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Critique(s)/Commentaire(s) Publiques de
MILAN

  • WESTERN (1997)
    Après toutes les conneries que j'ai lues et entendues dire sur ce film, je ne peux qu'exprimer ma profonde déception envers Manuel Poirier et sa dernière création.... J'avais adoré "A la campagne". Vraiment adoré. J'en parlais à tout le monde et attendais avec impatience de voir ce que M. Poirier nous ferait ensuite, ne doutant pas que ce ne pourrait être que génial. L'horreur en voyant un film qui réunissait tous les défauts du pire navet : lieux-communs, jeu d'acteurs catastrophique...et surtout des longueurs complètement delirantes : la scène d'une idiote à table qui veut absolument baiser avec le personnage espagnol de l'histoire, tout le monde est complètement beurré, l'idiote rit comme... une idiote en répétant "allez, allez"; ils sont quatre à table à n'avoir absolument rien à se dire et ils baragouinent des monosyllabes en riant bêtement et la scène dure au moins... dix minutes. Sans blague, je regardais le public, en en croyant à peine mes yeux, ayant presque honte d'avoir tant encensé un réalisateur qui se permettait de faire des plans séquences de dix minutes totalement creux... quand tant d'autres l'ont fait avant lui en y mettant du sens ou de la beauté. Scène de mariage : rebelote. Vous savez ces fameuses fêtes de famille où on s'emmerde tous à mourir en faisant semblant de s'amuser en attendant la fin, Et bien si, il nous l'a fait : la scène du mec complètement cuit qui fait sa crise existentielle, histoire d'en faire bien profiter tout le monde. On compatit, pauvre type, vraiment. OK pour M. Poirier j'irai encore voir ses films mais je ne comprends pas pourquoi mon opinion semble à ce point isolé en ce qui concerne "Western" ... Comment peut-on seulement défendre ce film ? C'est tellement mal joué en plus; les répliques sonnent toutes faux et enlevent d'office toute crédibilité à l'histoire. Ce fut vraiment de la torture que de supporter ça jusqu'à la lie, n'aimant pas les jugements trop hatifs... De toute façon, on n'aime rarement toute l'oeuvre d'un réalisateur après avoir flashé sur un film .....
  • UN AIR DE FAMILLE (1996)
    Réponse à Stéphane Czopek
    N'importe quoi ! Je ne laisserai pas se dire de tels propos insensés, injustifiés et tout simplement faux de ce film génial. Mauvais remake du théâtre dit mon précédent critique ? C'est tout aussi bien que sur les planches et on peut voir ce grand couple Bacri/Jaoui sans bouger de sa province. Mais plus que l'excellente interprétation des acteurs-comédiens, l'histoire sonne incroyablement juste. Scènes du quotidien dans son horreur de banalité, d'égocentrisme, de sentiments entre chien et loup ..... J'adore cette désillusion lucide et pourtant sans haine du personnage joué par Agnès Jaoui par rapport à son frère et sa mère... une pure merveille à voir absolument .....
    Stéphane Czopek
    Tout dépend de ce que l'on va voir. Si l'on se déplace pour voir les tous nouveaux numéros d'acteurs d'un Bacri éternellement misanthrope, d'une Jaoui imperturbablement nonchalante etc..., on est à peu près sûr d'obtenir satisfaction. Si par contre, on espère trouver dans "Un air de famille" un bout de vie moins "efficace" que dans la plupart des films de ce genre, c'est raté. Et pour que le théâtre qui échoue à devenir du vrai cinéma , vous hérisse, préparez-vous pour un vrai mauvais moment. A vous de voir... j'ai choisi. 9 sur 20 comme dirait l'autre...
  • CHACUN CHERCHE SON CHAT (1995)
    OK. C'est un petit film bien sympa, la Madame Andrée est finalement bien attachante à garder tous les chats du quartier en période estivale... et la Chloe, douce humaine et si timide... Mais franchement l'idée de l'amour qui y passe est d'un réalisme qui me glace jusqu'a l'os... si les mecs sympas sont uniquement baratineurs, homosexuels ou idiots, bonjour ... Autant se faire illico lesbienne ou bonne soeur, parce que c'est à vous foutre le bourdon... D'ailleurs c'est fait, plus rien à dire que se taper la tete contre les murs... Y a-t-il un homme humain et sentimental dans la salle ?
  • LA COMÉDIE DE DIEU (1995)
    "Cinéfiches" encense ce truc répugnant et franchement ... D'humour je n'en ai trouvé l'ombre... Les fantasmes d'un squelette répugnant, vieux et dégueulasse ne m'ont en aucun point touchée.... OK, c'est l'histoire d'un vieux qui fantasme : toutes les Lolitas lui tombent dans les bras et sont prêtes à répondre à ses demandes jusqu'aux plus délirantes... Deux idiotes avaient un rire nerveux dans la salle (bondée de surcroît) mais je ne vois vraiment pas où se trouvait l'humour... peut-être trop fin pour moi. Bref, j'aimerais que les connectés de Cinéfiches m'expliquent ce qu'ils en pensent. Suis-je vraiment la seule à vomir ce film ?
  • VISIBLEMENT JE VOUS AIME (1995)
    Ce film est véritablement admirable. Déjà, le précédent film documentaire fiction de Jean-Marie CARRE, "Galère de femmes", qui parlait de la difficile réinsertion d'anciennes incarcérées est utilisé pour la force de son discours comme outil pédagogique à l'ENAP, l'Ecole Nationale d'Adminitration Pénitentiaire. J'espère vraiment que ce film servira dans un même but et plus large aussi pour atteindre la population des gens dits normaux qui se sont, eux, laisses aliéner par les préjugés sociaux, pour qu'enfin les asiles psychiatriques disparaissent et que les supposés fous soient intégrés dans la société car ce qu'ils ont à nous apporter et ce que nous apporte ce film, est un nouveau regard porte sur l'Autre et sur sa différence. Parce qu'enfin, ce que ces personnes nous apprennent (autistes, psychopathes et délinquants) c'est que la communication ne se limite pas et loin de là, à un discours articulé. La vie c'est aussi le regard de l'autre qui croit en soi, la tendresse, la présence, la foi en l'autre par delà ses défauts et ses faiblesses. Apprendre le langage de l'autre pour le toucher et l'aider... C'est juste ce que nous attendons d'autrui comme une évidence; n'est-il pas temps d'apprendre à vivre cette nouvelle approche ? L'empathie et la compassion ne sont elles pas les éléments définissant visiblement l'amour ?
  • LA DERNIÈRE MARCHE (1995)
    J'ai trouvé ce film excellent, car j'y retrouve mes idées, alors çà me plaît forcément... D'abord la question de la peine de mort qui est ici traitée, ne se conjugue pas sur un mode binaire. On ne peut tout simplement pas déclamer une grande vérité du genre : ils ont ce qu'ils méritent, ils faudrait leur faire subir ce qu'ils ont fait à la victime... J'avoue que si j'étais témoin d'un acte de barbarie, il y a de fortes chances que sous le coup de l'émotion, de la colère et du dégoût, je sois tentée de faire justice moi-même avec les moyens du bord; ce genre de réaction me paraît tout à fait humain ..... Cependant, la logique de la préparation, puis de l'exécution à froid d'une ou de plusieurs personnes, sur une chaise électrique, par un peloton d'exécution ou dans une chambre à gaz ma paraît complètement inhumain. Il s'agit là de la réalisation froidement programmée qu'à parfois un public devant un meurtre. De plus, quelle satisfaction peut-il y avoir à voir un être souffrir et agoniser. Seul le dégoût peut résulter d'un tel spectacle... ou l'indifférence, ce qui est bien pire et renforce l'idée d'un acte non humain. Ceci dit je ne blâme pas ceux qui sont pour la peine de mort. Il y a des souffrances difficiles à intégrer et qui ne laissent jamais intacte.
  • LE HUITIÈME JOUR (1995)
    Personnellement je ne perçois pas de voyeurisme dans ce film et je m'interroge sur les esprits engendrant un tel qualificatif. je trouve souvent plus voyeur des scènes d'amour par exemple, car il est clair que l'intimité d'une personne et d'un couple ne concernent que le ou les protagonistes. Les moments intenses ne sont pas du domaine du spectacle. Maintenant, donner la parole à un handicape mental, le voir rire à gorge déployée, faire le clown, imiter les animaux, faire des caprices et nous présenter son imaginaire peuplé du multicolore Luis Mariano et de sa grisonnante et tendre maman ne me semblent aucunement du domaine du voyeurisme (si on l'entend péjorativement...). Que l'histoire soit ou non réaliste, je ne le pense pas et la question n'est pas là ..... Ce que je trouve excellent dans la conceptualisation de ce film est d'avoir intentionnellement opté pour un représentant de ces individus qui sont plus généralement et automatiquement (réaction de réflexe tout à fait normale) rejetés à cause de leur différence. Une fois de plus la différence visible permet d'inférioriser l'autre, d'en faire un objet de mépris. Cette visualisation caricaturale entre les gens dits normaux et les autres n'est pour moi qu'un moyen détourné et génial pour montrer UNE DIFFERENCE TOUT AUSSI CARICATURALE ENTRE LES POSSIBILITES DE CHACUN POUR L'ACCES AU BONHEUR. Je m'explique. Le meilleur représentant de notre magnifique société, cet adorable Harry qui vit dans son monde, sa réussite sociale, sa superbe maison avec piscine et sa belle voiture s'est coupé de l'essentiel. Il ne construit plus le monde avec ses rêves, ce et ceux qu'il aime, il n'étreint jamais les troncs d'arbres en devenant arbre lui-même, il ne regarde plus voler une coccinelle et derrière tout cela, le regard perdu, il ne sait pas pourquoi sa propre femme souffre, ne sait plus qui elle est car derrière la perception des choses simples, il y a l'écoute de soi et de l'autre. S'écouter c'est aussi faire certains choix de vie et cesser de continuer avec un acharnement masochiste à se faire mal en poursuivant chaque matin l'éternelle et névrotique habitude. Que cette rupture, que cette prise de conscience soit heureuse, car il faut vivre et autant se rendre heureux... Pas de dépression, de remords... la vie est instants. Autant se conformer aux lois et au rythme de la nature parce qu'elle gagnera de toute façon : quoi qu'on fasse on meurt, alors autant vivre le mieux. Le suicide de Georges accentue peut-être ce sentiment chez Harry : ca n'est pas dramatique car il lui a fait le plus merveilleux cadeau qu'il soit avant de mourir : il lui a refilé le mode d'emploi du bonheur. C'est pourtant pas sorcier, on naît avec puis on prend des années à désapprendre, à être heureux. Puis les plus sages et les copains des mongols prennent de nouveau des années pour réapprendre à être heureux. C'est vraiment très triste de constater cette évolution inversée entre l'intelligence dans notre civilisation et l'ignorance de la chaleur humaine, du regard sur l'autre et sur soi. Comme s'il était ridicule ou humiliant de prendre son temps pour vivre, de rêver et d'annuler un rendez-vous pour l'anniversaire de la petite. Ai-je été convaincante ?
  • AINSI SOIENT-ELLES (1994)
    Avant d'entrer dans la salle, le spectateur frémit d'impatience à la seule pensée de voir ce petit chef- d'oeuvre du cinéma francais. Le sujet est bien entendu des plus originaux : "l'amour et le sexe" (à se demander où certains vont chercher leur inspiration ! ). Les circonstances de la fécondation nous sont complaisamment rapportées par les metteurs en scène : tous deux avaient travaillé dans le cinéma et venaient de faire un bébé, alors ils décidèrent d'en faire un autre, un film (et non, tous les couples n'ont pas des projets aussi originaux, que non !). Quant aux conditions de la cogitation de ce petit être, elles nous émeuvent au plus haut point : Madame faisait répéter les acteurs en faisant de temps à autre la gueule pour montrer la force de son caractère et Monsieur faisait le chef sur le plateau. Le choix des actrices eut lieu après avoir fait danser nombre de jeunes femmes afin de vérifier leur "grâce" et après avoir contrôlé la réalité de leur libération sexuelle par des moyens que nous ignorons ... Bref, ainsi présenté, vous pouvez vous attendre à ce que le film soit à la hauteur des attentes. Il s'engage en effet sur un mur de piscine dont on admire le carrelage uniformement blanc durant un long moment, tandis que les voix de trois jeunes femmes nous tiennent des propos qu'on s'attendrait plutôt à entendre dans un lycée. L'instant est pourtant rythmé et plein de promesses. Face au carrelage, nos attentes demeurent vierges et nous pouvons encore nous faire de faibles illusions sur la qualité du film. Bien vite nous comprenons que l'histoire baigne en fait dans un pur machisme qu'on ne s'attend plus à voir s'étaler sur nos écrans en 1995. D'abord, Marie déclare sa flamme à un écolo, avant d'aller se faire sauter par un "bon coup", puis par d'autres inconnus, mais la morale est sauve, car elle demande à celui qui entre sans s'être présenté s'il s'est bien couvert. De sont coté, Alice fait consciencieusement la carpette devant un père méprisant et phallocrate, puis devant un peintre tout aussi répugnant chez lequel elle travaille en tant qu'assistante, après lui avoir avoué qu'elle n'aimait pas son style et avoir eu mortellement honte de penser et d'exprimer une opinion ... Enfin, le bouquet c'est Jeanne. Elle renoue avec un mari infidèle qui colle un air triste sur sa face pour mieux la reconquérir. Redevenue épouse soumise et dévouée, elle lui sourit tendrement quand il lui dit qu'elle doit accepter les réalités du droit de cuissage vu que son second salaire est indispensable. Cette "chose" qu'on aurait pris au premier coup d'oeil pour une femme, se sent dès lors indispensable et lui sourit tendrement. Nous partageons son émotion. Je ne vous raconte pas la suite parce que là, j'ai craqué. Ce genre de "film" fleure les défections infâmes de notre société qui n'a vraiment pas besoin de çà. L'aspect finalement inacceptable et répugnant de l'histoire vient du fait que ces scènes ne sont pas montrées en tant que caricatures d'une certaine face de notre société, qu'on aimerait voir disparaître afin de les dénoncer, mais sont bel et bien appuyées d'une façon complaisante et satisfaite. En fait, un film qui s'intègre parfaitement dans un certain retour du couple abêti et infantilisé dans la lignée des téléfilms idiots qui peuplent nos écrans TV à certaines heures d'écoute -à la "Hélène et les garçons" et de nos actrices sexe-symbole-fétiche à la Vanessa Paradis-.. L'ironie est qu'une telle vulgarité s'est pris d'un titre nous rappelant un petit chef-d'oeuvre de la littérature féministe, de la grande époque, écrit par Benoîte Groult, que par contre, je vous conseille très chaleureusement de lire afin de vous redonner foi en la vie, en l'autre, en l'amour ... Ainsi soit-il ...
  • MOONDANCE (1994)
    Lors d'un débat sur le film avec la réalisatrice, Dagmar Hirtz, après la projection lors du 17e festival de Créteil, trois points ont fait l'objet d'opinions antagonistes : 1) L'histoire est-elle réaliste ? ou s'apparente-t-elle aux supers productions américaines de love-stories-glamours-guimauves déconnectées de toute réalité sociale ? 2) La mère est-elle condamnable pour ne point assumer ses responsabilités envers ses deux fils ? 3) Y a-t-il seulement de l'amour dans ce film ? Anya se laisserait-elle aimer sans rien éprouver ? La mère est-elle en fait indifférente tout comme la tante ? Le seul sentiment présent serait celui de la possessivité ... Les réflexions en ces matières m'ont parfois heurté par leur simplisme et les préjugés qu'elles reflètent. Les désaccords s'expliquent par le fait que ces trois points sont liés à la sensibilite de chacun. L'histoire ne serait pas réaliste, car les réalités sociales sont absentes. En effet, la réalisatrice n'avait pas l'intention de décrire les conditions économiques et sociales des personnages, mais plutôt de refléter leurs sentiments. Personnellement, je sais qu'il n'y a pas forcement une fatalité de la pression sociale et qu'une vie marginale est toujours possible. Cette histoire me paraît donc réaliste. Sur la question de la mère condamnable et du manque d'amour des personnages, j'ai le plus à dire ... A force de voir la situation, il nous est devenu presque normal de voir des pères ne pas assumer leurs responsabilités en fuyant dans un métier, une passion, l'alcool, l'aventure ... Mais la même chose de la part d'une femme provoque un tollé général ..... Et pourtant, quelle différence ? La mère devrait rester par obligation. Superbe amour que celui qui se fonde surle devoir et l'obligation ! Cette femme a perdu l'homme qu'elle a sûrement profondément aimé. Je l'imagine face à une souffrance qu'elle ne peut assumer. Elle part vivre seule en Afrique pour tenter d'oublier ce qui est insupportable. La mort de la personne aimée peut provoquer des ravages psychologiques chez celle qui reste. Elle peut en être destructurée, en perdre ses repères. Vivre loin dans une sorte de cocon déconnecté de toute responsabilité permet peut-être d'attendre que la souffrance devienne supportable. Rester où on a vécu des années très heureuses peut être trop douloureux. Rester et se suicider ou fuir autrement (alcool ... ) me paraît moins intelligent que s'éloigner en attendant d'accepter émotionnellement l'inacceptable ... Après quelques années, la mère a trouvé une sorte d'apaisement. Pour la première fois elle va déposer des fleurs sur la tombe du défunt. Par ce geste, elle accepte la réalité, de vivre avec la perte. Elle accepte la souffrance et peut dès lors revenir vers ses enfants. Merde, quand j'écoute les gens mélanger amour et obligations sociales, j'ai envie de hurler. Quelqu'un qui souffre trop ne peut pas donner, il est recroquevillé sur sa plaie béante, comment peut-on le condamner ? Une femme n'aurait-elle pas le droit d'être désespérée parce qu'elle est mère, donc supposée bénéficier miraculeusement d'un blindage tellement solide qu'il résisterait à toute catastrophe ? J'affirme que non, même si sacrifier ses enfants est un choix atroce. Pour moi, le thème central est plutôt celui de l'abandon : cette femme qui est plutôt en convalescence de celui qu'elle a aimé et qui a eu la mauvaise idée de mourir, les deux fils seuls, accrochés, crispés l'un à l'autre, Anya que Patrick veut épouser pour se convaincre qu'elle ne le quittera pas. On ne dira jamais assez comme l'amour est imbriqué à la peur de l'abandon, à l'horreur du vide, l'insupportable. Un dernier point sur Dominic, enfant difficile, qui ne connaît nulle oppression, ne respecte nulle obligation sociale et rencontre finalement sa première limite : celle de l'amour. En effet, il refuse de faire souffrir son frère en lui prenant la belle Anya. La seule obligation acceptable à mon sens est celle qui se fonde et se justifie par la sensibilité et la raison de celui qui s'oblige. La seule obligation acceptable est celle qui se fonde sur l'amour, donc sur le respect de l'autre. Ma conclusion est donc qu'il y a bien un amour formidable dans ce film de la part des personnages, mais un amour authentique, qui n'a absolument rien à voir avec les obligations sociales. La réaction de certaines personnes face à ce film me fait peur ....
  • LAST SEDUCTION (1993)
    Alors là, vous me décevez au-delà de toute proportions, cher Cinéfiches. Ce film est sans conteste mauvais, indéfendable. Faut-il que la fascination pour les femmes "vénéneuses" vous ait amputé de toute capacité de jugement. N'auriez-vous pas un petit problème (gros) avec les femmes, pour noter 15 un film très moyen à partir de ce seul argument ??? Mes arguments me semblent plus solides: l'histoire n'est pas crédible et sans rythme, le fil est très gros. Je ne crois pas qu'on puisse faire un bon film en parodiant les mauvais rôles d'un certains types de mecs.
  • LES NUITS FAUVES (1992)
    Reprendre la "plume" pour "Les nuits fauves". Je sais, parler d'un film en le baptisant "chef-d'oeuvre" est toujours contestable. Parce qu'il m'a VRAIMENT touché, mon avis n'est bien sûr qu'hautement subjectif. Essayons d'expliquer. Profond réalisme et désespoir total. Mais le film n'est pas une photographie d'une situation infernale ou la possessivité dementielle(où les femmes ne peuvent que se reconnaître) se heurte au cataclysme d'une vie de trente ans qui se meurt et n'ose plus croire, espérer, envisager demain à deux. Le dernier quart d'heure coupe la linéarite du film, et lui donne à mon sens un plus de réalisme. En effet, ileut été trop simple de faire un film sur l'horreur de mourir dans la force de l'âge, du sida alors qu'on pourrait commencer à vivre vraiment. Le dernier quart d'heure nous montre que la vie n'est pas un désespoir immobile. Il évolue, lui aussi, et la vie reprend ses droits. Laura pourrait réapprendre un amour calme. Devenir "adulte", "dépassionnée". Jean se décide à se penser : son refus d'accepter d'être atteint par le virus, sa fuite dans des liaisons dépersonnalisées... Finalement, il revient à ce que lui a dit la jeune Marocaine au début du film : profite de ta maladie pour te réformer (ou redémarrer ? ). Bref ce film est superbe, parce qu'il est une enième et très réussie recherche de définition de la complexité du relationnel. Cet imbroglio infernal entre amour, passion, tendresse, amitié, compréhension, fuite, solitude, possessivité, destruction autant qu'auto-destruction ..... Ce film est très riche et l'on pourrait en parler encore très longtemps. La cohabitation du vampire "Désespoir" et de la déesse "Espoir" y est très réussie. Mais peut-etre cette cohabitation est elle la condition sine qua non d'un très bon film ... Je soulignerai encore, après bien d'autres, la remarquable interprétation des acteurs principaux ...
  • LA LEÇON DE PIANO (1992)
    Ce film est à mon sens un bon film quand il en appelle aux sens et à l'imagination du téléspectateur, il touche ainsi à son émotion et lui laisse une palette élargie d'interprétations personnelles de l'histoire qu'il retrace. Dans "Une leçon de piano", le spectateur demeure dans l'ignorance du passé des personnages : Pourquoi Ada a-t-elle subitement perdu la parole ? Pourquoi est-elle mariée à un homme qu'elle n'a jamais vu ? Qui est le père de sa fille ? Un grand artiste parti tenter sa chance en Europe ? Qui sont vraiment Georges Baines et Stewart ?... On comprend qu'à l'époque coincée dite Victorienne, le consentement d'une jeune mariée était inutile et que le prétendant était choisi selon sa situation sociale. Visiblement, Ada a volontairement ou après un traumatisme inconnu substitué la parole à la musique dans laquelle elle a trouvé dans sa première enfance un moyen d'expression beaucoup plus riche et adapté à son caractère pulsionnel et passionné. Cette substitution provoque une relation symbiotique fascinante entre l'instrument et la jeune femme. Sa relation avec les autres, passant par la musique, en est profondément modifiée : Ada a perçu instinctivement et inconsciemment un monde sensitif que Baines va percevoir et canalisera vers une relation amoureuse passionnelle. Dès lors, Ada trouve un moyen d'expression correspondant à sa fougue qui fait d'elle une femme achevée. Ce bouleversement va provoquer à terme la rupture du lien quasi organique entre Ada et son piano, symbiose qui connait son expression la plus intense par le parallélisme de la touche qu'Ada ampute à l'instrument afin d'y inscrire son amour et son propre doigt que Stewart coupe dans une crise de jalousie passionnelle. Soulignons enfin la relation extraordinaire d'Ada avec sa fille, Flora. Harmonie brisée par la relation entre Ada et Baines que l'enfant avait pourtant découverte et tenue secrète. A partir du moment où Ada décide de ne plus faire confiance à sa fille, celle-ci choisit l'homme qu'Ada repousse : Stewart. Elle l'accepte comme père et trahit finalement sa mère pour lui. Une trahison en vaut bien une autre, mais cette dernière s'achève dans le drame. Heureusement, tout se termine pour le mieux. Ada renonce au silence et à son piano qui a failli l'entraîner dans son trépas. Bref, un film exceptionnel, magnifique, sublime, que dis-je... bien plus encore.
  • LE SILENCE DES AGNEAUX (1991)
    Un film basé sur un roman est souvent réussi si le metteur en scène n'est pas trop mauvais ... en effet le doute sur le fond, sur le script n'est plus dès lors que l'écriture est fine et enlevée. Un thriller qui rappele inévitablement "Misery". Pourtant "Le silence des agneaux" pousse beaucoup plus loin dans l'extrême ... Un film à voir absolument.
  • JUNGLE FEVER (1991)
    Italiens, Noirs, drogués ou fervents croyants, Spike Lee a fait dans la caricature tous azimuts. Les Etats- Unis y sont représentés comme un espace impitoyable où les ghettos s'affrontent les uns les autres, nous revoilà trente ans en arrière lorsque les premières lois anti-discréminatoires faisaient rejaillir les vieux lynchages du siècle dernier... Spike Lee s'est fondé sur des cas isolés d'exécutions sommaires qui existent partout entre les Blancs, les Jaunes, les Noirs, les Rouges ou les représentants de la même couleur, pour en faire une généralisation si peu crédible qu'elle en est ridicule. De plus l'histoire d'"amour" (à mon avis il s'agit d'amitié teintée d'une incontournable attirance sexuelle) qui s'y superpose, ne gagne rien par le thème inter-raciale. L'intrigue se suffit sans cette donnée. En effet, on y voit que tout personne peut être attirée par une incartade amoureuse, mais lorsque la raison reprend les rênes des sens, il ne reste dès lors que le regret. Flipper était heureux en couple, Angie souffrait de claustrophobie ... mais l'amour n'y est pas... L'aventure est un peu plus bouleversée par l'hostilité rencontrée autour de leur couple de par leurs couleurs antagonistes, mais le non-amour est à mon avis la donnée déterminante de leur échec final ...
  • CHEB (1991)
    Pour avoir été des enfants difficiles, deux jeunes beurs sont condamnés à être exilés d'eux-mêmes. Ils sont brutalement amputés de ce qui fut quoi qu'on en pense leur culture, des références d'une société dans laquelle ils ont grandi. De fait ils ne pensent qu'à fuir un pays qui leur est hostile car incompréhensible, étranger. Malike s'est sûrement opposée plus d'une fois à l'éducation réactionnaire parentale, alors que Merwan a cru trouver un cheval de bataille dans la petite délinquance ..... Mais une fois abandonnés et seuls, ils n'ont plus qu'eux-mêmes, leur fougue et leur tempérament batailleur... Ce film est admirable et représente d'une façon sensible et subjective un drame humain tant de fois discouru, qu'il en est entré dans le grand tiroir de l'oubli quotidien. Maints thèmes rabattus y sont repris, la misère humaine et sexuelle engendrées par La Misère, le poids de la bureaucratie de papier et la bêtise d'une justice qui déclare un homme plus proche d'une société où il a vu le jour que de celle où il a grandi... Ironie suprême, Merwan ne parle même pas l'arabe, mais on le proclame revenu dans "son" pays ... Enfin on ne peut qu'être touché par la tendresse de ce film que sauve du manichéisme l'aide providentielle que reçoit Merwan d'un vieil Arabe .....
  • LA BELLE NOISEUSE (1991)
    "La Belle Noiseuse" nous démontre une fois encore que temps commercial et banalisé de deux heures pour un film est une stupidité. Tout comme un bon roman, un film qui double la durée habituelle peut refuser les longueurs au profit d'un enrichissement et d'une complexité qui donnent toute valeur à l'oeuvre ... De plus, "La Belle Noiseuse" n'aurait plus de sens sans la recherche du chef-d'oeuvre, d'un absolu transmis par l'art qui est le vrai but de la quête du peintre. Le film perdrait tout sans les esquisses, les résistances et les ambiguïtés des rapports humains... Enfin, pour en revenir une dernière fois à cette question de durée, il est regrettable que tout ce qui semble de prime abord gratuit -mais prend tout son sens par son expression même- est souvent purement et simplement sacrifié au profit de tout ce qui est directement indispensable à l'intrigue. Cette question est fondamentale dans le fossé qui sépare une oeuvre littéraire de son adaptation à l'écran ...
  • TATIE DANIELLE (1990)
    Quelle banalité que de redire que Tatie Daniele se place bien dans la ligne précédemment tracée d'un réalisme cru et totalitaire ou certains ne voient que caricature et grotesque ... Etienne Chatiliez prend rigoureusement le contre-pied de la trame traditionnelle : personne âgée sénile, bonne et entourée de personnes avides, hypocrites et intéressées ... Lorsque Tatie trouve son maître, elle n'en change pas pour autant sa nature .. situation qui eut été bien trop simpliste... Bref un film comme une fable, c'est-à-dire avec sa morale : avoir affaire au grand âge ne dispense jamais de bon sens et de discernement, surtout quand la personne a toutes ses facultés ...
  • NIKITA (1990)
    "Du Grand Bleu" à "Nikita", une même logique, un même refus, emblématique du mal de vivre d'aujourd'hui. Ces deux films, jeunes, esthétiquement réussis sont bien sûr chacun très personnalisés, distincts... Pourtant, ce qui les rapproche, c'est la fuite en avant d'une jeunesse qui refuse d'"assumer" .. la vie. Dans la drogue, la révolte agressive et violente, ou le grand départ pour les profondeurs marines, les héros de ces deux oeuvres touchent directement une sensibilité actuelle exacerbée, celle du refus. C'est à mon sens toutes l'ampleur et la richesse de ce film magistralement interprété par Anne Parillaud ...
  • ILS VONT TOUS BIEN (1990)
    Pour celui qui demeure immobile et cloîtré, la photo des êtres chers est le cadre d'un théâtre que son auteur dirige selon sa fantaisie. Les acteurs y sont déguisés et leurs mouvements suivent, comme pantins, les gestes décidés par leur procréateur. Mais les personnages sont illusions et la photo est de papier. Quand papa / Mastroianni tente de surprendre le jeu de ses enfants, ceux-ci, loin de la scène, espèrent à l'impossible, respecter le scénario écrit par l'auteur de leurs jours. Il faut du temps à Matteo Scuro pour essuyer sur leur visage le maquillage que ses illusions avaient déposé.. Tendre, actuel et profond. A voir.
  • DOCTEUR PETIOT (1990)
    Il est toujours troublant de voir des films basés sur des "cas" historiques marquants de notre histoire criminelle. D'autant plus que Michel Serrault interprète remarquablement son rôle avec une froideur et un détachement donnant la chair de poule. Quelques Juifs ayant eu affaire à lui vivent leurs derniers jours dans les mains de leur sauveur supposé qui va en fait les achever lui-même. Son non-sourire, sa physionomie lugubre, nous représente vraiment un homme psychologiquement malade dont les mobiles restent mystérieux, jalousement gardés dans les griffes de l'Histoire. ....
  • TOTAL RECALL (1990)
    Bien que ne ménageant pas les corps meurtris, tués, et déchiquetés, avec bien sûr abondance de sang et de viscères, cette fiction "peut" être vue... L'imbroglio de la mémoire introuvable est remarquablement montré, il semble que Doug Quaid se souvienne finalement comment sauver la vie sur Mars mais est-il alors vraiment lui ? A-t-il retrouvé "la mémoire totale" ? Les trucages sont assez remarquables, tant sur l'organisation de la vie sur la planète rouge que par rapport à l'étrange morphologie des mutants, à la fois médium, résistants et traîtres....
  • SAILOR ET LULA (1990)
    Sailor et Lula entrent parfaitement dans le trace des personnages et scénarii "David Lynch". C'est-à-dire que les premiers n'entrent pas dans le cadre du conformisme habituel, ils sont à leur façon "hors normes". Les seconds choquent par les extrémismes mis cote à cote : violence explosante (la premiere scène de l'assassinat) et un romantisme des plus roses, façon bluette ...... Bref un film moderne et original, fait d'une certaine panique de la vie (Lula), et d'une provocation égocentrique et explosive.
  • GHOST (1990)
    Se pourrait-il que, impréparée à une mort imminente, l'âme se retrouve, après un brutal assassinat, coincée entre ciel et terre ?... C'est ce qui arrive en tous cas, à celle de Sam qui devient un spectateur impuissant de la vie dans un corps délétère. Cependant, dans le monde de la vie, son épouse est menacée par son meilleur ami, en fait un prétentieux avide et sans scrupules. Par conséquent, il faut agir. Sam va pour cela saisir tous les subterfuges envisageables, jusqu'au concours d'une médium noire dont l'interprétation allège et égaye tout le film. Distrayant.
  • PRETTY WOMAN (1990)
    Julia Roberts est absolument à croquer dans ce rôle qui semble taillé à sa mesure. Le hasard provoque la rencontre de deux antipodes... La chaleur, la simplicité et la folie de cette jeune prostituée séduisent tous les hommes qui l'approchent de l'ami qui tente d'en abuser au maître d'hôtel qui lui apprend comment se tenir à table... Une délicieuse histoire où le monde artificiel de l'habit qui fait le moine, d'une société chic et artificielle, se heurte à la franchise d'une jeune femme qui fut toujours aspirée vers la médiocrité avant d'en sortir définitivement comme dans tout conte de fée qui se respecte...
  • TANTE JULIA ET LE SCRIBOUILLARD (1990)
    Pourtant non adepte de la comédie américaine, je n'ai pu qu'apprécier ce réel moment de détente que nous offre "Tante Julia et le scribouillard". La parodie de la société américaine sanglotant à l'écoute de son feuilleton à la Dallas radiodiffusé quotidiennement est particulièrement cinglante. Le personnage de Peter Falk est des plus hilarants, notamment dans l'extrémiste où l'entraîne sa soif "de se frotter à la réalité"... jusqu'à persécuter avec tenacité peuples d'Alaska, d'Arménie... pour que de l'affrontement jaillisse la création.
  • LES ARNAQUEURS (1990)
    Des relations des plus ambiguës sont représentées dans ce film entre un étroit trio : la mère, son fils et sa petite amie... Cependant, chaque protagoniste est "un cas". Un trait commun les identifie : la cupidité. Au seul nom d'une avidité de l'argent au-delà de toutes limites, chacun va enfreindre les lois les plus communes de l'humain : la souffrance physique, la renonciation à l'amour filial ou autre ... Un thriller assez bon, violent et très fort ....
  • L'EXPERIENCE INTERDITE (1990)
    Ce film ne manque absolument pas d'originalité. Le thème "vie après la mort" et les possibilités de percer le mystère de l'après agonie est bien toujours de mode depuis que l'homme s'interroge sur la temporalité de son présent, mais cette fois la voie choisie n'est pas commune, elle permet en plus de faire appel à la modernité car se réalise grâce aux possibilités médicales de "retour à la vie". Cependant, j'ai trouvé ce film assez oppressant peut-être parce que la vie de ces étudiants ayant tenté l'expérience, devient un véritable purgatoire permettant de purger "la faute" majeure qui a marqué leur vie .....
  • LA DOUBLE VIE DE VERONIQUE (1990)
    Kieslowski reste dans ses thèmes qui lui siéent si bien... communication intratemporelle, mystérieuse, irrationelle. L'intrigue est troublante autant que séduisante. Deux femmes étrangement semblables dans leur corps et leur sensibilité pressentent intuitivement l'existence de l'"autre". Ce film ne peut que plaire, mais à mon sens si le premier rôle est bien interprété comme doit l'être celui de toute bonne actrice, il ne méritait cependant pas le prix de la meilleure interprétation féminine à Cannes. De plus, Kieslowski a fait mieux... l'intérêt y est, l'envoûtement non .. Le thème musical est superbe...
  • LA FILLE AUX ALLUMETTES (1990)
    "La fille aux allumettes" ressemble à la reconstitution fidèle du tableau banal du drame de la solitude et du non amour. Atmosphère très années 1950, bal du samedi soir avec orchestre, et "littérature" de la même veine, trempée à l'eau de rose. Aki Kaurismaki suggère plus qu'il ne déflore, et son film lent et triste se gonfle doucement du drame humain qui parvient des lors à s'exprimer... Dans un entourage qui déshumanise, les rêves sont le dernier recours. Mais s'ils sont déposés un jour entre des mains indignes, de la brisure provoquée, il ne reste qu'un automate qui détruit pour paiement d'avoir été détruit. Une fois encore, se pose devant nous le dilemme du coupable qui n'est lui-même que victime. Que les choses humaines seraient simples et monotones si elles correspondaient à la bonne logique cartésienne !
  • DADDY NOSTALGIE (1990)
    Seule devant sa machine, Caroline tape un tendre roman, petite fille et son père, introduction à la relation complexe et inégale, parentale, filiale, noyau du film. Sous un aspect parfois rugueux, Caro est la tendresse même. Face à son père, aucune condamnation. Pourtant la réalité de l'amour fut unilatérale. Elle soutient cet homme qu'elle a tant admiré, car elle le comprend mieux que tout autre, la nostalgie qui grisaille les derniers jours d'une vie trop facile. Dans ce film, ni heurt, ni médiocrité. Sa grande beauté provient de cette douceur existant dans la relation familiale quotidienne. Un film touchant qui prouve que la profondeur de l'expression n'attend pas la banalité de prime abord considérée du sujet. PS. passage étonnamment émouvant de la scène de la jeune amie anglaise à laquelle Caro ne parvient jamais à écrire...
  • LE MARI DE LA COIFFEUSE (1990)
    Film complètement dénudé. Chapeau à son réalisateur, Patrice Leconte, d'avoir eu le culot de monter une oeuvre qui n'ambitionne rien de plus que la représentation du "bonheur parfait", idéalisé et vécu. La profondeur surgit de ce vide apparent dès les prémices, Antoine relate son histoire au passé.. Dès lors il est clair que cet amour a rejoint ce qui fut. Pourtant dans ce conte sans faille, rien n'apparaît des thèmes qui détruisent communément le bonheur : l'habitude, la jalousie, l'infidélité, les heurts caractériels. Rien de cela ici. Le quotidien dans un salon de coiffure pour un couple heureux. Ce refus même des solutions faciles dans la reconstitution d'un bonheur sans nuages, contient un aspect terrifiant... et effectivement, il ne reste finalement plus que l'amour pour se détruire lui-même. Profondeur à percevoir au-delà de la légèreté de sa forme...
  • PUMP UP THE VOLUME (1990)
    Si le message de "Pump up .." est tout à fait semblable à celui du "Cercle des poètes disparus", il a, à mon avis, beaucoup plus de force. Le film commence d'une manière facile, simple et réaliste. C'est réel et compréhensible. Ce qui me touche c'est la facon par laquelle un type qui s'éclate chaque soir sur son micro est directement frappé par le désespoir, éprouve communément dans la jeunesse, mais cette fois conduisant au suicide. Il semble que ce speaker léger sur fréquence libre reçoit soudain une douche froide, lui qui subit la vie comme tant d'autres, s'entend dire qu'elle ne vaut la peine d'être vécue. Et comme place devant un mur, il trouve les mots qui font croire à nouveau à la vie. Les tricheries de la directrice de la fac, l'idylle avec la poète-punk sont à mon sens tout à fait secondaires, ce sursaut de la vie à tout prix est, à mon sens, tout ce qui peut nous être apporté aujourd'hui quand la vie nous ampute de l'espoir. Et parce que c'est un jeune qui le découvre et parce qu'il y croit dur comme fer, ce film est bien plus crédible que "les poètes disparus" où le professeur insufflant l'individualisme, se révelait assez distant et indifférent des drames de ses élèves .....
  • MR ET MRS BRIDGE (1990)
    L'admirable est le ton particulièrement juste trouvé dans le film. Les personnages ne sont pas destinés à éveiller notre sympathie. Paul Newnan a le manque total d'humour et de légèreté du traditionnel protestant, il est ouvertement et "naturellement" raciste comme on l'était communément à l'époque. Aucun anachronisme, l'athmosphère est bien de ces années... J'aimerai enfin dire deux mots sur la personnalité de Mme Bridge qui m'a particulièrement touchée ... J'aime les personnages qui s'avouent démissionnaire de la vie. Mme Bridge a appris à servir sur tous les plans, mais elle ignore tout de la psychologie de base de la personne humaine. Face à son amie qui craque et lui avoue son désespoir, elle propose comme la panacée du mal-d'être individuel... une tasse de thé... Même réconfort face à sa fille au bord du divorce. Aucun secours moral, elle en est incapable, tout juste conseille-t-elle à cette dernière l'obéissance au nom Sacré du Couple ... Aucun remède à la tristesse des expériences individuelles vécues, seulement un réalisme total dans cette oeuvre exceptionnelle ...
  • J'AI ENGAGÉ UN TUEUR (1990)
    Quelque part dans le Londres des années 50, un homme et sa solitude, comme dans toute autre ville, comme tout autre homme ... Une fois encore, dans la ligne de "La fille aux allumettes", Ari Karismaki nous envoûte dans une histoire à la fois aussi universelle que singulière ... Petites histoires des mille formes de la détresse humaine. Une fois encore, point de trame trouble, mouvementée et à suspens. Un homme subit la vie qui n'est que mort en sursis. Ghetto du travail, des repas, de l'affectivité. Alors que la vie doit s'achever, elle prend alors goût et saveur, de fait, la situation se noie dans un ridicule frôlant le risible... Mais heureusement, la mort frappe celui qui la vendait. Un Jean-Pierre Léaud fatigué, de retour sur nos grands écrans, incarne à la perfection son personnage nihiliste. Enfin, un film lent, trop lent, et léger sur le fond. De fait, il ne reste que l'atmosphère.. qui a son charme. Un rapprochement s'impose avec le camarade Robert Bresson sur ce point ; l'importance de la photographie, les dialogues épurés et le refus d'exprimer la moindre émotion, la passion... bref, un tableau plus qu'un film .....
  • JULIA A DEUX AMANTS (1990)
    Ce film m'a très agréablement surprise, le jeu des acteurs et le scénario sont au top. On se croit plus au théâtre qu'au cinéma, vue l'absence de toute action : traditionnels tirs d'armes et dérapages automobiles. Pour ma part, je préfère de loin ce genre de film à petit budget, mais à l'intelligence du propos, aux grandes réalisations fracassantes, coûteuses et insipides. Ici les thèmes sont toujours classiques: impossibilité d'assumer l'amour dans la durée pour l'un, inconcevabilité du renoncement à la passion sentimentale dans le mariage pour l'autre, mais ces thèmes nous sont présentés d'agréable façon ... On regrette cependant que les deux "bavards" se rencontrent, et encore plus qu'ils se refugient immédiatement dans les draps... Quelle tristesse ! Autant cette amitié qui s'improvise entre le couple nous est sympathique, autant la suite donnée à leur conversation téléphonique est affligeante. Cependant, cette comédie est légère et charmante.. avec comme simple morale le nouveau départ sur de nouvelles bases des trois personnages principaux ...
  • HIDDEN AGENDA (1990)
    Comment entrer l'actualité et le politique dans le cinéma quand le quotidien nous gave de leurs images, toujours les mêmes... "Hidden Agenda" nous les montre troublantes car étrangères à toute banalité. En plus de l'émotion qui y est bien présente, le film nous révèle la grande complexité de ces situations de guerre où des unités échappent inévitablement à tout contrôle, ce qui permet des excès des deux cotés, et implique un "dialogue" ininterrompu de la violence. Le résultat est la survie de la population grâce à l'indifférence. Enfin, s'y pose l'éternel dilemme à débattre, à savoir si la lutte pour les droits civiques et la démocratie ne sont-elles qu'un vaste leurre ou de nobles causes pour lesquelles tout un chacun devrait croire jusqu'à y laisser sa vie .....
  • ATTACHE-MOI ! (1989)
    Petite réflexion non misogyne ... "Attache-moi" nous démontre une fois de plus que le cinéma est bien le monde de la falsification et de l'illusion ... Ainsi, est interprété devant nous, spectatrices ébahies, le personnage d'un individu de sexe masculin en proie à quelques réactions d'origines sentimentale et émotionelle ... Bravo. Presque crédible.
  • TAXI BLUES (1989)
    Taxi Blues met en scène deux conceptions de la vie qui n'ont ni âges ni nationalités. L'admirable jeu des acteurs, la force de certaines scènes donnent toute puissance à ce film, comme on en voit trop rarement. Musicien génial et paumé face au taximan.. ce sont deux mentalités qui s'affrontent : art, sensibilité, amorphie face "au combat quotidien pour la vie" pour l'un ; argent, domination, bêtise, pour l'autre... Les choses se retournent admirablement aux dépens de la Force Virile..au profit de ce qui n'appartient plus à la Bêtise, par trop banalisée dans notre quotidien.
  • I WANT TO GO HOME (1989)
    Chaque film de Resnais est une variation des thèmes. "I want to go home" n'a pas fait un tabac, car à mon sens, il ne l'aurait pas mérité... Entre vie et illusion, les personnages progressent avec initialement des idéaux et préjugés que la réalité s'amuse à contredire. Celle qui venait enthousiaste en France, finit par la quitter comprenant qu'une nationalité, c'est aussi des habitudes, un genre de vie ... Celui qui y posait les pieds à contre-coeur finit par s'y trouver très bien. Aucun personnage n'est bien sympathique... Mais tel n'est pas le but de Resnais, qui est plutôt la représentation réaliste de l'être humain avec défauts et qualités, versatilité et évolutions. Le "cartooniste", censé être le personnage central du film prête plutôt à la pitié, au ridicule et au pitoyable. Mais il s'agit là de sentiments très humains d'un jeu aux antipodes du classique hollywoodien destiné à séduire. Cette fois, par son aspect grognon et triste, le personnage force au réalisme et à la crédibilité... Il est regrettable que la logique du "cartoon" intervenant de manière impromptue dans le film n'ait été suivie.
  • LE CUISINIER, LE VOLEUR, SA FEMME ET SON AMANT (1989)
    Il faut avoir recouvert, et profondement enfoui tout humanisme et sensibilité sous une couche épaisse d'intellectualisme débilisant pour tenter de sauver de la faillite cette horreur sans nom qu'est ce film de Greenaway. Il y a sûrement une Grande beauté de l'excès nauséeux de la Grosse bouffe, une fascination sans pareille du spectateur face à l'originalité de la baise dans les chiottes et les arrières-cuisines de restaurants, une émotion sans équivalence de la torture des hommes et des enfants... très certainement... Et vous aurez beau, mon très cher Cinéfiches me suriner qu'un film qui dérange par la Provocation est une oeuvre qui a atteint son but... Très bien. J'entends bien que ce film ne peut laisser quiconque indifférent. Quoi qu'il en soit, provoquer le degoût ne permet pas à un film qu'on le considère comme grand. De plus, je me gargarise de n'avoir pas pu supporter ce film jusqu'à son terme. J'interromps un film généralement par ennui, cette fois ce fut par ECOEUREMENT. , bravo Greenaway et chapeau Cinéfiches pour une telle compréhension ... poussée au-delà de l'entendement... Ecoutez ma prière, Ô public : N'ALLEZ PAS VOIR CE FILM !!!
  • QUAND HARRY RENCONTRE SALLY... (1989)
    Drôle, aux multiples rebondissements, et donc très divertissant, est le premier constat, celui de la forme qui est loin d'être négligeable... de "Quand Harry rencontre Sally". Deux réflexions y sont posées : celle de l'impossibilité de l'amitié entre un homme et une femme; celle du que peut-il se passer entre ces deux-là quand ils se sont racontés réciproquement leur vie (commencé au restaurant, pour se poursuivre au lit..)et vécu ou cru avoir vécu un véritable ou feint orgasme ? Il faut une heure quarante à son réalisateur, Rob Reiner pour y répondre, et il s'en sort très bien... Enfin un film qui cherche à définir l'abstraction qui attire un homme et une femme sans tomber dans les simplifications schématiques ou la romance à l'eau de rose ! Ainsi, même si les vieux couples vous témoignent d'un amour immémorial, car né sur les bancs du collège, rien n'est moins simple que l'amour en question. A la première question, Harry et Sally répondent par l'affirmatif, justement départ leur opinion divergente sur la question. La vie a témoigné de l'existence de l'amitié ET de l'amour, mais à des époques différentes ... La deuxième question se trouve alors résolue du fait de la première. Quand il n'y a plus la finalité ultime et unique du lit dans la conversation au restaurant, on peut se permettre alors de ne plus s'efforcer à remplir le silence de platitudes mille fois déversées. De l'amitié mutée en amour est née la complicité dans le terreau de la franchise entre deux personnes qui ont pris la peine d'apprendre à se connaître, et à se comprendre. Un film très beau, drôle et actuel (bien que les robes blanches très "Amérique" puissent faire grincer des dents...).
  • PALOMBELLA ROSSA (1989)
    Peut-être n'aurait-on pas du me conter avec enthousiasme la trame de Palombella Rosa, mais ce film m'a consternée. Il est clair qu'un cinéphile amateur ne jugera pas une oeuvre de la même façon que ceux qui ne le sont pas. Je constate seulement que d'amateurs cinéphiles il semble y en avoir beaucoup : tandis que ma voisine s'endormait au milieu du film, d'autres avait la présence d'esprit de quitter la salle. Peut-être craignaient-ils de ne pas se réveiller après la fin du film. A l'actif de ce film, je noterai son actualité. Après avoir eu sa période militante, le cinéma entame celle du scepticisme. Or nous savons que, comme l'Histoire, l'écriture cinématographique est le constant reflet dénonciateur de la société dans laquelle il s'inscrit. De plus, le ridicule qui touche nombreux éléments de notre système social est le bienvenu : les militants politiques et leur puérilisme, le discours politique insipide, et -ô joie- la claque heureusement envoyée à la représentante du monde de la presse. Au passif du film, je dirai qu'à force d'avoir voulu donner des coups de pied dans tout l'édifice social qui nous entoure, Nanni Moretti en a destructuré tout le film. C'est cette incohérence qui a ainsi déconcerté. C'est dommage.
  • ROGER ET MOI (1989)
    "Roger et moi" est une invitation pour de palpitantes aventures ; et effectivement, elles le sont. Après moultes r"flexions pas trop longues quand même, ce film mérite qu'un qualificatif et un seul : il est excellent . EXCELLENT. S'il remporte un effectif succès aujourd'hui, c'est pour avoir su faire sous forme de documentaire un film mille fois plus drôle et profond qu'une fiction. Le décalage entre l'optimisme chaleureux et verbeux du "gagneur" américain ET le désarroi des nouveaux licenciés de General Motors est ici présenté d'une façon plus risible que grinçante. Il ne s'agit donc pas de misérabilisme mais bien plutôt de la présentation moderne des éternels même moyens de maintenir les "inférieurs" en soumission : donnez des fêtes à la populace, parlez lui de Dieu, permettez-lui le bonheur pour demain, les joies de la libre entreprise ou du depart vers le Sud ...... Ainsi ignore-t-elle les clubs privés et terrains de golf où la "high society" cultivee (? ) trouve la situation à Flint terrible "mais quand même pas si grave". De plus, les autorités dans leur immense mansuétude ont tenté de faire redémarrer économiquement la région : quelques centaines de millions de dollars ont été investis dans des activités d'avenir : le tourisme puis, de nouvelles prisons. Si le premier a raté son envol, le second connaît une postérité radieuse. Ironie ? Loin de là. D'ailleurs cette longue farce ne se conte pas, elle va se voir ......
  • ALWAYS (1989)
    ALWAYS, bien sûr, c'est une histoire d'amour. Mais c'est bien autre chose aussi. C'est peut-être simplement la façon d'en parler avec tendresse et humour, tout en sachant par la même toucher la profondeur des choses ; ou au moins l'approcher. ALWAYS, c'est une histoire admirablement menée entre une femme et un homme, entre l'air et le feu, entre le rire et les larmes, entre un an et toujours, entre la matière et l'esprit (le Spiritus). ALWAYS, c'est l'anti idées reçues. Je t'aime, ça n'est pas une déclaration ; fut-elle créée du haut d'un avion vrombissant. Ca n'est surtout pas l'éternité (tant pis pour ceux qui voulaient s'y reposer ...) Non plus la fin de l'amour par la mort. Tout au contraire, ALWAYS nous conte la plus belle preuve d'amour qu'il soit. Autoriser l'oubli à calmer la douleur, accepter que le temps (pauvre critère pour nous mortels) fasse son oeuvre. Et pour cela laisser un autre, occuper la place encore tiède que vous avez laissée, laquelle vous ne pouvez matériellement plus rien.... Bref, pour acquérir votre nouvelle liberté (d'ange ? ) vous avez malgré vous, à la donner.
  • ADIEU AU FAUX PARADIS (1989)
    J'ai particulièrement aimé ce film réaliste et sincère. Cette jeune femme turque rendue sauvage par la peur, peur construite sur les maltraitances d'un époux imposé et qu'elle a finalement tué. Terrifiée d'avoir osé un sursaut de survie et d'amour- propre. Il me semble surtout important que ce film soit réalisé par un homme d'une part, turc d'autre part. On pourrait croire sinon à la condamnation par l'Occident d'une société imposant la soumission totale de la femme. En fait, l'Allemagne n'est par représentée sous un jour glorieux en incarcérant une femme qui a tué, me semble-t-il en légitime défense. C'est plutôt les femmes qu'elle rencontre qui l'aident à évoluer. Incarcérée, elle fait connaissance avec des des femmes qui l'aident et la comprennent authentiquement, sans être bloquées par les préjugés, la bêtise ou la peur. C'est aussi me semble-t-il un film sur l'incarcération au sens figuré : un mariage qui n'est que souffrance, un frère qui décide de sa vie à sa place, une compatriote emprisonnée qui ne peut faire un pas hors de sa cellule à cause de la tyrannie d'une marâtre plus âgée incarcérée avec elle. Sadisme ordinaire des proches. A voir absolument.
  • QUELLE HEURE EST-IL ? (1989)
    Nouvelle variation sur l'incommunicabilité entre générations. Une simple rencontre, mais significative. Face à son fils, Marcello est un personnage frustre et maladroit. Il continue de jouer la force et ne peut se résoudre à lâcher ses certitudes matérialistes, ses ambitions multiples, construites au nom de son fils... il se refuse au discours simple d'un homme avec ses failles, il nie à son fils la possibilité d'être autre.. d'avoir simplement une sensibilité différente, d'être un adulte indépendant, et non le miroir de ses utopies... C'est en fait le gouffre qui sépare traditionnellement père et fils, qu'Ettore Scola nous met ici en scène. Marcello vit sa vie, mais tente de manière brusque et précipitée de tisser un lien que seul le temps et une intime compréhension peut engendrer.. Son fils, Michele, a trouvé son équilibre hors du miroir qui lui réfletait l'image de son père comme seul modèle. Il a les goûts simples, et une grande tendresse envers son père. Paradoxalement, c'est lui qui semble détenir la sagesse.. la compréhension pour l'instabilité et les caprices paternels. Finalement, lorsque deux adultes se sont affirmés, hors du schéma traditionnel père-fils... mais cette fois quand il est claire que le second n'est en aucun cas la continuation du premier, mais bien une entité propre... tout peut se bloquer...alors il est toujours temps de se demander "quelle heure est-il" lorsqu'il demeure entre les deux une vielle montre et la dernière volonté de se rejoindre au-delà des résistances. Un film tendre et beau.
  • LE SEPTIEME CONTINENT (1988)
    Je constate que "Cinéfiches" a mis 18/20 à ce film qui m'a effectivement particulièrement touchée... et pourtant ce qu'il représente est profondément atroce. Le premier sentiment est que ce film vous glace jusqu'aux os. C'est l'apogée de l'horreur dans la représentation du banal, c'est un hurlement de douleur qui dure tout le film dans le silence et les non-dits. Ce film c'est ce que je ressens par rapport a un conformisme étouffant, un ordre de bienséance dans lequel l'individu agonise, seconde après seconde, durant toute sa vie, sans le comprendre et n'en ayant qu'à peine conscience, il sait au plus profond de lui-même qu'il est mal, c'est tout. Une histoire banale : un couple et leur enfant. Le frère de la femme qui ne supporte pas le décès de la mère. Il se met à pleurer au milieu du repas. Mais on fait comme si rien ne se passait. L'expression de la douleur dans ces familles qui excluent les émotions est presque obscène, indécente. Arrête de pleurer, et ne parle surtout pas de ce qui ne va pas. Tout va très bien : on a un bon métier, une belle maison, et c'est tout. Rien à dire. Tout va bien. Tout va si bien quand on engloutit toute souffrance dans le silence... La façon de filmer est glaçante : la main de la mère qui pousse la porte de la chambre de sa fille le matin, des gestes, froids, une répétition jour après jour rejouée. On joue le rôle de l'adulte, le rôle de l'enfant, on joue sans arrêt ce qu'on nous a appris qu'il faut être sans plus savoir depuis longtemps, l'a-t-on jamais su ? où on est soi-même, englouti derrière ce qu'on pense qu'il faut être, jouer la vie parce qu'on n'a jamais su se laisser aller à l'improviser, à la vivre comme on la sentait... La main sur la porte comme si un crime se perpétrait chaque matin, se tuer soi-même et tuer ce qu'on aime en pensant que c'est le mieux qu'on leur donne, détruire en pensant aimer, banal, atrocement banal... Des personnages filmés en morceaux parce qu'il ne reste des individus que des gestes, des gestes qui sans cesse répétés et qui remplissent ce qui reste de la vie. La petite fille qui somatise, mais ça n'a pas d'importance, les enfants qui font des crises nerveuses, ont des saignements de nez, c'est pourtant un signe de mal d'être, mais encore faut-il y être attentif ..... Le suicide final collectif est logique: après s'être détruits insidieusement, on va jusqu'au bout de l'absurdité de la vie. C'est vrai que, quand on est à l'intérieur de ces familles, qu'on y a grandi, il est difficile de savoir comment s'en sortir, de croire qu'on peut vraiment vivre autrement, en faisant fi du conformisme oppressant. Difficile, mais possible...
  • THELONIOUS MONK (1988)
    Reportage des plus intéressants sur le créateur du "bip-bop". Je m'interroge sur la véracité de la représentation de la personnalité de Thelonious Monk dans ce film. En effet, il y semble complètement déconnecté de la réalité, sautillant, marmonnant des paroles incompréhensibles, faisant les cent pas inlassablement, des jours durant, ne reconnaissant plus parfois son propre fils. Presque une folie, résultat apparent d'un génie véritable et reconnu. Personnage excentrique mais sympathique, aux chapeaux multiples. Recommandé aux novices comme aux connaisseurs de la grande musique de jazz...
  • LE SUD (1988)
    "Le sud" de Solanas, c'est avant tout un rare coup de coeur. "Le sud" est un regard éberlué au sortir d'une trop longue nuit. La fin de la dictature argentine et la fermeture des geôles pour ceux qui se permettaient de "penser". Ce film n'est pas celui de l'oubli, mais bien plutôt un hommage à ceux qui ne sont plus et qui surgissent au milieu d'une trop longue nuit. Nuit dont se compose le film. Les souvenirs renaissent au long d'une errance qui est une reconnaissance. Reconnaissance d'un pays et d'un proche qui vous ont trahi mais auxquels on pardonne au nom de la vie. C'était en 1988, film fabuleux qui m'a fait croire au Cinéma (pas le petit, le Grand) ..... Mais pour séduire, il faut charmer, et "Le Sud" y parvient admirablement. Ses images sont un parfum, une atmosphère qui efface les réalités de l'écran du jeu et du temps. C'est l'Argentine qui "nostalgie" devant vous : les rues voilées de brume où l'on déambule sans but, les musiciens, l'accordéon, et les derniers attablés d'un café qui s'ensommeille. Bref, film duquel on ne sort pas indifférent. Les acteurs sont attachants, la trame bien menée... A voir à la première occasion.
  • JÉSUS DE MONTREAL (1988)
    Il n'est pas particulièrement original de décider le tournage d'une enième version de la vie de Jésus-Christ. Mais la transposition de Denys Arcand d'un martyre sur un autre à l'intérêt de l'adaptation au monde moderne. Elle en gagne en véracité et en force. Institutionaliser une conviction, réglementer une foi, historiciser en un copus sacré la simple lutte d'une vie, réglementer un magma de préceptes impératifs, c'est gagner en construction architecturale (dite "Eglise") ce qu'on perd en chaleur. L'intérêt de Jésus de Montreal fut de lever hardiment le lourd voile de deux mille ans de fabulation. En rejouant la Passion, la petite troupe théâtrale replace l'histoire d'une vie ( trop rabâchée ) dans le vaste canevas de l'Histoire. Dire que la crucifixion était un progrès par rapport aux pratiques antérieures de l'empalement, que selon les procès verbaux municipaux, Jesus était l'enfant naturel d'un soldat romain, c'est avancer très, très loin dans la dénonciation des tabous. Ce film avait bien plus pour choquer que ce qui fit scandale dans certaines autres oeuvres cinématographiques qui servirent d'étendard à la lutte de fondamentalistes utopiques (forcément utopiques...). Jésus de Montreal ne fit aucune vague, ce qui est stupéfiant car il montre lui aussi qu'un homme est homme, avec ses travers aussi... Peut-être ce film avait-il une qualité cinématographique autrement plus élevée, et de plus le message était transmis plus ou moins indirectement car réintégré habilement dans une fiction actuelle. Mais un langage plus détourné gagne souvent en force...
  • CINÉMA PARADISO (1988)
    Souvenirs nostalgiques d'un cinéaste qui revit les années qui virent croître sa passion pour le cinéma. La cause en est le décès de son initiateur, Alfredo, alias Philippe Noiret, tendre et paternel. Ces années du cinéma artisanal furent celles d'une autre époque, d'un autre public, populaire, enthousiaste, émerveillé et expressif devant la magie du grand écran. Ce cinéma du rêve était aussi celui du bricolage et du danger... pour les films (inflammables) au moins autant que pour le projectionniste... Alfredo en perdit la vue, ce qui fut, paradoxalement la chance du jeune Otto, seul initié aux mystères cinématographiques. Otto adulte est le prétexte de la mémoire nécessaire pour représenter un cinema qui n'est plus... les flash-back sont un long regret du merveilleux des premiers temps... En " s'institutionnalisant " le cinéma a perdu sa mystique... Un film beau et tendre...
  • BREVE HISTOIRE D'AMOUR (1988)
    S'il est deux concepts donnés à l'homme pour qu'il s'interroge sa vie durant, se sont ceux de l'existence ou de la non-existence en tant que valeurs abstraites et absolues de l'Amour et de Dieu. Certains réduiront ces existences en une seule ... Dans "Brève Histoire d'amour", Kieslowski utilise le sixième Commandement, "Tu ne seras pas luxurieux", comme simple prétexte. La question n'est pas la condamnation de la luxure, mais celle de sa cause. C'est pour cela que je regrette que le titre du film lors de sa présentation au Festival de Strasbourg, "Tu aimeras ton prochain" ne fut pas gardé. Ces commandements n'ont pas d'époque et le grand mérite de Krzysztof Kieslowski est d'en avoir montré leur pérénnité. L'aspect anti-conformiste, aux antipodes de la morale traditionnelle pourrait nous abuser. Mais il ne doit rien en être, dans le "Décalogue", version courte de "Brève Histoire d'Amour", les deux définitions de l'Amour s'affrontent. Suite à cette confrontation, la question demeure. L'Amour n'est-il que le fruit de fantasmes de tout néophyte en amour ? Ou est-ce un idéal auquel on ne peut jamais vraiment renoncer par-delè ses convictions et mode de vie ?
  • SEXE MENSONGES ET VIDÉO (1988)
    "Sexe, mensonges et vidéo" est à mon avis un film qui pose à sa manière un problème de taille, mettant le doigt sur certains déséquilibres profonds de nos sociétés qui se prétendent abusivement développées, quand elles oublient que l'acquis du coté de la technique ne s'est pas effectué loin de là, parallèlement aux acquis du coté humain. C'est pourquoi, je suis franchement mal à l'aise à l'écoute d'opinions négatives sur le méchant John qui trompe sa femme, sur le pervers Graham qui prend son pied, assistant aux confessions féminines intimes... J'ai l'impression d'entendre parler de la couleur de la chasuble du curé après la prêche ! D'autre part, on reproche à ce film son cote fabriqué, sa plastique à la "Dallas". Il ne s'agit là que de détail de forme. Si les acteurs, leur jeu et les décors paraissent faux, lisses, propres, c'est tout bonnement parce qu'ils ont pour objet la représentation d'une société artificielle, aseptisée. Dans le fond un problème crucial est posé, celui de la communication, celui de l'entente véritable entre deux êtres, qui ne dépendent pas, loin s'en faut, du magma des conventions sociales ..... Le modernisme estime s'être élevé au-delà de l'obscurantisme d'antan qualifié de "moyennageux" ...... Mais, ni le métal, ni l'électronique n'aideront un couple à communiquer. Oui le cadre a changé. Mais que l'on vive dans une superbe villa ou face à son magnétoscope, demeure toujours l'atroce isolement, ce blocage verrouillé dont personne ne se donne la peine de chercher le passé. Parce que pour cela, il faut le vouloir, il faut du temps... notions toujours plus introuvables de nos jours. On n'aime pas "Mieux" parce que une société est plus évoluée. Les blocages d'ordre sexuel ne sont que la surface émergé de l'iceberg des drames individuels. La banalisation du sexe nous fait oublier que de son épanouissement dépend un autre bien-être qui est bien plus indéfinissable car d'ordre psychique... Je pense que Steven Soderbergh pose un problème démesuré des relations interpersonnelles voire le "Problème" en adoptant le meilleur langage de nos sociétés modernes pour l'exprimer, la fable cinématographique, qui, comme pour celles de La Fontaine, importe moins par ses acteurs, que pour la morale qui la conclut.
  • LE TEMPS DES GITANS (1988)
    Stupéfaite de lire combien ce film a plu. Effectivement " Le temps des gitans " ne peut laisser indifférent. Mais face à cet enthousiasme unanime, me revoilà à nouveau perplexe, à savoir, les autres ( en l'espèce les critiques qui m'ont précédée) sont-ils tous, totalement, structurellement, irrémédiablement désensibilisés, ou est-ce moi qui ne suis pas tout à fait normale ? La réussite, ce film la puise dans la force... comment ne pas sortir complètement bouleversé après avoir vu cet "enchaînement" intolérable de la mise en esclavage des enfants, à coups de violences, humiliations, viols... La liste serait longue... Effectivement on a rarement retracé à l'écran un tel drame d'une façon aussi crue. J'aurais pourtant été heureuse de lire quelques réactions plus " tripales ". A moins que la passivité à laquelle nous impose l'écran nous ait complètement déshumanisés au point de se contenter du mot "superbe" après avoir vu un tel film !!!!!
    Réponse à inconnu(e)
    (JC tu es prié de valider ma réponse à ce meuble deshumanisé qui signe WT., à moins qu'il ne s'agisse du nouveau pseudo. de ... Achille... Même dans ce cas intègre ma réflexion... ou sinon...) Réponse à WT : La frontière précisement tracée entre fiction et réalité est grincante, idéaliste et utopique... Déjà Eisenstein prônait l'expression cinématographique d'un exemple clé, sensibilisant le spectateur, en vu de l'amener vers la thèse de son auteur. Emir Kusturica l'a bien compris, qui a choisi le choc des images pour amener à la dénonciation d'un drame social. Son oeuvre n'est pas de la science-fiction. Son inspiration est la réalité. La force mise dans son expression sous-tend que, mise à part la recherche de l'esthétisme gratuit dans la représentation d'une fiction crue et violente, Kusturica cherchait bel et bien, en touchant la spectateur, à exprimer un message, à dénoncer un sujet tabou dans nos sociétés... l'exploitation et la violence exercée sur des enfants... Il ne me semble pas qu'il s'agisse là ni de sensiblerie, de romanesque ou de pure forme... Il n'ait pas de confusion entre fiction et réalité, mais bien de fusion, de symbiose, le langage cinématographique servant d'expression imagée pour la réalité, la thèse théorique... dans le cas précis où je m'exprime. Ainsi, je DENIE à quiconque que, sous couvert d'une représentation jouée de la réalité, l'on puisse demeurer étranger ou purement amateur d'esthétisme sous toutes ses formes à la vue d'images insoutenables...
    inconnu(e)
    Milan, vous confondez réalité et romanesque, documentaire et fiction, forme et fond. Les enfants maltraités et autres choses à fendre le cœur, d'accord, mais n'oubliez pas que ce n'est qu'un film... de fiction. Même s'il reflète une certaine réalité, il s'agit avant tout d'un scénario et d'une mise en scène, donc d'une forme, et non d'un documentaire à la cinéma-vérité. Plus gênant dans votre intervention : pourquoi donc cette agressivité, ce ressentiment, à l'égard de ceux qui tout en partageant votre enthousiasme pour ce film fort (vous l'avez oublié) n'usent pas des mêmes arguments ? (wt.)
  • LE DECALOGUE 1 (1988)
    Le premier des dix commandements fut certainement le plus difficile à illustrer car il reprend la démonstration éternelle et existentielle de l'Homme : celle s'évertuant à prouver l'existence de Dieu. Le génie de Kieslowski, est de n'avoir sur un tel débat apporte aucune réponse. Kieslowski s'évertue le long de ses Oeuvres (la majuscule est à dessein) à poser habilement les bornes d'une réflexion poussée, sans préjuger de sa solution. On peut même constater un goût prononcé de ce réalisateur à lancer des indices épars dont il ignore lui même leur symbolisme et raison d'être. Dans le cas présent du film (dont la brièveté n'entache en rien la qualité exceptionnelle de la réalisation, comme les neuf autres de la série) " Un seul Dieu, tu adoreras ", Kieslowski met en présence les deux explications de l'Univers : Science et rationalisme d'un coté, foi en un Dieu créateur de l'autre. Si Dieu ne descend pas sur Terre convertir les athées, la vie démontre que tout n'est pas rationnel : la glace que l'hiver aurait rendue "imbrisable" selon le plus simple des calculs, cède pourtant sous le poids plume d'un enfant. Sans conclure aux forces supra-terrestres ni en l'existence de Dieu, Krzysztof Kieslowski pose le crucial problème de l'homme face aux réalites intangibles. "Tu n'adoreras qu'un seul Dieu" est un film tendre et profond comme seule le main d'un certain réalisateur polonais sait le faire encore. Allier simplicité et beauté est une chose exceptionnelle dans le cinéma d'aujourd'hui, sans tomber dans l'image-décor ou la médiocrité banale.
  • LE DECALOGUE 4 (1988)
    Le Décalogue fut un moyen pour Kieslowski de démonter les grandes idées reçues et inculquées de la morale traditionnelle. Dans "Tu honoreras ton père et ta mère" l'auteur a tenté de démonter les vrais motifs de l'amour et du respect parent-enfant. Ils ne sont pas parce qu'ils doivent être. Parce qu'il est Bien d'honorer ceux qui vous ont donné la vie. Kieslowski note que la relation filiale est en fait tissée de motifs plus ou moins clairs, enfouis et inavouables. Pour ma part, la relation incestueuse, admirablement exposée, m'a moins frappée que ce que d'autres pourraient juger secondaire. J'ai toujours été marquée par le déterminisme tenant de la fatalité dont font preuve tant de gens, comme s'il appartenait à d'autres de décider de nous. Cette lettre, dernier secret de la mère trop tôt décédée, pourrait décider d'un Amour qui est là, bien vivant en le condamnant implicitement comme le condamnent la morale et le "qu'en dira-t-on". Tous, dans la salle, attendons l'ouverture de cette lettre, comme suspens final à un amour qui n'ose s'avouer. La fille, élève comédienne (refus du jeu hors de la scène ? ) agit admirablement en refusant que l'hypocrisie ne continue. Elle sait sur quel mensonge vit son père qui a sacrifié son bonheur possible par un remariage pour vivre une vie de couple, auprès de sa fille, tout en tolérant ses liaisons et en encourageant son épanouissement, même s'il dut se trouver ailleurs. Ce refus de savoir est superbe. Il surprend et enthousiasme. Nous sommes les seuls maîtres de notre bonheur. L'incertitude demeure, mais au fond elle n'importe pas ......
  • LE DECALOGUE 5 (1988)
    On n'a pas fini de parler de problèmes cruciaux comme le sont les problèmes de société, ici, la délinquance et son corrolaire, la peine de mort. Le défi de Kieslowski est de reprendre ces débats, banalisés et il parvient en cinquante-cinq minutes à y faire passer la puissance de sa conviction par la force et la beauté de son message. Que l'on ne s'attende pas à un plaidoyer moralisateur et idéaliste de la question; il eut été trop aisé pour parler, de se cantonner à un angle restreint et suicidaire. Responsabiliser la société de la délinquance qu'elle génère eut été trop simple. Kieslowski porte sur ce drame une double réflexion : La rupture qui, chez chaque être a provoqué la chute. Généralement, c'est la perte d'un être, source de tout désespoir, mais qui s'ajoute, en surplus intolérable à une révolte bien plus profonde. Ce peut être simplement le Refus. Refus d'assumer ce que la vie en société impose, refus d'accepter l'ordre des choses. Refus de se plier tout simplement. Devons-nous inconditionnellement admirer celui qui se plie parce qu'il respecte l'ordre ? Vue l'utopie d'une telle révolte, qui est alors à admirer ? Puis Kieslowski met en place bourreaux et condamné. La machine pénale, qui condamne au dernier soupir parce que c'est écrit, parce que la sécurité du groupe prime sur la vie des individus. Cette machine qui charge des étrangers à la victime, des professionnels du meurtre organisé et légal : employés, hommes de loi et d'église. Elle les implique tous. Mais le groupe est anonyme. Si tous sont coupables, aucun ne l'est. Parfois on se révolte.. pour ne pas se plier, comme ce jeune avocat qui avait pourtant plaidé contre... C'était sa première plaidoirie... sensiblerie, erreur de jeunesse ?
  • LE DECALOGUE 9 (1988)
    Qu'il prenne pour thèmes l'avortement, l'irrationnel ou l'inceste, Krzysztof Kieslowsi refuse les lieux communs et met en chantier les fondations d'une réflexion sur les sujets traditionnellement classés dans le tiroir "Tabous". Avec le "Décalogue 9", est posé celui de l'impuissance sexuelle faisant irruption dans la vie d'un réputé cardiologue ..... Il en découle un drame psychologique chez cet homme qui apprend cumulativement son infortune conjugale... des lors s'enclenche le processus classique de continuité ininterrompue entre la diminution physique et la dégradation du respect de soi. Ce progressif mépris pour un être que l'on repousse car atteint d'un mal juge inacceptable est instinctivement transposé dans le regard que les autres posent sur soi. Romek ne peut accepter l'amour platonique de sa femme qui affirme pourtant l'aimer malgré ce changement. Il sait ses écarts, mais ne les lui reproche pas. Automatiquement, il en reporte la cause sur sa nouvelle infirmité. Une volonte morbide et auto-destructive l'amène à adopter la position du voyeurisme; de celui qui regarde à défaut de pouvoir encore donner... L'impuissance qui s'impose abruptement bouleverse non seulement le proche et l'avenir plus lointain, mais également la façon de se considérer soi-même. Lorsque soudain, le langage du corps perd ses mots, celui des sentiments peut-il suffisamment s'enrichir pour combler un tel vide ? La tendresse peut-elle devenir une syntaxe complète quand les mots lui manquent ? Mais pour Romek, le nouveau lexique paraîssait bien trop incomplet pour apprendre à vivre autrement. Il a choisi une troisième solution. Celle d'éteindre la parole...
  • LE DECALOGUE 10 (1988)
    En plus de son originalité habituelle inhérente à chacune de son oeuvre, Kieslowski nous expose dans "Tu ne convoiteras pas le bien d'autrui", le coté certainement le plus désolant de l'homme. Sa cupidité, qui, pour un bien que d'autres lui donnent lui fait perdre tout ce qui fait de lui l'humain. Pour la valeur toute fictive d'un timbre, ou de tout autre chose, or, bijou ..., il en perd toute raison. Si un "traître" s'en empare, le premier soupçonné est son propre frère. Cette fois Kieslowski ne demeure pas impartial. Il condamne la bêtise de l'homme qui au bonheur concret et quotidien, lui préfère le fantasme. Plaisirs imaginaires que l'argent pourraient permettre. L'homme qui au songe, sacrifiera amour, santé et famille. Convoiter les biens d'autrui, c'est d'abord s'interroger sur le pourquoi de la convoitise. Kieslowski l'a admirablement representé... L'homme est bien fragile... Qu'est une certitude et un bonheur face au désir de possession ?.
  • L'OBSERVATEUR (1988)
    Un homme, jeune, passe ses vacances dans une île d'Estonie afin d'observer les oiseaux et jure à la face des hélicoptères, cages des garde-frontières, qui viennent de leur vol perturber la quiétude du monde animal. Une femme, qui pourrait être sa mère, y vit dans une solitude presque totale, aux limites de la légalité. Entre les deux "belligérants", une attirance brutale, des heurts violents. Ultra-lucide d'un soir, Sasha est envahie d'effroi. Le monde de la mort étendu autour d'elle, provoquée ou involontaire atteindra des limites inimaginées. Le murmure de cette nuit magique : "tu es vivant" porte quelque-chose de glace ... Un film très beau, qui sort enfin de la banalité de nos critères cinématographiques occidentaux. S'extirper de tout préjugé et aller le voir impérativement. Deux conceptions du monde s'y affrontent et ce sont en même temps deux conceptions de la nature, des relations humaines et de l'amour, du respect ou non de la vie .....
  • LES YEUX NOIRS (1987)
    "Les yeux noirs", est une oeuvre comme on en fait qu'exceptionnellement. Elle se raconte comme une longue farce, celle de la vie où la frivolité et l'exubérance se trouvent entrecoupées de moments profonds, mais vite emportés par le tourbillon de la ronde qui tourne sans répit. Mastroianni y est remarquable. Il eut l'intelligence d'épouser une femme riche, la lâcheté de laisser s'en aller son seul amour, une frêle Russe avec un petit chien. Bien après la rencontre dans une ville d'eau, il part la retrouver en Russie en tant que négociant. Mais rien n'est plus commme avant, le bonheur est là, mais il le laisse passer. Dans ce film une scène bouleversante. Une scène dans laquelle le temps s'arrête, où le souffle demeure suspendu comme si la vie entière d'un être se résumait à quelques instants. Et un sentiment prémonitoire avertit que tout, tout s'arrête ici ; le reste de la vie sera la répétition sans cesse imaginée de ce moment, l'avenir, une longue attente pour une utopie que l'on appelle amour. Il s'agit de cette scène où, pudiquement Nikita Mikhalkov filme la chambre qui va accueillir l'instant d'infini des deux amants. Mastroianni se lève, la jeune femme se tourne vers le mur. Et dans ce tourbillon d'images et de couleur que sont "Les yeux noirs", le temps s'arrête ... Doucement, elle commence à tracer sur le mur des traits humides qui sont à peine, une écriture, une douce plainte, le dessin de ses larmes ... Ceci paraîtra à certains pur détail. C'est pourtant une image qui demeure en moi, profondément ancrée, comme la fugacité du bonheur dans l'étendue désespérante de la vie.
  • LES AILES DU DESIR (1987)
    Les "ailes du désir" accueille le spectateur avec perplexité, il ne le relâche que flottant sur un nuage. L'impuissance des anges face à la détresse humaine n'est pas pas seulement due à leur constitution immatérielle. Elle représente l'impuissance de l'homme en général, quand il peut entrevoir la détresse d'une autre solitude. Cependant, et c'est là que Wim Wenders fait de son film un hymne à la vie, en se faisant homme, un ange abandonne l'ennuyeuse éternité pour partager les plaisirs colorés de la vie auprès d'une trapéziste. Wenders ne présente aucun idéalisme de la vie terrestre, la vie y est morne et grise, seuls les enfants qui sont des anges (?) perçoivent l'existence de leurs proches. L'incommunicabilité entre les hommes ne révèle que leur profonde solitude. C'est pourquoi, en l'espèce si le courant passe, c'est parce qu'il est de nature non humaine. Un film superbe mais qui n'est pas aussi optimiste que certains laisseraient à l'entendre. Si l'hypothèse de l'amour est adoptée, si une compréhension totale est envisageable c'est uniquement parce qu'elles se situent dans un cadre qui nous dépasse. "Les ailes du désir" est un superbe songe..." Les ailes du désir " est une œuvre extraordinaire, superbe, époustouflante; on en ressort irréel, flottant sur un nuage.. celui de la magie. La poésie a trouvé sa véritable expression contemporaine. Wim Wenders file délicatement devant nous le fil d'Ariane qui relie deux mondes, l'irréel et le réel, les ailes et le désir, et ce fil qui relie contre toute attente l'impossible au possible est un amour grandiose et silencieux, sensitif et pressenti. Un film admirable... les mots me manquent... comment parler et qualifier une beauté qui s'exprime au-delà de notre langage ; il ne s'agit dès lors que de lointaines approximations.
  • LA VIE EST UN LONG FLEUVE TRANQUILLE (1987)
    "La vie est un long fleuve tranquille" est une satire trop bien menée pour être entendue et appréciée à sa juste valeur par un quelconque public... Cette œuvre est typique d'une époque et d'une société. Etant moi-même issue d'un milieu catholique du Nord, J'AFFIRME que de caricature, il n'en est rien.. Je ne pense pas qu'un public n'ayant pas vécu cette société de l'intérieur puisse comprendre cet humour froid et décapant. Isolées de leur contexte et reproduites à l'écran les scènes de la vie quotidienne auxquelles nous n'apportons pas plus d'intérêt que celui accordé à l'habitude et au banal prennent une ampleur et un degré d'humour sarcastique des plus savoureux. Un film donc qui ne peut enthousiasmer qu'une élite du public. On adore ou on déteste.. Mais on ne demeure pas indifférent....Le vrai but de tout film est dès lors atteint.
  • SAMMY ET ROSIE S'ENVOIENT EN L'AIR (1987)
    Bien sûr le film est de mode, liberté sexuelle, cosmopolitisme et métissage, féminisme et révolte contre l'Ordre ... Bien sûr... Pourtant mon sentiment après avoir vu ce film est celui de l'impossibilité de l'Amour. Sammy regarde, nostalgique, le corps de son épouse s'essouffler dans d'autres bras et aimerait pouvoir l'approcher encore, parfois. Mais celle-ci lui rappelle que la monotonie, le dégoût ont pris la place de toute attirance sexuelle, elle "le materne trop", et ils mènent leur vie comme deux super copains en ne se demandant pas si quelque part là-dedans ne réside pas l'Amour. Ils leur faut bientôt faire le constat d'une séparation inévitable, évidente. Et puis il y a ce père, en fuite du Pakistan, que l'on ménage parce qu'il va leur léguer sa fortune, mais bientôt Rosie grimace quand elle apprend qu'elle loge chez elle un tortionnaire .... Ce dernier tente également d'expier son passé en tentant de ressusciter un amour d'antan. Mais la belle Anglaise, si elle lui ouvre son lit, lui garde fermé son coeur ... elle a trop attendu ... Lui, est cynique et faux, Elle, n'y croit plus ... eux aussi se sont croisés sans se trouver sur le perron de l'Amour.... C'est le remords qui rattrape finalement le père, Rafi sous le visage crucifié d'une ancienne victime ...... Un film fort et triste ...
  • L'INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ DE L'ÊTRE (1987)
    "L'insoutenable légèreté de l'être" est tout d'abord une oeuvre littéraire que chacun doit avoir lue avant le dernier soupir. On ne peut soupirer dernièrement sans avoir compris la légèreté de la vie.. L'adaptation cinématographique s'est prise quelques libertés par rapport à sa source. On peut même dire qu'elle en est toute autre. Mais l'art du cinéma est bien souvent de poser des jalons en laissant au spectateur toute liberté d'interprétation. Nombres de réactions individuelles demeurent donc dans l'ambigu. Il n'en demeure pas moins que l'on ne voit ce film qu'avec une certaine fascination, le magnétisme du jeu des acteurs y est assurément pour quelque chose. Ce qui me marqua le plus dans ce film fut l'importance donné au regard. Sans être exceptionnel, ce film lent sait séduire mais rend perplexe sur la légèreté réelle ou jouée de la vie...
  • CINGLEE (1987)
    Accusée d'homicide avec préméditation, Claudia Draper se retrouve en maison d'arrêt pour femmes. Tout au long du film, il s'agira pour Claudia et son avocat de prouver en un procès préalable si elle est responsable de ses actes, "consciente du chef d'accusation". Si elle est irresponsable, l'honneur de la famille sera sauf. Mais parmi les protagonistes présents au procès, n'est pas responsable celui qui est suppose l'être communément... Claudia est prostituée, mais s'assume dans une vie qui ne connaît que l'ordre pour les individus "rangés" comme un masque placé devant un chaos insondable. La preuve à apporter sera d'autant plus délicate et difficile à fournir que les médecins légistes l'ont déclarée malade. La partie s'avère particulièrement difficile vu le caractère ferme et agressif de Claudia. Celle-ci tente de se défendre seule lors des plaidoieries, refuse les références faciles à son enfance perturbée ..... La tension atteint son paroxysme lorsque les parents passent à la barre et que Claudia lance que l'affirmation verbale de l'amour est rhétorique, sans rapport avec sa réalité. A propos des "psy", elle dit que ceux qui soignent sont en fait les malades... et finalement que la loi ne se réfère qu'aux faits, dans l'ignorance voulue des traumatismes personnels de l'accusée, bref que la Justice n'opère qu'au profit des vrais bourreaux, en l'occurence, ici, parents coupables de leur influence au nom de l'amour, oppresseurs déclarés ou implicites, coupables de silence. A voir.
  • PRICK UP (1987)
    Avec Prick up your ears, Stephen Frears secoue très brutalement et à grands coups de pieds, s'acharnant sans façon sur l'édifice bien huilé de la morale traditionnelle britannique. Il ne s'agit que cynisme envers les valeurs traditionnelles de la bonne société : respect des parents et envers les morts.. envers les autres. Mais Prick up est aussi autre chose. Paradoxalement, il traite avec humour et légèreté ...le désespoir. Quelque forme qu'est pris l'Amour, il apporte toujours avec lui la déchirure. Mais l'Amour est ici de nature ambivalente entre John et Kenneth. Bien sûr, comme souvent, l'un apporte ce que l'autre consomme. Mais celui qui donne est bien souvent dans la situation la plus désespérée. Tandis que Kenneth s'occupe de l'éducation sexuelle et culturelle de John, celui-ci innove dans le premier domaine avant de bénéficier des premiers succès littéraires. Ainsi pleinement épanoui, il donne son congés à Kenneth, passe avec les années de la nervosité à la névrose. Chacun s'était fait l'un par l'autre. Kenneth a non seulement perdu ses ambitions littéraires, irrémédiablement frustrées par Joe, mais aussi son rôle d'éducateur et de soutien... la rupture est trop brutale, la séparation inacceptable...
  • WALL STREET (1987)
    Dans ses années où la finance impose avec force sa loi dictatoriale, où l'argent n'est plus qu'une abstraction chiffrée, le nouveau Dieu pour lequel l'imploration des fidèles empruntent les canaux de communications les plus sophistiqués, un film en l'honneur des jeunes adeptes, dit " Golden Boys ", s'imposait. "Wall Street" met face à face deux mondes, l'un considéré comme anachronique : la bonne vieille industrie, l'autre qui en joue à son gré, selon les espérances de rentabilité et les aléas de la Bourse : le problème prend quelque intérêt par le choix de leur deux représentants : le jeune arriviste de la finance, décidé à se faire un nom, son père qui risque de se trouver au chômage, après la vente de son entreprise... derrière l'entité financière, un homme, symbole de la main d'oeuvre avec laquelle joue une jeunesse sans scrupule, modelant selon d'égoïstes intérêts, la structure économique d'un état. "Wall Street", après avoir montré la putridité du milieu, opte pour la bonne morale qui finit toujours par punir les méchants... ce qui ne suffit pas à la salvation.. De plus, l'utilisation de la technicité argotique rend le scénario complètement abstrait aux non initiés !
  • BABY BOOM (1987)
    Expression d'une éphémère mode du bébé tombé du ciel sur nos grands écrans, lancée en 1985 par Coline Serreau avec "Trois hommes et un couffin"... A chaque fois, quelques conditions de base : les bébés font irruption chez les représentants d'une classe qui exclut leur "éventuelle probabilité" d'existence... puis l'attachement nait, inattendu, et bouleverse l'ordre préétabli... J. C. Wiatt est l'un des nombreux éléments de la jeunesse arriviste américaine, qui ne vit que pour la productivité et le renom de la boîte qui les emploie. Complètement désemparée devant un bébé..(elle le considère vraiment comme une "chose" inabordable, et jamais approchée... ), elle ne peut cependant se résoudre à l'abandonner. Ce geste est celui d'un livre que l'on ferme, car il lui faut dès lors changer radicalement son mode de vie ... Elle perd emploi et petit ami .... et décide de s'exiler chez notre mère à tous, la nature.. Cette histoire doit avoir une résonnance toute autre chez les Américains du Nord, où le choix d'un enfant pour une femme l'expose aux plus totales incertitudes, financières et professionnelles... aucune protection légale ni subvention n'étant assurée par l'Etat... Cependant, Charles Shyer conclut sa comédie avec idéalisme. Pour lui on peut concilier, bébé, business et indépendance (professionnelle ... non sentimentale). Un film qui n'exclut donc pas certains excès, notamment dans l'optimisme .... mais qui peut distraire...
  • HELSINKI-NAPOLI (1987)
    Dans un Berlin triste et nocturne, les frères Kaurismaki posent leurs acteurs pour une enième adaptation de l'adage, "L'argent ne fait pas le bonheur". Entre Finlande et Italie, un couple comme tant d'autres qu'à dégrisé le quotidien. ils se connurent sur leur lieu de travail, entre le chauffeur de taxi et la standardiste, une histoire bien banale qui tourne en véritable polar. Si le film ne "s'originalise" pas par le fond, la forme vaut le déplacement. Si l'intrigue est tordue, le ton hésite entre humour et profondeur. Ainsi est-il peu banal de "désencimenter" deux passeurs pour les échanger contre deuxjumeaux, servant d'otages quand ils ne dorment pas paisiblement sur la table d'un billard. Bref un film très drole, à défaut de grande originalité. A VOIR.
  • LE GRAND CHEMIN (1986)
    Il est regrettable de ne rencontrer que trop rarement sur grand écran une historiette au cadre rustique et aux acteurs principaux n'étant autres que des enfants, ayant un tel parfum de tendresse et de simplicité. Le couple Anémone-Bohringer sont progressivement placés devant la crise qui les divise depuis le décès de leur enfant en réapprenant la parole et la tendresse, avec l'inattendu petit Louis. Mais le couple central est celui des deux jeunes amis, Louis et Martine, espiègle et drôle campagnarde, qui mène le film avec vie et naïveté. Un très agréable moment...
  • LE LIEU DU CRIME (1986)
    "Le lieu du crime" est une superbe libération entre les barreaux que vous imposent la société et ceux qui vous enferment à votre insu. Lili et Martin se rencontrent alors qu'ils sont tous les deux dans une situation de prise de conscience, sans savoir comment l'amener à bout. Lili est dans sa prison classique de la famille traditionnelle, avec mari "établi", éducation religieuse... et qui reporte fidèlement l'incommunicabilité dont elle souffre dans ses relations avec son fils. Elle sent l'étouffoir : treize ans de vie commune n'ont jamais vu naître l'amour promis par sa génitrice, son fils devient insaisissable, la rejète tout en l'aimant encore... Il est symptomatique qu'après avoir décidé d'agir pour son propre bonheur, Lili va voir sa "mère" pour tenter (vainement) de lui expliquer cette évolution, qui n'est que l'aboutissement d'une révolte latente beaucoup plus ancienne... La mère est le principal maillon, qu'il s'agit alors de détruire car, comme un parasite, elle s'accroche à l'enfant qui n'est jamais adulte tant qu'elle lui substitue sa propre volonté. Martin en était au même point, refusant soudainement de continuer à vivre dans la négation de son individualite propre. Si Lili choisit avec plaisir les barreaux de fer, c'est parce qu'il s'agit enfin d'un acte voulu d'elle seule et que réprouve sa famille... En agissant de telle sorte elle se libère enfin de l'autre prison... la liberté est alors à elle...la liberté d'aimer, de décider par elle seule de ce qui est son bonheur... La prison n'est pas celle que les lois imposent, elle est celle que construit patiemment l'éducation.. comme une oeuvre superbe de déconstruction... Autour de ce drame humain, Thomas, représentant de l'étape traumatique de la vie, brisure qui semble devoir marquer d'une empreinte indélébile la vie d'adulte... Si on ne trouve pas un jour la force et la voie pour commettre le seul véritable crime... le meurtre de l'individu que d'autres ont imposé en vous, à votre place. Sur le lieu du crime ne demeurent plus que ceux qui l'y ont amené, et continuent à jouer leur vaste oeuvre de destruction .... Un film qui pose donc la conception vraie de la libération individuelle, surgissant chez des êtres désespérés mais qui s'étaient habitués à vivre ainsi à défaut d'autre chose...
  • SOUVENIRS D'AFRIQUE (1985)
    "Out of Africa". Une vaste fresque aux parfums de l'Afrique, histoire d'aventures et de passion dans le luxuriant Kenya de l'ère colonisatrice. La fascinante et magnétique Meryl Streep dans le rôle de Karen, s'occupe d'une exploitation agricole, qu'elle espère rendre florissante par l'exploitation du café ... A la fois hors de la stricte morale victorienne (mais il est vrai que Karen est danoise...) et moulée de son savoir-vivre, la vie de cette exilée nordique qui se sent enfin naître dans cette terre africaine, sera une nouvelle preuve des illusions humaines que les pertes et les échecs mettront à bas.. La première fut de vouloir changer la population villageoise, la mouler à son tour selon sa propre conception du monde. Puis de décider des règles de la nature en voulant modifier le cours immémorial. Mais c'est un peu l'Afrique qui reprend la parole par l'impossibilité d'adapter à soi-même les gens et le milieu. Karen finit par le comprendre, renonçant finalement aux gants blancs et à l'irrigation artificielle des plantations de café, inondées aux premiers orages estivaux. Sa dernière illusion fut la possession de ce qu'on aime, fantasme bien "occidental" s'il en est. Mais Karen perdra tout, "sa" terre, et l'homme qu'elle aimait. Puis volontairement, elle perd ce qui lui reste, son honneur, pour que les gens de la ferme ne soient pas vendus, dispersés. De son passage, il ne reste que le souvenir. Sillon fragile que le temps effacera, mais sillon tracé profondément car le souvenir est grand. Karen a tout perdu, mais à défaut d'avoir possédé, elle a vécu... Un film superbe.
  • DOWN BY LAW (1985)
    "Down by law" s'inscrit bien dans l'atmosphère Jim Jarmush. La grisaille de nos vies urbaines est jouée en noir et blanc, la médiocrité est omniprésente, mais surtout la solitude surplombe le tout. La communication est impossible. Chacun mène sa vie, se débrouille ..... A chaque fois une tendresse se tisse au long de ses films, inattendue. Cette fois, au fond d'une cellule la coexistence, non hostile mais indifférente et obligée, entre un ancien disc-jockey et un minable petit mac, s'ajoute à celle d'un touriste italien. Avec la montée en scène de Roberto Begnini, c'est le sourire qui s'esquisse sur les lèvres des cinéphiles, c'est le dialogue qui naît timidement entre trois hommes que rien ne semblait devoir rapprocher. Ce touriste, ça n'est pas seulement le dessin à la craie d'une fenêtre sur le mur. C'est le dessein à la folie d'une évasion par les marais. Et quand le sol se durcit à nouveau sous les pas, quand une maison se dresse devant les yeux des évades affamés, c'est l'enfer échangé pour le paradis... du moins pour le plus chanceux des trois... Un film drôle. A voir.
  • L'AMOUR À MORT (1984)
    Un thème de Resnais qui choisit tout un film pour s'exprimer pour lui seul... l'ambivalence et l'identité de ces deux concepts uniques dans la vie, étroitement imbriqués l'un à l'autre, objets de milles réflexions, interprétations et écritures ... que sont l'Amour et la Mort. Les personnages Arditi-Azema s'aiment. Que reste-t-il pour les séparer sinon la mort ? Mais une mort voulue, recherchée, envoûtante et inévitable. Cette lutte désespérée pour l'amour contre l'entité, éternel vainqueur qu'est la mort, est incessamment interrompue par la représentation d'un ciel d'encre duquel tombe la neige. La symbolique peut être appréciable : ce lien mystérieux qui lie le ciel à la terre, la vie à la mort... le serait effectivement s'il ne se répétait pas si souvent... Destiné à souligner les moments forts du film, ce ciel devient pesant, perd charme et beauté ... Sujet original du ressuscité qui n'idéalise pas la vie, comme il est coutumier de le représenter, mais au contraire, la mort, lente et puissante attraction face à laquelle demeurent désarmés Amour et Religion (ici représentée par le couple de pasteurs Dusssolier-Ardant). Un film qui pourrait être réussi s'il n'était enseveli sous la neige...
  • SANS FIN (1984)
    Les relations troubles avec l'au-delà sont, on ne peut plus de mode, voir "Ghosts", "Expériences interdites".. Cette oeuvre fut néanmoins tournée en 1984.. Kieslowski demeure fidèle à un scrupuleux réalisme. Pas de fiction; juste quelques allusions au spirituel ou à l'étrange pour semer le doute dans l'esprit du spectateur et donner un parfum de profondeur à son film... Aucun idéalisme dans la représentation d'un couple ou d'une résistance syndicale. Ce couple a connu des heures difficiles, mais lorsque l'un décède, l'autre ne s'en remet pas. Scène particulièrement attachante du court dialogue mimé entre ces deux qui ignoraient combien ils s'aimaient...
  • APRES LA REPETITION (1984)
    Cette oeuvre est un pur joyau, un de ces films que l'on peut voir et revoir sans lassitude, en découvrant des aspects et des vérités restés jusque là ignorés. Dès les prémices, Henrick, vieux metteur en scène, rôdé à toutes les situations, dit à la jeune Anna, actrice à laquelle il croit : "Joue ta pièce, c'est la tienne". Sur une scène, après la répétition, les protagonistes découvrent que la vie est elle-même un imbroglio de rôles qu'ils se choisissent eux-mêmes ou que les années, les hasards ou la fatalité leur imposent. Quand trouve t'on un rôle à sa mesure, un personnage dans lequel se reconnaître ? Telle est la quête de l'impulsive Anna...
  • CRAZY FAMILY (1984)
    Des goûts et les couleurs... Certains ont adoré "Crazy family", et d'autres l'adoreront encore. Pour ma part j'en fus presque atterrée.. pour peu je quittais la salle, avant la fin. Forgé d'un humour que je qualifierai de "primaire" -c'est-à-dire qu'il vaut mieux ne pas chercher la finesse à la bêtise, mais qui doit pouvoir dérider les moins de huit ans, "Crazy Family" se distingue par un scénario original par son absurdité. Cependant, j'aime à penser qu'il puisse être entendu au second degré. Dès lors, il prend quelque intérêt. La famille, comme chacun le sait, est le premier embryon de la société, son premier exemple. Lorsque l'objet d'une longue attente est enfin obtenu, ici une maison, quelle ciment reste-t-il d'une lutte commune, de privations et de rêves partagés.. Dès lors "le mal de la modernité" prend possession de chacun, comme un esprit Malin. On ne vit que pour soi, ses ambitions et son bien-être. La seule, la vraie solution qui demeure : détruire ce qui fut tant désiré pour retrouver la chaleur des proches dans l'inconfort matériel. Dans cette famille difficile de dire qui est le plus fou. Sanctifier nos acquis matériels est trop ancré dans nos moeurs pour accepter sans broncher ce manifeste révolutionnaire de la destruction pour la véritable reconstruction. Difficile aussi de dire où s'arrête le combat criminel et où commence le jeu. Où s'arrête l'amour ? Est-ce encore aimer que tuer pour "guérir" ses proches d'un mal qui n'est que celui de nos civilisations ? Ou peut-être ferions-nous mieux de détruire ces murs qui nous réunissent plus qu'ils nous unissent, et nous disperser pour réapprendre à vivre...
  • STRANGER THAN PARADISE (1984)
    "Stranger than paradise" est un film superbe, en noir et blanc, sur la solitude citadine d'une jeunesse sans espoir, sans rêve. Elle vit au jour le jour, de magouilles, de jeu, de télévision. Dans ce quotidien gris, les autres importent peu, la communication n'existe pas, d'ailleurs à quoi servirait-elle ? Les mots, eux-mêmes, ont subi un décapant lifting. Il faut ainsi apprendre quand on débarque de sa Hongrie natale et que l'on veut passer l'aspirateur, que l'on va "étrangler l'alligator"... Cependant, derrière l'indifférence qui s'affirme, une tendresse insidieuse pointe le bout de son nez entre Willie et Eva. Mais elle refuse d'affirmer son langage et balbutie maladroitement : on part ensemble pour des vacances inattendues, inespérées. Mais le charmant Willie qui renie tout de la Hongrie, langue et famille n'hésite pas à abandonner Eva... qui en profite pour s'enrichir.. sans l'avoir voulu.. Au-delà de l'anecdote qui se laisse voir, une recherche de l'autre et du moyen de communiquer avec lui, d'une jeunesse qui a perdu le langage de la tendresse, avec celui des mots, et se deshumanise sans même en prendre conscience ....
  • LE HASARD (1982)
    A quoi tient la vie que l'on mène actuellement, que l'on mènera demain, ou qui s'achèvera inopportunément ? Un train que l'on rate, une rencontre comme une autre, un congé d'études, un déces inattendu... un rien survient et le sens d'une vie se trouve bouleversé... Ce film, long, est remarquablement achevé, si dense qu'il nécessite d'être vu une seconde fois...
  • THE WALL (1982)
    " The Wall " tente de représenter par le choc des images, la force des mots, une révolte individuelle et isolée. La plume trempe dans une encre sanglante, s'exprime en un langage imagé, un style acide et tranchant ( cf. les fréquentes coupures, lames de rasoir et haches...) Le mur est porteur d'une double symbolique. Premièrement, il représente la société construite d'individus rigoureusement identiques les uns aux autres et encimentés ; "imbriques" étroitement...d'une façon étouffante, mais pour se révolter faut-il encore pouvoir respirer. Dans ce mur, chacun n'est que brique, soit un vulgaire matériau sans identité, forgé par les institutions sociales : famille et éducation au nom de ce même ordre social... Les images sont, on ne peut plus symboliques : les enfants, placés immobiles sur un tapis roulant finissent... en chair à saucisses .... mais ils peuvent également finir en chair à canon, s'ils ont la chance d'aller combattre pour la Patrie. Ce mur ainsi construit, ne laisse place qu'à l'immobilisme, reste indifférent à la détresse individuelle, l'éducation a trop bien enseigné l'obéissance et la soumission .... Deuxièmement, ce mur symbolise ce que chacun se construit pour survivre en lui-même. Mais ce mur se fragilise après un amour déçu... désormais exposé aux autres, celui qui est détruit, le revolté d'hier devient un nouveau persécuteur. Après avoir été brisé, il se ligue à l'activité persécutrice de la sociét dont la représentation extrême et imagée est l'ordre militaire, totalitaire. Après avoir changé de peau, on a acquis enfin l'"expérience", celle de la révolte inutile et de la contribution à l'"oeuvre sociale". Des images, dessins et musiques qui valent le détour, même si la force de la révolte a des relents d'adolescence mal vécue, et de lutte "post-soixante-huitarde".
  • LES DIEUX SONT TOMBÉS SUR LA TÊTE (1980)
    Il y a quelques années, lorsque je suis à tout hasard allée voir ce film je n'en savais pas plus que son titre. J'étais avec mon frère cadet qui entrait pour la première fois dans une salle de cinéma. Il confondait dramatiquement cet écran là avec celui de la télévision et en une heure et demie je n'ai pas pu faire taire son enthousiasme ni calmer sa jubilation : il sautait frénétiquement sur son siège. Certainement influencée par la bonne humeur ambiante, je n'ai trouvé le film qu'excellent. Cependant la qualité d'un film s'estime selon l'importance du public touché.*** L'an dernier je revis ce film dans les Dossier de l'Ecran, suivi d'un thème de discussion sur la disparition ou la transformation de certaines ethnies. Ce débat se révélait comme particulièrement intéressant. Bien sûr tout film peu faire l'objet de réflexions qui le dépassent. Réalisé par le canal de la drôlerie, "Les Dieux sont tombés sur la tete" pose néanmoins avec habilité les éléments d'un débat qui le prolonge. *** Opinion des plus discutables et des plus bizarres : les films d'Ozu, de Bergman ou de Bunuel qui ont toujours drainé un public des plus réduits, seraient donc des navets incommensurables ?
  • MON ONCLE D'AMÉRIQUE (1979)
    " Mon oncle d'Amérique " est un film admirablement conçu... presque génial dans son explication imagée des comportements humains. Tournure qui surprend d'abord, mais qui demeure cohérente et suivie tout au long du film. Il peut sembler quelque peu artificiel et ambitieux d'expliquer l'homme d'après son origine familiale, son identité propre rapproché de celle d'un animal.. mais l'explication allie originalité, drôlerie et pédagogie... Il ne serait pas de trop de retourner le voir une seconde fois... voire plus, le temps de "digérer" toutes les explications apportées et latentes d'une oeuvre aux moult directions.
  • LE TAMBOUR (1979)
    Sa taille de nain, Oscar la tient du regard sans compassion qu'il a posé sur le monde des adultes. En l'occurrence sur ses parents et l'amant, trio plaisant que ferait sourire tout autre mais qui terrifie Oscar au point qu'il décide de bloquer son évolution inéluctable vers l'état d'adulte. Le choix est irrémédiable et il impose à Oscar des difficultés dans la réalisation des plaisirs que son enfance ignorait. Néanmoins, il demeurera un doute sur un possible lien filial avec l'enfant de sa belle-mère. Oscar connaîtra l'amour auprès d'une charmante Italienne qui a l'avantage d'être de sa taille. Auprès d'elle, il se déplace jusqu'à Paris dans une troupe qui se donne en spectacle. Mais le bonheur est fugitif et Oscar revient seul en Allemagne où peu de choses l'attendent. Enfin, un film original qui glace quelque part. De son rôle initial d'observateur du monde, Oscar s'est soustrait définitivement du jeu effectif que ce monde lui réservait. D'un jugement enfantin il s'est condamné à ne jamais être comme les autres.
  • FEMME ENTRE CHIEN ET LOUP (1978)
    J'aime beaucoup ce film. Beaucoup. Je ne suis pas objective, et justement. Cette histoire est à certains égards autobiographique. Ma conclusion première était la suivante : on ne transige pas avec la médiocrité. Il n'est pas stupide, mais inutile de vouloir aimer et pardonner à certains représentants d'un certain milieu social bouffés par la "vermine et les cloportes". Le personnage de Marie-Christine Barrault (admirable) veut les aider malgré eux comme s'il n'étaient en fait qu'accidentellement dans l'erreur et qu'il suffirait qu'ils se "réveillent" pour se réconcilier avec la réalité... Et puis un jour, on ouvre soi-même les yeux. On comprend que vouloir aimer des personnes aigries et noires de rancoeur contre le monde, est stérile, une simple et définitive perte de temps. Comme le superbe arbre fruitier qu'Adriaan décide d'abattre ; cet homme encore jeune a jugé qu'il n'avait plus de futur. Il préfère son monde de rancoeur et de haine plutôt que celui de l'amour et la disponibilité à la vie que lui propose patiemment sa jeune épouse. En fait, je n'avais pas appréhendé le fait qu'elle ne rejoignait pas le beau résistant, François, intellectuel devenu un politicien désillusionné, quand elle claque la porte du foyer, à la fin du film. Et dès lors le titre prend tout son sens et le film, par cette deuxième lecture devient d'autant plus intéressant. "Femme entre chien et loup", genre humain refusant manichéisme simplificateur et faux. Comme si la vie pouvait se résumer en un modèle et son opposé. Comme si on n'avait que le choix entre la vérité et l'erreur, la clarté ou la nuit. Non. Marie-Christine Barrault tente d'aimer les deux côtés, choisit simplement la vie : bon sens, action, tendresse, tolérance. Il n'y a point de modèle. Elle prend douze ans à comprendre, à atteindre la maturité, à prendre une décision des plus courageuses au coeur des années cinquante. Un film admirable.
  • SONATE D'AUTOMNE (1978)
    "Sonate d'automne" est un film absolument exceptionnel. Extrêmement fort, on est d'autant bouleversé de ressentir une révolte que l'on croyait personnelle représentée et jouée sur grand écran. Il est d'autant plus admirable qu'un téléfilm fut tourné par un homme et rend songeur sur la capacité de certains individus pour leurs perceptions de drames psychologiques profonds. Il plaît à Bergman d'entr'ouvrir la porte du champ immense de la complexité des relations humaines. Il s'agit ici de la relation parentale et filiale que certains qualifieront d'amour, mais qui se composent bien plus de haine et de ressentiments accumulés. Eva nous paraît comme une femme déséquilibrée, surtout face à sa mère, femme soignée et si sûre d'elle-même. Mais la première est le produit de la seconde qu'elle ignore, la détresse qu'elle a provoquée par ses abandons incessants au nom de sa carrière de pianiste, par son autorité sans pitié quand il fut question de tuer l'amour chez sa fille au nom de la mécon(naissance) de ce concept ... Le cri de haine d'Eva n'est pas la révolte puérile d'une enfant contre sa mère : c'est la révolte que crache une femme sensible contre celle qui l'a détruite. Entre mère et femme, ce film est aussi une réflexion sur l'injustice de la capacité donnée d'être l'une ou l'autre en plein épanouissement : la mère qui ignore le rôle qui lui est imparti, qui le joue plus que le vit, la femme qui ne peut l'être que malgré elle. Elle joue aussi un rôle qu'on lui a imposé, mais mal. Dans les deux cas, la comédie de la vie : le premier détruit les proches, le second détruit l'acteur lui-même. Bref, un film comme on n'en voit que trop rarement. A voir absolument.
  • COUP DE TÊTE (1978)
    Serait-ce très certainement par compréhension instinctive avec les "loosers", je trouve le personnage de François Perrin "naturellement" très sympathique. Les scènes de la bêtise la plus absolue en passant par la virilité toute "couillonnante" du sport à la cupidité la plus vulgaire des "arrivés" croisent celles de l'absurdité la plus risible...Surtout les scènes d'un désespoir cru qu'interprète Dewaere quand il rencontre Marie et la femme qu'il est accusé en toute impuissance d'avoir violée me sont très émouvantes..... En toute subjectivité .....
  • CLAIR DE FEMME (1978)
    Ce film me donne intérieurement la chair de poule. Sensation neuve, sire : "Oui, magnifique, splendide chef-d'oeuvre". Le voir, le voir encore, mais je sais tout ce que cet enthousiasme a de subjectif pour une oeuvre aussi intimiste. Les acteurs sont très bons (je n'aimais pas spécialement Yves Montand, mais depuis que je l'ai vu dans certains films comme "Un soir un train", je l'apprécie beaucoup). Quant à Romy, je trouve qu'elle représente la quintessence de la Femme. Mais surtout le script est magnifique : faire de la dérision, du désespoir pour refuser dans un dernier sursaut de survie de se laisser broyer par lui, s'entraider et ne plus parler de bonheur, d'amour. J'en oublie, mais sûrement, aurais-je encore tant à vous écrire, cher "Cinéfiches", quand j'aurai revu ce film. J'aimerais que les cinéphiles qui ont vu ce film, écrivent ce qu'ils en pensent pour que je sache s'il est bien normal d'être à ce point touché par cette histoire que l'on peut trouver très noire, mais que je crois au contraire très forte et pleine de vie : d'autres films sont bien plus noirs sans le vouloir, car il n'y a pas d'issue de secours, seulement la solitude, l'abandon et l'indifférence. Ici deux êtres déchirés se rencontrent, chacun tendant une main désespérée hors de l'eau et comprennent qu'ils ne sont pas seuls à se noyer et peuvent tout de même s'entraider jusqu'à la rive où la vie continue, inébranlable.
  • LA FIÈVRE DU SAMEDI SOIR (1977)
    On a rarement été aussi loin dans l'insipidité ("sans agrément, sans esprit selon le "Petit Larousse") et la médiocrité. Ce film a moins qu'un autre, résisté au temps. Tourné à une époque où il était de bon ton de représenter la platitude d'un quotidien banal d'individus sortis du ruisseau, le but a déteint sur le tout : non seulement le thème, mais le scénario, les acteurs... sont d'une fadeur désespérée, au moins autant que desespérante... A la fin du film, on n'a qu'un regret : d'être resté jusqu'au bout dans l'espoir insensé qu'un élément fortuit viendrait relever la sauce... qui avait, en fait, tourné dès les premiers instants. Un seul aspect force l'admiration : la puissance de persuasion du marketing US qui a permis l'exportation d'un film qui n'aurait même pas pu être projeté en salles dans son pays d'origine... Bref, un film à voir sous aucun prétexte sauf pour se reposer deux heures ou s'abriter des intempéries dans une salle de cinéma...
  • VOL AU-DESSUS D'UN NID DE COUCOU (1975)
    Randle Mac Murphy trouve un stratagème un peu fou pour échapper à la cellule carcérale... Etait-ce déjà un choix vraiment sensé ? Tout au long de "Vol au dessus d'un nid de coucou" la frontière entre le monde dit "normal" et les autres se fait de plus en plus incertaine. Nicholson entre à merveille dans ce rôle à la limite de la folie. Ce que son personnage avait déjà d'original par rapport aux autres, était cette non peur de l'asile d'une part, le non comportement supérieur qu'il faut adopter face aux fous d'autre part. Randle s'introduit dans le petit monde des fous.. il lui parle sans faux-semblant, organise une évasion et s'intègre finalement dans la folie en demeurant auprès de ses nouveaux acolytes au lieu de s'emparer pour lui seul de son indépendance nouvelle. Il les stimule, ignorant le traumatisme qui les a un jour détruit, et le résultat est étonnant, nouvelle preuve des progrès incroyables d'un individu même considéré comme "fou" lorsque un autre croit en lui. La fin du film s'intègre dans la logique d'une société qui a donné l'organisation répressive à une majorité dite "sensée". Bref, une oeuvre originale, forte et superbe...
  • L'HONNEUR PERDU DE KATHARINA BLUM (1975)
    "L'honneur perdu de Katharina Blum" est un film engagé admirablement conçu. Tourné à l'époque la plus "chaude" "des années de plomb", il marche à contre-courant des mouvements d'opinion et journalistiques alors développés. Un coup de foudre lors d'une soirée amène une jeune femme, Katharina, à recevoir chez elle un homme dont elle ne sait rien, mais qu'elle décide de cacher lorsqu'elle apprend que la police le recherche. Ici, pas d'idéologie extrémiste exprimée ou latente. Ce sont hasard et amour qui provoquent une complicité fatale. Dès lors, la logique qui se déclenche est aussi inattendue que puissante dans sa dénonciation. Le terroriste, n'est plus le fruit d'une société défaillante, mais la société elle-même est terroriste. La grande machine répressive qui s'enclenche devant nos yeux est celle qui nous entoure, mais que nous tolérons parce qu'elle génère l'Ordre; l'ordre de ceux qui demeurent intouchables. Alors l'indifférence devient le meilleur soutien de la "Justice". Le respect de la tranquillité de la majorité permet la répression toute aussi tranquille de la minorité insoumise. Les grands leurres de notre société sont ainsi, mis sur le ban des accusés. Les plus grands des terroristes sont les mieux protégés. Celui, ou "celle" en l'occurrence, qui perd son honneur sont les moins puissants. Aux faibles de payer le prix de leur vulnérabilité... D'autres sont impliqués, mais ils ont le bouclier tout puissant qui définit notre Grande et Belle Justice : l'argent, la renommée, "les appuis de haut niveau"... Le meurtre final n'est que la conclusion logique d'un long plaidoyer contre une société qui n'a plus besoin de la peine de mort pour annihiler les esprits.
  • DERSOU OUZALA (1975)
    "Dersou Ouzala" est la preuve qu'il est possible de faire un pur chef- d'oeuvre loin de tous les schémas classiques qui prétendent représenter le goût commun : violence ou romance facile. Etant adepte de ce genre d'exception, j'applaudis quand passe sur grand écran "l'Incroyable" fait film : "Dersou" ou "Urga" pour ne citer qu'eux .... Histoire d'amitié mais aussi profondeur de l'homme ... Ce film nous refait croire en ce dernier, forgé de désintérêt et de simplicité. De plus il est accessible à tous publics pour l'enchantement de tous les âges. Encore Bravo.
  • BARRY LYNDON (1975)
    Grandiose et luxuriante fresque, riche en tableaux ruraux et colorés. Le film retrace le parcours d'un Irlandais au XVIIIe siècle, ses frasques amoureuses et son opportunisme, son cynisme sur fond de misogynie marquée. Ainsi, le personnage de Maria Berenson, Lady Lyndon, est des plus falots. La conclusion y semble des plus moralisatrice, Barry Lyndon perd en effet tout ce qu'il avait acquis et aimé, sanction d'une vie de luxure et de décadence ?... Bref, une toile à apprécier pour sa forme en omettant le fond..
  • ALICE DANS LES VILLES (1974)
    Outre la poésie des images, en noir et blanc, de la quête à travers l'Allemagne d'une grand-mère introuvable, par un journaliste et une petite fille que le hasard a liés, ce film est admirable de part sa qualité littéraire... D'abord, comme par la suite dans "Au fil du temps", les dialogues tirent profondeur de leur épure même. Tout artifice, présentations banales des personnages, soit, d'un individu à tout autre, disparaissent chez Wenders. Lisa a une confiance immédiate en Philippe, elle lui révèle le tourment qu'elle traverse... pour lui confier enfin sa fille jusqu'à Amsterdam... En second lieu, les répliques sont décalées, dans le présent et dans le temps ; d'où la richesse du peu de mots qu'il suffit d'échanger, l'essentiel a été dit. Philippe semble être devenu un simple pion qui se laisse mener par la vie, et la suit, docile. Il perd toute verve littéraire. Commence l'angoisse inexplicable, l'angoisse inexpliquée, "la peur de la peur". Le froid face à l'interrogation de la réalité de la vie quand plus rien ne la guide.. Alice, est alors un brève intermède. Il est symptomatique que durant l'errance allemande, Philippe cesse ses polaroïds-cartes postales qui ne représentent "jamais la réalité".... Les couleurs sont insuffisantes à confirmer la vie. Cette période est celle de moindres interrogations personnelles. Oeuvre à voir absolument.
  • BELLE (1973)
    Mathieu Grégoire est un écrivain qui supporte très mal de voir sa fille prévoir de convoler en justes noces. Un film donc sur l'inceste, mais qui se révèle à mots couverts et par l'intermédiaire d'une jeune inconnue sortie de nulle part et qui disparaît mystérieusement quand la fille se marie. La boucle est alors bouclée. Mathieu n'a plus besoin de s'inventer une "Belle". On retrouve des thèmes chers à Delvaux, des témoins visuels et des signes qui font de son oeuvre tout entière un ensemble homogène et faisant référence. Ici comme dans "Un soir, un train", le thème du train est associé au départ, au voyage, soit à la perte d'un être cher. Mathieu rêve d'accompagner sa fille, dénudée, sur le quai d'une gare. C'est finalement un train qui la lui enlever. Il ne lui reste qu'un rêve, un fantasme imaginé dans une petite maison forestière et dont l'élément déclencheur fut un chien mortellement accidenté et jeté dans un lac .....
  • JOHNNY S'EN VA EN GUERRE (1972)
    Mais si Johnny n'a pas la chance de voir Paris, il n'a pas non plus celle de se faire proprement trouer la peau. Il ne reste de lui après explosion d'une bombe qu'un morceau de chair sans membres. Le visage lui aussi est amputé de ses fonctions fondamentales, ces fonctions qui permettent le contact avec les autres, la communication. Johnny se retrouve seul dans sa détresse. Il n'y a plus de repos, ni de soulagement pour un calvaire qui s'éternise bientôt : un an, plus ? Dans sa tête, dernier organe vivant, celui où sont cachés tous les souvenirs, où grandissent souffrances et détresse, revit sans cesse le passé. Et tout se teinte de symbolisme cruel, atroce et inacceptable : les mots de celle qui l'aimait lui suppliant de fuir, ceux de son père affirmant que tout homme devrait donner jusqu'à son fils unique pour la Démocratie. Puis tout perd sens, les fantasmes se mêlent aux souvenirs : on l'a oublié, ceux qui sont heureux disent regretter les autres que la loi de la Démocratie a emportés, même Jésus, dernier recours selon sa mère, se trouve désemparé devant sa détresse. Rien ne semble donc plus pouvoir soulager cette souffrance sans nom qu'endure un esprit emprisonné dans un corps que des médecins-bouchers ont décidé de maintenir en vie, tout en légitimant par l'affirmation que toute activité cérébrale a cessé .... Ce film, extrêmement fort peut être vu à différents niveaux : la détresse de la l'impossible communication, le véritable amour de l'euthanasie, la torture qu'imposent ceux qui devraient soulager la souffrance en refusant la mort à un corps qui n'a plus rien d'humain. Qui n'a vu ce film n'est pas habilité à parler de la détresse humaine et de l'euthanasie.
  • LES DEUX ANGLAISES ET LE CONTINENT (1971)
    "Les deux Anglaises et le continent" commence d'une facon très calme, ne laissant présager de rien. Le style "journal" que l'on remémore, accentue ce sentiment de détachement face à une histoire que le poids du passé semble devoir réduire à une liste de faits que l'on rapporte, chronologiquement et fidèlement. Ce style "témoignage" gêne quelque peu la vivacité du récit, et invite à l'ennui... Cependant, cette façon détachée et froide du conteur, interprété par Jean-Pierre Leaud, accentue le choc lorsque, prenant un tournant inattendu, le film nous rapporte l'objet du témoignage : la puissance passionnée que cachait l'Anglaise pudique et mystique, qui dévoile soudain comme un torrent, submergeant film et spectateurs, un amour qui ne veut se contenter que d'une première fois. Mais justement, de "La première fois". Un film en noir et blanc, qui surprend malgré sa lenteur, tout à fait dans la veine d'un certain style de Truffaut, sachant montrer le calme de l'océan, pour mieux sensibiliser à l'explosion qui va le suivre...
  • L'ITALIEN DES ROSES (1971)
    A mon sens, l'Italien des Roses illustre le drame presque banal et chaque fois particulier du désespoir de vivre... Il erre dans la vie, se laissant mener par elle et trouve dans la chanson le pauvre moyen d'exprimer le dégoût "pluridimentionnel" qu'elle lui inspire. Cependant face à la médiocrité unidimentionnelle et totale du public, il craque ; explosion enfantée de l'implosion psychologique, de la déchirure interne... La démission de la vie n'est pas un événement ponctuel comme on le croit dès lors, comme on le suppute toujours... Non, Raymond n'est pas suicidaire par déception amoureuse, mais il suit la voix de la mort qui est en lui, il propose l'unique réponse à la problématique existentielle de l'inutilité du tout. Le suicide n'a pas de cause spécifique, il se trouve à la base même de l'individu. Face au spectacle de la mort en direct, la foule s'amasse, mais la folie n'est pas visiblement où on la croit. Face au crescendo du désordre "en bas", on comprend soudain que la raison n'est pas du coté du nombre... Parmi ces joyeux braillards, car il faut bien que noce se fête, quand d'autres meurent, un individu étrange erre et regarde tout autre, de haut en bas... Son attitude signifie que le vrai spectacle est bel et bien en bas. Le clown, c'est le public lui-même. Entre ceux qui vont sauter et ceux qui ont DEJA sauté, les condamnés sont ces derniers, vivant dans l'inconscient suicide de leur incessante et immuable bêtise... Clin d'oeil en forme de conclusion sur un jeune et beau couple partant en vacances et qui rencontre inopinément la mort... tandis que l'Italien aux Roses décide de se donner un nouveau répit... Certains vivent avec l'idée incessante de la mort collée aux talons et ne la rencontrent pas et d'autres l'ignorent pour tomber sur elle au tournant d'une rue .....
  • LE SANG DU CONDOR (1969)
    Réalisé à une époque où le tiers mondisme commençait à être de mode, "Le sang du condor" est un film remarquable de part sa réalisation excluant tout misérabilisme et manichéisme schématique et sa force dénonciatrice. Ce film démonte la logique destructrice d'un monde qui se dit "évolué" mais qui n'utilise que des moyens technologiquement plus modernes en vue de la disparition d'une civilisation et de ses représentants jugés "inférieurs". En fait la destruction physique n'est que la continuité logique de l'asservissement moral qui l'a précédée : il est particulièrement symptomatique que les Indiens entre-eux, s'insultent en se traitant d'Indiens... (cf. la scène de l'altercation entre joueurs de foot). Le mépris avec lequel se considère le peuple amérindien est la condition première pour qu'une "civilisation" qui se regarde comme supérieure, parce technologiquement développée, s'impose à lui. Le problème est que le gain matériel s'est effectué au détriment de l'évolution mentale de ces individus qui méprisent la vie humaine, le droit à la différence et -chose bien plus choquante - de la représentation de deux cultures qui coexistent sans pouvoir se comprendre. L'exemple de l'Indienne qui refuse de vendre tous ses oeufs en une fois, parce qu'elle ne pourrait plus passer la matinee au marché, peut nous paraître illogique à travers notre regard d'occidentaux, baigné de la logique productiviste. En fait, de cette anecdote, transpire une conception diamétralement opposée de la vie et des relations humaines, donnant toute suprématie à l'individu et au respect de l'ordre social ancestral. Un film qui mérite d'être vu et apprécié.
  • L'OBSEDE (1965)
    A mon sens, "L'OBSEDE" est une oeuvre sur l'antagonisme entre ces deux mondes de l'intellectuel et de l'homme de la rue, simple et nourri de préjuges sur les choses, le monde et l'amour. "L'OBSEDE" est un film qui ne vieillit pas. Un homme est fasciné par une étudiante d'art et pense qu'en réduisant son univers à lui-même, en étant sa seule présence, en lui avouant son amour, ce dernier en sera payé de retour. Mais ce qui les sépare, n'est pas le fosse réel ou imaginé entre deux protagonistes de sexe différent, mais bien un monde fait d'une culture "autre". D'un coté, lui ne peut appréhender la signification de l'art abstrait ; son esprit simple ne peut concevoir ce qui n'est pas fidèlement figuratif que comme une injure au bons sens ... de l'autre. Elle ne peut comprendre que l'on tue des papillons pour les aimer mieux ... présage sinistre de la façon dont elle sera aimée à son tour. Il m'est difficile d'exprimer les sentiments que fait naître en moi ce film, sinon que par l'impossible dialogue entre deux esprits fonctionnant d'une façon totalement antinomique... sachant qu'il est déjà si difficile de se comprendre entre personnes de la même galaxie .......
  • MAMMA ROMA (1962)
    Deuxième long métrage de Pier Paolo Pasolini, " Mamma Roma " est une oeuvre assez pessimiste quant à l'élévation au-dessus de la nasse quand on sort déjà du ruisseau... Mamma Roma est une ancienne prostituée dont le passé demeure ambigu, et qui revient chercher son fils lors de ses seize ans pour qu'il réalise les ambitions qu'elle a forgées en son nom. Mais de la campagne d'où il sort, à la capitale italienne, l'accent seul est autre. La bande de copains délurés et apprentis voleurs demeure la même ..... Comme l'affirme la cléricature, il semble que "tant qu'on ne repart pas à zéro, on ne fait rien avec rien ...". Et en l'occurence, il faut accepter pour Mamma Roma, qu'elle n'est rien ... Mais femme de tête, elle décide de monter "un coup" pour faire embaucher son fils comme serveur dans un restaurant ... Cependant, comme les études, le travail est une charge bien fastidieuse, surtout quand on connaît la facilité du gain sans l'effort ... Un film très beau, mais qui s'achève un peu rapidement par une conclusion entre moralisme et désespérance.
  • CYBELE OU LES DIMANCHES DE VILLE-D'AVRAY (1962)
    Un film superbe, bien comme je les aime... et Hardy Krüger, véritablement craquant. A voir absolument, mais attention, gardez en mémoire qu'il s'agit d'un drame ... car c'est bien beau mais aussi bien triste !
  • MIRACLE EN ALABAMA (1962)
    J'avais lu ce roman bouleversant il y a très, très longtemps, mais l'interprétation filmée fut comme une seconde lecture en un temps record... tout aussi bouleversante .... Il est facile de faire de l'émotionnel dans les oeuvres traitant d'handicapés. Mais, cette fois l'émotion et la fascination dépassent toute espérance...A l'obstination capricieuse de la petite Helen se heurte l'obstination dure et impitoyable de son éducatrice Annie. Celle-ci sortant d'un centre pour handicapés sait, bien mieux que les parents eux-mêmes le tort que l'on peut faire à un enfant en le laissant tout faire, par tendresse, par pitié, par lâcheté. Il paraît presque bénin de vouloir avec une telle obstination apprendre à épeler les mots à une enfant. Mais Helen est sourde, aveugle ... et très intelligente. En donnant un nom aux choses, c'est le monde que lui révèle Annie. Désormais, en sachant le nom de tout, Helen pourra communiquer, aimer, ... et finalement l'exprimer à son éducatrice. Fascinant, stupéfiant, à voir absolument.
  • L'ANNÉE DERNIÈRE À MARIENBAD (1961)
    Après " Hiroshima mon amour ", " "L'année dernière à Marienbad " retrace une seconde attitude face au souvenir. Une histoire d'amour a vécu, un homme, une femme ; la recherche d'un passé à revivre pour l'un, le refus de son authenticité pour l'autre. Quand le temps a fait son oeuvre, que reste-t-il d'une rencontre, sinon ce que la mémoire lui réserve de vie... mais encore faut-il qu'elle se reconnaisse. Pour ne pas vivre l'horreur de l'oubli, comme dans "Hiroshima..", la jeune femme ignore ce qui fut. Le dialogue impossible entre le couple est celui du combat entre le souvenir et l'oubli nécessaire d'un passé qui ne peut renaître. Mêlant une fois encore présent et passé, Resnais réalise une oeuvre quelque peu décousue, balancée de flash-back, mais où la finalité véritable est d'ordre esthétique. Les images y sont superbes : chambre, lac, statue, symbole de l'immuabilité du temps. Comme cette statue, la jeune femme est une sorte de représentation du présent, sans mémoire ni langage, sinon ceux que lui accordent l'imagination et l'espoir des autres. Un film un peu long, mais non dépourvu de magnétisme...
  • CERTAINS L'AIMENT CHAUD (1959)
    Encore une oeuvre exceptionnelle de Billy Wilder dont on ne se lasse pas....Que le sujet soit "crédible" ou non, cela n'importe ... bien qu'il y ait eu des règlements de compte peu orthodoxes et en nombre sous la prohibition ... "Certains l'aiment chaud" n'ambitionne rien d'autre que la comédie poussée jusqu'au délire. Si l'intrigue est peu concevable, le rire est omniprésent, et n'est-ce pas la véritable victoire d'une comédie réussie... De plus Marilyn y fabriquait son mythe derrière son sourire, et le reste, éblouissants...
  • LA MORT AUX TROUSSES (1959)
    Où au suspense se dispute le rire, "La mort aux trousses" est une oeuvre remarquable où un homme est accusé sans que l'on sache jamais pourquoi d'être un espion (? ). Son identité propre s'embrouille bientôt à celle de ce dernier. Alors qu'il fuit pour un meurtre dont il est accusé, il rencontre sa future troisième épouse. Au terme d'aventures loufoques et drôles il lui confie, alors que tout deux sont prêts à s'écraser en une chute fatale sur la falaise rocailleuse, que ses deux premières épouses ont divorcé de lui car elles le trouvaient " casanier " .....
  • HIROSHIMA MON AMOUR (1959)
    Il m'est exceptionnel de revoir une troisième fois un film et d'en ressortir chaque fois plus fascinée. La lenteur et le désespoir s'imprègnent en vous. Bien sûr on y retrouve les thèmes chers à Resnais : la mort et l'amour, irrémediablement liés, fatalement fondus. Mais "Hiroshima mon Amour", c'est surtout le désespoir, la panique devant la force du temps qui vient à bout des plus profondes passions. Hiroshima c'est l'horreur de l'oubli des cataclysmes militaires. Quel rapport entre la première destruction atomique de l'histoire et un amour impossible qui rejoint la folie au fond d'une cave ? Il n'est que rapports. Dans les deux cas les catastrophes ont leurs signes extérieurs: le crâne rasé, les doigts qui saignent, les brûlures, les visages défigurés. A l'intérieur un même traumatisme. Mais entre les débris des anciennes constructions, la vie reprend son cours. C'est cette vie inébranlable qui renaît toujours, au-delà et malgré l'horreur qui est ici condamnée. Comme si la nature devrait se prendre de pitié pour le désespoir.
  • AU SEUIL DE LA VIE (1958)
    L'oeuvre d'Ingmar Bergman bouleverse par la profondeur des thèmes abordés, les relations entre les individus sont à la fois tendres et fortes. "Au seuil de la vie" est un film profondément féminin. Le thème est celui de la fragilité de l'être humain et de son doute constant. Doute devant l'amour, doute devant la vie. Dans la représentation de ces trois femmes pourtant c'est un panel signifiant des attitudes devant la vie que met en scene Ingmar Bergman. Christina connaît l'épanouissement conjugal et maternel, mais elle n'est pas présentée comme l'Exemple. Son cas est minoritaire dans cette chambre où souffrent Cecilia et Hjordin. Toutes deux sont tourmentées face à l'enfant qui meurt ou s'obstine à vivre au sein d'un "couple-fissure". Dans ces deux cas, la femme doute de son amour envers un enfant non voulu. Mais Bergman conclut en l'amour, le retour de Hjordin vers le havre parental illustre finalement le pardon qui se donne en bouée de sauvetage face à la détresse d'un être abandonné qui ne peut assumer les responsabilités que le destin lui impose. Un film de femmes, toujours profondement actuel ....
  • GARE CENTRALE (1957)
    Youssef Chahine a réalisé en 1957 une oeuvre maîtresse du cinéma égyptien et arabe avec "Gare Centrale", réalisation puissante et superbe. Pierre blanche aux antipodes des classiques schémas des films commerciaux de l'époque, stylisés autour d'une romance amoureuse avec chansons et danses. Cette fois il ne s'agit pas d'un cinéma des splendeurs, mais au contraire d'un drame social vécu par un original dans la classse populaire des vendeurs aux activités plus ou moins illégales. Youssef Chahine (tout jeune) interprète lui-même le personnage d'un simple d'esprit tombé éperdument amoureux d'une vendeuse de boissons fraîches. Celle-ci s'en amuse d'abord, mais le repousse, ayant en outre d'autres matrimoniaux... "Gare Centrale" nous représente la vie de ce peuple du Caire à l'époque et cette lente ascension de l'amour frustré à la folie meurtrière... Un film superbe, qui ne vieillit pas.
  • LES NUITS BLANCHES (1957)
    Sur décor de théâtre, un duo amoureux. Une conquête qui se cherche désespérement, lorsque l'amour passionné rencontre la potentialité du sentiment, couple d'une illusion, Mastroianni/Maria Schell, que recouvre finalement un blanc tapis de neige.. Mais l'homme au chapeau, Jean Marais, réapparaît, statue immobile sur le pont minuscule, et brise le rêve. Fresque sentimentale et attachante bien que grande juvénilité de Natalia passant sans cesse du rire aux larmes... Fraîcheur qui fait, paradoxalement tout son charme...
  • LE RENDEZ-VOUS DES QUAIS (1955)
    A travers nos regards désabusés de la fin de ce siècle, "Le rendez-vous sur les quais" ne manque pas d'idéalisme. Mais il s'agit là bien de la condition sine qua non du cinéma militant. Cependant, une oeuvre véritable est celle qui survit à la seule vraie censure, celle du temps. Et tel en est le cas. Un peu documentaire, très engagé, ce film passerait par sa seule fiction amoureuse. Bien sûr les difficultés rencontrées dans la quête d'un logement par un couple d'ouvriers fauchés est un bon prétexte de base vers l'élargissement du débat à toute une "classe" sociale. Mais ce qui ne devait servir que de prétexte donne toute crédibilité à l'oeuvre. Un message est aussi important que le messager pour arriver à "bon port"... c'est-à-dire convaincre, toucher le spectateur par une représentation de ses propres problèmes. Des difficultés rencontrées quotidiennement découlent la nécessité évidente de l'union dans la lutte. Un film donc dépassé dans son but, mais qui en atteint d'autres. Celui du témoignage sur une époque trop peu traitée à l'écran, du plaisir pris devant un film ensoleillé de l'inimitable chaleur méditerranéenne.
  • LES VOISINS TERRIBLES (1954)
    Le film nous entraîne au coeur d'une famille modeste typique de l'après-guerre. Cinq enfants, une mère aimante, chaque être unique. L'aînée quitte sa famille et aspire à son indépendance qu'elle pense trouver dans l'appartement de jeunes filles délurées..... Malgré des épisodes tragiques, l'action est menée sur le ton d'une charmante comédie. La légèreté de la narration ne doit cependant pas masquer la gravité du thème ..... Un film à voir.
  • VIVRE (1952)
    "Vivre" est une oeuvre magnifique, grandiose, émouvante, unique ... Désolée de tant d'éloges, mais il est assez difficile de m'émouvoir quand les films suivent une trame par trop facile et faisant de l'émotion a bon marché, toujours sur le même schéma ... Quand Kurosawa sort des sentiers battus, on peut, à notre tour, comme son "héros" le saluer bien bas ... Bref, une caricature de la bureaucratie qui en est à peine une, mais surtout la nécessité urgente de réaliser quelque chose avant le dernier souffle plutôt que de lâchement l'anticiper ... Chercher l'essence même du "vivre", refuser de mourir inutilement..
  • RASHOMON (1950)
    Trois hommes sous un abri. Nous sommes au XVIIIe et il pleut à seaux. Tout semble devoir se noyer dans une apocalypse, prémices d'une fin du monde prochaine. Tous deux, un prêtre et un bûcheron, demeurent perplexes. Le crime qui s'est réalisé, dévoilé à demi-mots, paraît avoir été effroyable. Pourtant, l'horreur ne se situe pas dans le meurtre. Tout au long de la reconstitution des faits, on comprend qu'elle se situe dans l'impossible vérité. Chacun affirme la sienne, celle qui l'arrange et jusqu'aux morts dont l'âme demeure pervertie. Images superbes qui, si elles permettent de douter de l'Humanité, interdisent de douter de l'art cinématographique.
  • BRÈVE RENCONTRE (1946)
    Quoi de plus romantique dans la fantasmagorie traditionnelle et de plus riche en symbolique qu'un quai de gare pour qu'y naisse l'unique passion d'une vie humaine ? Laura se trouve comme tous les jeudis jour de sortie, dans le bar de la gare avant de rentrer chez elle, quand elle rencontre un docteur. La passion n'est cette fois, l'exception fait la règle, pas éphèmere ... mais chacun à sa vie, des êtres qui les aiment et qui se trouveraient brisés par l'affirmation de cet amour ... Le séisme demeure donc interne et donne au drame sentimental toute profondeur. Cependant, les êtres les plus proches vont sentir ce bouleversement sans que rien ne se soit jamais dit. Un film superbe par sa pudeur et son refus d'ostentation.
  • LES ENFANTS NOUS REGARDENT (1943)
    Grands Dieux ! Quel film atrocement horrible-bouleversant -déchirant- à vous donner des frissons à l'intérieur !!! La dernière scène est à peine supportable et l'interprétation des acteurs, surtout de l'enfant dont il est question, est vraiment admirable !! Un sacré morceau de bravoure pour De Sica, du grand art...
  • TORRES SNORTEVOLD (1940)
    Torres est un fils de pêcheur débordant de dynamisme intelligent et entreprenant... Il décide de faire fortune en ville et de se venger par la même occasion du Consul Roger qui a expulsé son père acculé de dettes. Il y parvient au-delà de toute espérance à force de débrouillardise et ne ménageant pas la flatterie. Pourtant, il demeure en dehors du monde bourgeois qui finit par s'humilier devant lui. Un film attachant et distrayant qu'il faudrait voir si seulement les films de l'exceptionnel Tancred Ibsen pouvait être distribués en France !
  • VACANCES (1938)
    En un sens, ce film demeure d'actualité. Deux mentalités sur la façon de mener sa vie s'affrontent... Deux personnes pensaient s'aimer mais leurs projets matrimoniaux s'effondrent... et c'est tant mieux avant que le quiproquo n'ait eu des conséquences irrémédiables.... L'ex-futur non marié opte finalement pour le bon temps pris au présent, grâce à la retraite prise pourquoi pas à trente ans, pour profiter de la vie le temps qu'il sera possible plutôt qu'une vie tracée par d'autres, dans la finance et une famille trop riche, enlisée dans l'abondance.. Divertissant, à voir absolument...
  • BOHÉMIEN (1937)
    "Le vagabond" est un véritable petit chef-d'oeuvre. Nouvelle adaptation du thème du "ver de terre amoureux d'une étoile", il n'épargne pas les cotés les plus noirs de son personnage principal, Fenrik, un ignorant cupide et brutal. Totalement amoral, il gratte de la guitare, il est ébloui par la tendre Josefa, mais n'entend rien au sentiment amoureux... A voir à la premiere occasion, en espérant une plus large diffusion, en France et dans le monde.....
  • DEUX VIVANTS ET UN MORT (1937)
    Le film s'ouvre sur le quotidien d'une petite famille idéalisée. Berger est un fonctionnaire consciencieux et un vrai copain de jeux pour son fils. Tout s'effondre le jour où, suite au cambriolage du bureau de poste où il travaille, il est soupçonné de lâcheté. La vie de cette famille modeste est assez bien retracée, ainsi que l'importance de l'ascension professionnelle et l'influence destructrice du "qu'en dira-t-on", mais le tout est quelque peu simpliste ... A l'opposé de l'honnête Berger se trouve Lydersen, un vieux garcon infatué de sa personne et ridicule qui devient le "chouchou" de la société bourgeoise car il a prétendu avoir su lutter contre le voleur. La vérité éclatera finalement après que la famille ait déménagé pour Oslo et Berger humiliera Lydersen..... Un film plaisant.
  • LE TESTAMENT DU DOCTEUR MABUSE (1932)
    Les "feuilletons" Mabuse de Fritz Lang ne sont pas, par mégarde entrés dans la catégorie des classiques de l'histoire cinématographique ... Le surprenant, malgré le temps, est qu'une oeuvre ne peut pas vieillir quand elle sait encore faire rire, sourire, intéresser. Les trucages sont pour l'époque, remarquablement construits, le scénario démontre l'incroyable imagination de Fritz Lang. De plus, le tableau de la misère sociale, le chômage et le chaos qu'il entraîne ne sont pas oubliés ... Bref un film que l'on revoit toujours avec plaisir ....
  • LE GRAND BAPTÊME (1931)
    Un film absolument charmant : Harald est un jeune homme chétif et manquant d'une totale confiance en lui. Il rencontre Petra, une femme d'âge mûr qui lui propose de devenir "homme d'intérieur" afin de s'occuper de l'enfant qu'un séducteur a fait à sa colocataire, Alvide. L'image de l'homme au foyer, se promenant en ville avec un bébé dans les bras et préparant les repas est extraordinaire pour un film de 1931 et annonce le rôle initiateur qu'adopte dès cette époque la Norvège en la matière. De plus, les pasteurs d'Oslo se font une concurrence acharnée pour "sauver" les âmes de ces enfants nés "impurs". Pour cela, ils "prospectent" dans les quartiers qui ne sont pas les leurs, mais dépendant d'un pasteur rigoriste. La situation qui en résulte est des plus cocasses et étrangère à notre tradition nationale et très peu dépeinte dans le cinéma occidental. Bref, Harald parviendra à se faire aimer pour ses grandes qualités morales par la belle Alvide. Un film qui mériterait une large diffusion.....
  • LA JEUNE FILLE AU CARTON A CHAPEAU (1927)
    Comédie du muet en noir et blanc, "La jeune fille au carton à chapeau" nous représente quelques aspects de la vie en Union Soviétique en 1927. Quelques inconvénients majeurs d'une société en développement font alibi aux rebondissements du film, tel en est du problème du logement. Ainsi, pour loger un pauvre étudiant une jeune et belle modiste improvise un mariage blanc pour lui permettre d'occuper une chambre que le syndic lui a attribuée sans qu'elle ne l'occupe, chez sa patronne. Elle même loge à la campagne. Un préposé à la poste se meurt d'amour pour elle, mais les circonstances vont mettre face à face ceux que le hasard avait "mariés". Bref, un film drôle et étonnement moderne dans la représentation de faits de société très actuels.