Ann-Kristin Reyels, comme le ferait Sarah Polley (même génération) s'attaque à des sujets gênants en prenant discrètement position. Des parents se racontent des histoires à eux-mêmes, fiers de leur petit pouvoir personnel, sans anticiper l'impact sur leur fils, une silhouette nonchalante qu'on voit d'abord du dessous, visage d'ange distribuant des invitations, c'est Lars, rien de l'ado boutonneux, il est très proche de ses chiens, ressent mal les calculs de ses parents, des tricheurs qu'il aime quand même. Evidemment attiré par le mutisme et la gestuelle étonnamment vivante de la fille d'un barman local (homme d'une rudesse déconcertante) : Marie, sorte de Charlotte Gainsbourg allemande se fout du qu'en dira-t-on, personne ne s'étonnera que ces deux jeunes s'apprivoisent au fil des coups durs. Une liaison camouflée d'un père à son fils, surtout avec la soeur de maman, est-ce que cela va de soi ? Voici la mère qui arrive, flanquée elle aussi d'un nouveau venu, le jeune Robert, sorte de second fils : amabilités, embrassades, un troisième invité se pointe... La caméra offre mille détails très attachants, attention, il est important de bien s'imprégner du malaise de ce délectable repas, qui ferait songer à "Festen"... Si le réveillon devient un petit cauchemar à table, l'attention n'est pas à focaliser sur le lapin, plutôt sur les va-et-vient de Lars, ce dernier vivant une forme de bizutage local dont il se tire en général... Cinéma de l'Est fortement imprégné d'occidentalité, ça bouge constamment, quelques traversées d'écran en guise de ponctuation, ça a l'air froid mais, dans le fond pas du tout. De très jolis tableaux, notamment nocturnes, une forme de sacralisation du couple dans son innocence première, la balançoire berce, avec cinq minutes de moins, le film était également viable... Joyeux Noël ou sinistre mascarade ?... Tout amène à s'identifier au pacifiste Lars, cet échoué dans l'Uckermarch, à 60 kilomètres au nord-est de Berlin, splendide endroit où le héros se fond. Une virée locale doublée d'un portrait familial décapant, avec cette économie de mots au profit d'images autrement plus évocatrices. Encore une merveille quittant l'affiche avant l'heure... Et pourtant, cela nous change des multiproductions sur les ghettos urbains ! Sans pour cela éviter la violence, simplement elle est toute autre. A découvrir en v.o. allemande, au besoin grâce au dvd.