Une musique pareille est d'ordinaire réservée à la plongée dans les abysses ou dans les forêts peuplées de vampires : on est saisi mais le quotidien s'intercale avec son côté rassurant, une femme se retrouve dans une charrette avec son fiston vers une destination annoncée comme périlleuse. Elle emporte son téléphone portable... Bien regarder mère et fils de dos derrière le cheval, le fichu bleu effiloché qui tremblote... La caméra tressaute au rythme de la carriole, mais peut aussi se reculer très loin de l'action pour ressurgir en contrebas là où on ne l'attendait pas du tout... Ainsi, on déménage en douce du noir complet vers une ouverture ensoleillée, un fouillis abstrait se change en herbe au fil de l'eau. Curieux angles sur les visages où ombre et lumière sont présentes en même temps à égalité pour déguster un bon fromage de brebis... Soudain, frottements se changeant en clarines pour terminer en chansons qu'on croirait fredonnées par des elfes ou autres farfadets. Le fantastique amalgamé au quotidien... Nombreux tableaux à flanc de colline avec brouillard blanc, le réalisateur-scénariste (un citadin anglais), entretient l'étrangeté sans jamais perdre son fil narratif (les phares de cette voiture occupée à traquer). Fréquentes coupures, rythme alerte, on attend le branle-bas comme dans un western... Des moments de cinéma où on voyage loin de son siège, en plus d'être gâté ! Le fond aussi est riche, avec ce rappel de "la petite voix" intérieure de chacun dans les pires moments, l'attention à accorder à ces pressentiments, surtout quand les jambes ne portent plus... Une puissante évocation de l'escalade des vengeances entretenues par le collectif !