au karaoké... Coupures d'image, énigmes, pirouettes procurent la distance nécessaire au cinéaste toujours pas revenu de ce vol d'identité ! L'enfant silencieux et troublé qui survit en Elia Suleiman authentifie la douleur palestinienne une fois pour toutes... mais sans nier le peuple d'Israël. Cet homme mériterait un ministère.
  • AU VOLEUR (2009)
    Note : 16/20
    Diable que c'est lent à l'allumage, point n'était besoin d'avoir toutes les magouilles en détail ! Résultat, le décor met un temps fou à être planté, la caméra stationnant de manière improductive, à la limite de l'ennui... Le film décolle vraiment quand on fonce en voiture à la campagne : la chlorophylle, l'eau vive, les animaux deviennent symboles de ce qui se trame. Le sifflement (qu'on jurerait d'oiseau) agit depuis le début comme un indicatif de changement. La bande-son inventive accroche, on glisse dans la nature comme la barque empruntée par les fugitifs. Jacques Nolot fait un peu diversion au couple explosif Florence Loiret-Caille et Guillaume Depardieu : beau duo d'inadaptés à notre chère société. Un traquenard les plonge hors du temps. Au passage, quel malheur que Florence ait un accent allemand aussi déplorable et que le film fleure autant le désespoir existentiel de Guillaume... N'empêche que d'excellents moments jalonnent l'ensemble et que la surprise est bien l'issue, habile (moins terrible qu'escomptée ?), en tous cas laissée à l'appréciation du spectateur !
  • UN PROPHÈTE (2009)
    Note : 16/20
    L'analyse est complète mais pèche par sa durée, une bonne demi-heure superflue (en tous cas pour qui ne raffole pas spécialement de cogne et de valdingue). Eu du mal à comprendre l'abondance de plans ou leur redondance, cette manie propre à Jacques Audiard de partir du fouillis... Fermé les yeux aux scènes appuyées. Trouvé étranges les diversions qui feraient songer à David Lynch par leur côté équivoque. Déploré le maniérisme qui affleure par moments. Estimé que César (Niels Arestrup) ça va bien mais point trop n'en faut... On gigote donc bien sur son siège au bout d'une heure. Toutefois, l'ensemble finit par tenir la route : excellent aperçu de "la mentale" qui sévit d'un bout à l'autre de la chaîne carcérale et transpire au dehors ! Des Corses oui, ils tempêtent suite à ce portrait peu élogieux, mais ces comploteurs auraient pu tout pareil être Italiens ou Basques, c'est l'accent mafieux que le cinéaste a voulu illustrer... L'action en dit long sur les conditions de survie en milieu pervers (taules, entreprises !), suicides remontés par la presse, je vous donne du sens, ainsi qu'au titre "Un prophète", interprétable à l'envi... D'entrée de jeu, on a envie de douceur pour ce jeune et on passe tout le film à suffoquer car au bout du tunnel la lumière persiste ! Une suite, et qui expliquerait ces voitures roulant au pas des dernières images, serait dans les tuyaux ?
  • MADEMOISELLE CHAMBON (2009)
    Note : 18/20
    Filmé à la manière de "Monsieur Hire" de Simenon... Dans quel état peut mettre un coup de coeur, petit trio ronronnant autour du complément d'objet direct... A la faveur d'un mal de dos maternel, l'institutrice du fiston invite le papa maçon en classe et songe à sa fenêtre "qui laisse passer l'air" : on a les yeux de l'ours Vincent Lindon pour cette biche, enseignante nomade, un an ici ou quelques mois ailleurs (fichtre, une locataire qui paie sa fenêtre sur ses propres deniers !). Les voilà en route pour une attirance irrépressible camouflée au mieux par la banalité des convenances ou de pieux regards... J'ai apprécié le couple complémentaire, des acteurs qui ont su s'incarner au-delà de leur compagnonnage passé. Douleur d'être attiré malgré soi jusqu'à en paraître vitrifié ou en sérieux décalage entre paroles et expression... Avec cette peur de se planter (pénible pour le spectateur peu enclin à pareil trouble). Plaisir de constater que le métier de maçon est jugé digne d'intérêt dans les écoles ! Les seconds rôles sont tout aussi chargés de symboles, ces soins au papa octogénaire, le regard pragmatique de l'épouse... Aussi bien envoyé que "Je ne suis pas là pour être aimé", plus triste si l'on oublie l'empreinte laissée chez ces deux êtres par cet émouvant violon (instrument appris pour les besoins du film !), de quoi sourire dans l'âge mûr !
  • PUBLIC ENEMIES (2009)
    Note : 15/20
    Mille manières de rendre digne d'intérêt les hauts et bas d'un braqueur de banques qui a aussi un coeur, tiens donc... L'entrée s'annonce prometteuse : Diana Krall en sourdine envoie le sirop, relayée par Billie Holiday la "pieuvre" du jazz. Le bandit rencontre sa promise... S'ensuivent les échauffourées de rigueur, la passion réussit tout de même à s'intercaler, disons que la bande son y aide tout au long du film. Images léchées, un peu givrées : le moral du spectateur prend une claque (principal écueil ici). Succession d'actions sorties de tous les coins, ennui sauf si on raffole de l'action pour l'action, c'est le classique duel flics bandits... Destinée de ce feu-follet de John Dillinger, équivoque défenseur de la prise d'argent anonyme, celui des coffres-forts bénéficiant d'assurances... Johnny Depp s'en tire bien avec ses tics de héros en attente de noeud coulant, un faux-dur abrité derrière son autorité de sale gosse. L'heureuse surprise est bien Marion Cotillard en Billie Fréchette, la "douce de service qui tient bon sous les sévices" !
  • JE SUIS HEUREUX QUE MA MÈRE SOIT VIVANTE (2009)
    Note : 19/20
    La "patte" appartiendrait davantage à Nathan Miller qu'à son père. Voilà qui promet du bonheur ! Inspiré d'un fait divers, la gent féminine n'en reviendra pas que ce soit deux hommes qui fouillent ainsi dans la conscience maternelle de base, bien vu le tiraillement de ces mères dépassées par la vie et qui oublient les retours de manivelle... C'est envoyé par petites cuillerées, flash-backs et présent tout sur la même note, miraculeusement fluide comme du petit lait, facile à chacun de se faire une opinion sans fatigue. Evidemment, juste après les petits frères qui attendrissent, le jeune homme Vincent Rottiers captive (c'était lui avec Eric Caravaca dans "Le Passager", lui encore avec Vanessa Paradis dans "Mon ange", une frimousse et un jeu concentré rappelant parfois le jeune Belge Morgan Marinne, ils pourraient être frères de cinoche). On se souvient des douleurs muettes de l'enfance et on comprend la crise de nerfs qui couve dans cette tête de "papa des petits frères"... Beaucoup d'images se chevauchent avec des reflets dans les vitres, le jeune gamberge, on le suit médusé, chaque plan apportant une nouvelle surprise. Une bien belle histoire, un revers de l'adoption, qu'on croirait facilement surmontable à tous les âges alors que chaque enfant venu d'ailleurs mouline aussi ce qui lui convient dans sa petite caboche : on en sort plein d'envie de dialoguer avec les petits.
  • A PROPOS D'ELLY (2009)
    Note : 19/20
    . Un titre français qui ne paie pas de mine... Que de mystère dans cette fente de boîte aux lettres débouchant sur l'allégresse d'un trajet vers la mer ! Chaque étape commence par "des clés"... Point commun de cette joyeuse bande courant vers la détente, ils ont tous plus ou moins étudié le droit. La jeune Elly semble la seule à double jeu, souriante mais un peu absente car nouvelle dans un groupe déjà constitué, on murmure dans son dos, très agréable !... Beauté et sensualité émanent de ces femmes... Sensibilité, force, aplomb même, à peine plus de machisme que dans notre Hexagone... Et puis voilà que les hommes,les enfants, vont se révéler tout aussi surprenants parce que bientôt "branle-bas de combat" ! Côté technique, du grand art, coupures impromptues d'une rare élégance, de l'anecdotique mais qui pulse ! On se retrouve dans les glouglous maritimes un bon moment, il s'en faudrait de peu que les vagues ne déferlent dans la salle ! Le spectateur est le premier avisé de bien des secrets, sauf que ça n'arrête plus de rebondir... Zéro plan fixe improductif ici, au contraire, une caméra qui crée le suspense (cette proue du bateau de retour des recherches, on a affaire à la même théâtralité de mise en scène aux moments décisifs que dans "Bashu le petit étranger", film iranien de 1986 de Bahram Beizei classé à tort "pour enfants"...)... "A propos d'Elly" a choisi la middle class iranienne (tendance aisée, intellectuellement évoluée). Regard d'un cinéaste qui vient à pas de loup vous plonger dans la tragédie. Du grand art !
  • KATALIN VARGA (2009)
    Note : 19/20
    Une musique pareille est d'ordinaire réservée à la plongée dans les abysses ou dans les forêts peuplées de vampires : on est saisi mais le quotidien s'intercale avec son côté rassurant, une femme se retrouve dans une charrette avec son fiston vers une destination annoncée comme périlleuse. Elle emporte son téléphone portable... Bien regarder mère et fils de dos derrière le cheval, le fichu bleu effiloché qui tremblote... La caméra tressaute au rythme de la carriole, mais peut aussi se reculer très loin de l'action pour ressurgir en contrebas là où on ne l'attendait pas du tout... Ainsi, on déménage en douce du noir complet vers une ouverture ensoleillée, un fouillis abstrait se change en herbe au fil de l'eau. Curieux angles sur les visages où ombre et lumière sont présentes en même temps à égalité pour déguster un bon fromage de brebis... Soudain, frottements se changeant en clarines pour terminer en chansons qu'on croirait fredonnées par des elfes ou autres farfadets. Le fantastique amalgamé au quotidien... Nombreux tableaux à flanc de colline avec brouillard blanc, le réalisateur-scénariste (un citadin anglais), entretient l'étrangeté sans jamais perdre son fil narratif (les phares de cette voiture occupée à traquer). Fréquentes coupures, rythme alerte, on attend le branle-bas comme dans un western... Des moments de cinéma où on voyage loin de son siège, en plus d'être gâté ! Le fond aussi est riche, avec ce rappel de "la petite voix" intérieure de chacun dans les pires moments, l'attention à accorder à ces pressentiments, surtout quand les jambes ne portent plus... Une puissante évocation de l'escalade des vengeances entretenues par le collectif !
  • LE SYNDROME DU TITANIC (2009)
    Note : 13/20
    Oui seulement 13, n'en déplaise aux lyncheurs du Net... Parce que les belles images sur un commentaire alarmiste, allon sallons... Encore un film écolo à gros budget, il aurait subi quelques coupes afin de préserver les french lobbies d'après Le Canard Enchaîné : évacuation des dégâts causés par les grands actionnaires français. Non écrit dans le texte et hors commentaire de l'ambassadeur (qui ne fait pas ce qu'il veut dans sa cage dorée...). Des moyens contraires à la philosophie déployée, bien sûr, on peut écouter le prêcheur et lui trouver du mérite, voilà pourquoi je mets une note moyenne, en hommage à cette prise de conscience recherchée. Car les beaux plans sur les visages, la laideur magnifiée grâce au talent du cadreur et aux effets panoramiques tranchent curieusement avec ce qu'on entend, un genre de messe chargé de rendre raisonnable tout consommateur. Implacable virtuosité de caméra et voix off pour bien emprisonner le regardant (mêmes effets gros "scoop" que Yann Artus Bertrand) vous assénant avec grande dépense énergétique que, comme vous êtes quelque part co-responsable du désastre, il vaudrait mieux vous amender d'urgence, faire votre part, citoyen inconscient des malheurs de notre chère boule bleue... Trop ampoulé tout ça, quand on sait que les plus concernés se la coulent douce. Silence sur la pétrochimie française et foin des stocks-options... La bande annonce peut suffire si on s'est tenu au courant de l'écologie depuis une trentaine d'années, mais si on veut partir en croisade environnementale, on peut trouver de l'intérêt à cette démonstration ou aussi bien reprendre, à tête reposée, le livre éponyme de Nicolas, hors litanie qui finit par bourdonner dans le crâne, il fait plus authentique. Non mais des fois... La plupart des citoyens n'ont jamais voulu ce désastre largement prévisible et pourtant tu, ou raillé, ou nié depuis plus de trente ans ! Surtout que ces pieuses incantations visent une fois de plus le pognon à ramasser par les entrées en salle suvies du dvd ! A l'aide !
  • LE RUBAN BLANC (2009)
    Note : 18/20
    Une neige éclatante saupoudrée sur le pays, le même blanc que le ruban satiné dont on affuble les enfants pour les préserver du malin, mains liées au lit (interdit de se gratter !), tissu enlevé, remis selon les règles édictées par le pater noster... Film noirissime, mais facile d'y entrer grâce au noir et blanc qui étincelle, ainsi qu'à la voix-off du sympathique instituteur. Glaçant comme "Fanny et Alexandre" de Bergman, nettement plus vivant dans son déroulement. Ces villageois traversent des moments de grâce, on chante et on danse, et pourtant la faim et l'humiliation tenaillent. Aucune scène insupportable cependant, la dureté intervient par saccades dans les occupations quotidiennes. Le pompon revient au notable censé être numéro un dans toute société par sa mission hautement morale, à lui seul il cumulerait presque toutes les tares humaines malgré une chute de cheval qui sonne comme un avertissement... Mais il y a du baume aussi dans ce film : le blondinet demandant s'il mourra un jour, ou qui offre à son père un oiseau de rechange dans une cage. Ce même petit surprend une fausse séance de perçage d'oreilles... "Faites ce que je dis, pas ce que je fais"... Rien de mieux pour révolter à l'âge adulte, voire commettre à son tour quelques actions revanchardes. Extrapoler sur le nazisme à partir de ces rigidités éducatives est une piste mais ce serait réduire le film qui mérite une portée infiniment plus vaste !
  • YUKI ET NINA (2009)
    Note : 16/20
    Les enfants de divorcés ou séparés quand ils étaient petits garderaient tous au coeur une plaie difficile à refermer mais, Ô consolation, ce choc leur ferait cadeau d'une maturité affective au-dessus de la moyenne toute leur vie. En découvrant "Yuki et Nina" se dire qu'on va, comme le petit poucet, se perdre au fin fond de la forêt et sans le moindre caillou blanc. Voilà qui change de ce qu'on a l'habitude de voir en matière de séparations parentales. Métissage entre un français et une japonaise, amour puis désamour malgré cette petite Yuki refusant d'aller au Japon (Webcam et ticket d'avion indiquent le milieu, favorisé, ouf !)... Dommage que les deux fillettes soient difficiles à suivre dans leur verbiage. Toutes deux filles de ménages fracassés, avec père en retrait. Le père de Yuki estime carrément "avoir eu une vie avant" (à la différence des mères ?...). Le spectateur se tient à hauteur de Yuki et Nina, école, jeux, inconséquence ou cruauté de leurs 9 ans (la logique implacable, l'envie de rire face au parent désarçonné). La propre enfance du spectateur est capitale pour s'identifier ou non. Le plus intéressant est bien de sentir les personnalités masculines des deux réalisateurs, sobres en épanchements physiques, désireux d'agir vite malgré la douleur... Double regard viril (et non l'éternelle empoignade pour "avoir" l'enfant). Témoins suprêmes du déroulement ici, de grands arbres sous le vent, on déambule entre conte et fantastique, rien n'indique la peur à avoir, la nature conduirait plutôt l'enfant à "recoller les morceaux". J'avais raffolé du percutant "M/other" de Nobuhiro Suwa (chatouilleux quant aux rôles parentaux ou extra-parentaux japonais). Accompagné d'Hippolyte Girardot, acteur tout juste passé derrière la caméra, il resterait qu'ils trouvent de quoi embarquer les réfractaires aux méandres métaphysiques. Le grand public risque de s'ennuyer malgré d'excellents moments et ce point de vue global qui transparaît avec élégance. Pour une fois qu'on entend "la voix des papas"! .
  • LE PÈRE DE MES ENFANTS (2009)
    Note : 16/20
    . La bande-son de départ donne l'envie de swinguer dans Paris ensoleillé et de "filer" cet homme, notre homme... Un genre de BHL producteur de films, souple, élégant, toujours pendu à son double portable, j'ai ça à faire et encore ça... Patron affable, roublard seulement faute d'autre alternative, mais bon père, bon mari, bon copain, adepte de la qualité de vie, les week-ends en famille au vert, on échange en jouant, en nageant, on s'écoute (malgré l'ado qui s'émancipe). Hyperactivité en semaine, comme quantité de businessmen croisés, exposés, ils ont opté pour des attitudes mécaniques : sauf que celui-ci ne vocifère pas, à bout de nerfs il encaisse toujours, une sieste et soudain la réalité professionnelle, matérielle, prend le dessus... J'ai trouvé l'ensemble brillantissime, inclus les moments précédant le choc et son impact dans l'entourage : et après plouf, l'impression d'avoir changé de film, terne, poussif... La promenade féminine sur la rive dans un sens, puis l'autre s'avérait prometteuse du dernier volet, c'est elle que je vais retenir, ainsi que la prouesse d'acteurs inconnus au charme infini. .
  • LE BEL ÂGE (2009)
    Note : 17/20
    Avec sa petite frimousse aux yeux asymétriques, elle renvoie chacun à la complexité ado, le voeu d'être un petit animal sauvage qui prend et laisse au gré de ses intérêts. Trop lourd de vivre sous le toit de son grand-père suite au décès de maman, quand on sait qu'ils ne se parlaient plus, autoritaire le vieux... Et puis, horreur que cette blonde créature (Johanna ter Steege) lui prodigue des soins équivoques ! Ah, qu'il s'avise de monter l'escalier, vite je fonce sous le lit... Grand retour cinématographique de Michel Piccoli, ici superbe entre son devoir d'éduquer et de chérir, face à cette sauvageonne (Pauline Etienne), elle mise sur la natation afin d'avoir un but personnel (Eric Caravaca en maître-nageur, on dirait qu'il a fait ça toute sa vie)... Premiers émois d'une toute jeune gazelle et dernières palpitations d'un vieillard parfois guilleret (le numéro de danse chanté aurait gagné à être prolongé !) : l'évitement est tentant afin que les joutes s'espacent, elles seront fort bien rendues par des images duelles, une partie éclairée, l'autre dans l'ombre. La natation permettra au petit coeur de battre à nouveau suite à un décisif malaise... Le télescopage se ferait désirer (au goût d'un septuagénaire dans la salle !)... Enfin, à la faveur d'une égratignure nocturne, on parle d'une certaine balle depuis la dernière guerre dans un poumon... Très agréable surprise de cette fin d'année 2009 ! .
  • HUACHO (2009)
    Note : 16/20
    Petite perle projetée au Festival des 3 Continents 2009 dans le cadre de l'Aide nantaise "Produire au Sud" : une famille dans la campagne chilienne le temps d'une coupure d'électricité. Soudée entre rudesse et tendresse, c'est comme si on était invité à leur lever, leurs repas, leur coucher. Très jolie lumière sur les personnages, un petit charme parcourt l'ensemble qu'on jurerait un documentaire. Braves gens dépossédés qui ont encore de quoi subsister tant que des ponts demeurent avec l'extérieur les grignotant toujours plus... On suit avec intérêt chacun dans son emploi du temps. Le garçon à l'école et sa mère employée de maison, très complices, doivent se démener. On comprend le réveil laborieux du jeune lycéen, cette main sur l'épaule du citadin réticent fait mal, comme ce coup de barre dans les transports... Ecart grandissant entre très haute société et crève-la-faim ! Quelques passages longuets auraient pu subir des coupes, les jeux vidéo, les cheminements presque en temps réel... Toutefois, les fromages faits maison de la grand-mère et leur vente avec ses copines en bordure de route, après quelques secondes de frayeur, valent qu'on s'y attarde, tout comme la sieste du papy radoteur ! .
  • LA DOMINATION MASCULINE (2009)
    Note : 16/20
    Les mâles dominent les sociétés, la loi des gros bras... On part du zizi jugé trop court par son propriétaire dont l'identité s'affirmerait davantage avec une rallonge... Eric Zemmour amalgame force et violence virile, d'ailleurs, les femmes disent qu'elles veulent un costaud, protecteur, bravache, qui gagne plus qu'elles, tout est mis en place pour "le revers" à cette situation... C'est une énième démonstration que les rôles dévolus à chacun des sexes seraient prémâchés dès le berceau, pas un mot sur la polyandrie des coins reculés, ni "des femmes qui portent la culotte" sans que leur homme en fasse une jaunisse, ni des couples globalement équilibrés en forces, fou ce que le courant majoritaire des sociétés ultralibérales va dans le sens du film... Le regard, très argumenté canadien, recentre son propos sur une fusillade à Montréal de 14 jeunes polytechniciennes : le silence, le peu de protestations qui s'ensuivirent, valent ici pour du machisme, des féministes étant allées beaucoup trop loin (meurtres prémédités, mais on apprend pourtant qu'il s'agissait d'un déséquilibré mental ayant retourné l'arme contre lui pour finir)... Nul doute que la masculinisation renforcée découle de la paupérisation. Soit l'un des dégâts collatéraux de la Mondialisation... Que les progrès sociétaux accomplis, parfois en dix ou vingt ans génèrent leur contraire, la technologie toujours plus ignorante des moeurs... Très américain du nord comme déferlante internationale... Série de femmes battues par leur compagnon (impasse totale sur les agressions féminines hors de ce cadre). Nous voici aux créatures de rêve caressant des bolides : elles ont mal aux pieds en talons aiguilles et, si ça se trouve, de la peine à boucler le mois : quant aux galopins en costard les prenant par la taille, charmante représentation esclavagiste, bof... Silence sur l'adultère véritable, devenue impardonnable si on lit la presse people états-unienne... L'aspiration de tous et qui conduirait à répéter les impasses séculaires, vraiment ? Ou plutôt le malheur d'accouplements irréfléchis, de solitaires mal assumés ? Les témoignages comptent, mais pointent les plus "timbrés", les plus excessifs, les plus caricaturés d'entre nous (pas loin de "Barbie" et "Ken" par moments).... Je trouve qu'ils appellent des angles supplémentaires dans d'autres milieux, d'autres civilisations, pour faire le tour de la question cruciale du film concernant les femmes : "s'il y a retour du machisme, qu'est-ce-qu'on nous a fait et qu'est-ce-qu'on s'est fait aussi ?" !  .
  • FEMMES DU CAIRE (2009)
    Note : 14/20
    Déroutant "Prix du Public" au Festival des 3 Continents nantais 2009. Yousry Nasrallah possède l'élégance picturale (beaucoup de raffinement dans le genre Almodovar en oriental). Il sait susciter une atmosphère intrigante, enchaîner avec un déroulement heurté, un peu tordu, sans fluidité entre les plans. Beau, lent, des à-coups, un brin de "la pompe" de nos romans-photo d'antan ? Le réalisateur de "L'Aquarium" traverse d'étranges remous avant d'en venir aux faits... Plusieurs situations sociales enfin se dessinent : au centre, une émission télé modifiée pour ménager les susceptibilités masculines... Des démonstrations de qualité inégale, je pense aux longueurs de cet épisode "les trois soeurs" ... Les fans gloussent, d'office séduits, quelques récalcitrants quittent la salle, mon voisin de siège alterne réveil et ronflements... C'est une parodie, mais il faut quand même raffoler du linge sale "people", affectionner les révélations intimes du petit écran populiste (genre TF1 chez nous), ces modernes Scheherazade parlant au micro "pour rester en vie". Archaïsmes égyptiens transcendés en arrière-plan : le fond est magistral, jamais encore une présentatrice télé n'était allée aussi loin dans "la réalité" ! Relevé une erreur de traduction en sous-titre, des femmes "oppressées" au lieu d'opprimées (sous-titrage anglais "oppressed", légère différence). On a plaisir a suivre l'actrice principale, une vraie mécanique qui ne perd jamais le nord sous ses allures de mignonne au service du public. Plus femme de tête qu'il n'y paraît, elle réserve une surprise de taille à la fin, dommage qu'il ait fallu autant de salamalecs pour y arriver ! .
  • À LA DÉRIVE (2009)
    Note : 15/20
    Chuyên Bui Thak, cinéaste viet-namien ménage quelques temps forts qui rachètent le ronron apparent, d'une rare violence intime. Bien amorcé pour ensuite se diluer quelque peu. Ces braves gens sont-ils donc cadenassés dans leur terreur du sexe ! Ainsi, on suppose que ce mariage arrangé n'est pas du tout consommé, simple compagnonnage d'êtres très jeunes, ou tempéraments trop mal assortis, aucun étalage surtout, sacrilège, enfin on ne divorce pas pour si peu dans cette communauté-là... La jeune sensuelle, plus mère qu'épouse, sent soudain son sang chavirer pour de bon, elle se trouve en quelque sorte livrée par une amie (intello plus mûre qu'elle, pas forcément lesbienne refoulée, elle cherche surtout matière à écrire), à un beau partenaire, du genre troublant d'emblée mais pervers si l'on en juge par le sort d'une précédente conquête... Connaître quelques émois par personne interposée, dérive comparable à cette escapade en robe tranchée au couteau pendant que "gros bébé" (le mari) à la maison s'éclate lui aussi... Mouais, ils sont pitoyables avec leur double jeu tout en sauvant les apparences. Splendides images grâce à l'éclairage des intérieurs raffinés, du pastel sur soie, ce rose buvard des rideaux d'intérieur irradiant la pièce entière fait partie des moments de grâce de ce film déconcertant... Franchement, on a mal pour eux d'être aussi coincés dans leurs traditions. Opiacé et soporifique. Une dérive méticuleuse, distinguée dans son traitement, sauf que l'amertume colle à la peau si les moeurs en sont à ce stade encore maintenant au Viet-Nam !
  • BASSIDJI (2009)
    Note : 17/20
    Un documentaire bouleversant, trop peut-être, les 3 Continents Nantais ont été trop saisis par ces témoignages successifs, ils ont quand même eu tort de laisser Mehran Tamadon, cinéaste à double culture (française-iranienne) si ouvert, partir sans récompense...Ce documentaire au démarrage martial avec son drapeau vert qui claque sur cette terre jaune triste, s'humanise au bout de quelques minutes... L'ensemble est tourné avant le grand chambardement post-élections iraniennes cet été. Interminables hommages mortuaires, martyrs érigés en saints pour la postérité, slogans ancestraux intouchables, il est bon que le peuple pleure ensemble au lieu de se débaucher avec les apports extérieurs. On va même jusqu'au conte de fée tellement les prédicateurs voient le salut dans la mort (dur pour nous autres occidentaux)...Le réalisateur (présent en ouverture) semble ouvert et doux, respectueux de ses racines mais revenu des croyances qu'on endosse les yeux fermés (sa compagne est Française, il vit bien davantage en France qu'en Iran). Il offre une série de rencontres avec des sympathisants du régime conservateur, une milice faisant songer à d'autres politiques de l'extrême : tous évolués, propres sur eux, très copains même, sauf que leur sang ne fait qu'un tour à certaines questions, mettez votre voile les filles, l'homme est fragile de nature et l'Islam ne souffre aucune contradiction sur le sol islamiste. Suivez "Le Guide", lequel peut être remis en cause par "Le Conseil" s'il se trompe, ledit Conseil acceptant les changements de politique mais ouste la moindre dissidence ! On voit aussi la population vaquer à ses affaires, une décontraction permise tant qu'elle reste cadrée... J'ai souvent pensé à la petite actrice iranienne jouant dans "A propos d'Elly", interdite de séjour dans son pays pour comportement subversif !
  • PANDORA'S BOX (2009)
    Note : 13/20
    Ce film, projeté au Festival des 3 Continents nantais est ce que j'appellerais "une jolie arnaque". Affiche alléchante avec cette guitare incitant à chanter ensemble. Interprètes attirants. Deux jeunes Japonaises d'autant plus superbes qu'elles rivalisent de pouvoir auprès de grands malades. L'action a beau se dérouler dans un sanatorium, entre vie et mort donc, avec ce rappel de la mythologie gréco-romaine de "La boîte de Pandore", ni plus ni moins "le fruit défendu", la manière dont c'est traité pèche par trop de minauderie pour ne rien avoir au bout de son hameçon si ce n'est le vide. Bien filmé, romantique, de bons moments même, mais "tuant" (un petit nombre a cependant applaudi, séduit par la beauté picturale, le côté gentillet des intrigues, ou attendri parce qu'il s'agit de pauvres abandonnés se raccrochant à la vie ?)... Bien trop plat par rapport à la présentation accrocheuse !
  • BANDHOBI (2009)
    Note : 19/20
    Gloire à "Bandhobi", Montgolfière d'Or du 31ème Festival des Trois Continents nantais ! Ce petit bijou coréen garde éveillé en inversant le discours misérabiliste, l'élément féminin de petite constitution représente la puissance : une jeune pimbêche du coin face à un grand discret d'ailleurs, attention, il a du répondant... Le schéma idéal pour évacuer LE tabou actuel grâce à la distance, ça se passe là-bas en Asie... La famille en prend plein les mirettes, elle a beau se recomposer gentiment, un beau-père à partager avec Môman pousse une ado exigeante à faire crise sur crise... Pour les Français empêtrés dans leurs différences mal assumées du fait d'un ministère excessivement zélé, ce film donne un grand coup de pied dans la fourmilière de l'immigration et de l'identité nationale et permet de comparer les sorts de sans-papiers d'un pays à l'autre... Il pointe le désastre des populations clivées du fait de la volatilité du travail, de la quête incessante de sous, de la loi du plus malin... Ô que c'est délectable ce rejet bien net puis ce lent apprivoisement, qui ne sera pas capitulation non plus... Boudeuse sud-coréenne moderne (actrice reconnaissable entre mille) dont le jeune Bengali habitué à la dure et à l'éphémère, sourit... Vivement que cette oeuvre tonique trouve producteur en France !  .
  • ACCIDENT (2009)
    Note : 15/20
    Le démarrage de "Accident" de ce réalisateur aux 3 Continents nantais 2009 coupe le souffle. On dirait une horlogerie de précision. Les premiers détails conduisant à ces fameux accidents envoûtent, du cousu main qui pourrait inspirer les malfrats en mal d'inspiration. Après, comme le déballage de coups fumants n'a plus de cesse, on décroche, à moins d'aimer l'action pour l'action. Attentes et filatures, filatures et attentes... dans cette ville, d'une inhumaine noirceur... Voilà que, surprise au final, l'histoire se tiendrait malgré la surenchère d'effets, superman touché en plein coeur revient de ses obsessions, s'amende ?... Spectacle raffiné, un peu téléphoné mais dont l'ironie qu'il fallait en fait garder depuis le début, fait prendre l'intégralité au second degré... Entre bande dessinée et clip de pub. Ce pourrait être carrément du virtuel, sans nécessité d'acteurs à payer tant c'est lisse et bien propret dans le genre ! .
  • LA DAME DE TRÈFLE (2009)
    Note : 16/20
    Quand il lui dit, après lui avoir demandé de se garer "viens voir", on commence à serrer les fesses... Car c'est un peu lent à l'allumage, bien qu'accrocheur grâce à ce choix de frère et soeur soudés "on sait pas jusqu'où" et à l'arrivée du trouble-fête (Darroussin nouvelle gueule !). Une atmosphère plaisante, des plans silencieux sur les visages qui en disent long, un joli travail de suspense, c'est vrai qu'on est du côté d'Aurélien,le plus touchant de tous car la sister, facétieuse, hâbleuse, use son monde, à l'écran nous sommes ravis, mais l'avoir chaque jour pour de vrai à ses côtés, il faudrait qu'elle mange de la soupe en plus du roquefort (à noter qu'il s'agit de deux orphelins pauvres, pour mieux comprendre ce qui les unit)... Malik Zidi et Florence Loiret-Caille révèlent ici leurs mille et une facettes, par le verbe (quand on parvient à saisir le rude jargon qui fuse), de joyeuses répétitions d'anglais ar-ti-cu-lées à l'inverse ! Le non dit l'emporte en émotion, c'est LE domaine où Jérôme Bonnel fait des étincelles !
  • LA PIVELLINA (2009)
    Note : 17/20
    Oeuvre italo-autrichienne projetée au dernier "Univerciné" nantais et repartie bredouille, quelle erreur !... La dame aux cheveux rouges appelant son Hercule tenait pourtant ses promesses dès la première seconde... A peine deux personnages frôlé du côté des balançoires et on se dit qu'on aurait nous aussi parlé à la petite, et sans doute gardée la nuit... Pour moi, ce film, d'un naturalisme dardennesque flirtant avec le néoréalisme italien, anticipe sur les liens familiaux hors du sang, postulat d'une société plus adaptée, pariant sur la pulsion d'embarquer les enfants perdus (on ne le fait aujourd'hui que pour les animaux !)... Avec une bambina craquante comme Asia Crippa (grands yeux tristes emportant immédiatement l'adhésion !)face à une matrone de cirque comme Patrizia Gerardi (bourrue au grand coeur), cette complémentarité dès la première seconde va de soi : appeler la police serait sacrilège (d'autant plus que ce couple de forains traverse une mauvaise passe). La manière dont c'est filmé, caméra portée au plus près de l'action ou de l'inaction, attache à cette famille réinventée mais qui marche mieux que bien des vraies. Une fillette parachutée dans la débrouille, chez de faux-durs structurés... (Voilà qui peut faire penser à des parents de substitution momentanés de sa propre enfance qu'on a trouvés plus capables - voire plus aimants - que les légitimes). Non seulement il lui est fait une place, mais on lui parle, elle n'avait pas l'habitude ! L'issue, toujours ouverte, laisse le spectateur à ses pensées. .
  • UNE EXÉCUTION ORDINAIRE (2009)
    Note : 18/20
    Premier mais impressionnant film en droit fil du livre (il faudrait choisir l'un ou l'autre car ils seraient copies conformes ?). La peur qui cloue sur le siège, sans effusion de sang, sans artillerie lourde. Juste des effets d'étau, on est d'abord moyennement serré (avec des bémols pour reprendre son souffle...), on ne mesure pas la machination du système tout de suite. La facture peut paraître classique à certains, je trouve que cela colle bien au début des années cinquante soviétiques. Etrange, mais aucune souffrance du fait que tout soit en bon français, avec l'ambiance de polar noir... C'est, paradoxalement, un film qui semblerait ennuyer les amateurs de terreur à grand renfort de tumulte et effets spéciaux. Glacial, statique, au contraire, qui glace les os (2010 s'accommoderait-il mal de ses hantises ?)... Superbe échantillon de ce qu'un régime totalitaire fabrique par les caprices d'un seul ! Staline, ici vieille mécanique froide, suggère un autre tortionnaire à moustaches. On sue pour cette belle jeune femme (Marina Hands) et son mari (Edouard Baër). Quant au sort des parents de la dame, le trou noir... Lorsque "purger" devient un feuilleton intime palpitant... L'acteur André Dussolier, pipe mâchonnée, oeil torve, campe le sidérant patriarche, le chef des rats dans le labyrinthe. Ses tirades donnent la nausée. Autre bon point en plus de l'ambiance à la frontière du fantastique par moments, les personnages secondaires (Denis Podalydès, Tom Novembre, et cette tête à claque de médecin intermédiaire...). Une tenaille qui rafraîchit la mémoire et autorise à s'estimer heureux dans son coin tant qu'un psychopathe reste à l'abri du pouvoir absolu.
  • LA RÉGATE (2009)
    Note : 19/20
    Palpitant à suivre, l'aviron en intérieur pour la performance, en eau douce ou sur mer, bref, l'aviron comme si on y était ! Certes, gla-gla pour qui a le malheur de tomber souvent dans le bouillon !... A graver dans les mémoires (d'ici le dvd) la liesse de cette course avec les vélos sur la rive de concert avec les pirogues mais en sens contraire des rameurs, très jolis cadrages, ces bruits des pagaies sur l'eau, une musique comme sous tension légère, voilà que ça déménage, coach qui s'égosille, encouragements des amis, quel magnifique moment ! Pas une seconde d'ennui, car le lien paternel occupe, donne la rage. Père refusant que son fils lui échappe, caractériel, armé de l'indigne "on avait dit qu'on n'en parlait plus" après ses frasques... A moins d'être masochiste au dernier degré (ceux qui le disent "aimant quand même"), chacun brûle de le conduire d'urgence chez le psy ! D'un côté le sport et l'amitié progressive, et de l'autre ce venin supposé "taquiner" le jeune en construction... On admire et on peste sur son siège... Enfin une crise, les plus durs ne sont pas ceux que l'on croit... Très attachant Joffrey Verbruggen, vite qu'on le revoie bientôt ! Grande sensibilité globale, Bernard Bellefroid "vide son sac" avec un naturel confondant : on jurerait qu'ils ont tous fait équipe sur les plans d'eau depuis toujours, Sergi Lopez en tête !
  • LE REFUGE (2009)
    Note : 19/20
    Depuis "Sous le sable", j'attendais aussi bien mais ne trouvais que fulgurances ça et là chez Ozon... C'est enfin chose faite avec ce "Refuge" qui, malgré son volet "junkies", semble un hymne à reconsidérer les familles, des liens du sang aux apports extérieurs, ce sujet que la disparition brutale d'un pilier force à explorer. A coup sûr dérangeant pour les belles et grandes familles où tout marche comme sur des roulettes... Une fois la chambre fatidique quittée, presque tout est filmé dans le sud de la France, de très beaux plans avec éclairage naturel, une scène forte devant les vagues... Aperçu du caractère versatile des grands drogués au passage, leur prostration, leurs sautes d'humeur : on ne s'attendrait pas à une embellie sans le personnage de ce frère, douceur incarnée. Certes, il s'agit d'un film, pas de la vraie vie faite de pressions multiples. Il n'en reste pas moins qu'Isabelle Carré et son beau autant qu'insaisissable partenaire (le compositeur Louis-Ronan Choisy) donnent à voir l'amour véritable "qui apprend à vivre seul", vaste programme !  .
  • LA TISSEUSE (2009)
    Note : 16/20
    Plusieurs lectures possibles, on peut étendre cette catastrophe au peuple chinois actuel, ou même à davantage si l'on considère les ravages réels de "la mondialisation". A la limite du soutenable et soporifique la moitié de la projection, mieux vaut y aller bien dispos... Cela démarre pourtant "du côté de la vie" avec cette sanction pour avoir mangé au travail : diminution de la paie... Grosse colère. Et peu à peu, l'énergie se délite tandis que la maladie gagne avec ce secret médical qui n'en est pas, ces tentatives d'accélérer le sablier... Quelques éclairs au milieu de l'inéluctable qu'on sent se pointer (à la différence du "Mariage de Tuya", où la femme est autrement plus combative malgré les malheurs cumulés et qui font s'effondrer son mari). On est dans la Chine de la culture soviétique, un patelin voué à l'industrie mais on y chante, le collectif réchauffe les plus meurtris, le dancing local offre une remémoration régulière des premières amours, période bénie puisqu'après ça devient routinier, sans saveur... Les autres couples semblent au même point de désenchantement que le couple central. Ils en sont à l'amour rêvé ou usé. Ce qui frappe est cet enfant déjà endurci, trop indifférent à son prochain, un petit silex malgré le piano censé éveiller son âme, rare au cinéma ! Bien fichu dans l'ensemble au plan technique, des cadrages acrobatiques, je pense à cette course dans les couloirs, cette plongée sur les yeux pleins de larmes, j'avoue avoir compris la religiosité comme soutien dans ce cas précis. On en apprend, de belles, en dehors du drame intime vécu... Les tissus sur les métiers ont beau être splendides comme toute la photographie, c'est une histoire "à pleurer", et toutes les larmes de son corps ! .
  • GAINSBOURG (VIE HEROIQUE) (2009)
    Note : 16/20
    Joann Sfar s'approprie Gainsbourg et le restitue, on a envie de dire "déjà" ! De ce portrait personnalisé, j'avoue avoir nettement préféré la star enfant et jeune adulte que sur le déclin : comme beaucoup de fans, j'exécrais ce qu'offrait de lui le Gainsbarre public devenu épave, son billet de cinq cent francs brûlé sur un plateau télé ne me faisait pas rire... Le défilé de dulcinées est un régal (pitié pour France Gall !) : jusqu'à l'arrivée de Jane Birkin fictive (qui aurait fait beaucoup rire la vraie !), j'ai eu du mal à y croire pour m'être remémoré le couple lors d'invitations télévisées, autrement plus détonant. Par ailleurs, les dessins intercalés, les ombres dodues, tout cela ajoute au mythe. On a les excentricités de Gainsbourg, probablement pas dues seulement à l'alcool et à la fumette mais à plus corrosif... Quelques scènes musicales et ses notes, si caractéristiques, tout le film en est baigné. Mais silence sur les coulisses de l'auteur-compositeur, ses échanges avec d'autres musiciens, je pense par exemple à la rencontre Bashung-Gainsbourg. Eric Elmosnino incarne certes à la perfection le personnage, inclus ses manies sulfureuses de façade, qui glaçaient tout le monde en comparaison du talent indéniable du bonhomme. Un Gainsbourg fantasmé avec pertinence, mais dont il manque des pièces. Il devrait laisser surtout l'empreinte de sa musique en France, par rapport aux pays anglo-saxons par exemple. Nul doute que d'ici vingt ans, relié à de bonnes interviews, à des images d'archives inédites aujourd'hui, ce film aura beaucoup de gueule. .
  • LA SICILIENNE (2009)
    Note : 16/20
    Toujours périlleux de dénoncer ses proches, aussi malfrats soient-ils... Ce film projeté au cycle Univerciné italien nantais de 2010, serait inspiré d'une réalité sicilienne des années quatre vingt dix, exemple typique de la fameuse "loi du silence"... Malgré un doute sur un viol commis dans le village, l'attention est captivée par l'enfant en parfaite osmose avec son père (jolie scène des deux à moto jusqu'à ce règlement de compte sur la Place). La petite protégée se change soudain en jeune fille de 17 ans, acier trempé et timbre rauque (puissante Veronica d'Agostino !), prête à tout pour "racheter le sang de son père puis de son frère", supprimés successivement, dans la logique mafieuse (juste un peu dommage que l'enfant et l'ado se ressemblent aussi peu physiquement)... Ce film agité décrit ces familles entières engluées, sur des générations, pour l'intérêt d'une frange d'autoproclamés, qui s'entredévorent On ne sait plus qui est faux de qui est sincère (à part Rita Atria incarnée ici, et peut-être aussi ce petit juge, sous les traits bienvenus de Gérard Jugnot à l'italien impeccable)... Des lois claniques, celles-là même que nombre d'adolescents exècrent tant qu'ils croient encore leurs idoles sans défaut... Mère déshonorée, cet aspect est on ne peut plus clair en revanche, elle avoue le renoncement à sa progéniture avant sa naissance !... Le petit ami de retour éclaircit un instant l'horizon de l'assignée à résidence, attention à la dernière carte encore possible. On retient son souffle à suivre Rita, la femme forte... .
  • LE BAL DE LA VICTOIRE (2009)
    Note : 19/20
    Vue panoramique de la Cordillère enneigée... Un visage de jeune fille en gros plan, le ciel, et de nouveau la chaîne montagneuse... Les grands espaces ainsi balayés, les plans rapprochés font immédiatement penser aux westerns, aux épopées du cinéma chinois, russe aussi, en plus familier, quelque chose du cinéma argentin récent. A la tête de l'entreprise, se devine un artiste archi-cultivé, aux dons inépuisables. Il crée la complicité immédiate des films d'ordinaire dédiés à la jeunesse. Fluidité, plans raffinés, un regard de peintre, une oreille de musicien... On embarque sur ce cheval aux chaussettes bleues qui ouvre toutes les perspectives... Ravis mais inquiets juste ce qu'il faut, suivons le bien nommé "Angel" entiché de sa danseuse, deux écorchés vifs prêts à tout... Pour autant, on respire mieux quand l'expérience faite homme, décrite en parallèle, se joint au duo, le regard lumineux de ce rescapé des geôles ajoutent le scepticisme indispensable. Des clins d'oeil au spectateur, une sentimentalité comme celle du cinéma muet. La dictature chilienne en prend pour son grade tandis qu'en arrière-plan se dessinent les couples chahutés d'aujourd'hui, la génération d'enfants robots, avec des numéros de danse qui laissent pantois... 2h07 de projection d'où on émerge plein de forces nouvelles ! .
  • BONHEUR PARFAIT (2009)
    Note : 16/20
    Lors d'un attentat en milieu scolaire, à quinze ans, elle passait par là et son cerveau reptilien décide qu'elle ne prendra pas ses jambes à son cou (moment gigantesque du film !)... Aucun détail sur l'Organisation ETA : on devine bien qu'au pays basque, c'est un poids de tous les instants... Avec la machine policière, relayée par les médias locaux, tous deux prompts à sonder ces jeunes étudiants suspectés d'office, des boucs-émissaires tout trouvés de toute façon, du chiffre, du chiffre... Une douce lycéenne, pianiste par projection parentale à l'âge où on rêve aussi d'émancipation, se fait prendre en photo par surprise, l'occasion d'aléas qu'elle n'avait pas imaginés une seconde.... Bien plus tard, elle vivra une deuxième secousse au hasard d'une lecture de presse gratuite le temps d'un jogging. Les deux traumatismes vont pousser l'intrigue vers une rencontre trait d'union... Bien mené, sans misérabilisme (de la mesure en milieu scolaire, on sent la prise de position du cinéaste, il analyse les différentes facettes de chaque situation). Un ensemble qui laisse chacun dans l'expectative... Consolation, ce piano toujours enchanteur, comme en survol des divisions humaines. .
  • CARTE DES SONS DE TOKYO (2009)
    Note : 15/20
    Découvert dans le cadre du cycle espagnol nantais 2010, ce petit dernier d'Isabel Coixet : elle a certes fait mieux dans la progression d'intrigue. On est davantage chez Wong Kar Wai ou Sofia Coppola côté ambiance. C'est infiniment sophistiqué, plein d'exotisme, avec des bruits de petite souris qui gratte, on se demande si on rêve ou si cet ingénieur du son s'amuse avec nos nerfs... Des minutes torrides entre Sergi Lopez et Yuriko Kikuchi. Du bon vin. Des signes annonçant que ça va se gâter malgré le pistolet non utilisé... J'ai failli m'endormir sous ces décors somptueux mais statiques. De cette réalisatrice, on attend l'habituel couperet, d'habitude c'est plus étoffé avant d'y arriver, marre de languir dans son Tokyo mythique avec ces tiraillements... Ciel, ça se précipite soudain, et là stupeur que cette fin digne des tragédies antiques et qui rachète la totalité de ce qu'on a vu ! .
  • LA MACHINE A PEINDRE DES NUAGES (2009)
    Note : 15/20
    Cycle espagnol nantais 2010 : une réalisation 2009 sur la fin du franquisme. On est en 1974 à Bilbao. Pour une région réputée industrielle, moche au possible, la photo fait des prouesses : elle garde du début à la fin un voile chocolaté, comme si on avait des lunettes de soleil marron rosé, vraiment très agréable. Franche camaraderie générale, mais le ton monte par moments, la misère matérielle est frôlée de justesse, c'est plutôt expressif, vachard aussi (le fonctionnaire zélé hémiplégique, le secret salarial...), chaque étape franchie se conclut par un trait dessiné ou peint et puis arrive ce drame, sans lequel tous les protagonistes n'auraient pas autant mûri !... Romantisme très judéo-chrétien (cette extase méridionale devant les tourtereaux), ennui au travail, bonnes tables, excès de boisson, sang chaud et partage d'automobile... Dommage que le milieu du film subisse une telle baisse de régime par rapport au début et à l'issue ! .
  • MOTHER (2009)
    Note : 16/20
    Actrice principale qu'on sent ravie de réaliser autre chose qu'un rôle de mère classique à la télé. Sa personnalité porte le film. Le fiston est surtout simplet, d'office protégé par sa génitrice (ils dorment ensemble pour avoir moins froid), une dame sexuellement saine mais qui a quelque chose à se reprocher. Extrême pauvreté, corruption des pouvoirs en place : cynisme, misère, délinquance : un veuvage et peu de moyens, voilà qui oblige à l'héroïsme, une chance encore qu'il y ait l'acupuncture pour pouvoir se régénérer. En parallèle, la prostitution de retour sur le devant de la scène se filme désormais au téléphone portable... Joon Ho Bong fait visiter son pays fracassé en créant une tension tant par les cadrages très étudiés que par la hardiesse à montrer in-extremis la face cachée des événements. Il rend somptueux les aspects les plus laids, la bande-son n'étant pas en reste (splendide scène des funérailles, ces femmes se ruant sur la mère du présumé coupable !). Mais j'aurais préféré découvrir ce film de 2h10 en dvd car je l'aurais visionné en deux temps pour en apprécier "les derniers tiroirs" scénaristiques, ces derniers débarquant alors qu'on croit rester dans le flou... D'une seule traite ainsi en salle, et malgré la beauté de l'ensemble, le récit m'a semblé interminable (ai failli m'endormir). Dommage, pour une oeuvre aussi bien emberlificotée ! .
  • LA PERTE (2009)
    Note : 18/20
    Découvert au festival du cinéma espagnol nantais 2010. Les médias préfèrent traiter d'une seule partie du monde, on pense donc que l'Argentine est un modèle pour se remettre du malheur, que ses électeurs votent majoritairement pour des régimes politiques fascistes, à moins d'admettre un genre de secret-défense made in USA... Quoi qu'il en soit, utile de se rappeler les argentines "purges" dignes de l'ancienne URSS... Survivre grâce au droit d'asile quand on est nié sur le sol ancestral... D'éminents scientifiques, chirurgiens, sociologues, écrivains, exilés ou plus ou moins de retour au pays, racontent l'interdiction de s'opposer (des années 1955 à 1978 environ). Cet effroyable Coup d'Etat Militaire de 1976 qui permit à de tout-puissants psychopathes de s'acharner sur la population : du jour au lendemain, se trouver congédié de toute activité, la mise à l'écart de son travail, les divisions créées dans les populations par la terreur, seule porte de sortie (sans trop tarder) l'exil pour espérer se refaire... Certains, enlevés brutalement par des hommes en civil, ont enduré la torture à petit feu, souhaité la mort. D'autres dénoncent la disparition des leurs, dont beaucoup d'enfants, simplement parce qu'ils étaient de la famille d'une cible... Fuite des cerveaux, impression de sentir "le sol se dérober sous ses pieds". Et la peur qu'un jour ça recommence... Un documentaire plein d'enseignement sur la tentation de supprimer le trop différent de soi. .
  • THE GHOST WRITER (2009)
    Note : 15/20
    . Bien fait, cadres audacieux, acteurs bien dirigés, du suspense, quelques étincelles, on suit sans peine Ewan Mc Grégor en villégiature avec vue sur mer... Et puis, je trouve que ça s'essouffle, ou alors le malaise crée trop de tension stérile... Comme dans un bon Hitchcock, l'atmosphère intrigue au départ, c'est historiquement validé, on se doute bien que pareils plans sont monnaie courante et pas, comme une presse bien-pensante le brandit un peu vite, l'apanage russe. Oui, sauf que le traitement de tout ça à travers cet "écrivain-fantôme" m'a paru infiniment glacial et lancinant côté déroulement ! Un scénario qui mise trop sur l'attente pour l'attente, une infinité de rebondissements tous présentés sur le même ton, désolée, mais je me suis ennuyée... Une histoire inspirée d'un livre. Etonnant comme le film recèle de multiples lectures : difficile par exemple, pour qui a lu "Roman" de Polanski, de nier une perceptible identification du réalisateur à son récit côté exil, traque quasi permanente. Impossible d'escamoter la plongée dans l'univers des personnalités coupées en deux entre vies privée et publique. En spectateur ouvert, autonome avec toute sa tête, pas le moins du monde en justicier comme semblent le craindre quelques professionnels empressés d'estampiller "chef-d'oeuvre" certes un grand classique mais qui, à mon goût, manque de sel !
  • LA HONTE (2009)
    Note : 17/20
    Une des fulgurances du Festival cinéma espagnol nantais mars 2010. Tout se passe pendant une coupure d'eau. Au début, l'ambiance est un peu froide, avec ce gosse bougon, un couple très inégal : une certitude, elle semble plus patiente que son mari... Débarque cette employée pour s'occuper de l'enfant, tous deux péruviens (tiens donc !)... Plus ça avance, plus la tension monte dans la maison, elle atteindra des sommets avec cette blonde reprenant le dossier d'adoption depuis le début, car il faut scruter le passé du couple pour enfin valider le dossier d'adoption... Deux malheureux qui éprouvent facilement de la honte, surtout lui, qu'un rien mortifie... Des dialogues tirés au cordeau pour un cheminement toujours plus sévère pour les intimités, bien que l'on puisse avoir du mal à croire au "méga artifice" servant l'intrigue car nul ne pourrait "bluffer" un enfant de la sorte : Rosa dans sa double fonction.
  • TROIS JOURS EN FAMILLE (2009)
    Note : 16/20
    Découvert au cycle espagnol nantais de mars 2010... La réalisatrice, à peine vingt ans, toute simple, est là devant nous dans la salle archi-comble du Katorza en ce mardi 22 mars... C'est elle qui a mijoté ce film incroyablement abouti pour une si jeune personne, et sur tous les plans ! Un style à la fois recherché et minimaliste (quelques effets empruntés au meilleur cinéma asiatique). C'est alerte, somptueux, charmant aussi, je pense à cette manière de laisser parler l'image... Un regard sans complaisance sur ces rencontres familiales à l'occasion de grands événements, quand chacun s'exprime mais que les gestes seuls révèlent. La jeune héroïne de l'histoire vit une impasse momentanée. Fausse dure tantôt amusée, tantôt révulsée, elle doit faire avec le protocole.
  • LOUP (2009)
    Note : 15/20
    Choc par rapport à d'autres productions tournées dans ces glaces ! Avoir à s'habituer à la langue française moderne parlée dans ce coin reculé (même si les acteurs se mélangent à une tribu locale en grand danger de disparition). L'accent "djeune" collant aux baskets jette un froid... Vite suivi d'indulgence (tant qu'on n'a pas connaissance du livre aussi...), car on "rentre" dans l'histoire grâce aux autres apports, et c'est un beau cadre pour le message laborieux à transmettre au jeune enfant encore proche des peluches, se sentant frère ou soeur d'un animal domestique... Petit louveteau deviendra grand, aïe... Les gigantesques moyens servant ce film (pour peu qu'on se penche sur ses secrets de tournage) ne le hissent probablement pas à la crédibilité du "Dernier Trappeur", pour tous et d'une autre trempe. N'empêche qu'on baigne dans l'observation d'animaux en décor naturel, avec cette prédation incontournable, en laissant Nicolas Vanier l'enseigner à notre place à la génération qui monte... Les parents accompagnés d'enfants à partir de 5 ou 6 ans, outre qu'ils apprécieront les péripéties, peuvent ainsi économiser une explication des plus embarrassantes.
  • HARRAGAS (2009)
    Note : 17/20
    On peut ne pas y croire, dire "tout ça pour ça ?" comme je l'ai entendu, avancer qu'il n'y a pas matière à faire un plat du sort de hors-la-loi, bien fait pour leur g... !). Le scénario aurait devancé les réalités d'après Merzak Allouache. Ces dernières années, des milliers de morts ou reconduits case départ pour cinq ans de prison... Idéalistes, affamés de tout, bravant l'hiver rude car persuadés d'un eldorado obligatoire au bout des sacrifices. Les traits de la belle émancipée (splendide Lamia Bouskine !) en gros-plan, la fraternité à toute épreuve du narrateur avec l'élégant Nasser (classe et droiture que ce trio filmé de façon attachante), aident le spectateur à soutenir l'entreprise, cette fuite vers l'eau glacée, la mer est ici une pieuvre aux caprices infinis (et le contexte, à moins d'un cynisme ultralibéral aigu ou d'une conscience brouillée, souffre difficilement le rapprochement avec l'excellente fiction d'Hitchcock, "Lifeboat" !). Gravitent d'autres ombres autour de l'embarcation mille fois imaginée dans les cerveaux... Coquille de noix au ras des côtes espagnoles, dont GPS, téléphones portables, boussole, constituent le grincement humoristique. En creux, j'y ai trouvé : pourquoi une répression aussi impitoyable de l'Europe ? Pourquoi cette inertie des hautes sphères algériennes (ou d'autres pays voisins) ? Pourquoi cette surdité entre les puissances politiques concernées au lieu d'un accord sur des valeurs humanistes ?... Relents de colonisation embarrassants ou simple réflexe d'application de la loi du plus fort ?
  • CELLULE 211 (2009)
    Note : 18/20
    Hésité longtemps avant d'aller voir ce film présenté au Vingtième Festival Espagnol de Nantes (2010) car je craignais de m'infliger un excès de violences invitant à cauchemarder ensuite : à tort, c'est palpitant de bout en bout grâce à la caméra de la "régie policière" qui suit les détenus dans leurs transactions avec les autorités. Où l'on comprend le poids supplémentaire d'une organisation comme l'ETA en plus de l'ultra-libéralisme incitant encore davantage à magouiller, la loi du plus fort mariée au chiffre. Mené tambour battant, avec ce "Malamadre", sorte de minotaure des geôles face au christique futur papa qui va en voir de sévères... Double lecture si ce n'est triple, car le réalisateur nous promène par tous les angles en ne laissant deviner sa préférence qu'à la fin, sous forme de questionnement. Une issue impitoyable, un peu trop radicale (de mon point de vue) par rapport à la promesse d'ensemble.
  • LA FEMME SANS PIANO (2009)
    Note : 13/20
    Vu au Festival espagnol nantais de 2010 : le réalisateur, présent dans la salle, en recommandait une lecture comique. Certes, bien agréable côté image. Pour le reste, absurde jusqu'à en être éreinté. C'est "piqué" au cinéma nordique par bien des aspects, amusant au début parce qu'on est intrigué... Mais que l'on languisse indéfiniment dans l'inabouti, il y a des limites... Pas le tout de faire dans l'insolite (cette chaussure trouvée, ce laconisme facile)... Rosa de nuit, femme sans clavier sur talons hauts jusqu'à épuisement, promettait pourtant au public de vertes et de pas mûres avec ses cognacs sifflés. Or, elle accumule les mystères mais sans faire décoller le spectateur d'un iota. Les snobs crient au génie ? Certes, quelques éclairs dans les dialogues, du cocasse cousu main, mais il s'agit juste d'une déambulation pitoyable (pas très intéressante pour le spectateur) aussi bien filmée soit-elle. Musique froide, martiale, tout dans un seul style. Rien à quoi s'accrocher. Dommage pour l'actrice principale (qu'on voudrait s'attacher), mais si son escapade lui remet la cervelle en place, il manque l'essentiel à son errance, peut-être un bon coup de théâtre plutôt que ces demi-événements ?
  • AFTER (2009)
    Note : 15/20
    Reparti avec un prix au festival du cinéma espagnol de Nantes 2010. Etrange salle pleine, n'applaudissant pas, trop estomaquée.... Le désarroi de ces trois quadragénaires demeurés au stade adolescent au plan affectif laisse supposer une prime jeunesse trop retenue... Le titre du film, "After", offre au moins deux lectures possibles, si on parvient à dépasser un exhibitionnisme récidivant. "Des enfants perdus" en quelque sorte, symbolisés par la chienne, un animal mal à l'aise, en fuite puis fragilisée par son accident. Bien vu également la vie de bureau où il est interdit de se relâcher mais où des libertés extraordinaires se prennent. Autre point fort, la détestation précoce du garçonnet mortifié par la double personnalité qu'il devine chez son père. Et, cerise sur le gâteau, ces trois coeurs lumineux (trois appels au secours dans leur fuite en avant ?). Tendresse, cruauté envers autrui ou soi-même dignes du bac à sable ! Fébrilité dans "les lignes" sniffées à grand bruit sur tables basses (toujours hors champ, la caméra ne descend jamais, elle se réserve la remontée, la cloison nasale à deux doigts de claquer !). Une illustration d'Espagnols lâchés comme des fauves depuis que Franco n'est plus ? Il manque à ces jeux de l'extrême un événement percutant, une quelconque morale pour emporter l'adhésion. De nombreux spectateurs, choqués, sont sortis, écoeurés du déballage. C'est un film à partager avec des sociologues, des soignants, d'anciens drogués ou familiers de grands drogués (il est impératif de comprendre l'escalade des drogues dures).
  • CONTE DE L'OBSCURITE (2009)
    Note : 16/20
    Découvert au cycle Univerciné russe nantais de 2010. C'est bien le fait qu'elle ait un uniforme de "fonctionnaire aide sociale", visiblement assimilé à une forme policière ou milicienne, qui fait que cette jeune femme se morfond. La voilà confinée à son milieu de travail, ce collègue odieux, deux morceaux de bois qui dansent le tango... Pas question de se rebiffer... On retrouve la rudesse russe dans les dialogues sur le mode insultant, cette importance du "look" (bien habillée, exhibition des belles jambes !)le stoïcisme affiché et, en creux, le côté bravache des êtres en perdition. Comme annoncé dès les premières images, chaque plaisir pris s'avère traquenard. Film de "la Russie du temps des oligarques" à la photo splendide (entre autres, cette brève devinette, toute blanche entre ciel et eau, on jurerait une fresque japonaise avant que barques et rameurs se précisent !). Des promenades au confinement, sous une apparente décontraction afin de mieux piéger le spectateur, les clivages soviétiques, s'ils ont changé de registre, ont la vie dure.
  • ENTERREZ-MOI SOUS LE CARRELAGE (2009)
    Note : 17/20
    C'est LE film "coup de poing" du cycle Univerciné russe de Nantes 2010...Poussif d'entrée de jeu, frôlant maintes fois le grotesque, ce film heurtera les gens à la moralité chatouilleuse : ils hausseront les épaules en pensant que les asiles psychiatriques existent, ainsi que les bureaux d'aide sociale, et même à Moscou avant la Chute du Mur, ne venez pas nous emm.... avec vos femmes tarées !... Mais les victimes des tyrans en jupon se verront en situation (mère, grand-mère, toute autorité féminine abusive !), se surprendront peut-être à rire alors que tout commanderait de pleurer. A noter que jamais le garçonnet n'est frappé, à peine secoué, la violence réside plutôt dans l'insécurité affective ! C'est l'histoire d'un deuil inconsolable déformé en petites rognes perpétuelles suivies d'attendrissements éclair. Ah, l'emprise des matrones sur la maisonnée... Surréaliste, adapté d'un livre biographique sûrement au vitriol). Accalmies entre crises aiguës, assez pour croire en un possible arc-en-ciel... Le spectateur connait le fin mot seulement à l'extrême bout du film, dans un va-et-vient de la mémé au téléphone à l'enfant fiévreux dans le grand froid des hivers russes... Des situations "limite", rattrapées de justesse. Un film malade seulement en apparence, à deux lectures possibles, familiale ou politique.
  • LA COMTESSE (2009)
    Note : 18/20
    . "L'Histoire est toujours relatée par les vainqueurs", commence la voix-off masculine... Sur d'anciennes terres de Dracula, une Comtesse élevée à la dure par sa mère, sans père, vit un mariage arrangé (avec des enfants) suivi d'un veuvage : peu après, lors d'un bal, son sang bouillonne pour la première fois !... Julie Delpy, scénariste et réalisatrice (elle a également composé la musique de son film), se met elle-même en scène, un rôle équivoque tout à fait seyant, d'autant qu'elle est très bien secondée (et pourtant elle comptait sur d'autres acteurs, bien trop chers par rapport à son budget...). On se croit dans un grand classique, archi-documenté, aux dialogues ciselés (en anglais avec quelques bribes françaises), l'ensemble chargé de signes avant-coureurs du drame qui se noue (ce menuet empesé !). Très convaincant, le scénario d'une fluidité qui repose de bien des productions alambiquées d'aujourd'hui (elle a mis sept ans pour l'écrire). D'une finesse, chaque plan décisif décortiqué. En prime, l'humour des vampires malgré eux (juste deux mouches...) ! Incroyablement abouti pour une quadragénaire aux talents méconnus. Simplement, il faut pouvoir soutenir pareille monstruosité féminine sous des traits limpides, des intonations glacées, encore plus quand on pense aux "cycles féminins", passés sous silence. Très troublant. Aucun bain de sang pourtant, il sert davantage comme lotion tonique passée sur le visage. C'est aussi une peinture de moeurs faisant penser à nos politiques de 2010, mêmes travers... Si le ton caustique rappelle "Barry Lyndon", on flotte d'un bout à l'autre dans les brumes du "Nosferatu" d'Herzog... Julie Delpy déclare en interview avoir souhaité "faire du Dreyer". Personne n'a osé railler son entreprise, elle a donc tout intérêt à continuer !
  • TÉHÉRAN (2009)
    Note : 16/20
    Un peu inégal dans les effets. Attention, pour ceux tendant à confondre virtuel et réel, on peut prendre tout cela au second degré, à tort. D'instinct, je déplore l'affiche soulignant le style "polar". Avec "Les Chats Persans" et ce présent film, je devine la volonté de rendre accessible le cinéma iranien au grand public, la moulinette des grands commerciaux s'empare de ce cinéma admirable ! Malgré cet artifice, il reste un peu d'âme iranienne dans la façon de cerner les situations, caméra à l'épaule au plus près de l'homme et de l'enfant par exemple ou bien ce plan d'ensemble, décrivant par le menu mais de très haut et d'assez loin, l'aéroport, le tireur, l'attroupement... La débrouille occidentale déclinée à l'Iran, se servir d'un être humain pour survivre deviendrait presque naturel dans la mesure où le bébé a matériellement le nécessaire... Je vais quand même garder en mémoire que ces déambulations dans un Téhéran grouillant, entre fraternité et scélératesse, représentent surtout un énième tour de passe-passe visant à dénoncer le malheur de la population à majorité âgée de moins de trente ans (enragée par le sabotage des dernières élections), l'une des plus attirées vers la lumière, l'une des plus illusionnées sur l'Occident aussi, l'ultra-libéralisme ravageant chaque point du globe.
  • SOLUTIONS LOCALES POUR UN DESORDRE GLOBAL (2009)
    Note : 17/20
    Le champ, la forêt, l'animal : tous trois seraient à récupérer par l'être humain au plan local alors que Monsanto et deux autres lobbies détiennent la totalité des pouvoirs sur "la semence", clé de l'autonomie alimentaire humaine. D'utilité publique, ce documentaire fait défiler plusieurs "belles personnes" (dans tous les sens du terme) et remet au goût du jour la chaîne du partage, ce geste tournant et gratuit autour du travail des sols, sans la violence des labours par exemple et avec aucun souci d'irrigation. Car il n'existerait à présent aucune formation officielle pour "apprendre les sols". Seuls, les ingénieurs agronomes décident de ce qu'il est permis d'entreprendre concernant notre chère vieille motte de terre avec ses "petites bêtes" indispensables, garantie d'équilibre. L'irrigation devenant du même coup beaucoup moins un casse-tête planétaire... Evidemment, les snobs, tous les réfractaires aux "culs-terreux", trouveront que la terre, bon, pas leur affaire... Que comparer la terre au couscous est s'égarer, que c'est un peu de bric et de broc ce constat au plan de la forme "bien la peine de se proclamer cinéaste, quand on ne sait plus filmer"... Mais ceux qui cherchent à éviter les médicaments et pas seulement à trier leurs déchets alors que les industriels les répandent, passeront outre les précipitations d'images : au contraire, ils y trouveront un écho dans leur vie, et de l'agrément aussi (on peut puiser quelques astuces pour mieux s'en tirer soi-même dès lors qu'on cerne le piège des multinationales (poisons et autres stocks des guerres, écoulés en autant d'herbicides ou insecticides) cette obsession du tracteur (succédané du "tank" ?). Jusqu'à preuve du contraire, les confiscations massives de terres, tout comme les subventions aux paysans seraient nées de la volonté de s'accaparer les sols sans tenir compte des écosystèmes... Alors que la décroissance tant décriée commanderait, non de remonter à la préhistoire, mais de s'inspirer de l'agriculture des années soixante, avant le grand chambardement agraire... La bande sonore, à dominante "soul", ajoute un supplément d'âme au travail de Coline Serreau présente en voix-off derrière sa caméra. Rien à voir avec les grands-messes de Hulot ou Arthus-Bertrand, ici, on a des témoignages directs, du vécu de spécialistes travaillant en silence, pas des dépenses inconsidérées pour rendre belle la misère.
  • LA SPECIALISTE (2009)
    Note : 15/20
    Projeté au Cycle Russe Univerciné à Nantes en 2010. L'intérêt du film, entre deux perruques et en supposant que l'on parvienne à s'extraire des coulisses du Journal (parfois curieuses), réside dans l'issue : faire le choix de se raviser, pas comme cette malheureuse, missionnée en 2006 à l'étranger (Anna Politkovskaïa, pas la seule, hélas !)... Un ensemble laborieux, des passages incitant à retenir son souffle, une jeune actrice acceptant la complexité du rôle (actrice principale changée en cours de route, ce qui aurait obligé à recommencer le tournage depuis le début). Que de délayages pour en arriver à ce vieux en fauteuil roulant où la journaliste passe d'une attitude à son opposé...). Et ces morts... Difficile à suivre par les non Russes, en tous cas par ceux qui n'ont pas connu le travail sans salaire et autres aberrations des pays de l'Est... Je déplore les à-côtés improductifs, les personnages caricaturaux, signes d'une vacuité scénaristique ?... En fait, il faut attendre la dernière demi-heure pour réaliser le piège tendu. L'outrance russe, qui peut emballer le public jeune ou extraverti avides de boursouflures cocasses, instruit au prix d'une certaine fatigue parfois !
  • UNE GUERRE (2009)
    Note : 19/20
    Très justement primé au Cycle Univerciné Russe de Nantes 2010. J'ai aimé le silence de la salle, le fait que chacun(e) "succombe", vaincu(e) par la démonstration... Sujet délicat en ces temps où le patriotisme reprend du galon... Vera Glagoleva tient dur comme fer à rappeler ce moment d'histoire. L'équipe professionnelle aurait bravé froid, glace (eau à dix degrés) et autres incommodités de tournage, dont les soucis financiers ! Mais la motivation devrait être payée de retour puisque ce film est primé partout où il passe... Toujours magique de voir les mères s'affairant autour de leurs enfants, encore davantage quand les hommes chargés de l'ordre oscillent entre instinct et devoir... La subtilité de l'opérateur, jouant entre ciel et eau fait songer à une autre merveille russe "Le retour" datant de 2003, même manière de se placer à mille lieues des acteurs quand l'émotion est à son comble, en usant du flou, intensité émotionnelle garantie ! Autre effet d'une grande efficacité, ce soudain "zoom" sur la fillette, jusque-là à peine survolée dans le groupe d'enfants... Certes un peu lente à se dévider comme beaucoup de productions russes, mais l'issue fait ensuite louer les péripéties... On mesure mieux comment "trahir la patrie" se décline. Que l'amour spontané (au même titre que la haine) existent (n'oublions pas que les jeunesses hitlériennes auraient été enrôlées par la force !). Que rapacité et grandeur d'âme se côtoient dans le danger... Que là où la vie tient à un fil, lorsque la faim commande, la sienne et celle des enfants autour de soi, bien malin qui reste coincé dans sa logique guerrière. Avant le film, une spectatrice s'avance : "de toute façon, on ne peut aimer ni ces mères, ni ces enfants-là". Ah bon ?...
  • NUITS D'IVRESSE PRINTANIÈRE (2009)
    Note : 17/20
    Ce réalisateur emmène loin et peut laisser le spectateur éreinté des éclats d'une violence trop longtemps contenue. Dans le genre, "Une jeunesse chinoise" forçait la dose, l'intrigue se forgeait à partir d'une jeune fille perdue se montant le bourrichon... Ici, on croirait Fassbinder transposé en Chine, même dédale. On sent moins la connotation politique, ça aide. La situation est vite claire, facilitée par l'un des acteurs au fort charisme, fatal comme une prédatrice lâchant ses proies après consommation, ramené à davantage de vulnérabilité mais quand même très fort (si encore il était "bi")! Inadmissible pour une hétérosexuelle convaincue de se voir deux fois pillée (cette petite entaille dans la peau récupérée comme charme supplémentaire !). Après une scène de ménage d'un rare fracas, une adaptation presque réussie en trio bancal, la jeune femme est dans l'impasse... En dépit du soufre qu'on pouvait craindre rien qu'au titre, aucune pornographie et pas davantage de drogue dure. De la sensualité, des moments fébriles et ces défis toujours relevés côté perturbateur dont la vitalité subjugue !
  • C'EST ICI QUE JE VIS (2009)
    Note : 16/20
    Beaucoup de qualités et une profondeur qui se devinent, tout cela confirmé par le tardif "décollage"... Bien sûr, les tâtonnements de cet adolescent bloqué dans le sentimentalisme ont de bonnes raisons : bouleversé par l'emprisonnement maternel prolongé, la découverte des travers humains (l'argent volé !). Cette belle frimousse expressive, cette sensibilité à fleur de peau sont mises à rude épreuve... Quand même, malgré les signes annonçant la mue, la nonchalance appuyée ankylose, certes contrebalancée par les oiseaux de concours, si attendrissants à l'opposé des violentes courses de lévriers. Une faille éducative de taille dans tout ça : personne n'a eu l'idée d'avertir le jeune homme qu'un renard guéri est plus que jamais un renard ?... Par ailleurs, j'ai un peu souffert des gestes grivois répétés, le radicalisme de l'issue étant, à lui seul, éloquent.
  • LES GRANDES CHALEURS (2009)
    Note : 16/20
    Les prudes vont prendre leurs jambes à leur cou... La bande-annonce laisse présager le plus improbable des couples car elle fait mémère au début et lui jeunot inconstant... Je n'avais pas intégré de manière claire le rôle de la soeur dans l'histoire, emportée par la bonne humeur, ces coups de pieds à la bienséance, on rit presque non stop en suivant cette femme qui pleure aux obsèques de son époux "parce qu'elle n'a pas d'peine"... On marche au fil des musiquettes couleur locale, et malgré un accent (vains dieux !) qui, n'en déplaise aux francophones pur jus, nécessiterait sous-titrage (on le fait bien pour le créole). C'est une vibrante parenthèse vécue à la façon d'une friandise qu'il serait péché de bouder... Joli filmage, fraîcheur des caractères, quelques clins d'oeil au milieu de la pub, mais dans un esprit de partage sans actionnaires à l'affût... N'oublions pas comme le sang bout au Québec quand l'été débarque pleins feux après le mortel hiver !
  • AMORE (2009)
    Note : 19/20
    Mais où l'amour va-t-il se cacher ! S'il est un joyau brillant de mille feux, c'est cette palme de tous les cycles Univerciné de la saison nantaise 2009/2010. Une histoire prenante, en tous points élégante... Envoûtante aussi, on se frotte les yeux pour s'en extraire. A l'exception des rares sortis en cours de route, de peur que "la dernière des immoralités" les laissent pour morts... Du cinéma techniquement somptueux, qualifié de "post-moderne", on parle d'un successeur de Visconti... Le spectateur se sent invité à voyager des architectures italiennes aux alpilles françaises, du corseté glacial au relâché scandaleux, avec la cuisine comme délicieuse intercalaire... Bande-son personnalisée, grande classe comme l'ensemble. Embarquement dès la première image donc, ces constructions survolées dans la pénombre... Décor planté avec lenteur, conduisant à deviner quel personnage se sent décidément d'une autre galaxie (l'animal sauvage Tilda Swinton) dans cette dynastie où on parle de tout sauf de ce qui préoccupe intérieurement, par exemple la présence de cette "pièce rapportée" d'un pays de l'est... Plus on avance et plus gestes, regards, paroles augurent d'un changement auquel personne n'aurait osé penser dans ce monde d'hommes d'affaires soudés par l'héritage financier... Prélude, ces bouchées savamment cuisinées ? Alarme, ce petit rire nerveux ?... D'ordinaire, les belles ramassées dans le ruisseau par de nobles seigneurs fuguent une fois et rentrent au palais. Rien de tout cela ici, à la faveur d'un second événement ajoutant sa part de trouble.
  • SOUL KITCHEN (2009)
    Note : 17/20
    Co-scénariste de Fatih Akin et acteur central : le bouillant Adam Bousdoukos, comique malgré lui... Le pas décidé, il "trace" et s'écroule là où il peut... Mais toujours pour se relever, claudiquant, constamment tiraillé entre son oeuvre, cet entrepôt rénové et les gambettes de l'exigeante Nadine. Patron brouillon, diversement ressenti par son entourage, il parie sur l'honnêteté (précieuse valeur en ces temps d'incitation à la roublardise pour toujours sauver la face). L'atmosphère qui vrille un peu les tympans (bande-son comportant des pépites mais hélas quelques lourdeurs aussi...) fait défiler les cultures en partant du plat le plus "beauf" à la fine cuisine, celle qui nourrit corps et âme, avec seulement deux Chefs, le personnage central et le "Maître Shayn" (attachant Birol Ünel)... Un peu d'huile pimentée vers les lobbies et une escapade aux enchères (mémorable bouton dans le pilulier !)... Sont-ce les gags ou la gutturale langue allemande, les caractères en contraste permanent ou les prises de vue musclées ? J'ai trouvé l'ensemble d'une tonicité aussi contagieuse qu'un bon Tex Avery.
  • OCÉANS (2009)
    Note : 16/20
    Les adeptes de "Planète Bleue" jusqu'à l'étourdissement peuvent, comme moi, aller à reculons voir "Océans" (tout en admettant les qualités de Jacques Perrin, avec d'office avis favorable sur sa complicité avec Jacques Cluzaud) : car au générique, trois grands "créateurs de richesses" doublés de sinistres pollueurs (comment ôter des fonds marins par les les hydrocarbures, déchets nucléaires, substances diluées ou enfouies ? Il est vrai que personne ne viendrait au cinéma... N'empêche, ces ruminations assaillent le spectateur lucide pendant les ballets aquatiques du début. Puis l'entreprise se risque à des angles moins flagorneurs : l'homme, ce prédateur doté d'intelligence doublée de stupidité, se voit épinglé dans ses saccages les plus criants (requins remis à l'eau après coupage des ailerons, dauphins sacrifiés dans des filets inextricables). Mieux encore, la gent poissonnière s'amuse à singer l'homo sapiens (poisson grimmé rappelant le carnaval de Rio)... Les virtuoses de la caméra utilisent des détours, toujours attachés à l'esthétisme de départ, en mariant l'orange et le bleu déclinés à l'infini... Raies d'un velours marron beige qui ondulent, météore en habit de noce, on pense aux défilés de grands couturiers ou à quelque numéro de Guignol. Manqueraient peut-être les appellations les plus courantes de ces acteurs d'un jour, certains en voie de disparition, d'autres nouveaux venus ? Fatalement, dans les fonds marins comme sur terre, cruauté, arrangements à l'amiable, indifférence teintée de mépris, sévissent... Le commentaire en voix-off, que d'aucuns jugent impersonnel, voire niais, prend de la hauteur, certes par égard pour ses bienfaiteurs à double fond, mais aussi par souci d'authenticité : ainsi, des pans silencieux font la part belle aux glouglous, grattements et autres agaceries... Incroyable comme ça déménage sous l'eau ! La croisée des chemins où nous nous trouvons est incarnée par le réalisateur et son fils qui se rejoignent. Out les grands-messes façon Hulot, on baignerait plutôt dans la bonhomie et l'humour façon Frédéric Rossif. Dvd reposant pour les yeux et les oreilles, à se projeter en famille les longs dimanches d'hiver.