Découvert cette perle de 1985 en janvier 2009 grâce au dvd. Que de fraîcheur ! Que de bonne humeur (d'une veine comparable à "Pleure pas la bouche pleine" de Pascal Thomas ou à "Chant des Mers du Sud" de Marat Sarulu) !... Si le réalisateur emprunte d'abord à Tati le climat villageois bon enfant, à Laurel et Hardy la complémentarité de deux silhouettes contrastées, ses deux personnages affichent un plus : le petit gros est un artisan bourru, tuteur du grand maigre "retardé", un être qui attire d'emblée la sympathie car ça chauffe pour ses oreilles, délocalisation à Prague en vue : fort heureusement les figures locales, laborieuses autant que débonnaires, pèsent sur les décisions ! Peinture de la Tchécoslovaquie sous la bureaucratie soviétique (la santé communautaire fait qu'on se prendrait à regretter les changements politiques advenus depuis) : charmant village avec cimetière au ras du jardin où on se rince souvent la cloison l'après-midi en dégustant quelque grillade... Les travers sociaux universels sont abordés avec minutie, la mise en scène joue sur plusieurs tableaux (la nouvelle de l'adultère sur fond de télé et maquette de bateau !). Des dialogues d'une grande saveur, une sensualité pleine de joie du fait des entraves. Bien capter les petites intrigues car elles s'inscrivent dans un fil narratif sinueux mais précis. Beaucoup de poésie "couleur locale" aussi (je pense à ce "Dormeur du Val" de Rimbaud ânonné par le médecin, et quel médecin !...). Un beau voyage dans une dérision de tous les instants, quelques allusions à la grande ville, et retour immédiat vers les aléas de la technique, les merveilles de la vie champêtre. La musique est sur mesure, toujours entre Marche de Radetzki et fête foraine, plane aussi un brin de romantisme allemand... Dans ce milieu préservé, tout de suite familier au spectateur, la philosophie fait songer à Marcel Pagnol le méridional. Plusieurs sources d'inspiration font la richesse globale. Pour les réfractaires à la démesure de certains cinéastes de l'est, on est dans une forme d'absurde, mais les excès ne franchissent jamais la ligne jaune ici... Vraiment dommage que ce morceau de roi, antidote puissant à la morosité collective, ne puisse ressortir en France à nouveau sur grand écran !