Dans ce Delta du Danube qu'on perçoit ouvert à l'économie de marché, mais aux mentalités primitives, le temps s'étire, heureusement il y a la musique pour maintenir en vie... Le fils de la tavernière locale revient les poches pleines de billets, avec un projet personnel. Abrupts, "taiseux", ces gens ignorent le charme léger d'une conversation dans un café, préfèrent agir que causer... Plane une impression d'hostilité envers le nouveau débarqué... L'inceste ne l'est qu'à demi sauf obsédé du genre, car le frère et la soeur semblent se découvrir comme au premier jour et, chose troublante, la jeune fille ressemble plaqué à son beau-père. Sommes-nous plutôt en pleine consanguinité de microcosme, celle des bleds perdus où la culture brille par son absence ?... Stupeur qu'un liquide tabou coule soudain, que des passants ont pu deviner sans réagir... Là aussi se forment des barbares enragés qu'une proie leur échappe... Cette eau purificatrice serpentant dans les herbes, la tortue fétiche, la noblesse du bois, tous ces clous plantés avec patience pour rien d'autre que faire corps avec la nature, enfin pour un être content de ce qu'il a sur cette terre... On songe aux petites productions très contemplatives de l'est, par exemple, "Des chiens dans la neige", "Koktebel", la photo rejoignant la virtuosité du Turc Nuri Bilge Ceylan, beaucoup de finesse dans les cadrages, de la poésie, des violons qui signalent que le suspense a assez duré... Un peu lent à se dévider, on s'élève au paroxysme du contemplatif (ne pas dormir surtout) : tous ces malaises sous-jacents, l'alerte progressive de la bande-son ne sont pas des effets de style, ils conduisent bien tranquillement à une fin... fracassante !