S'il fallait concentrer dans un microcosme un des messages principaux de cette œuvre gigantesque, le sauvetage de Gassim adopterait un rang élevé. Un choc frontal s'opère entre une continuité discursive éternelle basée sur des écrits que l'on apprend, que l'on applique et que l'on offre à la génération montante qui elle en fera autant au sujet de sa descendance, sans en changer la moindre lettre et une prise de conscience de sa possibilité d'agir et de penser dans une liberté choisie, consciente d'elle-même éloignée d'une tutelle ancestrale.Gassim égaré dans le désert doit mourir, c'est écrit. Lawrence rétorque dans un premier temps que rien n'est écrit, pour ensuite spécifier que tout est écrit "Là dedans", c'est-à-dire dans un esprit indépendant, dans l'analyse et l'entreprise. Une approche universelle donnant naissance à l'individualité d'un raisonnement démarqué de la caste qui par sa conclusion sauvera une vie.Lawrence livre sur un plateau Hegel et Kant à une rose des sables, ne s'exprimant que par une loi unique depuis des millénaires. Un sacrifice au service d'un texte divin d'adoration, de résignation et d'abandon de soi est contourné pour permettre à un esprit d'en sauver un autre, par une procédure individuelle.Le prince Faycal à cheval, sabre au clair, ne peut rien faire contre la mécanisation terrestre et céleste, c'est un premier pas vers le siècle des lumières où il faut peu à peu s'adapter aux transformations technologiques et intellectuelles d'un autre continent.Sherif Ali Ibn El Kharish le comprend bien, il s'incline devant l'initiative d'une entreprise personnelle couronnée de succès, menée par un esprit indépendant. Cette attitude faisant suite à une condamnation de départ musclée contenant l'intégralité de la pensée de ses ancêtres, laisse présager l'entame potentielle d'une autre manière d'appréhender le monde.