Léos Carax est unique dans sa façon de présenter des scènes du quotidien comme si à la seconde suivante on était tous morts. Avec ce côté surprenant d'agrémenter une errance par une bouilloire qui siffle, une salle remplie de bébés à consoler, un retour sur ses pas pour foutre à l'eau un importun ou une paire de ciseaux équivoque. On passe du chaud au froid non-stop avec cet ange-démon, ça travaille la peau... Admirable ciseleur, qui prend son temps pour tirer le meilleur du figé. Très personnel, qui fout bien la trouille avec sa caméra scalpel, mais impossible de quitter l'écran, comment cela se fait ?... Même s'il me dérange aux entournures, il s'en dégage une magie. Son monde m'est plus proche que celui de Godard, auquel il s'apparente par la perpétuelle "énigme" de ses messages, en fait, c'est ça qui accroche, en dépit du désespoir qu'il communique sur notre société d'errants à double faciès, l'apparence, et puis l'autre, le dedans, ce labyrinthe, où il ose s'aventurer comme personne.