Deux longs plans séquences un de joie, l’autre de malheur, nommés mariage et roulette russe, dont la passerelle menant de l’un à l’autre, est un air de piano concluant les derniers débordements régionaux de cinq sidérurgistes immatures buveurs et batailleurs. Personne n’est parfait dans cette bourgade bâtie autour d’une architecture métallique d’intestin grêle fumant. Que ce soit dans ce stress évacué le soir à la bière en jouant au billard, de ces coups d’un père ivre mort s’abattant sur une fille qu’il ne reconnaît plus de cette chaleureuse soirée de mariage ou tout dégénère subitement. Ces hommes, aux potentiels toujours excessifs ne sont bien souvent que des parcelles confuses déstructurées par un outil de travail aliénant dont il faut évacuer chaque jour l’oppression par certaines extravagances. Sur ces terres ou jamais rien ne change. On ne fait que se chamailler tout en ajustant le chevreuil. Ailleurs la barre est bien plus haute, on reste toujours au contact d’une arme mais cette fois-ci braquée contre soi. Loin de ses bases, confronté à une violence insoutenable l’homme se découvre une nouvelle envergure, il se transcende, soutient pistolet collé contre la tempe son compagnon d’infortune au bord de la syncope en lui inculquant la force d’espérer. Ces hommes, déconnectés le temps d’une guerre de la bourrade, de la chasse et de la canette, subissent de plein fouet l’emprise d’un feu bien plus nourri que celui absorbé chaque jour sur leur lieux de travail. Une délocalisation écœurante n’offrant que rats, gifles, tripots et eaux jusqu’au cou, formatant une nouvelle vision des choses. La valeur d’une existence dans un contexte où elle ne vaut plus rien.