Si encore Toufik n'avait pas ces yeux bleus étincelants, mais alors quels yeux, en plus de sa dégaine décontractée, de sa droiture de caractère (toute première apparition de Mahmud Shalaby, une présence sans rien faire de spécial si ce n'est être là !). L'employé modèle, tout le contraire du fils du boss, ce Meir, post-ado usé de dépendre de papa et maman et qui se croit autorisé à jouer au petit chef moins l'exemplarité... Facile, partant de là, de se glisser dans la peau de Mali (Dana Igvy), standardiste de l'entreprise familiale, le style "cause toujours", déchirée entre l'attachement à son frère et l'envie de déserter avec l'élu de son coeur. Ce pourrait être dans d'autres pays industrialisés comme crise familiale, sauf qu'on est en Israël, l'interprétation de ce récit prend de l'envergure à cause des haines rentrées entre Arabes israëliens et Israëliens "de droit". Les seconds rôles vont servir de faire-valoir dans ce théâtre qu'on pressent d'emblée déroutant... Le garagiste en chef (père de Mali et Meir donc) fait ce qu'il peut (Moni Moshonov, la "gueule" du juste). Mais la mère se devine déjà plus trouble en star vénéneuse au foyer (sidérante Ronit Elkabetz, elle a du registre de Tallulah Bankhead en réserve, beauté et intonation de voix !), enfin, les enfants de ce couple ont du mal à exister car trop peu d'autonomie. La cinéaste israëlienne Keren Yedaya excelle à traiter le vide des repas tendus et la douleur dans ses manifestations intimes, tous ces longs plans-séquence en durée réelle avec des dialogues ajustés aux attitudes, comme pleurer cassée en deux à même le sol dans la salle de bain, ça sonne toujours juste. La tragédie antique semble idéale pour camper Israël et le monde arabe tributaires du piétinement de leurs gouvernants. Du reste, on chuchote que les lassés de cette tuerie commenceraient à être nombreux... Suspense dans cet oeil oblique de fillette folâtrant en bord de côte, que n'eût-il été bleu ce regard, on plongeait alors dans un conte fantastique !