Une neige éclatante saupoudrée sur le pays, le même blanc que le ruban satiné dont on affuble les enfants pour les préserver du malin, mains liées au lit (interdit de se gratter !), tissu enlevé, remis selon les règles édictées par le pater noster... Film noirissime, mais facile d'y entrer grâce au noir et blanc qui étincelle, ainsi qu'à la voix-off du sympathique instituteur. Glaçant comme "Fanny et Alexandre" de Bergman, nettement plus vivant dans son déroulement. Ces villageois traversent des moments de grâce, on chante et on danse, et pourtant la faim et l'humiliation tenaillent. Aucune scène insupportable cependant, la dureté intervient par saccades dans les occupations quotidiennes. Le pompon revient au notable censé être numéro un dans toute société par sa mission hautement morale, à lui seul il cumulerait presque toutes les tares humaines malgré une chute de cheval qui sonne comme un avertissement... Mais il y a du baume aussi dans ce film : le blondinet demandant s'il mourra un jour, ou qui offre à son père un oiseau de rechange dans une cage. Ce même petit surprend une fausse séance de perçage d'oreilles... "Faites ce que je dis, pas ce que je fais"... Rien de mieux pour révolter à l'âge adulte, voire commettre à son tour quelques actions revanchardes. Extrapoler sur le nazisme à partir de ces rigidités éducatives est une piste mais ce serait réduire le film qui mérite une portée infiniment plus vaste !