Ce film est à mon sens un bon film quand il en appelle aux sens et à l'imagination du téléspectateur, il touche ainsi à son émotion et lui laisse une palette élargie d'interprétations personnelles de l'histoire qu'il retrace. Dans "Une leçon de piano", le spectateur demeure dans l'ignorance du passé des personnages : Pourquoi Ada a-t-elle subitement perdu la parole ? Pourquoi est-elle mariée à un homme qu'elle n'a jamais vu ? Qui est le père de sa fille ? Un grand artiste parti tenter sa chance en Europe ? Qui sont vraiment Georges Baines et Stewart ?... On comprend qu'à l'époque coincée dite Victorienne, le consentement d'une jeune mariée était inutile et que le prétendant était choisi selon sa situation sociale. Visiblement, Ada a volontairement ou après un traumatisme inconnu substitué la parole à la musique dans laquelle elle a trouvé dans sa première enfance un moyen d'expression beaucoup plus riche et adapté à son caractère pulsionnel et passionné. Cette substitution provoque une relation symbiotique fascinante entre l'instrument et la jeune femme. Sa relation avec les autres, passant par la musique, en est profondément modifiée : Ada a perçu instinctivement et inconsciemment un monde sensitif que Baines va percevoir et canalisera vers une relation amoureuse passionnelle. Dès lors, Ada trouve un moyen d'expression correspondant à sa fougue qui fait d'elle une femme achevée. Ce bouleversement va provoquer à terme la rupture du lien quasi organique entre Ada et son piano, symbiose qui connait son expression la plus intense par le parallélisme de la touche qu'Ada ampute à l'instrument afin d'y inscrire son amour et son propre doigt que Stewart coupe dans une crise de jalousie passionnelle. Soulignons enfin la relation extraordinaire d'Ada avec sa fille, Flora. Harmonie brisée par la relation entre Ada et Baines que l'enfant avait pourtant découverte et tenue secrète. A partir du moment où Ada décide de ne plus faire confiance à sa fille, celle-ci choisit l'homme qu'Ada repousse : Stewart. Elle l'accepte comme père et trahit finalement sa mère pour lui. Une trahison en vaut bien une autre, mais cette dernière s'achève dans le drame. Heureusement, tout se termine pour le mieux. Ada renonce au silence et à son piano qui a failli l'entraîner dans son trépas. Bref, un film exceptionnel, magnifique, sublime, que dis-je... bien plus encore.