La forme rappellerait assez les grands films américains sortis en fin de guerre mondiale, tels "Soupçons" d'Hitchcock, dont on voit un court extrait, et les affiches placardées dans ce Shanghaï en pleine occupation japonaise (1942). Inspiré d'une nouvelle, l'ensemble a des allures de grand classique, à part peut-être cette façon d'amener habilement le flash-back au beau milieu de l'intrigue, manière de faire d'aujourd'hui. Le fond recoupe tous les tiraillements de l'âme occupée à transgresser, sauvagerie doublée de la rage de ressentir de la compassion. Défilent sous nos yeux l'inconscience du patriotisme exacerbé, ainsi que les rouages d'une société où les chefs donnent toujours l'apparence de mieux s'en tirer, de quelque bord qu'ils se réclament. Ang Lee fait prévaloir le collectivisme sur l'individualisme (ce cacheton non consommé me reste en travers de la gorge...) mais je me demande s'il n'y a pas été contraint, de manière à être accepté par les autorités chinoises. On reconnaît bien le réalisateur de Brokeback Mountain (film censuré en Chine), la prise de possession amoureuse comme un château à assiéger et ensuite, le sentiment qui s'accroît, avec cette rage à osciller entre fondre et se rebiffer. La jeune femme touche par le fait qu'elle se prend elle-même à son double jeu, mais le plus irrésistible est bien ce Monsieur Yee, quand bien même il incarne un collabo.