"Leonera" sonne comme un prénom féminin (au point qu'en sortant de la salle je restais persuadée qu'il s'agissait de l'amie et ex-compagne de cellule si précieuse) : ce mot désignerait le lieu où les prisonniers attendent leur transfert : que de tranferts justement dans cette histoire ! Talentueux couple de Pablo Trapero réalisateur argentin dirigeant son actrice-épouse (Martina Gusman) enceinte et accusée de meurtre, dont la mère (très complémentaire Elli Medeiros) détient le rôle ingrat de compatir sans étouffer. L'entourage est composé de vrais matons et de vrais incarcérés dans une vraie taule... Toutefois, sous la rudesse, perce une relative bieveillance (suivi médical respectueux, césarienne en milieu hospitalier...). Le plus terrible pour le spectateur est d'être ni dedans, ni dehors, mais un voyeur tiraillé par la cruciale question (un enfant en prison = raison de vivre de l'adulte ou "prise d'otage", sachant que le petit s'avère de plus en plus bouleversant...). Autre poids à porter : cette Julia pleure toutes les larmes de son corps mais sait aussi être violente, équivoque, a-t-elle tué ?... Côté ambiance, le réalisme quotidien du milieu carcéral aurait pu gommer certaines répétitions (ces incessantes navettes et bruits de grilles métalliques), ou alors c'est amplifié de manière à énerver, suprême habileté dans ce cas : car cela ne pèse plus rien en effet, dès que cette caméra à l'épaule cherche la sortie de l'appartement, direction le taxi, le car, la promenade à pied sur un sentier bucolique, jeune femme détendue causant à son petit dans les bras, un dernier contrôle, n'ont plus que la rivière à traverser. De quoi avoir des ailes, et quel hommage au peuple argentin qui en a tant bavé !