Toujours aussi farceur, ce cher Lubitsch (et dire qu'on est en 1932, après le crack boursier, et entre les deux grandes guerres) ! On part d'un ramasseur de feuilles en nocturne à Venise, sa gondole remplie glisse sous les fenêtres d'un dandy visiblement en attente d'une belle pour dîner, dehors, il fait un noir d'encre, pour un peu on s'inquiéterait de la tournure des événements, tant de noirceur... Des ordres sont donnés à un domestique qui acquiesce avec un temps d'avance : ouf, la magie du cinéaste donne le ton, l'invitée attendue s'avère pipelette sur sa réputation, un rien poseuse, voyons voir... Les images pleuvent en vrac sur l'écran, impossible de savoir où on va, pourtant c'est facile à suivre, fascinant de filer ce couple de pickpockets proche de la prestidigitation ... Le tandem doit fonctionner puisque lié par la même manie, ultra secrète. Léger vertige à l'arrivée de cette "Madame Colet" pourtant, grand collier de perles, coffre-fort, le bagou finit par avoir raison de sa réserve, mais elle n'est pas bêcheuse pour un rond, sympathique : une grande et belle femme indépendante, entreprenante. Soudain, le tandem de départ commence à vaciller dans ses rôles respectifs. Infinis tours de passe-passe, mimiques expressives, le film est traversé de petits moments croustillants, ça fredonne et ça bougonne, on fonce et on se ravise, toute la panoplie de gags auxquels le facétieux Ernst Lubitsch a abonné ses spectateurs pour la postérité. Ce film, qui rend malfaiteur sans les inconvénients de se faire pincer, peut remplacer les psychotropes.