La désertion des zones rurales est un fait dans notre beau pays, encore plus en territoire accidenté comme les Cévennes : prendre la suite de la ferme parentale devient un sacerdoce et s'imposer quand on vient d'ailleurs, quel cran ! Raymond Depardon, occitan d'origine, invite à l'accompagner dans sa "croisée des chemins". Comme à bord d'une quelconque charrette n'en croisant aucune autre, partons voir où en est "son coin"... Il avait en germe, dans son désir d'évasion adolescent, cette capacité de savoir immortaliser un moment, aurait certainement dépéri recroquevillé sur son lopin... Chemins vicinaux menant à des demeures silencieuses, quelle que soit la saison, à chaque arrêt, suspense... Le narrateur (Raymond Depardon excelle dans le commentaire et les interventions, rien de trop... Les paysans très près de leur nature aiment avoir la paix, cette caméra leur rend hommage tout en les dérangeant. Ont parfois un fort accent et l'air de vivre sans la civilisation ou presque... Ce qui surprend est leur vocabulaire français précis, et cette lucidité, en aucun cas de lourds péquenots ! On assiste à des silences têtus débouchant sur des aveux lâchés avec rage... Quelques minutes encore pour briser la glace (chien sur la chaise, café-petits gâteaux pris aux aurores, tête émue qui se retourne, yeux rougis du vétéran détrôné...). Chaque vache ou cheval qui part laisse un vide que moutons et chèvres peinent à combler ... Reste l'énergie de ces femmes, à qui il faudrait bien davantage pour renoncer tout à fait ! Une virée cévenole pour la postérité dont on sort ébloui tant les images sont soignées mais, n'empêche, désolé, fataliste vu l'habitant au kilomètre carré... Monsanto qui fait peur d'un côté, marché du bio en hausse de l'autre, il est encore permis de compter sur un compromis vivable !