Sans doute faut-il avoir soi-même trempé dans pareille torpeur à l'âge de 14 ans ou un peu après ? Et être sensible, depuis, à cet état chez autrui dès lors qu'il est plutôt du genre cool (surtout quand on constate les suicides de gosses murés de la sorte) ? Pourquoi ce no man's land préado, cette régression soudaine ? Hormonal ? Simple peur de se lancer ? Carence affective remontant du passé ? Grosse flemme ?... J'ai personnellement ressenti une forte émotion à suivre ce "mollusque" de Nicolas dans son errance jusqu'à sa curieuse libératrice. Et - le comble ! - je trouve que les défauts techniques contribuent au charme de ce film de famille (exquise maladresse d'une réalisatrice pressée, on pourrait croire qu'elle laisse aussi les fautes parler). Certes, une vraie tête à claques, ce Nicolas avec ses grolles traînantes, une ambivalence dans le contact (mais cherche beaucoup l'adulte à sa manière de se tourner vers l'automobiliste en stop), son "je-sé-pas" horripilant à souhait, il est en pleine mue et va être servi : d'avoir mis en parallèle la maniaquerie ménagère m'a semblé une idée de génie (actrice remarquable dans sa fausse dureté) ! Idem pour l'atmosphère, ces deux vieux dans leur univers étroit, le mystère familial des père et mère, on peut en supposer des trucs !... Rien de sordide au bout du compte, Isild Le Besco sait mettre un brin de sentimentalité aux passages les plus rudes. Des espaces poétiques assez réguliers : chants d'oiseaux, éléments marins, marée montante après le moment le plus cru, la vie palpite, et tout ce qui renvoie à la matrice originelle dans ce qu'elle a de rassurant inonde l'écran. Prestation technique d'une apprentie-cinéaste, avec un étonnant recul psychique pour une trentenaire filmant son propre frère, une bien jolie histoire : j'ai affiché un demi-sourire permanent pendant tout le film. Et noté de dénicher son premier long-métrage "Demi-Tarif" !