Influencé par Walter Ruttmann ("Berlin, symphonie d'une ville") comme par les expressionnistes allemands, "Douro" est avant tout le film d'un homme qui découvre les possibilités de son instrument, les possibilités (magiques, merveilleuses, enivrantes) du cinéma. Ces séquences sont très emouvantes, où l'on ressent l'enthousiasme du cinéaste, de l'homme à la caméra (pour utiliser le titre de Vertov, mais également parce que de Oliveira s'est toujours voulu apparent, jamais complètement caché derrière les images), qui expérimente la captation des lignes, des ombres, des reflets dans l'eau, des mouvements, de l'image en général (jeux de flous pour souligner l'apparition et la disparition de la vision). Dans ce même ordre d'idées, la tentation de la fiction à deux reprises, notamment : l'idylle entre le jeune couple et le symbole de la bite d'amarrage, et l'homme renversé par la charrue aux bovins. Découverte du cinéma aussi dans le montage ("Douro" est essentiellement un film de montage), rapide, saccadé, plus ruttmannien que vertovien car plus "humaniste" que "méchaniste". Je reviens sur les influences du réalisateur parce qu'elle semble ne pas avoir été abordée dans les analyses de l'oeuvre du cinéaste portugais. Je vois cette influence dans l'emploi fréquent des contreplongées, notamment sur les personnages types, et en particulier ceux menacçnts, tels l'agent de police. Je vois cette influence également dans le recours au contre-jour, dans l'utilisation des ombres, mais aussi et bien plus intéressant dans les plans des toits étroits aux cheminées fumantes, qui reprennent "en situation réelle" les décors recrées en studio des films de Murnau, Pabst et autres.