"Sonate d'automne" est un film absolument exceptionnel. Extrêmement fort, on est d'autant bouleversé de ressentir une révolte que l'on croyait personnelle représentée et jouée sur grand écran. Il est d'autant plus admirable qu'un téléfilm fut tourné par un homme et rend songeur sur la capacité de certains individus pour leurs perceptions de drames psychologiques profonds. Il plaît à Bergman d'entr'ouvrir la porte du champ immense de la complexité des relations humaines. Il s'agit ici de la relation parentale et filiale que certains qualifieront d'amour, mais qui se composent bien plus de haine et de ressentiments accumulés. Eva nous paraît comme une femme déséquilibrée, surtout face à sa mère, femme soignée et si sûre d'elle-même. Mais la première est le produit de la seconde qu'elle ignore, la détresse qu'elle a provoquée par ses abandons incessants au nom de sa carrière de pianiste, par son autorité sans pitié quand il fut question de tuer l'amour chez sa fille au nom de la mécon(naissance) de ce concept ... Le cri de haine d'Eva n'est pas la révolte puérile d'une enfant contre sa mère : c'est la révolte que crache une femme sensible contre celle qui l'a détruite. Entre mère et femme, ce film est aussi une réflexion sur l'injustice de la capacité donnée d'être l'une ou l'autre en plein épanouissement : la mère qui ignore le rôle qui lui est imparti, qui le joue plus que le vit, la femme qui ne peut l'être que malgré elle. Elle joue aussi un rôle qu'on lui a imposé, mais mal. Dans les deux cas, la comédie de la vie : le premier détruit les proches, le second détruit l'acteur lui-même. Bref, un film comme on n'en voit que trop rarement. A voir absolument.