J'ai largement préféré "The World" de Jia Zhang Ke, je m'y étais amusée, parce qu'il est moins pénible (grâce aux musiques sirupeuses et aux pirouettes animées qui interfèrent), et tout aussi dénonciateur d'un système qui n'a plus d'âme. Ici, hormis l'ambiance panoramique des prises de vues, l'alternance du moderne et du décrépit, on baîlle un peu, que va-t-il arriver au bout de tout ça ?... Le fait que le héros, qui a une bonne tête et ne se laisse pas impressionner par l'adversité, surplombe le barrage à plusieurs reprises, laisse pantois, puisque ce qui prévaut, c'est le poids de la chaleur, avec ce boulot bête et usant auquel il va être convié. Long, appuyé, oh que ça ne rigole pas... Deux images se veulent poétiques : la tour qui s'envole et le funambule... Elles relativisent ces portraits de travailleurs qui peuvent tout juste boire, manger, fumer à tour de bras, autant de moments de convivialité de pris. Aucune philosophie ne sous-tend quoi que ce soit, la seule loi de la jungle (est-ce dû la jeunesse de ce réalisateur de 36 ans ?). Enfin, le fait de bosser ensemble, à la fin, laisse supposer qu'au moins l'amitié soit possible, question de survie. L'homme et la femme qui cherchent chacun leur repère familial dans le même coin, sans jamais se rencontrer, illustrent bien la déshumanisation ambiante. Il est dit aussi qu'on achète les femmes, dont certaines sont également jugées valeureuses... Barrage maudit, empoisonné, constructions méritant de la dynamite pour qu'on bâtisse autre chose. L'ensemble reste tout de même très instructif. Du sordide, esthétiquement filmé.