L’adolescence au cinéma reste un inépuisable vivier pour les scénaristes en manque ou en surabondance d’inspiration. Paradoxalement, l’adolescente, comme seul élément moteur d’une histoire est peu traitée, au détriment de son pendant masculin, souvent présent à toutes les révoltes et tous les questionnements. En élaguant un peu les multiples souvenirs cinématographiques, on est forcé de constater que les interprétations inoubliables, voire exceptionnelles sont plutôt rares et peuvent se griffonner sur un billet de cinéma. Entre les demoiselles suicidaires de
Sofia Coppola, la jeune Valentina de
Marco Risi, en navrantes et fréquentes crises épileptiques et affectives, les exubérantes gamines délurées de Joel Seria, qui ne veulent vraiment pas
"être délivrées du mal", la radicalité destructrice de l'enragée Cindy, apocalyptique punk chère à l'étonnant
Dennis Hopper, la fragile
Nadine Nortier en phase et en communion avec Bernanos et Bresson, les tendres amours saphiques de
L'espiègle Agnès au fin fond de sa petite ville suédoise, le désespoir silencieux de la perturbée Janice qui fit enfin connaître l’incontournable
Ken Loach, sans oublier les néo-zélandaises
créatures célestes de Peter Jackson et
les frangines de Catherine Breillat, il faudra désormais rajouter et souligner l’inénarrable Juno pour compléter la succulente panoplie .....
EN EFFET
Assurance et pétulance en bandoulière, du haut de son vieux randonneur et de ses seize printemps en fleur et en insouciance, Juno Mac Guff s'est sentie, un automnal après-midi, bien des inclinations coupables pour son véloce camarade de classe Paulie Bleeker, coeur gros, bandana jaune et minuscules friandises. Comme les voies de la nature ne sont guère impénétrables et que le bonheur se fait souvent à deux, la voici dix semaines plus tard discrètement enceinte mais guère gêné aux entournures de la taille et de la morale. Etat confirmé, entériné, homologué après une enfilade obstinée de tests tous fièrement positifs, notre demoiselle confie (dans l'ordre croissant) à sa meilleure copine, à ses modernes parents et à son zélé fornicateur, la révélation de ses rondeurs à venir et ses légitimes décisions présentes : exit le rôle de précoce mère de famille rayonnante et pouponnante, bague au doigt et mari au bras, exit également l'hygiénique et facile solution médicalisé de l'avortement, il ne reste donc plus que la voie salvatrice et royale de l'adoption. Après avoir fort consciencieusement épluché ses dernières hésitations ainsi que la plus récente rubrique des petites-annonces périphériques d'un journal local, Juno est convaincu d'avoir décroché la timbale du couple idéal. Représentants typiques et typés d'une certaine florissante middle class américaine, aisée et malaisée, Vanessa et Mark Loring, pathétiquement antithétiques dans leur goût et leur personnalité, ne vivent en fait ensemble que par et pour cet enfant tant désiré depuis déjà quelques stériles et vaines années. Aussi l'arrivée inespérée de la vibrionnante demoiselle, accompagnée de son parangon de père, est vécue comme une bénédiction divine, un profond ravissement presque surnaturel.