Le breuvage "Singapour Sling" datant de 1913 au légendaire "Raffles Hotel" de Singapour serait devenu ensuite "Straits Sling", un cocktail destiné aux femmes, une boisson bien raide... Quelle épreuve que d'avoir à noter cette fulgurance de 1990, on se demande si Nikos Nikolaïdis, ses deux actrices et leur homme-jouet ont survécu à l'épouvante... On est envoûté par l'image en noir et blanc et les cadrages suggestifs, la lumière, l'eau abondante, la terre à pleines mains. Du grand-guignolesque que ces accoutrements de dentelles et broderies, la maison sanctuaire, et le lit de torture... Délire annoncé par mille détails, mais classe picturale, musiques raffinées, voix off masculine et féminines insolites, du français aussi dans le texte, une atmosphère tendue, quelques accès de tendresse sensuelle, qui font qu'on continue à regarder en se disant "bienvenue chez les fous". Crescendo s'infiltre du "dégueu", "trash", ou "gore", enfin, "bêrk" ! Ou alors "ah ah ah !", le rire libérateur, trop drôle ce cinéaste, il va si loin qu'il se ramasse ! Bon, c'est un film empoisonné à coup sûr, à éviter si l'on est un peu nervous breakdown tout seul chez soi par temps gris mais... Une rare occasion de visiter les recoins d'alcôves de notre société amortisseuse de chocs : séduction et toute-puissance, inceste et psychose, pulsion de vie et de mort... Elles sont folles à lier et on s'évertue à craindre pour lui et sa Laura chimérique, soit... C'est un humour de fossoyeur à bien des égards, quoique braquer ainsi pleins feux sur les pulsions primitives de l'animal humain force le respect, une fois remis de ses émotions on s'en aperçoit.