Je constate que "Cinéfiches" a mis 18/20 à ce film qui m'a effectivement particulièrement touchée... et pourtant ce qu'il représente est profondément atroce. Le premier sentiment est que ce film vous glace jusqu'aux os. C'est l'apogée de l'horreur dans la représentation du banal, c'est un hurlement de douleur qui dure tout le film dans le silence et les non-dits. Ce film c'est ce que je ressens par rapport a un conformisme étouffant, un ordre de bienséance dans lequel l'individu agonise, seconde après seconde, durant toute sa vie, sans le comprendre et n'en ayant qu'à peine conscience, il sait au plus profond de lui-même qu'il est mal, c'est tout. Une histoire banale : un couple et leur enfant. Le frère de la femme qui ne supporte pas le décès de la mère. Il se met à pleurer au milieu du repas. Mais on fait comme si rien ne se passait. L'expression de la douleur dans ces familles qui excluent les émotions est presque obscène, indécente. Arrête de pleurer, et ne parle surtout pas de ce qui ne va pas. Tout va très bien : on a un bon métier, une belle maison, et c'est tout. Rien à dire. Tout va bien. Tout va si bien quand on engloutit toute souffrance dans le silence... La façon de filmer est glaçante : la main de la mère qui pousse la porte de la chambre de sa fille le matin, des gestes, froids, une répétition jour après jour rejouée. On joue le rôle de l'adulte, le rôle de l'enfant, on joue sans arrêt ce qu'on nous a appris qu'il faut être sans plus savoir depuis longtemps, l'a-t-on jamais su ? où on est soi-même, englouti derrière ce qu'on pense qu'il faut être, jouer la vie parce qu'on n'a jamais su se laisser aller à l'improviser, à la vivre comme on la sentait... La main sur la porte comme si un crime se perpétrait chaque matin, se tuer soi-même et tuer ce qu'on aime en pensant que c'est le mieux qu'on leur donne, détruire en pensant aimer, banal, atrocement banal... Des personnages filmés en morceaux parce qu'il ne reste des individus que des gestes, des gestes qui sans cesse répétés et qui remplissent ce qui reste de la vie. La petite fille qui somatise, mais ça n'a pas d'importance, les enfants qui font des crises nerveuses, ont des saignements de nez, c'est pourtant un signe de mal d'être, mais encore faut-il y être attentif ..... Le suicide final collectif est logique: après s'être détruits insidieusement, on va jusqu'au bout de l'absurdité de la vie. C'est vrai que, quand on est à l'intérieur de ces familles, qu'on y a grandi, il est difficile de savoir comment s'en sortir, de croire qu'on peut vraiment vivre autrement, en faisant fi du conformisme oppressant. Difficile, mais possible...