Assez bien filmée, cette retranscription d'une histoire vraie aurait pu être palpitante avec un message clair concernant la trajectoire de John Forbes Nash. Et pourtant les acteurs font ce qu'ils peuvent ! On est loin de l'émotion ressentie par "Rainman" par exemple. Le réalisateur s'évertue à appuyer sur l'anormalité de ce prodige en maths isolé de ses camarades étudiants (il a des copains quand même, et un confident !), déclare ne pas vraiment aimer son prochain, lequel le lui rendrait bien. Compétition de l'école oblige, il faut se trouver un créneau pour décrocher une palme quelconque, "exister". Redoutable pour les caractères concentrés sur leur marotte... Vient flotter une culpabilité de bon aloi, la difficulté à mettre les formes avec les filles, et puis cette fixation sur le colocataire avec sa nièce orpheline, le refus de pardonner (un peu gros !)... Détestation des faux-semblants du collectif et refuge dans des décryptages à l'origine du mal pour moi... Le solitaire idéal à enfermer dans des missions secrètes. Prodige ou fou, deux entités qui se confondent après ce sinistre et seul emploi de John Nash, à présent étiqueté "schizophrène paranoïde" parce qu'il l'était en puissance... Hum ! Pour moi, la dépression s'amorce quand l'homme est utilisé par le Pentagone, rôle ingrat d'espion sous le McCarthysme, avec ce choc émotionnel dans la voiture lors de la poursuite. Ajoutons le séjour à l'asile, la série d'électrochocs étant l'apothéose : sans cet engrenage, le gars restait un original, juste un peu carapaçonné, mais sans le délire hallucinatoire qui s'ensuit (très difficile d'ailleurs de démêler l'écheveau entre vrai et faux !). Le film force sur le compassionnel de manière à ménager le politique, grave erreur. Il est de bon ton de pleurer en découvrant ce Prix Nobel remis en 1994 à grand renfort de protection de l'épouse. Je trouve que c'est prendre le spectateur pour un gros niais.