Alexandre fait partie de l'école de régates de Namur et représente un de ses plus prometteurs éléments que Sergi, le coach de l'équipe junior, compte aligner, avec quelques autres, aux prochains championnats nationaux. C'est donc avec un désappointement certain et un courroux non feint qu'il accueille le garçon, absent depuis près de deux mois aux préparations et entraînements quotidiens, tout disposé d'ailleurs à le congédier de sa petite structure sportive. Ce qu'il ignore encore, c'est que cette longue défection du garçon n'est motivée par aucun mouvement d'humeur particulier ou manque d'intérêt flagrant, aucune lassitude ou paresse sportives quelconques. La disparition d'Alexandre ne correspondait en fait qu'au temps nécessaire pour que les diverses marques de coups et de blessures infligées par son père se soient résorbées pour ne plus être cruellement apparentes au regard curieux ou inquisiteurs des autres. En effet, l'adolescent, qui vit seul avec son paternel, un être profondément disloqué, en haine de lui-même et de l'existence, en peine d'exprimer ses sentiments autrement que par la violence, subit régulièrement les acrimonies et les colères rageuses, de ce dernier qui ne répugne ni aux débordements verbaux ni aux brutalités physiques. Muré dans son inavouable secret familial, catalysant de la honte et du ressentiment en pagaie et en pagaille, Alexandre se sent dans l'impossibilité d'en parler à son entraîneur, encore moins à sa petite amie Murielle, avec comme seule échappatoire tangible l'aviron et les régates.

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