Après une enfance passée à Mulhouse où elle trompe son ennui en s’intéressant très tôt à la photo, Sarah Leonor, née Petit, poursuit des études d’histoire de l’art à Strasbourg. C’est là qu’elle rencontre une bande de cinéphiles ayant créé le ciné-club Limelight. Le désir de passer à la réalisation va naître chez elle de ses voyages dans les pays de l’Est puis à Naples. Elle tourne "L’Arpenteur", Le Lac et la rivière puis un documentaire pour Arte. Désormais, Sarah Leonor, avec ce premier long métrage, joue dans la cour des grands.
Bruno est un voleur de voiture mais ce n’est pas pour autant qu’il vit sur un grand train. Il habite sur une cour, dans un immeuble où d’autres jeunes et moins jeunes vivent de leurs larcins. Lorsqu’une jeune femme se fait renverser par une voiture, devant ses yeux, il se porte à son secours et en profite pour lui voler sa montre. Le destin va les réunir. Isabelle enseigne l’anglais et elle n’est pas très heureuse dans cette ville de province sans avenir possible où l’on traîne son ennui. Puis c’est la cavale. Recherché par la police, Bruno doit fuir et Isabelle fuit avec lui. Voguant sur une barque, au cœur d’une forêt, ils vont s’aimer pendant ces quelques jours ensemble, hors du monde et hors du temps. Bruno, c’est Guillaume Depardieu dont la démarche claudicante, le corps de guingois, sert tout à fait ce personnage mal dans sa peau, dans ce monde violent. On mesure ce que le cinéma français a perdu avec la disparition de cet acteur, plus impressionnant de rôle en rôle. Isabelle, c’est Florence Loiret Caille qui crève l’écran ; gracile, fragile avec une volonté farouche. Construit en deux parties, le film est plus convaincant lorsque les deux personnages descendent la rivière sur une barque, obligés de chaparder pour se nourrir. Un chien les adopte et les accompagne. Au fil de l’eau… fous rires, baignades au milieu d’une nature sauvage… Scènes où l’enfance affleure, où le couple lâche prise avec le monde… Dans la nature restée intacte, le couple retrouve une innocence originelle. Les Strasbourgeois, eux, reconnaîtront le Ried avec ses bras de rivière formant un vrai labyrinthe alors que tout près courent les joggeurs et ils s’étonneront de la beauté exotique de ces paysages. On se croirait sur un bayou, en Louisiane, et le film exerce tout son charme lorsque la musique se fait écouter et qu’aux accords folk s’allient des percussions algériennes et des chants pygmées sans oublier la comptine de Woody Guthrie, Grassy grass grass qui met le spectateur dans un état de pure émotion. « Comme les personnages, la musique du film remonte le temps, du plus contemporain au plus primitif […] En forêt, ce qui se fait entendre, c’est le chant intérieur de Bruno et Isabelle, qui peut enfin s’exprimer. C’est également la musique du couple, en train de s’inventer. »
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Son site : Ecrivain de votre vie)