Plusieurs voitures garées presque toujours pareil, et puis cette autre, de couleur sombre arrivant en dernier... Décor champêtre au bord d'un petit lac aux rives caillouteuses, la caméra balaie les arbres sous le vent, glisse sur les les vaguelettes et revient sur les corps allongés là jambes écartées... il y a du frisson dans l'air. Ce pourrait être malsain pour tout étranger aux rituels gays (si l'on pense à certaines minutes d'errance dans "Les Nuits Fauves" par exemple). Or les plans semblent tellement naturels qu'on "marche", des échappées dans les bois aux soupirs dans l'herbe, convaincus une fois pour toutes que la nature fait corps avec les corps en vue du déclic qui libère la tension jusqu'à la prochaine. Des dialogues fructueux et brefs, les changements de lumière et la force du vent plus parlants qu'une voix-off. Tout sera annoncé à l'image, donc place à Franck (Pierre Deladonchamps), joli jeune homme heureux de démarrer ses vacances par des bains avec un plus possible. Il prend l'habitude de rejoindre Henri (Pierre d'Asumpçao), ancien viveur en mal d'affection, fin observateur toujours à l'écart. Le film décolle à l'approche de Michel (Christophe Paou), voix douce, souplesse de félin. Un géant, le seul filmé en contre-plongée, comme si on était Franck émerveillé puis tiraillé par ce qu'il découvre de loin sans se faire voir... Un flic jaillit de la verdure avec des questions, une photo ajoute au vertige... Pour varier des tragédies antiques, Alain Guiraudie fait un sort aux rôles secondaires. Le reste frôle le fantastique végétal façon "Oncle Boonmee"... L'avenir des deux héros à l'appréciation des spectateurs... L'aube dans les hautes herbes glace si on estime élucidé le mobile du premier meurtre. Car sinon toutes les déductions se tiennent, que l'un épargne l'autre et s'éclipse n'étant pas interdit !