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Critique(s)/Commentaire(s) Publiques de
ELIE ELIE

  • LES AILES DE LA COLOMBE (1997)
    L'oeuvre de Henry Miller se laisse volontiers transposer au cinéma. Le travail est ici rondement mené : une mise en scène classique s'appuyant sur une adaptation intelligente, une lumière sensible, un jeu d'acteurs impeccable. C'est du bon boulot de mise en scène au service, humblement mais passionnément, d'une oeuvre littéraire. Le film n'a ni le ton personnel, ni la flamboyance du magnifique "Portrait of a Lady" de Jane Campion, mais ceci n'obère en rien ses qualités (psychologiques, narratives, plastiques) ni l'émotion profonde et la sensualité tragique qui l'habitent et qu'il parvient à communiquer de bout en bout au spectateur. Helena Bonham Carter, quant à elle, n'a rien perdu de son charme mélancolique. On notera enfin le retour, discret mais quelle composition solide ! , d'Elizabeth McGovern.
  • L'ÂGE DES POSSIBLES (1995)
    L'opus 2 de Pascale Ferran n'est malheureusement (et malgré quelques jolies scènes, mais on enreste là) qu'un exercice pour promo d'élèves comédiens. très surfait parla critique et surcoté par nombre de cinéphiles auxquels on accordera la générosité de leur regard nourrie sans doute d'absence de recul.
  • CRÉATURES CÉLESTES (1994)
    Côté esthétique, Jane Campion a fait école, au moins en Nouvelle-Zélande. Œuvre très riche, même luxuriante, "Heavenly creatures" laisse néanmoins un arrière-goût pas forcement agréable. A cause de sa dureté, de l'inéluctabilité de son dénouement. A ne pas mettre entre toutes les mains, assurément.
  • SONATINE (1992)
    Magnifique ! Le film d'un prince ! Un désespoir tranquille. Et définitif. Beaucoup de choses drolatiques dans les gamineries de Murakawa (le yakuza désabusé, personnage principal du film) et de ses hommes, qui noient leur attente (de Godot ?) dans des blagues à la Buster Keaton. La fin, enfin, est bouleversante : cette femme qui attend, et l'homme qui se tue. Beauté de l'espérance et noire splendeur du désespoir.
  • TOUS LES MATINS DU MONDE (1991)
    Si le cinéma est une rencontre, il est ici retrouvailles avec une France enfouie dans les profondeurs de l'oubli : celle d'un XVIeme siècle baroque, tout en lumières et en ténèbres. Ce siècle si étrange est filmé de façon sobre et rigoureuse par un cinéaste aux antipodes de tout spectaculaire. La réalisation l'est pourtant : spectaculaire. Cette oeuvre majeure, ponctuée par une musique inoubliable et une interprétation magistrale, est une redécouverte d'une Atlantide de notre culture.
  • DO THE RIGHT THING (1989)
    Un cinéma de combat, sans ambages. Et Spike Lee a tout à fait raison. Lorsque l'on sait que depuis des décennies (des Marx Brothers à Woody Allen), les Noirs sont les grands oubliés du cinéma américain, lorsque l'on sait que la condition des Noirs a subi un "set-back" durant l'ère Reagan qui équivaut à un retour à la situation des années 6O (les coupes budgétaires sur l'enseignement, etc.. touchent d'abord les plus défavorisés, donc les Noirs), lorsque l'on sait que les Noirs continuent à jouer les dindons de la farce du mythe USA, on se dit qu'il faut que les choses soit dites plus brutalement, que quelqu'un frappe du poing sur la table. "Boycott Michael Jackson".
  • BILLE EN TETE (1989)
    Adaptation sans surprise d'un bouquin sans génie, le film de Cotti nous vaut une prestation teenie de Thomas Langman (néanmoins prometteur) et un passage mélancolique d'une actrice de grand talent qu'on avait vue sous de meilleurs auspices : Kristin Scott Thomas. Une question au réalisateur (et, incidemment au producteur, Tarak Ben Ammar): est-ce un hasard ou une provocation que le curé (que l'on n'aperçoit que dans une brève séquence) soit interprété par un acteur musulman (tunisien, semble-t-il) ?
  • LA FEMME DE ROSE HILL (1989)
    Voila un Tanner qui ne laissera pas un souvenir impérissable. L'histoire est improbable et dramaturgiquement faible. Il faut beaucoup de bonne volonté pour croire à ce que nous raconte le cinéaste, dont le seul mérite est d'avoir déniché une actrice au sex-appeal ravageur et d'avoir laissé Ecoffey s'assagir, hélas seulement jusqu'à mi-film. Mais ce sont là bien maigres satisfactions. Tanner est fatigué.
  • CARNET DE NOTES SUR VÊTEMENTS ET VILLES (1989)
    Nonchalant (easy going) et curieux de tout, Wenders est égal à lui même, dans les documentaires de commande (comme celui-ci) comme dans ses œuvres plus ambitieuses, dans ses interventions télévisées (déclarations de festivals) comme dans ses choix de président de jury. Wim Wenders est le cinéaste des années 90 comme il fut l'un de ceux qui marquèrent (chris) la précédente. (et oui, justement, que devient Chris Marker, d'ailleurs grand ami de Wim Wenders ?) et quand Wenders fait un (petit) film sur la mode, il est encore plus mode que d'habitude. Car, il faut bien le dire, Wenders est un cinéaste "mode".
  • BABY BLOOD (1989)
    Parce que la grosse Yanka (qui, assurément, détonne par rapport au modèle standard) dort sans ceinture de chasteté, il lui arrive une mésaventure pas du tout ragoutante, du genre "Possession" (Zulawski, vous connaissez...) mais en pire. La Yanka en question semble faire contre mauvaise fortune bon coeur ce qui n'est pas forcement le cas du spectateur. Le réalisateur, visiblement, n'a pas froid aux yeux. Le ketchup gicle à jets continus. Il y en a assurément trop pour faire passer la sauce. Dommage, car les premières minutes promettaient nettement meilleur spectacle.
  • TU NE TUERAS POINT (1988)
    Dans une ville sans joie, la grisaille d'un ennui sans espoir va enfanter le meurtre, gratuit, atroce ...Premier d'une série sur les Dix Commandements, TU NE TUERAS POINT est une oeuvre cauchemardesque, difficilement soutenable, qui laissera des traces profondes chez ceux qui en seront les témoins. Une oeuvre terrible, sans concession et sans fausse pudeur. Le film de Kieslowski est de ceux qui restent graves dans les mémoires.
  • JUMEAUX (1988)
    Un parallèle intéressant est à faire entre deux films sortis presque simultanément et traitant tous deux de retrouvailles de frères qui ignoraient leur existence respective : « Jumeaux » et « Rain man ». Dans les deux cas, ceci donne lieu à des scènes hautement folklo, du genre voyage (donc parcours initiatique, et découverte de l'autre par le biais de l'espace restreint du cockpit de la voiture et pour le réalisateur du road-movie) ou encore l'achat de costards neufs (avec l'incontournable panoramique ascendant). Et vive les stéréotypes !
  • LES LIAISONS DANGEREUSES (1988)
    Dire que certains critiques se sont étonnés que Frears "s'attaque" à ce sujet (oeuvre littéraire, 18e siècle, costumes) ! Il suffit de voir "Sammy et Rosie s'envoie en l'air", son film précédent certes dans la veine sociale et politique pour être convaincu que "Les liaisons dangereuses" vont comme un gant à Stephen Frears, qui en possède l'âme et l'esprit. toute la perversité, le plaisir, la cruauté, la volupté des "liaisons" est déjà dans "Sammy et Rosie", ainsi que tout ce coté "rapports de force" dans les relations hommes-femmes.
  • TROP BELLE POUR TOI (1988)
    Il faut certes saluer la tentative de Bertrand Blier de casser le moule du scénario traditionnel. Malheureusement, son sujet est trop banal pour que l'originalité de son entreprise en profite. Qui plus est, Blier noie son traitement dans une sauce Schubert lourde, lourde (ce n'est plus suggérer, c'est enfoncer le clou...), et dans des travellings latéraux artificiels. Les dialogues sont souvent d'une "vulgarité" (pardon pour le mot) gratuite, voire démagogique. Quant au dénouement (et il ne faut pas être voyant pour le prévoir dès le premier quart du film), il n'a vraiment rien d'original !
  • MAKING A SPLASH (1988)
    Une variation classique sur l'eau élément de prédilection de Peter Greenaway avec un accompagnement musical très adéquat. Heureusement, après les séquences animales (grenouilles, enfantines et sportives, Greenaway aborde l'érotisme, qualité fondamentale de l'eau. Les scènes sont alors parmi les plus belles du film, restant toujours discrètes et délicates. On en garde d'excellentes impressions de beauté, de fraîcheur et de fluidité et une envie folle de se jeter à l'eau !
  • LE PHILOSOPHE (1988)
    Après "LE MICROSCOPE", très réjouissant, "LE PHILOSOPHE", second volet de la trilogie "Les formes de l'amour", est terriblement décevant. Niais, simpliste, il est l'oeuvre d'un cinéaste qui s'est laissé aller à la facilité et au kitsch. La critique française, qui n'y a vu que du feu, a bien sur autant encensé ce film qu'elle n'avait démoli le précédent. Allez y comprendre quelque chose...
  • L'AMOUR EST UNE GRANDE AVENTURE (1988)
    Une suite à "TEN", tout bêtement, John Ritter remplaçant avantageusement, mais dans le même registre (chansons au piano comprises) l'insupportable Dudley Moore. Blake Edwards a tellement peu d'idées nouvelles qu'il continue à faire courir son héros derrière tout ce qui ressemble peu ou prou à une femelle alors que les States sont en pleine terreur sida. Ce donjuanisme est moins une provocation qu'un immobilisme scénaristique. Il y a d'ailleurs tellement peu d'effort, dans ce film, qu'on peu même remarquer, à un moment, une tâche sombre sur le mur où Ritter s'apprête à se cogner la tête avant qu'il ne l'ait fait, tâche subsistant de prises précédentes...
  • REEFER ET LE MODELE (1988)
    Film rugueux, poésie de la terre et des hommes, hymne à l'Irlande, cette oeuvre de Comerford emprunte beaucoup à un certain Fassbinder. Tout particulièrement celui de "Querelle" (cité de façon on ne peut plus directe dans la scène de l'affrontement des marins aux tessons de bouteilles, mais aussi pour son homosexualité, ses couleurs et ses choix d'angles).
  • ETAT DE CHOC (1988)
    Voir James Woods (WOOD sans S selon le générique de la VF !!) tabasser la merveilleuse Sean Young, quel gâchis ! C'est le scénariste qu'il faudrait enfermer... Lorsque l'argent devient seule valeur, et valeur artificielle autant que tapageuse, les choses ne tiennent souvent qu'à un fil, une ligne... une ligne de coke, en l'occurence. Et voilà nos faiseurs d'argent précipités dans le plus profond des abîmes. Le film doit beaucoup à James Woods (é-ton-nant ! ) et à Sean Young, terrifiants de véracité, dans de rôles à contre-emploi.
  • BRULANT SECRET (1988)
    Comme les nouvelles de Zweig (a l'esprit duquel il est fidèle), BURNING SECRET est inquiétant et touchant à la fois. Inquiétant, il l'est pour l'ambiguïté de Klaus Maria Brandauer (superbe, comme à son habitude, portant secrètement une blessure bien plus profonde que celle qu'il montre au jeune garçon, car une blessure de l'âme). Touchant, le film l'est pour les rapports qui unissent la mère et l'enfant et qui freinent celle-là au moment de commettre "la faute", scellant le secret "brûlant" qui les lie désormais.
  • CALENDRIER MEURTRIER (1988)
    Ca commence de façon fort prometteuse : ce casting généreux, il y a de quoi vous mettre l'eau à la bouche. Helas, à part Kevin Kline qui s'en tire énergiquement, tout ce beau monde (Keitel compris) est sacrifié à un scénario de tous les clichés, de tous les lieux communs qui comme pour finir en beauté s'achève dans le comique le plus grotesque, le plus beat. On n'en revient pas. En fait de polar, nous avons affaire à une "comédie manquée". Quant au dialoguiste, il est dommage qu'il n'ait pas été inclus dans le calendrier dont il est question ici...
  • L'AMI DE MON AMIE (1987)
    Il y a l'idiote (Emmanuelle Chaulet, dans un rôle qui irait comme un gant à Marie Rivière), la menteuse (Sophie Renoir, charme et futilité), l'indépendante (la merveilleuse Anne-Laure Meury), les mecs (de service) et Cergy-Pontoise. En fait, le film est une pub pour Cergy-Pontoise et pour les villes nouvelles en général. C'est aussi son principal attrait et intérêt : un tel environnement (ou paysage urbain) est un décor de cinéma (et un témoignage d'époque) trop rarement utilisé. Quant aux personnages (et à "l'intrigue"), on assiste aux chassés-croisés et aux bavardages habituels de Rohmer. La caméra est devenue plus baladeuse, cependant : plans de coupe du public bigarré de la piscine, comme dans LE RAYON VERT celui de la plage. A part cela, il n'y a rien de neuf, c'est tantôt charmant, tantôt navrant, on mélange les couleurs comme les couples. Le jeu des tee-shirts vert et bleu dans la dernière scène entre les quatre est à ce point évocatrice. Comme à chaque fois, on peut se demander si le regard de Rohmer est de pure cruauté (auquel cas ses personnages ne seraient que pantins de démonstration du Ridicule) ou s'il adhère réellement au discours de ses personnages, auquel cas la mièvrerie ne serait plus l'objet du message, mais le message lui-même.
  • PRICK UP (1987)
    Le film a, semble-t-il, la réputation d'être "dur". Peut-être suis-je blasé, mais j'ai vu "pire". Ceci ne doit pas cependant être à inscrire au "débit" du film, qui a beaucoup de bonnes choses à nous proposer. D'abord l'interprétation, magnifique, de ses comédiens, tout particulièrement le dénommé Molina (Kenneth) au superbe jeu oculaire, et la toujours excellente Vanessa Redgrave, sans oublier un très cynique Gary Oldfield. Ensuite, cette séquence savoureuse où les deux hommes font pour la première fois "gouzi-gouzi", alors que dans la pièce, la TV retransmet le couronnement de la reine, dont on entend ô sacrilège -le commentaire en off.
  • DROWNING BY NUMBERS (1987)
    Il est intéressant de noter que "numb" en anglais signifie "engourdi" ou encore "paralysé". Ainsi, les nombres sont aussi des "paralysants" : devant une accumulation de nombres, cabbalistiques ou sybillins, on est littéralement pétrifié (de peur, d'angoisse, de découragement devant l'ampleur de la tache de décodage ? ). Paralysé ou engourdi, au point de se noyer irrémediablement... Et c'est ainsi que Greenaway cyniquement tue les spectateurs de ses tableaux qui, littéralement, portent la mort en eux, notre mort médusée.
  • LA MÉNAGERIE DE VERRE (1987)
    Une très belle composition, par un quatuor d'acteurs magnifiques. La ressemblance avec "La mort d'un commis voyageur" (de Schloendorff et Miller) est frappante. Non pas POUR John Malkovich, mais parce qu'il interprète dans les deux cas (avec autant de brio, de tension, d'implication) le même type de personnage, avec le même type de rapports avec son père ("Commis") ou sa mère ("Ménagerie"). D'ailleurs Dustin Hoffman comme ici Joanne Woodward sont tous deux obligés d'avoir recours au même type de "sur-jeu", pour porter à leur extrême les déchirements des rêves brisés. Autres ressemblances le fiancé -rêve de la soeur (fulgurante Karen Allen, d'ailleurs un très intelligent choix de casting, non seulement pour son talent, mais pour sa ressemblance physique marquée avec Marisa Pavan, la Rosa de "La rose tatouée", qui est avec "La ménagerie" l'une des pièces les plus autobiographiques de Tennessee Williams) donc ce fiance- rêve de la soeur joue le même rôle que le frère de Malkovich dans le "Commis", celui du personnage réaliste qui, du monde extérieur, pénètre dans le huis-clos étouffant de la famille. Dans les deux films, aussi, les mêmes mouvements de caméra, le même grain "passé" de la pellicule.
  • MAICOL (1987)
    Quel ennui ! Au bout d'une demi-heure, soit le tiers du film, absolument rien ne s'est encore passé. Ni dans la vie de la mère (que l'on voit dans ses taches et son ennui quotidien), ni sur l'écran, désespérement morne. C'est là que je suis descendu de la rame pour une ligne plus attrayante.
  • LE RAYON VERT (1986)
    Ce n'est pas un film, c'est une thérapie ! Et il est vraiment gênant d'assister à un déballage aussi lamentable de vie dérisoire et mièvre. Les dialogues sont à la mesure du projet, d'une platitude affligeante. Le sommet est atteint lors de la scène du repas à Cherbourg, ou la navrante Delphine "explique" à ses amphitryons qu'elle "ne mange pas de viande" et que ceux-ci s'en étonnent comme s'ils entendaient parler de la chose pour la première fois de leur existence (le concept de végétérianisme passe complètement à l'as dans cette conversation prétendument "réaliste", sinon "vériste") et l'on finit sur une déclaration ahurissante de Delphine, expliquant le plus sérieusement du monde qu'elle "ne pourrait pas non plus manger de fleurs" !!! On croit rêver... Après ce sommet de surréalisme, on continue cahin-caha jusqu'à la fin, tout aussi chétive, où Delphine et son compagnon (enfin trouvé) découvre le rayon vert. Du romantisme naif et dérisoire. (Meilleur moment du film : la scène de la discussion entre les quatre copines, où Delphine, acculée et meurtrie, essaie pathétiquement d'éviter de dire les choses tel qu'elles sont. ).
  • PLATOON (1986)
    Vous avez dit "guerre du Vietnam" ? Oh pardon, j'ai bien cru voir un western. Un western qui se serait déroulé dans une jungle tropicale, où les (méchants) Indiens auraient de (méchants) yeux bridés et où ils seraient (justement et héroïquement) massacrés à l'arme lourde. Le comble, on l'atteint à la fin : cette guerre n'était qu'un combat contre nous mêmes, à la recherche de notre âme (sic). Et les Viets, bordel ! Pourtant, il paraît que Stone y était, au Vietnam. Ce film est alors l'illustration de ce triste constat : l'armée abrutit et la guerre pourrit. sans grade).
  • LA FEMME SECRETE (1986)
    L'histoire n'était pas inintéressante. Pour la traiter, Grall avait le choix entre le punch ou le blues. Il a malheureusement opté pour le second. Et pour se donner les moyens, il a retenu un casting conforme à cet esprit, donc tout ce qu'il y a de moins original : mais quand donc verrons-nous Bonnaffé dans un rôle autre que celui du pleurnichard de service ? D'ailleurs le jeu des acteurs n'a rien d'exaltant, ni d'ailleurs le rythme général du film. Et celui-ci s'en ressent...
  • PIERRE ET DJEMILA (1986)
    Il n'était pas facile (et il ne l'est toujours pas) de traiter ce sujet délicat et passionnel. Blain le fait avec beaucoup de pudeur et de volonté d'équité. A la sortie du film, les critiques lui jetèrent l'anathème et crièrent au racisme. Rien de plus faux, pourtant, car ce que l'on voit ici est justement le reflet de la réalité, de l'incompréhension qui frappe les deux communautés française et arabe, repliées sur elles-mêmes. Seuls les innocents contreviennent au statu quo de l'apartheid de facto et doivent, tels Roméo et Juliette, en payer le prix. L'histoire d'amour entre Pierre et Djemila est racontée avec beaucoup de délicatesse, de pudeur et de tendresse. Le projet de ses parents de la marier en Algérie contre son gré (habitude largement répandue) est cité "objectivement" et non comme une dénonciation, de même que le portrait de Djaffar, le frère aîné, élément dur de la famille, élément réactionnaire, né des réactions d'aporie de la communauté (face à l'agressivité physique, culturelle de l'autre). C'est Djaffar qui tuera Pierre ; et la communauté, face à ce coup de la fatalité, ne fera rien pour empêcher la police (les agents de la Loi) d'intervenir. Où donc est l'appel au racisme ? Comme d'habitude, ces bouffons que sont les critiques ont crié au loup et le film aura fait, toujours aussi injustement, une autre victime : son réalisateur.
  • FATHERLAND (1986)
    On considère bien à tort ce film comme un "raté" de Ken Loach. C'est au contraire, l'un de ses plus intéressants en autres, en raison même des éléments qui peut-être font sourciller certains: les séquences oniriques (étonnant de voir des images subjectives dans le parcours de Loach, aussi étonnant certainement que les intertitres de "Pas de larmes pour Joy". Comme à l'accoutumée, Loach a un regard extrêmement critique sur la société du "capitalisme réel". Sa caméra est ici d'autant plus acérée, qu'il renvoit la balle à l'Occident, après un prologue stigmatisant la RDA du "socialisme réel". L'ambiance politique est globalement proche de "Hidden Agenda". Une scène, en revanche, fait monter très haut ce film : les retrouvailles du fils et du père, véritable "fête" de douleurs longtemps retenues qui remontent à la surface, à la faveur d'un superbe maelström de sentiments et d'émotions contradictoires. Le tout, sous l'oeil de la plus sensuelle des comédiennes, Fabienne Babe, ici dans un rôle au naturel, sans sophistication, simplement émouvant et tendre.
  • NOTRE HISTOIRE (1984)
    Un film fait pour Alain Delon, qui devait l'aider à changer de créneau. Hélas, Delon joue tellement mal qu'il en est ridicule. Après vingt ans de polars, ses traits ont pris trop de mauvais réflexes. Quel gâchis ! Autour de Delon et de Nathalie Baye (barbante), le film ne manque pas d'intérêt mais moins pour son histoire (à coucher dehors) que pour sa structure (et là, on reconnaît bien Blier). Ainsi, les personnages fabriquent eux-mêmes leur histoire, comme s'ils posaient eux-mêmes les rails devant le train (hésitant) qu'ils conduisent si vous me permettez la métaphore. Et à propos de métaphores, saluons les bonnes trouvailles des dialogues.
  • TASIO (1984)
    Le cinéma espagnol excelle dans la déscription du monde rural, si totalement escamoté de ce côté-ci des Pyrénées. Sur un beau et littéraire scénario, Armendariz signe une chronique sobre, pudique et émouvante, quoique non dépourvue d'une candeur tellement ibérique. Le réalisateur a beaucoup de tendresse pour ses personnages et, cela se confirmera dans ses films suivants, il est très attentif à ces moments, les plus profonds, comme ceux qui s'agitent en surface, qui animent l'Espagne, socialement comme dans ses identités régionales (ici le pays basque).
  • TCHAO PANTIN (1983)
    Claude Berri est un cinéaste rigoureux, et il le prouve. Dans TCHAO PANTIN, il n'y a aucun plan superflu. Tout est parfaitement maîtrisé (rythme, cadrages, action, dialogues, lumière et zones d'ombre) pour mener cette superbe histoire à son but : le coeur du spectateur. Vecteurs de l'émotion, les acteurs sont magnifiques de véracité. Coluche, notamment, dans un rôle inoubliable, mais aussi les deux jeunes révélations "craquantes" : Richard Anconina et Agnès Soral.
  • CANICULE (1983)
    Le dernier bon Boisset. Et l'on peut dire qu'il est dû autant à son propre talent (mobilité de caméra, fluidité de montage, respect avec lequel est filmé le grand Marvin, direction des acteurs) qu'à la bonne tenue du scénario. L'interprétation jubilatoire des acteurs (avec une mention spéciale à Bernadette Lafont), les dialogues grandioses de férocité (Audiard, of course ! ), l'esprit Hitchcock et Tiomkin (pour la musique) sont autant d'excellents arguments pour ce film, qui finit en apothéose, avec le face-à-face Marvin-Bennent (génial, ce petit !). Depuis, hélas, Boisset n'a plus rien fait de bon.
  • L'AMOUR PAR TERRE (1983)
    Beaucoup de charme, ce Rivette, certainement l'un des plus réussis. Il doit beaucoup à ces acteurs (Kalfon, Dussollier, mais surtout Birkin et Chaplin ! ).En l'absence de documentation, je me demande si le personnage de Béatrice n'a pas quelque parenté avec la Béatrice de Dante... A noter un passage particulièrement beau : Charlotte (Géraldine Chaplin) déambule autour de la statue de l'Amour, passant de "Il m'aime, un peu, beaucoup, etc." à "Il ronfle, un peu, beaucoup, etc" et finit par faire tomber la statue, qui se brise ... Ah, Rivette, il n'y a que toi !
  • L'HOMME BLESSÉ (1983)
    Malsain et nauséabond, ce film n'est qu'un ramassis de trucs pour pédés, où l'action se passe le plus souvent dans des chiottes de gare. Assurément, un film à oublier, voire à proscrire. PS : A noter, cependant, la première apparition au cinema (si je ne m'abuse) de Jean-Hugues Anglade. Il aurait pu faire un meilleur choix !
  • CAP CANAILLE (1982)
    Juliet Berto passe son temps à changer de tenue (des juste-au-corps tour à tour bleu, rouge, vert, blanc, etc. ) et on s'amuse à les regarder passer (et occasionnellement retirer), tout au long d'un film prévisible et sans passion. Décidement mineur, le film a pour atout principal son thème : les incendies de forêt criminels. Ce qui lui confère, tous les dix-douze mois, une actualité... brûlante.
  • LE CHOIX DE SOPHIE (1982)
    D'abord et avant toute chose, le jeu magnifique de Meryl Streep inoubliable. Et l'accent polonais... quelle grande actrice ! Et dire que certains trouvent son jeu trop "froid" ! Quant à son travail sur l'accent (tout comme dans "Out of Africa" l'accent scandinave ou dans "Un cri dans la nuit", l'australien), nos actrices bien françaises feraient bien de s'en inspirer. Les nuances d'accent restent l'apanage des comédiens anglo-américains, les Français ne jouant que sur leur registre personnel. Pour revenir au film, quel formidable mélo, qui vous emporte comme un raz-de-marée. Pakula n'a plus jamais rien fait d'aussi bien depuis.
  • SANS SOLEIL (1982)
    Un "journal filmé" au texte magnifique de nostalgie et de mélancolie (à peine) retenue. Il y a les peuples de la Mémoire et ceux de l'Oubli. Le peuple de la Mémoire par excellence est le Japon. On en verra ici avec curiosité ou émotion quelques aspects (comme dans TOKYO-GA de Wenders). Parmi les peuples de l'Oubli (mais nous sortons là des propos du film), il faudra peut-être que nous nous reconnaissions. Pour plusieurs raisons (Collaboration, guerre d'Algérie, etc. ) dont la "digestion" que fait notre organisme de la culture américaine. Alors qu'au Japon, cette dernière a été parfaitement assimilée et cohabite avec les valeurs traditionnelles, en France elle a phagocyté la culture euro-méditerranéenne.J'en sors à peine. C'est peut être trop tôt, mais il faut affirmer l'universalité de cette chose. Peut-être de celles qu'un homme ou une femme doivent intégrer pour vivre . cf Tarkovski.
  • LE CERCLE DES PASSIONS (1982)
    Oedipien et très sensuel, le film aurait cependant pu être un peu plus subtil. Trop explicite (ce que confirme d'ailleurs son style théâtral éclairages, décor, cadrage, mouvements de caméra et déplacements de personnages), il insiste lourdement sur l'érotisme sauvage de la torride Assumpta Serna, avec laquelle tous les enfers sont permis. Malgré tout, et pour son atmosphère, "Le cercle des passions" se laisse regarder avec intérêt et sans ennui.
  • LES ILES (1982)
    Plus qu'un film, un poème. Un hymne à la terre (éternelle), d'une lumière superbe et traversé de beaux mouvements de caméra.
  • LE MAITRE D'ÉCOLE (1981)
    Film mineur d'un Claude Berri qui ne pensait pas encore aux superproductions. De par son sujet, son traitement (les dialogues comme les petits gags sont bons, jamais vulgaires, comme ce n'est que trop souvent le cas dans la comédie franchouillarde) et ses personnages (les enfants, Balasko, mais surtout Coluche, tendre et affectueux), le film est sympathique et emprunt d'une douceur qui fait un peu défaut sur les écrans. Cela étant, le film est très marqué "fin des années 7O". Partant, il risque fatalement de "vieillir" assez mal. Ce qui le placera un jour dans la catégorie des curiosités où il ne sera pas en mauvaise compagnie.
  • HÔTEL DES AMÉRIQUES (1981)
    Tiens, Josiane Balasko porte déjà son prénom de "Plus belle que toi" ! Et déjà ici, "femme ordinaire" (que je n'emploie pas ici à titre péjoratif), elle voit croiser son chemin une "femme hors du commun", en l'occurence Catherine Deneuve. Film fluide (ondoyant), romantique (au sens le plus littéraire du terme), "HOTEL DES AMERIQUES" a beaucoup pour séduire, et avant tout son couple d'affiche (Dewaere-Deneuve). C'est aussi, cependant, une histoire grise, pas particulierement propre à soulever les passions. Juste un peu de mélancolie.
  • LA GUERRE DU FEU (1981)
    En ce qui concerne les fameux dialogues du film, dits dans un "langage" inventé pour la circonstance par Anthony Burgess et constitués de grognements et autres halètements primitifs, ce n'est pas la première fois qu'un cinéaste y a recours pour ce genre de films, comme l'annonçaient les médias à sa sortie. C'était aussi le cas pour "Creatures the world forgot", réalisé en 1970 par Don Chaffey. Le film est assez médiocre, mais comporte quelques scènes joliment assemblées avec une intéressante expérience de montage.
  • LA FEMME DE L'AVIATEUR (1980)
    Si le film est un des meilleurs réalisés par Rohmer, il le doit beaucoup à sa brillante partie centrale, notamment la longue séquence aux Buttes-Chaumont. Ah, quel beau morceau d'anthologie ! Anne-Laure Meury, charmant lutin, délicieusement espiègle, tranche avec les autres personnages, d'une mièvrerie rohmerienne, et apporte une bouffée d'air frais au film comme au cinéma français dans son ensemble. Quant à cette course poursuite dans le parc, qui rappelle à la fois Hitchcock et Rivette (Céline et Julie), on voudrait la revoir encore et encore. Lucie Lavalette, 15, av. de Verdun (et non 10) alias.
  • VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER (1978)
    Le sujet du film de Cimino est moins la guerre du Viet-Nam proprement dite que ses séquelles. La guerre, essentiellement concentrée dans le "huis-clos" de la roulette russe sur le fleuve, dans la déambulation nocturne de Nick et dans le retour de Mike à Saïgon, ne prend que le quart du temps total du film. L'objet de Cimino est la vie communautaire (ce qui nous vaut des séquences ethnologiques toute la première heure du film). Une vie communautaire vue à la fois du point de vue du groupe et de celui de l'individu, et qui va accuser le coup pour ce qui arrivera à ses "héros". Le film est certes passionnant (que ce soit pour son rythme ou pour ses acteurs, tous magnifiques, seconds rôles compris), mais Cimino reste un cinéaste essentiellement réactionnaire ("God bless América, from the mountains to the prairies, etc. " qui vient conclure le film) pour qui le comble de la déchéance américaine a été cette pathétique roulette russe devant un parterre de Viets grimaçants. Un film admirable pour sa conduite, détestable pour son idéologie.
  • LES JOUEURS D'ECHECS (1977)
    Un film qui tiendra une place de choix parmi les oeuvres anti-colonialistes, et qui brille par ses touches d'humour (qui viennent nuancer sa gravité de fond notamment en ce qui concerne les (non-)rapports des deux joueurs avec la réalité, leur relation à leurs épouses délaissées, mais aussi l'évolution de leurs propres rapports), par son absence de manichéisme (à noter la présence du lieutenant britannique féru de culture et de poésie hindi) ainsi que par son esthétique (les plans de l'échiquier, du roi aux danseuses, de l'invasion britannique notamment). Dommage, surtout vers la fin, que Ray soit autant amateur de zooms.
  • GRANDMOTHER (1976)
    Inquiétant jusqu'au malaise, ce court métrage ouvre d'intéressantes perspectives sur une personnalité torturée, déchirée par une enfance où la part de refoulement a sans doute son importance. Ce petit film, violent, bestial, crie littéralement d'amour refusé, et l'enfant "s'enfante" sa grand-mère comme s'il voulait s'inventer de nouveaux parents, comme s'il tuait ses parents naturels. Et la grand-mère, c'est déjà la mort, la putréfaction. Voilà un cinéaste (je n'ose déjà parler d'auteur) bien parti pour un ego-trip de longue haleine.
  • LE MARIN QUI ABANDONNA LA MER (1975)
    Le roman de Mishima ne pouvait être adapté que par un Japonais, un Allemand (tendance "Les désarrois de l'élève Toerless") ou un Britannique (tendance "Le seigneur des Mouches") éducation perverse oblige. C'est donc ici un Britannique... et il ne s'en tire pas si mal, si tant est que le roman était déjà si concentré et si rigoureux qu'il était difficile de quitter sa fascinante orbite. Que le réalisateur a bien senti le livre, on le voit à son casting (ce sont vraiment les acteurs qu'il fallait). En revanche, le style pèche par une esthétique télé la plus plate (gros plans constants et injustifiés, sur les visages comme sur les objets), par ses fondus-enchaînés à gogo et par ses choix d'angles incongrus et complaisants (les ébats du couple, prétendument observés par le fils). En somme, une adaptation honnête, mais qui vaut avant tout par son matériau de départ : le roman de Mishima.
  • BENILDE OU LA VIERGE MERE (1975)
    Benilde, ou la vierge-mère. Le film commence par un plan-séquence d'anthologie : un long travelling avant (sur les images duquel s'incruste le générique) à travers les coulisses du décor, qui lentement aboutit à l'appartement qui sera le théâtre (si j'ose dire, le film étant la fidélissime retransposition d'une pièce de théâtre) des événements. Travelling avant dans lequel un critique de cinéma (Yann Lardeau, des Cahiers) a d'ailleurs vu la "transposition de l'acte sexuel" qui aurait fécondé Benilde. Si on veut... Mon analyse n'étant, elle, fécondée ni par la sémiologie ni par la psychanalyse, je me placerai sur un plan plus strictement esthétique. Et cela avant tout pour souligner le "gothisme" du style adopté par De Oliveira : la couleur (dominantes orange et sienne brûlée), l'éclairage, les angles (à signaler tout particulièrement un plan halluciné, unique et incongru, en plongée totale sur les protagonistes et qui semble pris à travers le conduit de la cheminée), les objectifs utilisés, la présence du feu au premier plan, ainsi que la bande son saturée (il y a quasi constamment une musique étouffante, même en fond des dialogues, ainsi que le bruit tumultueux de la tempête qui fait rage au-dehors et qui souligne la coupure du huis-clos de la maison avec le monde extérieur), et enfin la présence fantomatique du "fou de la lande" dont on entend les atroces cris de loup-garou tout cela concourt au style gothique (à la Mario Bava...) du film et tend à confirmer la tentation du fantastique chez un cinéaste qui plus tard réalisera "Les cannibales" et qui auparavant avait montré beaucoup d'affinités avec le cinéma expressionniste allemand.
  • SOUVENIRS D'EN FRANCE (1974)
    Téchiné, certainement, n'aurait pas dédaigné un budget quatre ou cinq fois à celui dont il a disposé pour ce deuxième film : il nous aurait pondu une de ces sagas épiques ou aurait trouvé épanouissement son penchant romanesque. Au lieu de cela, nous n'en avons qu'une ébauche, avec un alibi "Art et Essai" : l'intention d'en finir avec un style. On se recycle comme on peut. Il faut cependant rendre à César ce qui lui est dû, et convenir que Téchiné, comme il le démontrait dès son tout premier film, filmé à merveille les actrices (ici Jeanne Moreau, mais aussi Hélène Surgère, alors qu'à Marie France Pisier était dévolue le rôle, qu'on ne lui connait que trop bien, hélas parce qu'elle mérite mieux, d'emmerdeuse snob). Donc les femmes(d'emmerdeuse snob) et çà c'est bien. Et c'est même la seule chose qu'il faut retenir du cinéma de Téchiné, de "Paulina" aux "Innocents".
  • LA FLUTE ENCHANTEE (1974)
    Un émerveillement à l'image de celui qui illumine le visage de la jeune spectatrice, tout au long de la représentation. Oui, représentation, car seul parmi les cinéastes qui ont filmé des opéras, Bergman (aux antipodes les plus totales de Zeffirelli) a maintenu l'oeuvre dans son lieu de représentation intérieur, clos, scénique. La représentation elle-même se caractérise par de constantes touches d'humour (distanciation ? noter : les pancartes, lors des phrases un peu grandiloquentes sur l'amour, le bonheur, etc. ). Quant à l'interprétation vocale, Pamina se distingue tout particulièrement, alors que sombre la reine de la nuit.Seules déceptions (de taille, cependant) le montage rythmique qu'adopte Bergman lors de l'ouverture, avec les gros plans sur les spectateurs une idée beaucoup trop conventionnelle. Par ailleurs, ces spectateurs de tous âgés et de toutes races ressemblent "horriblement" à un melting-pot "Nations-Unies". Sobrement, un public "purement" scandinave n'aurait rien eu de choquant, ni de scandaleux.
  • INDIA SONG (1974)
    En faisant de l'anti-cinéma, la Duras a reculé les limites du cinéma. INDIA SONG est un film immense. Immense comme l'océan de bonheur dans lequel il plonge son témoin (appelons-le "spectateur"). Mais aussi une oeuvre exigente, rigoureuse et sévère. C'est avec des oeuvres de ce genre que le cinéma mérite sa dénomination d'Art (7ème).
  • L'EXORCISTE (1973)
    Ce qui explique le succès d'un film comme L'EXORCISTE, au-delà des effets spéciaux et de la terreur au premier degré, est me semble-t-il le fait que les gens s'identifient parfaitement à l'adorable petite fille soudain possédée. Tout le monde a peur de ses propres réactions dans une situation incontrôlée. Que dit-on lorsqu'on délire en pleine fièvre ? Que fait-on lorsqu'on est ivre ou sous l'influence de quelque produit ? Quels secrets libère-t-on alors inconsidérément ? Et qu'en garderont les autres, qui auront vu le spectacle ?
  • LE DERNIER TANGO À PARIS (1972)
    Contrairement à ma précédente rencontre avec LE DERNIER TANGO, il y a deux ans en version allemande, je pense que le film de Bertolucci a très bien vieilli. L'interprétation aussi douloureuse que majestueuse de Brando, la sensualité de Maria Schneider (en chatte, papillon, vache, en mini-"jupe" ou sur les WC), les superbes mouvements de caméra, les apparitions de L'UNIQUE Léaud autant de moments forts qui font de ce film un magnifique passage de tunnel, tout comme il est aussi un chef-d'oeuvre d'éro-thanatos narcissique. Les évocations du suicide de l'épouse de Paul-Brando (notamment celle où il est sur son lit de mort) sont superbes.
  • LES CONTES DE CANTERBURY (1971)
    Une fresque paillarde où l'ennui le dispute au mauvais goût (du moins, pour ne pas apparaître comme un moraliste puritain, à une provocation aussi bête que facile). Pour un inconditionnel de Pasolini première période, LES CONTES DE CANTERBURY viennent mettre sérieusement en doute les facultés mentales (et non pas morales) du cinéaste-poète, sur la fin de son parcours.
  • TRAFIC (1971)
    Un film merveilleusement rafraîchissant par rapport à la grisaille cinématographique quotidienne. "Star Wars"...Tati, un comique inégalable, fait de finesse d'observation et de tendresse, d'un sens du détail comme de l'ensemble, qui fait de ses films, sous la houlette nonchalante de Monsieur Hulot, de véritables compositions musicales, des symphonies du rire.
  • LES LONGS ADIEUX (1971)
    Une femme vivant seule avec son fils devenu adolescent et qui, après une visite à son père, qui habite à quelques milliers de kilometres de là en Sibérie, exprime sa décision de vouloir désormais vivre avec son père... Kira Mouratova dépeint avec beaucoup de sensibilité (gros plans, montage en ruptures, noir et blanc, allusions) le drame de cette femme, mère certes possessive (mais non au sens négatif que pourrait impliquer le terme) mais surtout femme dynamique et coquette (elle a largement la quarantaine et l'embonpoint slave). Cette femme qui voit soudain le sol se dérober devant elle, abandonnée par son fils qui était justement sa victoire sur l'homme qui fut son compagnon et le père du garçon. Très belles scènes, au désenchantement en filigrane (la réunion à la campagne), à l'émotion poignante (au concert, la mère qui proteste parce qu'un couple, impassible, leur a pris leurs places durant l'entracte, et qui est obligée de quitter la salle, humiliée; la scène où la mère regarde les diapos envoyés par le père au fils). Après "Brèves rencontres", Mouratova se confirme ici comme une cinéaste de très haut calibre, de la catégorie peu représentée des cinéastes artistes.
  • PRENDS L'OSEILLE ET TIRE-TOI (1969)
    Une comédie pure, fort réjouissante, de la première période (plus débridée) du cinéaste. Les parodies de styles sont savoureuses, que ce soit pour le documentaire d'actualités (les interviewes "sérieuses" dont le film est parsemé, notamment celle des parents de Virgil, déguisés en Groucho Marx), le film social (séquences de l'apprentissage avec les loubards du quartier), le policier, le western (le camp de forçats et l'évasion) avec une musique de circonstance de Marvin Hamlish. Quant au procédé narratif de la biographie, Woody Allen le reprendra, sous une autre variante, pour "Zelig".
  • PAULINA S'EN VA (1969)
    Le film de quelqu'un qui a trop lu (et mal assimilé) de littérature russe, désordonné, étriqué, et qui au fur et à mesure qu'il se déroule se perd complètement dans une trame narrative déjà d'emblée inexistante et se limitant à un romanesque désespéré. Heureusement qu'il y a Bulle Ogier, qui seule nous permet de "tenir le coup" et de ne pas partir en cours de parcours... comme Paulina.
  • L'OURS ET LA POUPÉE (1969)
    Cela commence plutôt bien, avec le sens confirmé de Deville pour le rythme ludique (montage rapide, glissements de caméra, petits gags de raccord, jeux de couleurs, musique classique en accompagnement du montage). Mais au bout de cinquante minutes, la situation s'enlise et le film tourne en rond, autour de son maigre axe central de comédie légère, trop légère et finalement très franchouillarde. Il n'est pas improbable que le film ait plus aux USA et je pense fort possible que ce film, et notamment la figure de Jean-Pierre Cassel, ait pu mettre sur les rails le personnage de Dudley Moore. A part cela, une petite curiosité : l'insistance de Deville, via gros plans et angles (des)avantageux, à nous montrer la laideur (dentition et mains, aie aie aie) de Bardot, accentuée encore par la futilité de son personnage.
  • BOOM (1968)
    Et "Boom" faisait l'Ange de la Mort (Richard Burton, en épigone de Mephistopheles)... La mort traverse ce film bizarre, et le traverse de part en part. Flora Goforth (Elizabeth Taylor, qui sait si bien être insupportable) a beau se vêtir de blanc pour conjurer la mort, c'est le blanc du linceul. Etonnant film-arabesque de Joseph Losey, aux zooms psychédéliques, à la mise en scène (volontairement) grotesque. Grotesque comme la fortune, comme la vie, comme la mort. Du Tennessee Williams adapté comme du Shakespeare, dans l'esprit des sixties. Une curiosité. A noter, l'apparition de Noël Coward, en "sorcier de Capri".
  • LA CHRONIQUE D'ANNA-MAGDALENA BACH (1968)
    Un alignement de plans fixes (sans originalité quelconque) représentant des exécutions orchestrées de partitions du regretté Johann Sébastian, reliés par un texte incompréhensible (tellement sa lecture monocorde est soporifique, à croire qu'on a voulu à dessein, mais lequel "tuer le texte") relatant la biographie du maître. Sur le plan cinématographique, ce film, comme d'autres oeuvres du tandem Straub-Huillet ("Leçons d'Histoire", "La fiancée, la comédienne et le maquereau", etc. ) ne représente aucun intérêt.
  • FACES (1968)
    Une longue errance nocturne, une galérie de personnages tous aussi attachants que repoussants selon leurs volte-face -, des dialogues impitoyables l'univers de Cassavetes, superbe, tendre, poignant. Les séquences entre Richard (John Marley) et Jeannie (Gena Rowlands) sont parmi les plus beaux tête-à-tête de l'histoire du cinéma. D'ailleurs, de bout en bout, la lumière (signée Al Ruban, chef-op') est splendide, et lorsqu'elle touche Gena Rowlands, elle est tout simplement miraculeuse. A noter aussi la terrible séquence de la tentative de suicide de Maria, l'épouse de Richard, et le film date de 1968 une tirade sur le Viet-Nam.
  • LE VENT DES AURES (1967)
    Un film sobre, austère, déchirant. Si rossellinienne ! Le parcours de la mère, désespérée, à la recherche de son fils qui prend toute la seconde moitié du film est un moment d'anthologie du cinéma mondial. Cette femme humiliée qui mendie une réponse, un poulet égorgé à la main qu'elle voudrait offrir a ces hommes qui détiennent la réponse (et son fils), qui inlassablement tourne et tourne et tourne autour du camp où elle croit avoir aperçu son fils et où, folle de douleur enfin, elle va se jeter contre les barbelés électrifiés... Oeuvre simple, belle et puissante.
  • THE BIG SHAVE (1967)
    Une oeuvre étonnante, inquiétante et, finalement assez énigmatique : doit-on la prendre au sérieux, au second degré, ou doit-on la considérer comme un gag ? Oui, assurément, une œuvre inquiétante.
  • LA COLLECTIONNEUSE (1967)
    Un bon Rohmer. Je trouve que depuis, il s'est un peu enlisé dans cette veine "naturaliste", et ses dernières œuvres (depuis "Le rayon vert", inclus) sont beaucoup moins heureuses. Je crois que la différence vient du fait que Rohmer n'observe plus sa propre génération (comme ici, dans "La collectionneuse") mais des jeunes. Or, il ne les sent pas et le résultat est alors artificiel, sinon nunuche.
  • UNE ETUDIANTE D'AUJOURD'HUI (1966)
    Un document fané, sans intérêt particulier si ce n'est les images du passé. Le discours, sauf quelques éclairs, ne laisse transpercer aucune originalité particulière permettant de sauver ce film d'un oubli légitime. On réprime un baîllement et on passe à chose plus intéressante : une étudiante d'aujourd'hui...
  • PARIS VU PAR... (4) (1965)
    L'affaire est bien mince, en définitive. Charmé une première fois, on est vite déçu lors d'une seconde vision. Cependant, la séquence est sauvée par son humour à la Tati (auquel le film semble rendre un hommage implicite) et par la curiosité des images de l'époque (la place de l'Etoile en chantier, etc. ).
  • L'INSOUMIS (1964)
    La guerre d'Algérie n'est qu'un tremplin de départ à l'intrigue, et on ne la retrouve plus guère après les séquences inaugurales (combats dans les montagnes kabyles puis images d'archives (? ) sur les affrontements d'Alger 1961). On peut se demander si Cavalier a manqué d'audace ou si les "évènements" ne l'inspiraient pas particulièrement. Quoi qu'il en soit, on rate une fois de plus l'occasion d'aborder de front la Blessure. Recentrons-nous sur le sujet retenu par Cavalier : la blessure d'un homme (remarquablement campé par Alain Delon on retient aussi l'apparition brève mais marquante de Maurice Garrel en époux de l'avocate). Rien à redire sur le traitement de ce sujet : le portrait de l'homme est très réussi, son désarroi de départ (cf. son attitude tres militaire malgre sa désertion : il continue à saluer d'un garde-à-vous impeccable le lieutenant en civil), son faux jeu de vrai-dur, son énergie de survie et enfin sa chute. La caméra de Cavalier est en constant mouvement et ses cadrages très Nouvelle Vague. Si j'osais la référence (allez, osons...), je dirais que c'est un cinéma entre les premiers Godard et Melville.
  • LE MÉPRIS (1963)
    "Le cinéma, disait Bazin, substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs. "Le mépris" est l'histoire de ce monde" ainsi, en un exergue magistral, Godard clôt-il le générique d'ouverture du film, qui est... parlé et non pas surimprimé comme c'est le cas traditionnellement. Ainsi, dès le départ, "Le mépris" est un film pas comme les autres. Et il s'avèrera au fil de "l'histoire" (ou foisonnent les plans-séquences) que le film n'est plus du monde des hommes mais flirte avec les dieux.
  • DOUX OISEAU DE JEUNESSE (1962)
    Grand mélodrame baroque (sirkien), avec Paul Newman dans une composition étonnante. Le rire cascadant de Géraldine Page en Alexandra del Lago, la méchanceté et le sourire carnassier du père-maire (Ed Begley), la blondeur et la nudité" (suggérée, suggérée...) de la douce Heavenly (Shirley Knight), la tonitruante "protégée" Lucy (Madeleine Sherwood) le tout en gros plans, angles larges et dans des couleurs où domine l'ocre doré des drames du Sud. Ah, quelle ambiance !
  • LAWRENCE D'ARABIE (1962)
    Il y a certes un grand intérêt à porter à l'écran un héros aussi ambigu (tant idéologiquement que moralement), mais le film reste quand même et nettement une épopee colonialiste un peu longuette. Les Arabes y sont dépeints comme un ramassis de tribus ignorantes s'entredéchirant et vivant avec fatalisme le joug turc. Il faut qu'un Occidental s'en mêle pour qu'ils se réveillent enfin de leur sommeil et s'unissent. Quant à Lawrence, figure christique, messianique, c'est carrément le Willem Dafoe de l'époque ! PS. : Il faut quand même le souligner, les dialogues sont superbes.
  • LES RANCHERS DU WYOMING (1962)
    Western tout ce qu'il y a de plus banal, à l'intrigue éculée et avec des répliques mille fois entendues. C'est peut-être pour cela que les acteurs ont l'air de s'ennuyer, tout comme le réalisateur. Il est vrai que cet enième appel aux bons sentiments (justice, solidarité, etc...) n'apporte de l'eau à aucun moulin. Pour Hollywood, pour ses acteurs comme pour les programmes télé, un film bouche-trou pour public candide. Pour Tay Garnett, un enième navet de fin de carrière.
  • ACTE DU PRINTEMPS (1962)
    Un sujet aride, pour "spécialistes", observateurs de la foi ou autres ethnologues. Cependant, les profanes ne manqueront pas, comme moi, de se sentir touchés par la foi de ces récitants, gens simples et totalement pris dans leur représentation annuelle de la Passion du Christ. Cette Passion est retransposée ici dans la simplicité pastorale de sa représentation, sans le lyrisme de la Passion pasolinienne, ni la grandiloquence torturée de la Tentation scorsesienne. La fin du film remet cette Passion dans un brûlant contexte d'actualité guerrière (images d'archives), qui fait songer aux Communiants de Bergman. Derriere Pasolini, Scorsese, Bergman ou encore Dreyer, Bresson et autres Cavalier, de Oliveira reste un inconnu parfait. Il ne faudrait cependant pas l'oublier dans toute analyse autour de ce sujet, qui ne devrait pas manquer d'inspirer les cinéastes d'aujourd'hui. On a vu hier l'oeuvre d'Arcand, verrat-on demain celle d'un Rohmer ? J'en fait, en tout cas, le pronostic (et le voeu).
  • LE COMBAT DANS L'ILE (1961)
    Le combat ne prend que cinq ou six minutes, les dernières du film. Ce n'est finalement ni l'affrontement entre Clément (Trintignant, émouvant de jeunesse) et sa victime (le député de Paris, Maurice Garrel), ni celui entre Clément et son gourou, Serge. C'est l'ultime face-à-face entre Clément et Paul, son camarade de classe et "frère de sang" de jadis. C'est un combat d'enfants grandis trop vite (Clément), touchant dans son déroulement comme dans sa puérilité et sa gravité dérisoire. Une séquence retient mon attention, qui résume en deux mouvements ce qui deviendra plus tard le "road-movie" et son rôle initiatique : Paul et Anne (Romy Schneider) partent en voiture; on apprend en route que leur destination est la Suisse, puis, alors qu'inexplicablement s'installe entre eux le silence et une tension certaine, on apprend (jamais explicitement) qu'ils y vont pour que Anne se fasse avorter; Paul y est opposé. Finalement, ils se querellent et, cherchant refuge dans un restoroute, Anne donne raison à Paul, et tous les deux repartent. Remarquable. J'aime beaucoup cette pudeur caractéristique de la démarche de Cavalier, de son ambiguïté et de ses ellipses (telle celle-ci : on ne sait pas pourquoi Paul, qui semble beaucoup tenir à la pièce écrite par sa défunte épouse, Dominique, n'assiste jamais aux répétitions ni à la générale du spectacle, après avoir offert le rôle à Anne qu'il aime). Dès ce premier film, Cavalier s'avère un cinéaste à suivre de très près.
  • TOUT L'OR DU MONDE (1961)
    Comédie bien française, facile jusqu'à la niaiserie, où Bourvil récupère un rôle "à la Fernandel". Et lorsque les "mauvais garçons" (Noiret et Rich, très poupons) semblent triompher, une pirouette (via le symbolique coup du chapeau qui dévale la pente pour signifier la mort du "méchant" entrepreneur) redonne le dernier mot à la morale : non à l'envahissement touristique qui dénature les lieux innocents. Oui, bon... sympa (si on veut être gentil), mais c'est bien dommage pour René Clair, qui a fait beaucoup mieux, et c'est dommage aussi pour un film qui avait bien démarré avant de trébucher sur ses gags faciles.
  • LA SOURCE (1960)
    Sans aucun doute un des films les plus forts de Bergman, que je mettrais personnellement (bien que l'on ne puisse pas faire ce rapprochement systématiquement) sur le même plan que "Ordet" de Dreyer. Essentiellement pour ses éléments de rédemption et le miracle conclusif : ici, le jaillissement de la source à l'endroit où la jeune fille a été violée et tuée, après que le père eut, dans son harangue à Dieu, promis de construire une église. Scène lumineuse et magnifique, une pure merveille, qui vient conclure un film fort, souvent insoutenable, violent, l'un des plus beaux joyaux de la riche filmographie de Bergman.
  • L'OEIL DU DIABLE (1960)
    Une comédie étonnante, aussi fine que directe, qui met en évidence un Bergman très différent de celui que l'on connaît habituellement, sévère et austère. L'OEIL DU DIABLE n'est cependant pas une comédie gratuite, dans le seul but d'une franche rigolade. Bergman y pose bien sur à nouveau les problèmes qui lui tiennent à coeur : Dieu, le couple, la pureté. Et, ma foi, la comédie s'avère un biais où il excelle. Dommage qu'il n'y aura eu recours qu'en de trop rares occasions.
  • LA SOURIS QUI RUGISSAIT (1959)
    Fifties, guerre froide et parano des bombes suprêmes (A et H). LA SOURIS QUI RUGISSAIT est un pied-de-nez savoureux à cette conjoncture et à cet état d'esprit. Sont ainsi épinglés l'hypocrisie des relations internationales comme la peur des extra-terrestres aux USA et les exercices d'alerte anti-attaque aérienne. Avec comme maître de cérémonies un Peter Sellers irrésistiblement pince-sans-rire (et qui joue trois rôles simultanément : celui de la reine, du premier ministre et du chef de l'armée) et de Jean Seberg, adorable comme toujours.
  • PLEIN SOLEIL (1959)
    Maurice Ronet (pas transcendant) est assez vite éliminé pour nous laisser seuls à seuls avec un éclatant Delon en assassin (double) fugitif et une superbe Marie Laforêt en poupée qui dit "oui". Film haletant, film de soleil au zénith, PLEIN SOLEIL démontre la parfaite maîtrise de René Clément. Et quelle fin superbe, d'anthologie, lorsque le cadavre émerge accroché à l'ancre du navire, entrant plein cadre au ralenti, la main putréfiée du cadavre semblant désigner, accusatrice, l'assassin cueilli alors qu'il s'apprêtait à célébrer son triomphe.
  • LES VERTES DEMEURES (1959)
    Un de mes premiers grands coups de foudre de jeune cinéphile, il y a une quinzaine d'années. Ah, la beauté fraîche et virginale (sic) d'Audrey Hepburn ! La scène de fin, celle du retour d'Anthony Perkins au paradis perdu (et de l'annonce de la mort de la belle) est inoubliable. Bien entendu, ce film est typiquement dans la grande veine américaine, ethnocentriste et au racisme larvé, mais comment ne pas compatir avec cette jeune fille pure et blanche, persécutée par ces indigènes primitifs et obscurantistes, qui anéantissent son bonheur terrestre ?
  • LES ASSASSINS (1959)
    Je ne pense pas que l'histoire se situe aux USA. La ville où se déroule l'action s'appelle Summit (mot anglais pour "sommet", pouvant faire penser à un hypothétique sommet USA-URSS) et les personnages portent des noms anglais (Sam, Max, Nick, Adams, Georges) mais ceci est déjà l'habitude de Tarkovski : éviter toute connotation russophone directe et tout situer dans une intemporalité grise. On note également dans ce travail d'école déjà un grand soin porté à la lumière et, surprise, les plans très brefs (alors qu'il adoptera plus tard le plan-séquence). Ceci est peut-être dû à la situation (huis-clos) et aux impératifs d'angles de vues.
  • VERONIQUE ET SON CANCRE (1958)
    Rohmer a une prédilection certaine pour les personnages mièvres. Question : comment se sentir en communion avec de tels personnages ? Comme dirait mon cousin de Bab-el-Oued, "Ni on s'identifie, ni on est en connivence". Je pense avoir trouvé une formule pour (dis)qualifier le cinéma de Rohmer (formule qui a l'avantage de me satisfaire momentanément, et dont je voudrai par conséquent faire profiter les autres cinéphiles) : du BADINAGE PETIT-BOURGEOIS. On y trouve (dans Rohmer) tout le charme de la futilité.
  • L'HOMME DE L'OUEST (1958)
    Western crépusculaire. L'un des meilleurs d'un genre dont il annonce la fin. De superbes plans jalonnent cette traversée aride, avec un Gary Cooper finissant, en plus pathétique que dans le magnifique film de Zinnemann, LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS. ronflera trois fois...
  • LES SENTIERS DE LA GLOIRE (1957)
    Le film, esthétiquement, fait bien plus vieux que son âge. Encore un exercice de style (réussi) de Stanley Kubrick. Le développement (trois soldats choisis par leurs supérieurs et qui doivent passer devant le peloton d'exécution) est très chrétien (je pense aux brigands entourant le Christ crucifié). A noter cette citation de Samuel Johnson, dite par Kirk Douglas : "Le patriotisme est l'ultime refuge de la canaille".
  • GIPSY (1957)
    L'éclat ostentatoire de Mélina Mercouri a quelque chose d'obscène. Le film est plus de ses producteurs que de son réalisateur, qui n'a pu placer que quelques mouvements de caméra bien sentis. On s'étonne seulement que le film n'ai pas plutôt été confié a Jules Dassin (i. e. le Jules à Melina) qui d'ailleurs traînait continuellement autour des plateaux de tournage du film et prodiguait ses "conseils" à la star. Un film qui, le temps faisant, a fini dans les oubliettes du cinéma. Qu'il y reste.
  • UN ROI A NEW YORK (1957)
    "Le film d'un homme libre" avait dit Rossellini. En effet, et qu'ajouter à ce jugement si juste ? "UN ROI A NEW YORK", une allégorie de la propre situation de Chaplin et le regard que porte un exilé du maccarthysme sur l'Amérique tel qu'elle est devenue. Regard sarcastique, à la fois dur et drôle. Sur le cinéma, par exemple : il faut avoir vu défiler ces bandes-annonces qui tournent en dérision les divers genres prisés par Hollywood et par le public (le policier, le mélo, le western, avec cette dernière pique à la panavision (écran large), où l'on voit le Roi et son secrétaire, comme tout le public, suivre le duel entre les deux cow-boys comme s'ils regardaient une partie de tennis (on connaît ce mouvement de la tête caractéristique...) Sur les médias, ensuite : corruption des hommes par la publicité, l'argent, et l'attrait de l'apparition à l'écran, disparition du sens du ridicule. Sur la jeunesse : la truculente visite à l'école "modèle". Sur le maccarthysme et l'aveuglement idéologique de l'Amérique : auditions de commissions, condamnations iniques et lavage de cerveau. Regard sarcastique et aussi regard désabusé, celui d'un homme arrivé au bout de son parcours, d'un parcours libre et digne, le parcours d'un très grand.
  • MAIS QUI A TUE HARRY ? (1956)
    Une petite merveille d'humour noir, mélange pervers de Thanatos et d'Eros, dont le seul défaut (et ceci n'est pas de l'humour noir) est de manquer de gros plans sur la ravissante Shirley Mac Laine. C'est sans doute un des films de Hitchcock qui ont le mieux résisté à la patine du temps ...
  • ECRIT SUR DU VENT (1956)
    Superbe mélodrame baroque, que l'on apprécie autant au premier qu'au second degré. L'image de fin, Dorothy Malone (en jeune femme insatisfaite et restée seule) caressant la reproduction miniature d'un derrick de puits de pétrole est inénarrable.
  • LE SABOTIER DU VAL DE LOIRE (1956)
    Documentaire ethnographique, qui garde une valeur de témoignage sur un monde rural révolu. Cependant, si l'on s'attend à un document sur la fabrication des sabots, il faudra se détromper : Demy n'aborde le sujet qu'après un bon quart d'heure, et pour seulement trois minutes. Quant au ton, il est plutôt misérabiliste, avec un texte au goût du terroir et filme presque totalement en plans fixes. L'appréciation générale est moyenne, mais il faut porter au crédit du réalisateur la beauté des images et le sens du cadre et de la composition.
  • LA ROSE TATOUÉE (1955)
    On peut se demander si Tennessee Williams a vraiment apprécié cette adaptation. Si la première partie est magnifique, conforme à l'esprit du dramaturge, la seconde (à partir de l'entrée en scène de Burt Lancaster) tourne à la comédie, ce qui est loin du dessein de Tennessee Williams. Burt Lancaster si l'on excepte la mauvaise définition (clownesque) de son rôle est cependant excellent. Quant à Anna Magnani, elle est carrement grandiose, faut-il le rajouter : à son habitude. Magnifique également le travail sur le décor et la photo. LA ROSE TATOUEE, oeuvre "italienne" de Tennesse Williams, reste un film à ne pas manquer.
  • L'ÉQUIPÉE SAUVAGE (1953)
    Une réalisation de grande efficacité, jouant sur le huis clos d'un drame (une petite ville) aux protagonistes orageux (Marlon Brando en tête, au faite de sa splendeur "blouson noir"). Une quinzaine d'années après l'avoir vu la première fois, je m'aperçois que toutes ses images me sont restées dans l'esprit, du tout premier plan (! ) sur le macadam de la route où l'on voit au loin approcher la masse noire des motards avec en voix off l'annonce du drame par le personnage incarné par Brando (et qui porte l'incontournable prénom de Johnny) à l'accident où meurt le vieux barman (montage remarquable!), en passant par toutes les séquences entre Johnny et la jeune fille (la jolie Mary Murphy dont je vais de ce pas consulter la filmo), avec un Johnny jouant de sa statuette genre Oscar, dérobée lors d'une compétition au début du film. "Epuré" par le maccarthysme, Benedek voyait tout de suite après ce film sa carrière hollywoodienne brisée à jamais. L'Amérique perdait ainsi prématurement un de ceux qui auraient pu devenir un de ses plus grands cinéastes.
  • UN TRAMWAY NOMME DÉSIR (1951)
    Le parangon en matière d'adaptation d'une oeuvre théâtrale. Tout Tennessee Williams s'y retrouve, son étouffement, sa sauvagerie, ses tourments, la nostalgie du passé, le poids de l'inconscient, la folie. Elia Kazan met tout son lyrisme au service du texte, servi par des acteurs formidables, totalement impliqués dans l'univers oppressant de Tennessee Williams. Superbe Marlon Brando en macho polac ténébreux, fabuleuse et inoubliable Vivien Leigh en rêveuse en perdition ne vivant plus que dans les vestiges de ses illusions, touchante Kim Hunter en épouse indignée et en soeur dévouée, solide Karl Malden en cavalier servant timide et désorienté.
  • COMMENT L'ESPRIT VIENT AUX FEMMES (1950)
    Avant tout une épatante prestation de Judy Holliday, dans une composition éperdue. Du délire ! La comédie, qui repose entièrement sur elle, en devient une franche réussite qui autrement aurait risqué - et toc, cher - de verser dans un genre Capra que nous ne connaissons que trop bien. Je lis à l'instant que l'actrice a été gratifiée de l'Oscar. Voila une statuette amplement méritée - ce qui n'est pas toujours le cas -(campaigning oblige...).
  • LES FEMMES DE LA NUIT (1948)
    Peut-être le film le plus ouvertement "féministe" de Mizoguchi, une oeuvre par ailleurs esthétiquement très intéressante : extérieurs (néo)réalistes et intérieurs expressionnistes. Avec un épilogue d'un christianisme échevelé (sacrificatio et travelling ascendant sur vitrail de la vierge à l'enfant). Et comme toujours chez Mizoguchi, une interprétation superbe.
  • LE GARÇON AUX CHEVEUX VERTS (1948)
    Le premier film de Losey a bien mal vieilli. Qu'est-ce que ca sent les années cinquante ! Des tonnes de sentimentalisme et pas une once d'humour.
  • LES PASSAGERS DE LA NUIT (1947)
    Un petit joyau comme on n'en fait plus. Bogey n'apparaît qu'au bout d'une heure de film (!!!). Durant toute cette première partie, la caméra adopte le point de vue du fugitif (Bogart), ce qui nous vaut d'audacieuses acrobaties visuelles. Le film (scénario) est une oeuvre typique d'après-guerre, avec son anti-héros complètement désorienté qui doit affronter une mégère (Agnès Moorehead) tellement insupportable qu'on a envie de la trucider dès qu'elle "ramène sa poire". La surprise du film : tout le monde aide le fugitif contre la police et les autorités ! Si ce n'est pas un appel à la sédition...
  • DUEL AU SOLEIL (1946)
    "Souvent femme varie..."... et a-t-on vu plus girouette que Jennifer Jones dans DUEL AU SOLEIL ? Entre Cotten l'éternel loser et Peck méchantissime (étonnant, lui qu'on connaissait si angélique ! ), la différence est pourtant de taille. Mais une misogynie cruelle était de mise, à cette époque au cinéma hollywoodien, et les GIs de retour à la civilisation (et donc aux femmes) après la guerre de 45 auront apprécié. Flamboyant de bout en bout (couleurs, accompagnement musical, découpage, définition, personnages, mais surtout pour son aspect biblique et son flirt avec le péplum), le film termine en apothéose. Les huit dernières minutes sont d'anthologie : Jennifer Jones et Gregory Peck, dans un ultime rendez-vous, se tirent dessus mutuellement, puis, tous deux sérieusement touchés, se réconcilient alors que la belle a rampé (!) à travers les gravats et la rocaille du désert texan pour rejoindre son "bad lover", qui expirera finalement dans ses bras. Grandiose !
  • AU BONHEUR DES DAMES (1943)
    Dominée par la prestation superbe (comme toujours) du géant Michel Simon, une adaptation honnête de l'oeuvre de Zola. Les scénaristes ont élagué avec discernement. En revanche, la réalisation pèche par la prédilection de Cayatte pour les clairs-obscurs. Ceux-ci sont envahissants, et l'éclairage (post-expressionniste) est arbitraire, sinon artisanal.
  • ANIKI-BOBO (1942)
    Si ce n'était pas un cliché, je parlerais de "néo-réalisme" à la De Sica. En fait, et comme pour le cinéma egyptien (Salah Abou Seif), la démarche du réalisme social allait ici de soi, car trouvant son origine dans une préoccupation du quotidien et de la société, dans une attitude morale. Dans le cas de De Oliveira, dont l'attirance pour le documentaire était très nette à ses débuts (ses films ultérieurs, plus "théâtre", sont aussi, en quelque sorte, des documentaires sur la représentation théâtrale), la préoccupation pour l'environnement quotidien allait aussi de soi. L'histoire, pour en venir enfin au film, est d'autant plus émouvante que ces enfants sont le reflet (et le produit) d'une société, et qu'ils jouent des situations d'adultes, dans le même contexte de précarité qui était le lot commun. Et trente ans avant "Bugsy Malone" (qui reste le meilleur film d'Alan Parker), nous avons ici un film entièrement joué par des enfants si l'on excepte les personnages de l'instituteur et du vendeur de la "Boutique des tentations" auquel les enfants subtilisent la poupée, etc. Et quelle belle interprétation ! Le film, comme tous les films d'enfants ("Sciuscia", "Los Olvidados", "Pixote", "Ma vie de chien", etc. la liste prendrait des pages...), garde une grande fraîcheur, une éternelle jeunesse.
  • LES MARX AU GRAND MAGASIN (1941)
    On regarde LE GRAND MAGASIN et nous saisit la nostalgie des premiers Marx. On en est loin du moins, s'éloigne-t-on inexorablement de l'insolence et de la fraîcheur (de la verdeur) des premiers. Ici, Marion Martin, de passage, se permet même de traiter la petite bande de "crétins" et d'"idiots" ("silly" mot qui a une connotation de ridicule) à juste titre. Le film ronronne doucement (et pour la première fois, je crois, les Marx ne sont plus le sujet principal du film mais seulement les animateurs d'accompagnement au même titre que les chansons) pour n'exploser enfin ! que dans l'apothéose finale de la course-poursuite.
  • RENDEZ-VOUS (1940)
    Ah, voilà une comédie qui met d'excellente humeur ! Mais a y regarder de plus près, elle est plus cruelle que charmante. Les relations hommes-femmes y sont bien peu idylliques, et même si le couple se retrouve à la fin, on peu leur prédire sans peine quelques altercations conjugales bien senties (tous deux nous ont amplement prouvé en avoir et le goût et le punch). Comme les bons films de cette période à Hollywood, tous les seconds rôles sont parfaits, tout particulièrement la figure àla Groucho Marx qui interprète Monsieur Pirovitch. Une comédie sympathique, bercée par un doux rêve d'ascension sociale (sans doute vain)...
  • LA BARONNE DE MINUIT (1939)
    Une excellente comédie, comme Hollywood savait en fabriquer dans le temps. Mais le temps passe et les scénaristes n'ont pas la même verve, et que reste-t-il du Hollywood d'antan ? Le charme de MIDNIGHT et les rouages de sa mécanique reposent entièrement sur les frêles épaules de l'adorable Claudette Colbert (vous avez remarqué son décolleté plongeant ? ) qui s'improvise ici "baronne Czerny" avec la complicité joyeuse de Don Ameche et de l'excellent John Barrymore. Superbes aussi Francis Lederer en amoureux éconduit, Mary Astor en maîtresse jalouse, et la charmante Hedda Hopper (lorsqu'elle raconte comment elle a expulsé par erreur une archiduchesse latine...) Au-delà de la comédie, n'oublions pas qu'il s'agit d'une intrusion, narquoise et pétillante, de deux "prolétaires" dans une high society coincée et dépassée. Et la confrontation ne tourne pas à l'avantage de la high society...
  • VOUS NE L'EMPORTEREZ PAS AVEC VOUS (1938)
    "L'argent ne fait pas le bonheur" ca va, on a compris. Capra s'est mis en tête d'illustrer cette morale hautement originale. Et les bons sentiments, il en fait tellement que çà en devient caricatural. Surtout avec ce pauvre James Stewart, qui a vraiment l'air d'un débile mental, ballotté comme une girouette. Capra n'est même pas de bonne foi : lorsque le grand-père Vanderhof, qui avait auparavant promis son aide à ses voisins menacés d'expulsion (seule sa résistance leur permet de rester), lorsque Vanderhof, donc, prend la décision de vendre et est même le premier à déménager, Capra évacue cette trahison comme si de rien n'était. Quant au couple de Noirs, le rôle qui leur est dévolu fait plus que friser le racisme : la femme est une bonne-à-tout faire et basta, l'homme se complaît dans la paresse, le farniente et la satisfaction d'être un "assisté" (sic). Seules deux scènes se démarquent par un incontestable brio : celle du restaurant et la visite impromptue des Kirby au domicile des Vanderhof. Le film doit beaucoup aux deux patriarches : Lionel Barrymore (Kirby) et Edward Arnold (Vanderhof).
  • LA MARSEILLAISE (1938)
    Chef d'oeuvre, mon oeil ! Voici bien l'un des pires ratages de Renoir. Un film didactique-à-enfoncer-le-clou, bavard et fanfaron, à la première partie extraordinairement statique. Renoir ne résoud les problèmes que lui pose la longueur de son histoire qu'au prix d'ellipses pas toujours heureuses. On ne peut que se demander ce qu'aurait tiré John Ford de pareille épopée.
  • L'EXTRAVAGANT MONSIEUR DEEDS (1936)
    Capra ou l'angélisme élevé au rang d'institution. Pour ma part, Capra l'équivalent américano-cinématographique de notre comtesse de Ségur, née Rostopchine me laisse plus qu'indifférent. Je n'aime pas le rose et les bons sentiments m'horripilent. Quant aux gags, ils sont aussi plats que les plaines du Nebraska et lorsque l'on songe à Lubitsch et Wilder, Capra fait vraiment riquiqui. Enfin, je ne veux pas généraliser pour toute l'oeuvre"capraienne", mais DEEDS en est la quintessence. Et jamais Gary Cooper et Jean Arthur n'auront été plus touchants-charmants, c'est tout dire...
  • UNE NUIT À L'OPERA (1935)
    Deux séquences se détachent nettement : celle de la cabine surpeuplée et l'interprétation chahutée du Trouvère. A part cela, les Marx (sans Zeppo, pour la première fois, je crois) sont toujours aussi "impossibles", même si ce film n'est pas leur meilleur. Mais il semblerait que cette NUIT A L'OPERA soit leur premier film avec la MGM, où le légendaire Irving Thalberg imposa aux Marx un nouveau rythme certainement moins heureux que celui qu'ils avaient adopté avec la Paramount, pour leurs films precédents (et où, d'ailleurs Zeppo était encore de la partie, même s'il est de notoriété cinéphilique qu'il était le moins détonnant des quatre).
  • LA COURSE DE BROADWAY BILL (1934)
    Ce film aurait sans doute eu un autre destin s'il avait été interprété, comme initialement prévu, par le duo Clark Gable / Claudette Colbert, avec lequel Capra venait de tourner « New York- Miami » film gentil et sympa, dans la lignée des grands Capra, humaniste, un tantinet naïf et un chouia conservateur, avec un zeste d'esprit rebelle.
  • SERENADE À TROIS (1933)
    Une comédie délicieuse et gentiment amorale. Et vous voyez l'adorable Miriam Hopkins (une certaine ressemblance avec Brigitte Fossey) exhorter ses deux prétendants : "No sex ! "... Le sexe, lui, est constamment présent, et les "non-dits" de l'adultère sont charmants (Gilda préparant le petit déjeuner pour deux, son mari absent, et Tom sortant de la chambre conjugale en tenue de soirée). Au-delà de ses réussites (notamment les dialogues et, of course, le jeu des acteurs) et de ses "faiblesses" (c'est quand même optimiste...), le film est superbement matriarcal il porte donc la quintessence de la psychologie américaine.
  • FREAKS LA MONSTRUEUSE PARADE (1932)
    A la fois de la fascination et de la gêne... Gêne pour notre position de voyeur de "fête" foraine ou de zoo, fascination pour l'esthétique de ces êtres difformes, monstrueux, et pourtant (ou justement pour cela) sont beaux, d'une réelle beauté face à laquelle la "normalité" devient laideur, mesquinerie, méchanceté oui, laideur extérieure comme intérieure. Et je crois (je pense qu'on le sent nettement) que Browning a filmé ces êtres, ses personnages, non en voyeur mais avec beaucoup de tendresse. Pour cela, on passera sur sa fin moralisatrice (tel les vieux contes, Grimm etc...).
  • L'HOMME QUE J'AI TUE (1931)
    On a beau dire "film grave, etc", c'est quand même un florilège d'humour comme seul Lubitsch sait en composer. Les dialogues sont succulent, et d'ailleurs pas toujours necessaires, comme dans cette sequence où les clochettes accompagnent la promenade du jeune couple, indiquant le cortège de ragots qui s'étend sur la liaison "scandaleuse". La grande maîtrise des dialogues est d'autant plus remarquables qu'on en était alors aux premiers pas du parlant, et que la tentation "d'en faire trop" était grande. D'ailleurs, le jeu des acteurs garde encore l'outrance et la théâtralité du muet, notamment celui de Lionel Barrymore.
  • LES LUMIERES DE LA VILLE (1931)
    Déçus du cinéma d'aujourd'hui, on ne peut que revenir à Chaplin, encore et toujours. Et quel merveilleux film que "Les lumières de la ville", de la première séquence (le dévoilement de la statue sous la tenture, les officiels découvrent le clochard...) à la dernière image, peut-être l'une des plus belles de l'histoire du cinéma, Charlot la rose à la bouche, à la vue de l'ex-aveugle maintenant guérie et qui reconnaît en lui son bienfaiteur de naguère. Rien qu'en évoquant cette image, j'ai déjà les larmes aux yeux, c'est dire...
  • MONNAIE DE SINGE (1931)
    Une cascade de gags tous aussi irrésistibles, sans aucun temps mort. Avec les Marx Brothers, l'art de la course-poursuite est assurément porté à des sommets de maestria. Dommage seulement, pour les non-anglophones, que les jeux de mots (délirants) ne soient pas toujours perceptibles (j'ose à peine mentionner la misère du sous-titrage).
  • DOURO TRAVAIL FLUVIAL (1931)
    Influencé par Walter Ruttmann ("Berlin, symphonie d'une ville") comme par les expressionnistes allemands, "Douro" est avant tout le film d'un homme qui découvre les possibilités de son instrument, les possibilités (magiques, merveilleuses, enivrantes) du cinéma. Ces séquences sont très emouvantes, où l'on ressent l'enthousiasme du cinéaste, de l'homme à la caméra (pour utiliser le titre de Vertov, mais également parce que de Oliveira s'est toujours voulu apparent, jamais complètement caché derrière les images), qui expérimente la captation des lignes, des ombres, des reflets dans l'eau, des mouvements, de l'image en général (jeux de flous pour souligner l'apparition et la disparition de la vision). Dans ce même ordre d'idées, la tentation de la fiction à deux reprises, notamment : l'idylle entre le jeune couple et le symbole de la bite d'amarrage, et l'homme renversé par la charrue aux bovins. Découverte du cinéma aussi dans le montage ("Douro" est essentiellement un film de montage), rapide, saccadé, plus ruttmannien que vertovien car plus "humaniste" que "méchaniste". Je reviens sur les influences du réalisateur parce qu'elle semble ne pas avoir été abordée dans les analyses de l'oeuvre du cinéaste portugais. Je vois cette influence dans l'emploi fréquent des contreplongées, notamment sur les personnages types, et en particulier ceux menacçnts, tels l'agent de police. Je vois cette influence également dans le recours au contre-jour, dans l'utilisation des ombres, mais aussi et bien plus intéressant dans les plans des toits étroits aux cheminées fumantes, qui reprennent "en situation réelle" les décors recrées en studio des films de Murnau, Pabst et autres.
  • SPORTIF PAR AMOUR (1927)
    Un Buster Keaton, ma foi, très plaisant. On a rarement montré de façon aussi sympathique la salubrité de cet adage : l'amour donne des ailes. Le pastiche des divers sports est particulièrement réussi; je suggère que l'on remontre régulièremment ce film, à chaque Olympiade.
  • LE CUIRASSE POTEMKINE (1925)
    Une des oeuvres les plus intouchables de l'histoire du cinéma, le Potemkine d'Eisenstein, oeuvre admirable, contient cependant quelques erreurs de raccord, imputables tant à Eisenstein et à sa monteuse qu'au chef-opérateur Tisse. Ainsi, dans la fameuse séquence des escaliers, un contre-champ insistant jette l'ombre du personnage contre le HAUT des marches, alors que dans tous les autres plans (notamment latéraux) lançaient leurs ombres vers le BAS. Ou est donc le soleil par rapport à l'escalier ? Par ailleurs, lorsque la mère à l'enfant (pas celle à la voiturette), ayant descendu quelques marches alors que son petit a été abattu, lorsqu'elle s'aperçoit de la disparition du petit à ses cotés, elle remonte l'escalier à contre-courant et, loue le montage alterné revient sur elle, elle revient sur le petit par le HAUT et non, comme le voudrait la logique (et la construction eisensteinienne ne se veut-elle pas rationnelle, "intellectuelle" ? ), par le BAS. Ces remarques, tout en soulignant quelques "Schoenheitsfehler" comme dit si bien la langue allemande, ne sont pas pour retirer le moindre iota a mon admiration pour ce grand film.
  • LE PELERIN (1922)
    Le film se termine sur une séquence d'anthologie, celle où Charlot marche le long de la frontière américano-mexicaine, un pied aux Etats-Unis et l'autre au Mexique. "Estupendo ! ", comme dit mon voisin mexicain.
  • MALEC CHEZ LES INDIENS (1921)
    Un slapstick triomphal dans la bonne veine Buster Keaton. Notre Visage Pâle réussit son entreprise sans jamais donner dans le racisme ordinaire ou dans la condescendance ce qui était loin d'être gagné d'avance, vus les réflexes habituels des producteurs américains.