Réalisateur des plus classiques (voir L'Année scandinave 1991), Søren Kragh-Jacobsen ne semblait rien avoir à faire avec le Dogme. Et pourtant, ce n'est pas son passé de cinéaste (L'ombre d'Emma et L'étoile de Robinson ont quand même été distribués commercialement en France) qui lui a valu la sortie d'un troisième long métrage sur nos écrans. Le titre choisi pour son exploitation est parlant. Plus question de Mifunes sidste sang (Le dernier chant de Mifune), même si la référence à l'acteur fétiche d'Akira Kurosawa demeure, mais un Mifune-dogme 3. C'est donc bien grâce à la publicité faite autour ce coup de bluff des plus médiatiques qu'est le Dogme qu'il est arrivé jusqu'à nous, et nous ne nous en plaindrons pas. D'une part, parce que l'image y est moins laide, moins saccadée, moins délibérément agressive que dans les précédents dogmatiques avatars, d'autre part, parce que le réalisateur nous propose une œuvre chaleureuse et surprenante. Le scénario du film est imprévisible et on ne sait jamais dans quelle direction il va nous mener. La plupart des personnages, plus ou moins paumés, marginaux ou marginalisés, parfois assez peu sympathiques au départ (un jeune cadre arriviste, un idiot du village, un gamin pervers, une prostituée intéressée), vont finalement être amenés à se solidariser, à se serrer les coudes devant l'adversité, à quitter - autant que faire se peut - leur isolement. Un film qui croit encore en l'homme et se double d'un beau message de fraternité, bien servi par des acteurs qui n'en rajoutent pas - sauf peut-être le petit numéro de Sofie Gråbøl - et desquels il faut isoler, pour sa superbe performance, Iben Hjejle, qui compose, avec un jeu tout en nuances, une superbe et émouvante Lisa.