redécouvert en vidéocassette (v.o.) en novembre 2007. Avec presque autant de saisissement qu'à sa sortie sur grand écran. A posteriori, on voit encore mieux les deux discours en un seul, mixture savamment remuée pour que la censure n'y voie que du feu : film réalisé sous le régime de Franco quelques mois avant sa fin. Chansonnettes refuges, ça ne rigole pas pourtant, la scène se passe chez un militaire, tout un protocole qui va de soi... A force égale, une étude post-traumatique : zoom sur trois fillettes après la perte de leurs parents à très peu de distance. Survivre à pareil désastre si jeunes... D'office on est avec elles. La cadette accroche d'emblée par le troublant monde intérieur qu'elle s'est forgé, yeux noirs adultes avant l'heure et silhouette de jeune chat farouchement indépendant (prodigieuse petite Anna Torrent). Une oeuvre qui ne prend pas une ride, même la mode vestimentaire, jupes plissées très sages et chaussettes noires de l'uniforme pourraient dater d'aujourd'hui ! Carlos Saura fut récompensé en 1976, mais mériterait bien une nouvelle reconnaissance pour ce film, il n'est jamais trop tard. Une technique déjà très au point, le sens de la narration, une alternance de grave et de léger, mais toujours sa révolte contre le pouvoir arbitraire, il s'attarde sur les affres du protocole, la souffrance qui couve sous les mascarades au quotidien. Il ose montrer en particulier combien l'adulte le plus aimant se sert de son rejeton dans certaines tensions qui le dépassent, comme lors de la promenade au bois, ce coup de grâce qu'est le baiser... Autre scène sidérante : la mère gémissant sur son lit (Géraldine Chaplin) égarée par la douleur et qui "ne prend plus de gants". Monstruosité de ce père égoïste, macho délibéré, peu soucieux du malheur des siens. Un peu plus tard, esquive de la tante lors de confidences des fillettes près de la baignoire. Aucune violence insupportable néanmoins, la curiosité du spectateur est piquée, mais espère, grâce à cette voix off, l'assurance que le dénouement ramène du côté de la vie... A propager largement.