Une page folle, film en noir et blanc muet japonais de 1926 au négatif retrouvé 45 ans plus tard, nécessite de nombreux arrêts sur images si l'on veut en déchiffrer l'essentiel. Il force de toute façon le respect comme le ferait un documentaire inestimable. Atmosphère inquiétante avec sa musique rajoutée, martelée comme une enflure qui se gangrène quoi qu'on fasse (musique parfois envahissante). Dès les premiers plans, saccadés, barrés de trombes d'eau, une danseuse évolue devant une boule aux formes régénérées, symbole de créativité, de fécondité, de maternité aussi... Le terrain moitié réaliste moitié onirique amène deux intervenants qui se toisent, se lâchent, se reprennent, une complicité qui fut. La jeune danseuse dans sa cellule fait diversion avec son look sorti d'un néant intemporel (elle pourrait être de 2012 !). Le clair-obscur, les obliques de cadrage, vont et viennent du bâtiment au chemin extérieur, une femme court, un chien... Si l'on se repasse la scène avec l'enfant dans les bras ensuite, deux femmes... Evident qu'un bébé est tombé à l'eau. Accident ou suicide raté de la mère incapable de plonger ou qu'on a retenu sur la berge ? Le rire de la prisonnière, sa recherche d'un minuscule objet par terre dans sa cellule (bouton ou perle ?), sa mimique punitive vers son mari de l'autre côté des barreaux, son rire fracassant de qui se ménage une revanche, restent des pistes à explorer. Tout comme la visite féminine (soeur, rivale...). Quoi qu'il en soit, il est mpossible d'oublier cet homme aux yeux pénétrants côté pile, et parfait visage de coupable cherchant à s'amender côté face... Concierge pilier des lieux comme le médecin, deux chiens féroces qui génèrent une lutte entre encadrants (scène très longue) et l'hilarité des malades. Film visionnaire d'un avenir collectif nippon lugubre ou adultère dilué dans la schizophrénie, on dirait un puzzle agaçant auquel il manque une pièce... Seule certitude, toute l'eau du ciel se vide chez ces dérangés de l'âme !