En gommant le contexte, pour peu qu'on n'ait jamais connu ces tiraillements de territoires, on peut trouver ces souvenirs comme trop intimes, indignes de constituer un film international. Sont posées une suite de "colles", cette voiture sous la tempête, quelques références guerrières... Puis l'auteur d'abord en retrait se plante devant la caméra avec sa silhouette souple, beau visage, regard méridional parfois humide, l'air de nous dire "est-ce que ça vous parle ?"... (Les rationalistes peuvent décrocher d'entrée de jeu)... Sont inscrits dans les gènes d'Elia Suleiman "les Palestiniens depuis 1948", sujet méconnu, à savoir des populations devenues minoritaires sur leur sol, ou bien délogées de gré ou de force de leur terre natale : et tout ça "pour que le peuple juif ait une terre"... (Ce qu'on ne sait pas : Israëliens souvent installés dans des maisons palestiniennes désertées comprenant mobilier, vaisselle, photos de famille, le chien et le chat, avec interdiction, encore actuellement, de restituer leurs biens aux Palestiniens chassés) ! L'essentiel se passe donc à Nazareth, un bien joli patelin... Flashs-back, quelques plans sur les parents (dont la vraie mère âgée du réalisateur), dans un contexte arabo-israëlien mêlant ritournelle palestinienne d'antan et refrain américain au karaoké... Coupures d'image, énigmes, pirouettes procurent la distance nécessaire au cinéaste toujours pas revenu de ce vol d'identité ! L'enfant silencieux et troublé qui survit en Elia Suleiman authentifie la douleur palestinienne une fois pour toutes... mais sans nier le peuple d'Israël. Cet homme mériterait un ministère.