Il n'est pas particulièrement original de décider le tournage d'une enième version de la vie de Jésus-Christ. Mais la transposition de Denys Arcand d'un martyre sur un autre à l'intérêt de l'adaptation au monde moderne. Elle en gagne en véracité et en force. Institutionaliser une conviction, réglementer une foi, historiciser en un copus sacré la simple lutte d'une vie, réglementer un magma de préceptes impératifs, c'est gagner en construction architecturale (dite "Eglise") ce qu'on perd en chaleur. L'intérêt de Jésus de Montreal fut de lever hardiment le lourd voile de deux mille ans de fabulation. En rejouant la Passion, la petite troupe théâtrale replace l'histoire d'une vie ( trop rabâchée ) dans le vaste canevas de l'Histoire. Dire que la crucifixion était un progrès par rapport aux pratiques antérieures de l'empalement, que selon les procès verbaux municipaux, Jesus était l'enfant naturel d'un soldat romain, c'est avancer très, très loin dans la dénonciation des tabous. Ce film avait bien plus pour choquer que ce qui fit scandale dans certaines autres oeuvres cinématographiques qui servirent d'étendard à la lutte de fondamentalistes utopiques (forcément utopiques...). Jésus de Montreal ne fit aucune vague, ce qui est stupéfiant car il montre lui aussi qu'un homme est homme, avec ses travers aussi... Peut-être ce film avait-il une qualité cinématographique autrement plus élevée, et de plus le message était transmis plus ou moins indirectement car réintégré habilement dans une fiction actuelle. Mais un langage plus détourné gagne souvent en force...