En salle Art et Essai, il peut y avoir, sur le plan technique, quelques difficultés avec les premiers dialogues prononcés avec un fort accent local, mais ça ne nuit pas pour la suite... Excellent avant-goût des performances du cinéaste, qui se serait inspiré d'une situation réelle : un grand pont, des trains déversent des Italiens en France, tous remplis de l'espoir le plus fou... Mieux vaut penser à des prodiges aux trajectoires brillantes comme l'immigré Yves Montand plutôt qu'à ces trains odieux des années suivantes... Un faux air de la trilogie de Marcel Pagnol, l'atmosphère villageoise provençale sans doute, car le traitement est autrement plus réaliste. D'une part, quelques signaux d'alarme (le petit chat, et, plus tard, le bébé qui pleure) mais mélangés à ce côté bon vivant cher à Renoir (que ce soit les chansons à la guitare, ou les carrières à dynamiter, ils semblent tous s'y faire assez bien, au passage on peut aider la lavandière Josepha à traîner son "charreton" ...). Premières images donc : les immigrés arrivent et, sans transition, nous voilà 3 ans après, dans une scène de jalousie au saut du lit. La scène de la piqûre de guêpe à elle seule intrigue... Mais c'est dit sans détours, l'adultère démangerait l'homme trop redevable, il compose avec la communauté locale en attendant son heure (ce double mariage). Calculs personnels, besoin d'air, hésitation entre attachement et toquade, côté un tantinet profiteur de celui qui demande beaucoup à l'existence ? On ne sait trop et l'ennui commencerait à gagner si soudain, en très peu de plans, des ciseaux, un pistolet miniature.. Accélération inattendue du fait de l'héroïsme féminin. Retour au pont, la peinture de moeurs vire à la tragédie antique !