Critique(s)/Commentaire(s) de JIPI

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  • LE QUAI DES BRUMES (1938)
    "Quai des brumes", œuvre pathétique de fin de parcours, regroupe dans un microcosme grisaillant toute la tautologie du défaitisme. Du verbe résigné à la pause statique, une faune locale, comprimée par une mer infranchissable, s'entretient par le rhum, le mal de vivre, la lâcheté, la convoitise et l'envie d'un ailleurs, sous la voute d'un soleil absent, perpétuellement recouvert d'une mer de nuages.Les connexions sont méprisantes, acerbes, violentes, désabusées. Les conversations sont courtes, les poings s'activent après quelques phrases. Ces esprits rongés par la démotivation et la haine se provoquent sur une terre lugubre émiettée par une noirceur tenace.Cette ouvre pénible, pessimiste, est d'un esthétisme douloureux, extrêmement travaillé dans son amertume envers la scoumoune, privant quelques marginaux des saveurs d'un monde équilibré.Son message s'avère néanmoins dangereux, sur l'impact négatif qu'elle transporte à travers les âges.Le contenu volontairement désagrégé, d'un environnement en miettes, se répand en lamentations et révoltes incessantes, faisant de ses composants une meute effondrée et revancharde en alternance.Toute cette gâche humaine nauséabonde, regroupée en bord de mer, marquée par le destin, envahit la toile de ses tourments, dans des situations presque fantomatiques, faisant de l'homme une machine à ruer ou à geindre.A voir plus comme un exercice de style, en ignorant impérativement son aspect n'incitant qu'à en finir.Le cinéma de Marcel Carné n'incite pas des personnages auto-suicidaires à sortir de leurs gonds devant l'adversité, mais plutôt d'entretenir par une prose adéquate leurs lentes descentes vers le néant.
  • L'AFFAIRE THOMAS CROWN (1968)
    "L'affaire Thomas Crown" est une joute jouissive et sensuelle entre un manipulateur solitaire, endormi par le pouvoir, ayant besoin de se ressourcer par le risque et une créature vénale, programmée pour sanctionner, touchée par un sensitif fragilisant le contenu d'une mission. Il s'agit tout en restant sur ses gardes, de lâcher dans un contexte de gadgets glanés par la réussite, quelques confidences afin de s'échapper provisoirement d'une constante indifférence pour ses semblables, considérés comme un troupeau exécutif.Ce film d'atmosphère dépeint parfaitement la solitude affective de deux êtres engloutis par un système financier ne leurs permettant pas d'extraire une personnalité basée sur un émotif.Ces quelques lumières sensitives ne restent qu'un jeu distribué par deux personnages froids, dont le potentiel émotionnel n'est qu'un virtuel, en rapport avec le contexte d'une époque n'encourageant que la position socialeUn film remarquable sur un manque inaccessible occulté, par le paraître.
  • ULYSSE (1953)
    Ulysse, ingénieux sous les murs de Troie, nécessite un recadrage en caverne, par des hommes beaucoup plus lucides et méfiants, malgré la faim et la soif. Par bonheur, l'ingéniosité d'un esprit instable, fougueux, désordonné, provocateur et légèrement égocentrique, débordant d'énergie, redevient vite opérationnel.Sans briller de mille feux, cette odyssée se déroule sans éclairer, ni ternir un parcours permettant surtout à Kirk Douglas d'entretenir sa forme physique, en attendant Spartacus.Situé à la frontière d'un produit de série B, le contenu est beaucoup plus distrayant, que spectaculaire. Son manque de moyens s'occulte difficilement. Ses défauts sont saillants, mais n'engendrent aucune moqueries ni condamnations.Soyons tolérants, l'opus fait ce qu'il peut.Un périple terne, vécu par un bipolaire désireux de retourner chez lui, tout en restant connecté sur la vague de l'aventure.
  • L'EXORCISTE (1973)
    Au moment de la rédaction de ses lignes, l'opus affiche fièrement ses quarante ans d'existence. Dominé par quelques astuces terrifiantes et un maquillage conséquent, l'ensemble reste princier ceci malgré quelques déceptions bénignes suite à une technologie de l'image sans cesse galopante.Les effets volontairement soudains restent saisissants dans un plage d'existence lente et progressive mise en lumière par un prologue étonnant et prophétique.Tout arrive habilement en son temps sans se presser dans un éclat fulgurant et orgasmique gommant les quelques minutes d'un labeur semblant par instants lentement s'assoupir.Quelques somnolences largement pardonnées suite à une apothéose finale grandiose aux portes de l'apoplexie.Une œuvre de référence ayant certainement l'éternité pours'auto-satisfaire de sa valeur.
  • PREDATOR (1986)
    Bon ressenti sur cet opus exotique musclé, accompagné d'une partition musicale grandiose et névrotique, transformant une efficace équipe de baroudeurs en une troupe désorganisée rongée par la peur. Une aventure angoissante et soutenue, dans une jungle suintante devenue subitement la pièce maitresse d'un chasseur extra terrestre sans pitié, dont les ponctualités barbares sont formatées par une météo au dessus de quarante degrés.De très rigides et implacables moments passés en compagnie d'une créature tissée dans un environnement imprévisible, s'acharnant sur des individus thématiques soudainement confrontés à une puissance inconnue, dans une tragique traversée, alternant entre courages et sacrifices.
  • LA BEAUTE DU DIABLE (1950)
    "Même le pire des mendiants possède une âme"La beauté du diable est un très bel essai intemporel sur l'impossibilité de découvrir la véritable nature des choses, ceci forçant un esprit éreinté par l'étude, à faire machine arrière en se réfugiant dans une éternelle jeunesse, n'apportant que cupidités et jouissances éphémères. Le mythe est éternel. Une vie se passe à tenter de comprendre le mécanisme de l'univers, pendant que la perversité et la convoitise n'en peuvent plus de sommeiller.L'homme n'est et ne sera jamais autre chose qu'une machine sensitive, toujours prête à consumer les plus belles motivations, qu'elles soient culturelles ou scientifiques.A la moindre tentation tout se fragilise, malgré un mécanisme d'auto-défense dans un premier temps performant, mais condamné à disparaître.Le professeur Faust d’abord réticent se laisse griser par un pouvoir exercé sur des êtres fragiles de tous bords, manipulés comme des marionnettes, divertissant un envoyé du malin insensible et procédurier, déchaîné et irrespectueux, devant une meute versatile et inconsistante.Faust comprend rapidement que ce que l'on désire avidement, ne peut être qu'une poire pour la soif, privée de long terme, gommant la véritable nature d'un individu privé de la découverte de la chose en soi ."La beauté du diable" est un film étonnant, dont le contenu d'une modernité effarante, montre qu'au fil du temps l'homme, tout en tentant de se fabriquer un esprit, reste potentiellement sous l'emprise des plaisirs terrestres et de leurs conséquences.Un opus révélateur sur nos besoins jouissifs, toujours sur le point d'anéantir le plaisir d'apprendre, même si ce que l'on découvre ne reste que subjectif.
  • ALICE OU LA DERNIÈRE FUGUE (1976)
    "Ce mur n'a pas d'ouverture, mais ne s'élève pas jusqu'au ciel"Alice, sous l'emprise d'un site désolé, sans issue, mystérieux, manipulateur et taquin, confirme la visite réussie d'un fantastique dompté par un cinéaste prolifique offrant parfois quelques œuvres assoupies. Ce n'est pas le cas ici. L'ensemble est original, captivant baignant dans quelques fils rouges répétitifs, démontrant que l'on ne côtoie qu'un même concept, maitre de lieux incompréhensibles, où poser des questions de sert à rien.Il faut être patiente, passive et contemplative, en acceptant l'épreuve et la dominance d'un univers parallèle, austère en interne, touffu en externe, remplis d'apparitions illogiques soudaines.Derrière le mur que l'on désire franchir, il n'y a que la continuité de ce que l'on veut fuir.Une captivité où tout n'est que représentations et apparences, dans un contexte modulable, étrange et passionnant.
  • LES VIKINGS (1957)
    La courette d'Einar sur les rames de son bateau demeure l'un des moments mémorable de cette fresque vitaminée, pleine de stéréotypes sur un peuple mal connu, uniquement opérationnel sur un bateau menaçant ou dans des orgies, bourrades apaisantes faisant suite aux combats. Qu'importe, le tout est de se divertir de cette course-poursuite entre deux prétendants se haïssant à l’extrême, dans une intrigue assez mince, privée d'une véritable originalité.C'est la période plein pot d'un acteur au top de sa forme physique, dont certains scénarii sont dans l'obligation de se subordonner.La vision des "Vikings" s'avère dynamique et aérée. Ses péripéties, alternant entre guerres punitives et festivités, n'ont pas la rigueur d'un cours d'histoire, mais les ingrédients d'un divertissement particulièrement réussi.Un bon récit d'aventures, sans prises de têtes, permettant de rester connecté, avec un acteur boosté régulièrement par des personnages revanchards aussi fougueux que solitaires.
  • LE SALAIRE DE LA PEUR (1953)
    Une réussite captant parfaitement le contenu médiocre et crasseux d'un site misérable, pourvu d'une poubelle humaine en fin de parcours, attendant sous une chaleur accablante l'apparition d'une opportunité. Une condamnation éternelle à tuer le temps dans un espace gigantesque, sans barreaux complètement démuni avec la faim, la lèpre, et les fièvres comme relationnel quotidien.Constat alarmant sur un état dont l'occasion de l'anéantir s'avère encore plus négatif.On quitte la perversité et l'oisiveté pour la lâcheté et la terreur, sans espoir de découvrir la fin des tourments.Un film exemplaire sur la misère intellectuelle et les incontournables transformations caractérielles d'esprits déchus de toute luminosité, se débattant furieusement dans des évasions impossibles.
  • ALIEN (1979)
    A l’intérieur du Nostromo, on se croirait en entreprise, un ordinogramme complet, usinier transposé dans les grands froids de l’univers. Un fond de cale râleur et syndicaliste isolé sur la plate-forme d’un outil de travail souterrain, huileux, presque répugnant, s'oppose à une troupe de presse-boutons épargnées du suintement des bas-fonds.L’intégralité de cette cocote-minute sidérale sous-tension managée par un commandant faux-cul, aux ordres d’un ordinateur procédurier, frise la congélation du zéro absolu."Alien" est l’offrande temporaire, permettant l’étude d’une perfection insaisissable, gouvernée par le mal. Une mécanique meurtrière instinctive et jouissive, impossible à sermonner, grisée par les délices de la traque. L’aboutissement d’une vérité organique d’élimination, ne déviant jamais de sa mission destructrice.Ruse et détermination s’effondrent devant un rendu à l'identique. Des rouages insensibles, implacables, embusqués dans tous les coins d’un cargo spatial, ruisselant de peur, exterminent ce qui n'a plus la force de penser.Dans les torpeurs cinématographiques de l’été mille neuf cent soixante dix neuf, une œuvre étonnante, inattendue, foule le sol des salles endormies par les chaleurs estivales.Ce bréviaire aux petits fagots, sur les sévices de l’angoisse en milieu clos, va permettre à une nouvelle génération de comédiens d’éclairer pendant plusieurs décennies les frontons, en pénétrant par la pire des aventures dans la grande famille des comédiens .Le monstre, pratiquement invisible tout le long de cette élimination au coup par coup, déforme les visages de cloisonnés complètement abandonnés par l’analyse rationnelle.Au menu, le plat du jour c’est la peur pour tout le monde, hommes de cales, navigateurs ou commandant, enfin solidaires, sur une même longueur d’ondes. La survie.
  • LA LECTRICE (1987)
    "Le livre voyez-vous est le seul lien pouvant nous rapprocher du monde quand nous ne pouvons plus y être présent"Relaxant, malgré un excédent soporifique, "La lectrice" est une ballade initiatique amusante sur l'exercice original d'un métier offrant à une héroïne de roman, divertie par ses découvertes, l'état d'esprit de différentes tranches d'âge, s'éveillant ou se maintenant dans ses ressentis, par les mêmes concepts réactualisés au fil du temps. Erotisme pour les jeunes, pornographie pour les vieux, le tout dans des poses ou des lectures thématiques que l'on se doit d'effectuer ou de lire par amusement ou robotisation.Tout un monde imaginaire et cocasse, allant de l'adolescent handicapé en transe érotique, de la nostalgique idéologique et du pervers pépère.Un univers fantasmagorique et clos foulé par une initiatrice sous l'emprise d'une faune solitaire, désoeuvrée, dépendante de la luxure.
  • L'ASSASSIN HABITE AU 21 (1942)
    Sans aucun doute une rosée cinématographique céleste s'est posée sur cet opus lumineux, bouillonnant, dynamique et plein d'humour, voyageant de bout en bout dans une intrigue passionnante. Aucune gâche dans ce catalogue de bons mots éparpillés intelligemment dans un contexte sédentaire, prenant et drôle, permettant à des personnages sanguins d'offrir leurs vitalités verbales et physiques, dans une intrigue de premier ordre.Paradoxalement, la France occupée met au monde une œuvre d'esprit d'une jeunesse éternelle, pleine de vitalité, de suspense et de charme, abreuvée constamment par le bon mot qu'il soit provoquant, moqueur ou ironique.C'est du lourd dans un climat historique pesant, permettant curieusement à un concept sous surveillance, de se vêtir de la plus belle parure qui soit.Un enthousiasme débordant, perpétuellement présent, dans un contexte imposant uniquement un cinéma français soporifique, qu'il soit fantastique, poétique ou de délation.Un pied de nez énergique et humoristique à toutes formes de censures.Vive la liberté.
  • LES TRIBULATIONS D'UN CHINOIS EN CHINE (1965)
    Quel bonheur de revisualiser cette pépite succulente de fantaisie et de bons mots. Une fresque burlesque intelligente et rocambolesque, au bout du monde, exécutée dans la joie et la bonne humeur, par de gais lurons inconscients, se divertissant du danger, grâce à leurs décalage perpétuel.Un somptueux climat populaire drôle et virevoltant, hélas porté disparu depuis de longues décennies, remplacé par un cinéma français pessimiste, triste et laborieux, ne sachant plus faire rire.
  • FRENCH CONNECTION (1972)
    Le trafiquant Alain Charnier, superbement habillé, est maniéré. A l'inverse Jimmy Doyle, policier allumé, se gèle en planque, en ingurgitant un hamburger, frôlant un costume éprouvé par de longues années de service.Le bandit entretenu par un esthétisme raffiné déjeune à la carte, pendant que le flic presque clochardisé, survit au fil des rues, avec des tonnes d'heures de sommeil à récupérer."French connection" oeuvre prémonitoire, est l'apologie du monde obscur et de ses récompenses, évoluant dans une mégapole gigantesque, où la protection policière, livrée à elle-même, est à bout de souffle.Le trafiquant bien structuré fait du fric sans états d'âme, pourchassé par des flics mercenaires, costards pourris, bagnoles cabossées et bouffes dégueulasses, le tout dans la rue par tout les temps avec une hiérarchie à des années lumières.
  • LE GRAND CHEF (1958)
    Deux clones de Laurel et Hardy, aussi désargentés que leurs illustres archétypes, se retrouvent malmenés par un enfant roi issu des beaux quartiers, parachuté temporairement chez des laborieux. Un opus plein de fantaisie sur un sujet délicat, dont l'approche négative est supprimée par l'irrésistible montée en puissance d'un univers catastrophe, mené tambour battant par un enfant protégé, farceur et turbulent.Un cheval de Troie de poche, déchainé en permanence, s'acharnant sur deux opportunistes, plus bêtes que méchants, complétement dépassés par les sévices d'un ouragan domestique, ne s'apaisant jamais.Très drôle.
  • LES PROIES (1971)
    Une mise en images glauque, troublante, dérangeante dans son aspect caméléon, semblant reformater en permanence dans le mensonge un personnage préférant satisfaire sa gloutonnerie féminine, plutôt que d'offrir des sentiments sincères à une seule personne. Cette impossibilité ayant pour conséquence de mettre en service un panier de crabes féminin jaloux et revanchard, montant en puissance pour retrouver sa communauté de départ dans l'acte final.Enfin un rôle trouble pour un comédien évacué de personnages forts, se retrouvant fragile et diminué dans un contexte accueillant, changeant peu à peu de peau.Les passions féminines s'éveillent en gommant toute la perception d'une mission humanitaire, pour élaborer en commun dans une collectivité retrouvée, une machine à tuer.Une bombe à retardement passionnelle, actionnée par un instable incapable de manager ses pulsions.
  • LA CHASSE DU COMTE ZAROFF (1932)
    Paradisiaque, étrange et merveilleux, la chasse du comte Zaroff façonne dans un moyen métrage à deux pas du fantastique, une aventure hors du commun vécu par deux cobayes, pourchassés par un illuminé. L'opus est vigoureux. Le climat interne et externe oppressant. Les conséquences d'une demeure cauchemardesque et d'une jungle de tous les dangers contraignent deux esprits devenus gibiers à utiliser en alternance l'intelligence et l'instinct, dans une traque minutée.Une intrigue hallucinante, dans des décors magnifiques, devenus d'effroyables terrains de jeux.Un chef-d'oeuvre.
  • L'HOMME AU BRAS D'OR (1955)
    "L'homme aux bras d'or" est un film noir, sur un monde dur, violent et égoïste, s'acharnant sur un esprit combatif, mais tributaire de plusieurs aspects d'une emprise, qu'elle soit de l’héroïne, du tripot crasseux, de la simulatrice ou de l'aimante trop effacée. Une brochette destructive, réduisant au rang d'épave, un esprit volontaire sans cesse sur le fil du rasoir, entre repentir et récupération, suite à quelques dépendances, dont la première le condamne à sevrer un talent impossible à exercer dans un état normal.Emblème de référence et première approche cinématographique sur les ravages de la drogue, "L'homme aux bras d'or" montre sur fond de crise économique, de taudis et de prolifération de marginaux, les énormes difficultés éprouvées par un être instable, constamment ballotté entre sa volonté d'en sortir et ses dépendances.La descente aux enfers d'un homme avalé par un environnement sordide, dont il n'arrive pas à s'extraire.La scène de l'audition ratée reflète parfaitement le climat d'une époque où l'on a plus rien à se dire.
  • UNE ÉPOQUE FORMIDABLE (1991)
    Inquiétant tout en essayant de surnager par l’humour, "une époque formidable" collecte sa force dans la seule conception possible et supportable, le groupe, même si celui-ci est corvéable ou marginalisé. Berthier curieusement acquiert un équilibre au contact de la rue, en s’intégrant à une meute combinatoire, adaptée à la sphère de l’exclusion.L’épreuve du froid est bénéfique, initiatrice pour un homme épuisé par le rendement, pensant naïvement que l’accumulation de biens artificiels est un passeport pour conserver l’être aimée.Ce châtiment temporaire recadre un dispersé dans des valeurs simples où la conquête d’une simple paire de chaussures est presque une extase.Dehors on n’est plus rien, il faut être débrouillard en espérant tomber sur de bonnes ressources d’accompagnements. Berthier s’adapte aux viandes avinées et aux crises de démences dans un environnement devenu presque acceptable.En ce début d’années quatre vingt dix, la crainte majeure est la limite d’âge. Celle qui vous balaie de l’entreprise à quarante ans dans l’indifférence générale.De nos jours, un remake d’une époque formidable serait insoutenable. Tellement d’ingrédients nouveaux sont apparus que le forage d’un nouvel opus s’avère presque impossible."Une époque formidable" malgré son sujet détient un parfum de liberté. La rue à temps complet est perçue comme conviviale, un terrain de jeux délirant sans hiérarchies ni règlements foulé, par une troupe acclimatée à sa conjoncture.Tout ceci est presque darwinien. Le banni de plus en plus jeune s’accommode aux désagréments naturels par une carapace renforcée.
  • LES AMANTS DE LA NUIT (1948)
    "Ce garçon et cette fille sont étrangers au monde ou nous vivons, voici leur histoire". La bande et ses contraintes font de Bowie et de Keechie encore adolescents des ressources partagées entre la résignation de subir une époque complètement bouchée, n’offrant que l’opportunité de la rapine et le désir de vivre en parallèle les expériences de leurs âges, une passion amoureuse un peu naïve, dont l’un comme l’autre ignore le processus.Road movie exemplaire "les amants de la nuit" conte merveilleusement les quelques heures de libertés sensuelles que découvrent un couple presque enfantin, dans une cavale toujours recadrée sur l’obligation du devoir malhonnête.Vivre ses vingt ans, dans un contexte économique déplorable, entraine deux paumés en cavale sur des routes bordées de situations absurdes.On se marie en cinq minutes pour vingt cinq dollars, avec la meute aux trousses, après avoir tâtonné dans un car les pleurs d’une progéniture que l’on accepte comme un éventuel avenir.Rires d’adolescents dans une voiture cabossée, filmée de haut, font monter en puissance une conclusion tragique, éjectant une nouvelle fois une génération montante tourmentée et inexpérimentée d’une normalisation simple et durable, faisant d’elle par la force des choses des portes flingues improvisés.Nicholas Ray, pour sa première œuvre, adouci le schéma traditionnel du film de gangsters pour ne montrer que le trajet d’un couple culte, emblème d’une démolition sociale dont les espérances sont pulvérisées par la rudesse de modèles brutaux.Dans un tel temps, impossible de se construire. Il ne reste plus qu’à jouer les jeux de l’amour jusqu'à l’échéance finale, dans une fuite se grisant de situations sentimentales éphémères.
  • LES PORTES DE LA NUIT (1946)
    "Je suis le destin je vais, je viens c’est tout". Entre collabos, exploiteurs du peuple, travailleurs laborieux, existentialistes et résignés, "Les portes de la nuit" pansent les plaies d’un Paris d’après-guerre, imprégné localement d’une peur de l’autre et d’un fantastique décalé, répandu par un prédicateur insensible, omniprésent, tentant de relancer la machine des sentiments, en imposant à une faune en perte de repères, propos soudains et inquiétants.Les cibles sont dévisagées, approchées, effleurées. Les destinées sont distribuées dans les bars, sous le métro, dans les restaurants, par un prophète au regard vague, articulé par la parole divine.Les prédictions, bien souvent dramatiques, parsemant le trajet de ces oisifs en mal de vivre, alors que tout est à reconstruire, sont brutales et sans sommations.Préalablement conçu pour Marlène Dietrich, à laquelle Nathalie Nattier ressemble étonnamment et Jean Gabin, "Les portes de la nuit", magnifique danse sensitive entre des pantins articulés par un maître de jeu prophétique, débitant un verbe ne semblant pas être perçu, reste globalement accablant d’ennui.Le climat irréel, pessimiste et sombre, cher au cinéaste, s’exécute dans un parcours lancinant, faisant lentement abaisser les paupières. Cet opus déprimant s’aligne sur une manière de faire personnelle, mettant en valeur les destinées tragiques de personnages accablés de négatifs, dans un environnement ne faisant qu’encourager les débordements.Bavard, constellé de scènes inutiles "Les portes de la nuit" ne sont pas la bonne adresse pour quérir joies et bonne humeur. Tout n’est qu’une respiration humaine effondrée par la néantisation d’entreprendre.L’instable et le larmoiement ont pignon sur rues, dans un avenir imposé par le destin, que l’homme en plein désastre ne peut envisager par lui-même. Les feuilles mortes, ce sont ces êtres improductifs, rongés par leurs fatalismes.Mention spéciale dans ce petit naufrage, à Jean Vilar, le destin qui par son regard halluciné rappelle l’extra-terrestre Robert le Vigan.
  • HATARI ! (1962)
    Drôle et chaleureux "Hatari" déroule un sympathique esprit de famille, loin des rivalités des usines et des bureaux, au contact d’une faune animalière dangereuse ou coopérative, selon les approches. Chapoté par un Duke en pleine forme, les composants cosmopolites de cette petite sédentarité domestique appliquent en douceur prestations de brousse et rivalités amoureuses, dans une générosité ne mettant jamais en péril l’union d’un groupe de travail, en constante découvertes d’affinités."Hatari" est une pépite, un esprit d’équipe magistral, aux basques d’un animal capturé, mais non chassé. Les petits sketchs avec les éléphanteaux et les autruches sont délicieux et soutirent presque des larmes, devant de tels jeux innocents et spontanés.L’espace offert délivre une superficie où l’homme et l’animal trouvent enfin de quoi s’ébattre sans s’entretuer. Tous les personnages, après les méfiances d’usages, s’apprécient pour leurs valeurs sur le terrain principale, sélection d’une amitié virile, potentiellement reconduite dans de futures aventures.L’intrigue sentimentale est simpliste, presque un peu déplacée par l’obstination d’une jeune fille à séduire un vétéran (ce concept sera d’ailleurs reconduit dans "Charade" avec Audrey Hepburn et Cary Grant) mais peu importe cette "anomalie" se dissipe rapidement devant l’accumulation de scènes désopilantes, garnissant ce film plein de tendresse.
  • QUAND PASSENT LES CIGOGNES (1957)
    Ce film émouvant montre les désastres d’une guerre broyant les itinéraires sentimentaux d’une génération essayant de s’extraire par le projet du destin dramatique d’une nation manipulée régulièrement par la répétition de l’histoire. Une nouvelle fois, l’avenir d’un couple est réduit en miettes, par le tribut du à une nation dont le sol périodiquement foulé par la logistique militaire, oblige ses enfants à s’investir dans un conflit dont la finalité dramatique se situe loin de leurs terres.Veronika, restée au pays, lutte intensément contre les assiduités d’un planqué, pendant que l’être cher trime pour gagner une minute de vie supplémentaire, à des années lumières de désirs avortés."Quand passent les cigognes", amer constat d’une lame historique perforant joies de vivre et investissement amoureux, montre admirablement une résignation camouflée dans un patriotisme de référence, de plus en plus difficile à supporter.Lyrisme et sacrifice, tout en étant présent, éprouvent certaines difficultés à masquer le besoin d’une maîtrise de son destin. Ces vies offertes à la patrie demandent l’offrande d’un temps complet, leur permettant de tester l’intégralité d’un parcours.Tout ceci annonce, par l’intermédiaire d’un cinéma technologiquement révolutionnaire et surprenant, l’apport de nouveaux sujets titillant une liberté existentielle, braquée sur les lumières de l'occident.Visuellement, l’œuvre est novatrice et ne recèle nullement le concept d’un cinéaste enclavé dans des procédures liées à un parti. La propagande semble bénéfiquement s’éloigner d’un style de traitement uniforme.La contenance globale, particulièrement dynamique, prouve la valeur d’un cinéma désirant, tout en respectant sa terre, effectuer quelques recadrages sur les espérances de nouvelles générations, lassées de mourir au champ d’honneur.Le challenge, tout en étant pratiquement réussi, laisse encore pour quelques temps le dernier mot à un message patriotique basique, clôturant un récit sensitif par une image glorifiant le dévouement et la reconstruction.
  • LES SEPT MERCENAIRES (1960)
    "On m'a offert beaucoup dans la vie, mais jamais tout ce que l'on avait"Une fin de parcours héroïque, pour quelques esprits ayant enfin trouvés leurs véritables valeurs, dans un investissement sans soldes, offert dans des conditions précaires à des opprimés dans l'incapacité de se défendre. Le déroulement pathétique d'une association temporaire protectrice, dans un challenge audacieux permettant à des solitaires désœuvrés de révéler, le temps d'une aventure, une bravoure naturelle, ôtée d'opportunisme.Un film magnifique, sur une spontanéité d'encadrement retrouvée et assumée jusqu'à son terme.
  • LA MAISON DU DIABLE (1963)
    "La maison du diable" suggère remarquablement la présence d’un ennemi invisible, à l’aide de bouts de ficelles ingénieux et d’une bande son particulièrement efficace. Le délire est distillé par des protagonistes terrorisés par leurs propres peurs et voix internes prenant le pouvoir sur un castel effrayant, certes dangereux, mais absent d’ectoplasmes.Dans un noir et blanc pratiquement sans effets spéciaux, les faits relatés restent captivants. Porte déformée, escalier brinquebalant, statues aux visages déformées, corridor interminable, bruits sourds et rires démoniaques se succèdent dans le plus simple appareil, ceci n’empêchant nullement nos épidermes de frémir à ces sensations parfaitement reproduites.Finement alcoolisée de peurs, "La maison du diable" oscille régulièrement entre une atmosphère lourde et des récurrences liées à nos terreurs ancestrales, le tout dans une sobriété sincère, collant admirablement avec le contexte.Les abus intelligemment bypassés font de ce film un habile divertissement cauchemardesque spéculatif. Les esprits lassés de ne rien voir s’entredéchirent aux portes de la folie, dans une maison ne lâchant que peu d’informations palpables.Un très bon film sur un genre difficile, limité, qu’un metteur en scène astucieux, au budget restreint, rend séduisant tout en le revêtant de simplicité.
  • LA BELLE AMÉRICAINE (1961)
    Inégale, décousue, bien souvent dispersée un peu n'importe où, "La belle Américaine", malgré ses lacunes, détient une denrée rare, surtout de nos jours, la chaleur d’un groupe de déjantés lunaires, sédentarisés dans une alliance de proximité, valorisant leurs libertés d’appréhender le monde d’une manière décalée. Cette atmosphère détendue redistribue dans la joie et la bonne humeur le nectar de ces merveilleuses années soixante, avec comme thème principal les couleurs bénéfiques du long terme relationnel entre des personnages presque marginaux, raccordés de manière durable par leurs absences de maturités.Robert Dhéry se rit de cet organigramme administrato-policier de répressions, se changeant soudainement en courbettes devant une hiérarchie confortée par les lâchetés et les hypocrisies de rouages obscurs.Certaines maladresses mimiques calquées sur Stan Laurel sont compensées par un hommage malicieux aux "Temps modernes" de Charlie Chaplin. Les comédiens, certes sous l’emprise d’un concept de divertissement, ont la possibilité de s’exprimer librement dans des panoplies professionnelles fortement caricaturées, celles-ci leurs permettant d’en faire des tonnes.Le travail de Robert Dhéry ne cherche qu’à distraire, en se servant d’une outrance pulsée à son maximum."La belle Américaine" est avant tout un climat, celui d’un cinéma que l’on ne sait ou que l’on ose plus faire. Un rendu clownesque et facial obtenu grâce au concours de situations cocasses, permettant à des comédiens d’exprimer astucieusement leurs manières de faire, dans l’envolée du geste et la grimace convulsionnée.Un petit cours sur l’esprit farfelu des Branquignols est nécessaire afin de capter le message de cette œuvre volontairement incohérente, respectant un processus comique.Le point fort étant l’acceptation mutuelle presque naturelle d’un groupe à se mouvoir selon ses propres règles, dans un monde administré par la mécanique de l’exactitude.
  • LA TRAVERSÉE DE PARIS (1956)
    Que rajouter d’original sur ce film connu de tous, narrant dans une brève rencontre une tentative de connexion entre un artiste désabusé, provocateur, protégé, avide de théorèmes sur les limites de ses contemporains et un chômeur dont les possibilités de s’exprimer, avant d’en venir aux mains, ne dépasse pas trois phrases, le tout dans un périple se nourrissant de lâchetés contemplatives. Le prolétaire est durement malmené par un verdict de passage. Le pleutre rencontré au hasard est jugé sévèrement par un parachuté théorique, en manque d’expérience, désirant entériner sur le terrain, un catalogue social conçu entre intellectuels dans les salons, laminant le plus faible en le vêtant de toute la noirceur humaine.L’œuvre est récupératrice, en vaporisant un parfum d’homologation toujours latent envers ces constats racoleurs, hurlés dans les bars par un juge itinérant, transcendé par la liberté de vomir son mépris envers un troupeau héréditaire, durement touché."L’intellectuel" Grandgil vocifère, condamne une meute sans envergures camouflées dans les caves, en manipulant et rabaissant sournoisement par sa culture et sa présence d’esprit l’ouvrier Martin, ne sachant que geindre ou montrer les poings.La Paix, terminologie de ce parcours, repositionne chacun sur les rails d’un système maître serviteur, semblant indélébile. Le costume et les premières pour l’un, le port des bagages pour l’autre, dans un dernier contact chaleureux, mais superficiel, ne laissant aucune place à une réelle collaboration durable entre deux composants provisoirement rassemblés par la divine providence d'une occupation, synonyme de communication, entre une équation irréalisable en temps normal.Finalement le pire, c'est quand tout va bien.
  • L'ANNEE DU DRAGON (1985)
    "L'année du dragon" est un opus extrêmement violent montrant les ravages malhonnêtes de certains héritages ancestraux, emportés et entretenus sur d'autres terres. Être Américain signifie bien souvent un parachutage économique, sur un territoire neuf ou sans idées nouvelles, on implante ce que l'on a emporté dans ses bagages.Suite à sa délocalisation, le Chinois, mathématicien royal sur ses terres, se retrouve en miettes au bout du monde, suite à la construction d'un chemin de fer dont il ne dispose d'aucune reconnaissance.Pour survivre et avoir un nom, il ne lui reste plus qu'à entretenir un ego revanchard, dans une mégapole gangrenée par le meurtre le racket, le trafic et les conflits de générations.Pendant que le Polonais brutal et maladroit se chauffe au charbon, en se baladant dans la vie comme dans un magasin de porcelaines, que l'Irlandais pose pour la postérité devant un chemin de fer qu'il n'a pas construit, que l'Italien se retrouve complètement démuni devant une nouvelle manière de faire beaucoup plus expéditive, l'Asiatique d'une main de fer engloutit par la corvée ses congénères dans les bas-fonds.Toute cette faune ayant pour nom "Amérique", lâchée en pleine nature, assure le spectacle permanent d'un territoire à feu et à sang dont la violence représente le seul outil de communication.Un récit âpre et sans douceur sur l'impossibilité d'avoir un esprit créateur sur d'autres contrées.On fait ailleurs ce que l'on faisait chez soi.
  • LA MARSEILLAISE (1938)
    "C’est une révolte ? Non sire, une révolution". Le roi Louis XVI mange du Poulet après la chasse, pendant que le paysan braconne pour se nourrir. Nous sommes en 1789, le citoyen et la nation n’existent pas. Seul le noble a le monopole de la parole et des lois.Les aristocrates se croient à l’abri de tout changement pour de nombreuses années. Les institutions semblent de marbre. Mais tout va changer de manière rapide. Des idées nouvelles sont en marche.De nouveaux concepts s’échangent entre tous ces affamés qui n’ont plus rien à perdre. Au commencement de la révolte, un miracle se passe. Les partis en lutte concernés s’accordent pour définir qu’il est inutile de s’entretuer.Une cohésion s’exécute. La marche des régions révoltées vers les Tuileries est unitaire. Les premiers combats font rage. La Marseillaise naît. Le roi capitule.Jean Renoir nous rappelle avec force l’effort collectif indispensable en vue d’un changement radical, ceci par le gommage des différences et la tentative désespérée d'acquérir un rang social plus juste.Il n’y a pas d’équivoque, le message est bien rendu par le citoyen, expliquant la signification d’un nouveau terme inconnu "citoyenneté" à l’aristocrate déchu, n’ayant plus que l’exil en Allemagne ou l’Angleterre comme destinée.Le Marseillais, enfin débarrassé de sa sieste et de sa désinvolture, est magistralement récupéré comme un actif motivé dans un morceau d'histoire épique et chaleureux.
  • L'ECHELLE DE JACOB (1990)
    Un généreux brulot humain, efficace et pathétique sur la dégringolade d'un esprit lentement carbonisé par des images hallucinatoires emmagasinées sur un site infernal, puis restaurées sans sommations dans un contexte urbain devenant soudainement hors contrôle. La lente agonie d'un cobaye dans un coma irréversible, lui permettant curieusement de se projeter dans un avenir virtuel, encombré de poursuites inexpliqués formatés par des visages déformés.Un cheminement reposant et spectaculaire en alternance s'empare d'un vétéran du Viêt-Nam en vrille, usé par des cauchemars éveillés mêlant le passé et le présent.Des visions incompréhensibles et surtout injustes suite à la révélation de leurs origines.La dénonciation sans pitié d'une hiérarchie militaire contrainte au dopage pour obtenir des résultats de la part de soldats statiques sur le terrain, mettant en concurrence leurs bravoures et leurs sensibilités.
  • LE VIAGER (1971)
    Martinet, proie facile d’une famille rongée par la convoitise, s’offre le privilège de durer en profitant inconsciemment d’un système de destruction, devenant paradoxalement un allié à long terme. Usé jusqu'à la corde, son organisme se voit ragaillardi par une volonté de paraitre éternel, déstabilisant des vautours inaptes aux raisonnements logiques.L’opus est drôle, caustique. Le lugubre pot de départ en retraite de Martinet demeure un des nombreux morceaux de bravoures de ce voyage cérébral hallucinant, menant vers un bien inaccessible.Les Galipeaux, privés de repères patriotiques, tirent un à un leurs révérences, pendant qu’un vieux Papy se la pète au soleil, dans un village à la renommée encore endormie.Pierre Tchernia, au même titre que Jean Yanne, se délecte en montrant l’architecture délabrée de certains Français moyens sans envergure, offrant veuleries et courbettes à une hiérarchie cravatée ou en uniforme.L’œuvre est acerbe, les Galipeaux petits bourgeois planqués, s’exterminent de l’intérieur par des projets aussi médiocres que leurs envergure.Pendant ce temps, la contrepartie pète le feu, acquiert du temps et de la gloire, dans un monde rural sain, encore préservé du Parisianisme."Le viager", dont l’unique but est de faire rire sur un sujet épineux, pose l’éternel problème de la répartition des comportements pendant une page d’histoire douloureuse.Faut-il résister ou collaborer ? Ou bien être lunaire comme le montre admirablement Martinet dans ses agissements naturels et serviables, faisant malgré lui ou non un homme fêté et respecté avec l’immortalité comme récompense.
  • PLUS DURE SERA LA CHUTE (1956)
    Choisissez un chiffre (Evitez 2, 3, 4) ou un nombre. Si le chiffre est pair, divisez-le par deux, si il est impair, multipliez-le par trois et ajouter un.Que va-t-il se passer ? A un moment donné, il n’y aura plus que des nombres pairs qui divisés constamment par deux effondreront la chaîne.Les films sur la boxe adoptent le même schéma, le boxeur suit une ascendance menant vers un pic, puis une descente vertigineuse, se terminant par un impact final extrêmement brutal, impossible de redécoller, c'est la fin.Eddie Willis, journaliste stagnant, accepte de publier des articles sur un colosse bidon, l'Argentin Toto Moreno, d’une naïveté d’école, agrémenté d’une gentillesse et d’un coeur gros comme ça.Ces qualités n’ont aucune envergure dans un monde insensible où tout le monde est le serviteur de tout le monde.Les premiers combats se succèdent tous truqués, Toto qui n’est pas au courant se croit invincible, les challenges sont de plus en plus musclés, les adversaires également, l’irrémédiable se profile à l’horizon, le dernier combat contre le champion du monde en titre sera régulier."Plus dure sera la chute" est le dernier film de Bogart.Eddie, à l’image du comédien, est fatigué, fragile, privé d’indépendance, en fréquence avec celui de "La comtesse aux pieds nus" se devant de satisfaire un producteur irrespectueux envers ses subalternes.Les rôles ne sont plus (à part "La maison des otages") que des approches lointaines de la dominance.C’est une fin de vie pour l’acteur, comme pour ses personnages, semblant bien éreintés.L’homme triomphant des décennies antérieures est abattu par la bouteille, les cigarettes et les nuits blanches.L'image finale martelée de Toto est symbolique du parcours chaotique de l'acteur.
  • LA MAMAN ET LA PUTAIN (1973)
    "J'écris sur les tables de cafés parce que je ne saurais me passer longtemps du visage et de la voix humaine dont je crois avoir essayé de parler noblement"Vivre dans ses citations littéraires et ses références cinématographiques protège et rassure le parcours quotidien d'un jeune intellectuel, profiteur, pédant et paresseux. La femme indécise se courtise sur quelques fragments de Bernanos cité judicieusement dans des situations porteuses, sur des sites penseurs et détachés.Au début de ces années soixante dix, "les deux magots" habille ses journées de tous ses jeunes oisillons dragueurs, improductifs, révolutionnaires et misogynes, otages de la chambre de bonne, passant leurs existences à deviser loin des responsabilités.L'opus est étiré, le texte dense, presque ininterrompu.L'écoute n'est jamais au repos devant ce noir et blanc interminable, croulant sur une parole riche, fructueuse faisant ressurgir au coup par coup dans l'espace et le temps le bon mot d'un artiste défunt.Reformaté par un exclu volontaire, ne désirant pas transpirer dans des taches inutiles, à l'intérieur d'un troupeau.Le véritable monde n'est plus que la rédaction impétueuse d'un concept que l'on condamne à distance, sans y pénétrer offrant une grand partie de son temps à la terrasse de café, dans l'oisiveté de la drague.Dans un quartier parisien, formatant depuis des lustres un étudiant bien souvent idéaliste et désœuvré, méprisant l'exécutant sans âme, en se réfugiant perpétuellement dans la citation.
  • MONTPARNASSE 19 (1957)
    "Sachez que je ne m'enivre que de moi-même""Montparnasse 19" est une approche réaliste sur l'aspect de certains quartiers parisiens insalubres de début de vingtième siècle, abritant sous leurs toits toute une peuplade hirsute, désespérée, désargentée, en état d'ébriété du matin au soir. Les derniers moments de Modigliani ne sont qu'absences et beuveries, légèrement combattues par quelques lucidités crayonnant sur un papier froissé des visages blêmes entourant des yeux vides, reproduction fidèle d'un artiste à l'agonie.Un talent n'apparaissant que dans de brusques éclaircies éphémères, faisant replonger rapidement une âme torturée dans ses travers.L'apparition minutée d'une remise à niveau volontariste et clairvoyante se révèle hélas non durable, sur une architecture délabrée, pourchassée et rattrapée par ses instabilités.Une descente aux enfers quotidienne, accomplie par une loque consentante, malgré la protection et l'amour transportant un mort vivant vers un impact sordide, loin de ceux ayant encore de l'affection envers une machine détraquée.Un chef d'œuvre noirissime.
  • FRENCH-CANCAN (1955)
    Optant pour un visuel conséquent, "French Cancan" préfère attarder ses images sur le côté spectaculaire et reluisant d'une époque. Noyés dans des couleurs éblouissantes, le récit, absorbé par une figuration babylonienne et des décors frisant le péplum, peine énormément à s'arracher d'un statut de spectacle.Dans de telles conditions, le spectateur privé d'investissement affectif, s'abandonne à des images colorées, montrant dans un déroulé scintillant, une reconstitution cohérente, ceci grâce à un budget conséquent, réservé à une œuvre préférant distraire qu'émouvoir.La présence de la plus grande partie de la génération des comédiens, fantaisistes et chanteurs renommés de ces années cinquante, demeure un point vraiment positif.Une agréable suite d'apparitions surprises ou programmées, dans plusieurs aspects humant certains parfums des "enfants du paradis".Un ouvrage cossu, conçu pour éblouir.
  • ANTOINE ET ANTOINETTE (1946)
    "Tu t'es trompé de billet, tu t'es trompé de billet"La promiscuité peut avoir du bon. Elle permet sous des toits parisiens atteint sans ascenseur par une chaleur torride ou sous un froid glacial, de fournir tout le long d'une année, dans une communication spontanée, un climat constant et chaleureux. Les portes toujours ouvertes accueillent sans sourciller un tout venant souriant et taquin, n'ayant aucun horaire pour apparaître.Un petit monde ouvrier exclu, méprisé ou convoité par le nanti, tourne autour de lui-même par sa fraicheur et son naturel, malgré un confort inexistant et de maigres repas.En ces années d'après-guerre deux salaires ne suffisent pas pour manger à sa faim. Tout n'est que rêve et privation.Il n'y a qu'un seul remède pour que rien ne s'effondre, aimer et ne voir que l'autre, dans un vide matériel permanent, en espérant un monde meilleur.Il est bien mérité ce dixième de la loterie nationale permettant à ce jeune couple soudé et combattif, ciblé au hasard par la bonne fortune, de basculer de l'autre côté, tout en conservant son aspect juvénile.Une conclusion heureuse, dans un film générationnel, privant une catégorie considérée comme laborieuse, d'un avenir radieux.
  • LE VOLEUR DE BAGDAD (1940)
    Sabu Dastagir, fils de cornac et comédien principal, du "Voleur de Bagdad" campe parfaitement le prototype parfait d'un héros local pur et bondissant. Un joyeux compagnon d'aventures bon, généreux et loyal. La légende dit que lors d'un casting où il devait montrer son adresse à grimper sur un éléphant, celui-ci l'aida avec sa trompe à bien se positionner sur le sommet de son crâne, la production médusée l'engagea sur le champ.Sabu devint le porte parole d'une série de films exotiques des années trente et quarante, le positionnant bien souvent comme une pierre angulaire entre une malhonnêteté bien souvent locale et un "gentil" colon anglais plus ou moins dépassé par les us et coutumes d'un pays inconnu."Le voleur de Bagdad" est une prouesse pour l'époque, le climat est enchanteur, les effets spéciaux particulièrement réussis évadent le spectateur du spectre d'une guerre qui se profile.La réalisation soignée fournit une figuration fastueuse. Le thème est simple, manichéen, essentiel à un public non exigeant, amateur de couleurs chatoyantes et de méchants génies, avec en toile de fond une jolie princesse à éblouir.Les marchés aux fruits sont colorés, les costumes somptueux."Le voleur de Bagdad" régulièrement projeté à la télévision française, à l'époque en noir et blanc, émerveilla de nombreux adolescents imaginatifs, devant un tel contexte d'évasion.
  • LES ENSORCELÉS (1952)
    Jonathan Shields est un jeune producteur ambitieux. Programmé héréditairement pour gagner, il dispose d'un environnement plus ou moins soumis à ses intuitions professionnelles.Les sujets et les comédiens ne manquent pas. Les films de troisième ordre pullulent dans cette industrie hollywoodienne farfelue des années cinquante.Œuvres sans intérêts tournées à la va vite sont monnaies courantes. Le ridicule de certains scénarii ne tuent pas cette faune assoiffé de gloire, se construisant lentement en traversant des contrées infestés de navets.Certains comédiens sont excentriques, qu'importe il ne servent qu'épisodiquement à l'avancée de la carrière d'un homme sans scrupules bâti pour l'environnement d'un travail où l'on est encore debout à quatre heures du matin, à cogiter sur les scènes à tourner dans la journée qui s'annonce.Les relationnels de Shiels avec les producteurs, metteurs en scène, comédiens et écrivains sont ambigus, construis uniquement sur l'ambition d'un seul homme. Ils s'achèvent tous par la trahison.Toutes ces personnes lésées rebondissent en faisant abstraction de leurs déceptions. Shiels est un bienfaiteur qui s'ignore. L'orgueil cicatrice ces blessés qui rebondissent en adoptant les principes de leur prédateur.Pour dominer, il faut rester libre et considérer les humains comme des éléments manipulables, le but est de se maintenir dans le métier, accompagné d'une solide base financière, conquise par les projets les plus fous.Néanmoins, certains esprits sont fragiles. Shields est obligé de se mouvoir intelligemment sur le terrain vaseux de la fausse protection, afin de rassurer ses ressources principales de revenus.Les années passent. Shields va mal, sa carrière de producteur est en chute libre, il a besoin de l'aide de certaines personnes trahies pour redécoller.Faut-il se venger de ce personnage au cœur sec, mais qui sans le vouloir a propulsé par une formation musclée des profils adaptés aux métiers réalistes du cinéma?Ce huis clos, ponctué de flash-back où chacun des quatre personnages revanchards relatent leurs relationnels raté avec Shields, est passionnant.Un véritable procès où le rapport de forces s'inverse. Shields n'est plus un dominant, il est devenu dépendant de la faune qu'il n'a pas respectée.Tout cela semble calqué sur le véritable cheminement du comédien de cinéma, qui au début n'est rien, puis se façonne une envergure, suite à l'accumulation de ses déceptions professionnelles."Les ensorcelés" est un très bon film d'éveil sur ce territoire attirant, malgré sa mauvaise réputation de nombreuses vocations.Qu'en est-il aujourd'hui ? Le film est daté il est vrai, par l'image négative de l'industrie de ces grands trusts et enseignes de cette époque obsolète où tout le monde était un kleenex en puissance.
  • LA TUNIQUE (1953)
    La tunique conçue en pleine guerre froide surfe simultanément sur plusieurs concepts. L’emprise sensitive de nouvelles perceptions spirituelles perturbant l’intransigeance d’un esprit façonné sur l’insensibilité d’un empire s’incruste habilement dans un produit marketing de grande ampleur.La mission de ce péplum un peu léthargique est aussi politique.Il s’agit de contrer par l'apparat le déploiement Athéiste de nouvelles pensées en affermissant sa foi dans des images grandioses et récupératrices servant de papier peint à l’émotionnel de son récit.Il faut en mettre plein la vue tout en prêchant.Un divertissement ternaire encourageant la consolidation de ses racines religieuses devant la montée de nouvelles idées tout en dénonçant les premières années d’une nouvelle invention sédentarisant de nouveaux otages ne mettant plus le nez dehors, cobayes d'un tout venant cathodique les dirigeant lentement vers la poubellisation intellectuelle.
  • DOSSIER SECRET (1955)
    "Un scorpion ne sachant nager, demande à une grenouille de le faire passer d’une rive à l’autre, en montant sur son dos. Non, répond la grenouille, car qui me dit que tu ne me piqueras pas en cours de traversée. Je ne suis pas fou, répond le scorpion, si je te pique, tu meurs et moi avec toi. La grenouille rassurée accepte, le scorpion monte sur le dos de la grenouille et le voyage commence. Au milieu de la rivière la grenouille ressent une vive douleur. Tu m’as piqué, alors que tu m’avais promis que tu ne le ferais pas, ce n’est pas ma faute répond le scorpion, c’est mon caractère. " Cette anecdote contée par un mastodonte masqué, lors d’un bal, est une mimesis envers le parcours d’un personnage négatif, provocateur, manipulateur, criminel, traître et suicidaire, Arkadin lui-même, possédant cent visages similaires au citoyen Kane, mais bien plus sombres et puissants.Où est la vérité quand tout n’est que masques et fausses barbes. Cette remarque alimente un courant similaire présent dans plusieurs œuvres d’un réalisateur cherchant vainement à comprendre les mécanismes internes des humains, un carburant shakespearien ou la quête de soi-même s’avère perpétuelle, sans réponses, dans un contexte où tout se voile, au fur et à mesure que l’on déboise.Orson Welles se narcissise l’esprit en continuant de s’autodétruire par l’intermédiaire des personnages de ses oeuvres. Un vomi réceptif de plus en plus volumineux sur le spectateur, mêlé d’une continuité technique presque identique depuis "Citizen Kane", font de ce cinéaste singulier une pièce essentielle d’un cinéma en quête d’explications sur les difficultés de connexions d’esprits réticents aux parcours exemplaires.
  • 2001 L'ODYSSÉE DE L'ESPACE (1968)
    Comment manipuler un tel chef-d’œuvre ? Iconiser la plus belle vision empirique d’un monde inviolé, par l'exécutoire de théories scientifiques, uniquement retranscrites dans toutes leurs splendeurs abstraites et artistiques, par ce magnifique opus en avance sur des savants contraints aux supputations hypothétiques. "2001 Odyssée de l’espace" se lâche en dévoilant un avenir compressé dans un présent interminable, au même titre que la toile de fond scintillante lui servant de tapisserie.Chaque geste s’accapare la gestion du temps, à volonté, sans dissoudre le moindre minutage nécessaire à tout ce qui doit s’exécuter dans la logique de sa procédure.Le temps mort, si étranger au mouvement d'un septième art irrespectueux de l'immobilisme, prend ici des couleurs resplendissantes d’énergies.La technologie spatiale se berce de valses intégrales dans des cercles ininterrompus. Aucune précipitation n’a de mise dans ses hauteurs où un stylo languissant en apesanteur s’exprime à la place du scientifique endormi.Dave Bowman, aux manettes bloquées devant le sas du Discovery, exige presque l’éternité, avant de révéler une angoisse imperceptible, canalisée par une maîtrise retrouvée.Franck Poole, impassible devant un message d’anniversaire, en différé, alimente la définition d’un espace distribuant silences, indifférences et lenteurs, le long d’un périple tous feux éteints, menant vers un soleil raté.L’œuvre est reposante, lancinante, intensément interminable. Une eau de jouvence, un long sommeil battant à l’unisson d’un requiem de György Ligeti, propulsant lentement, sans espoir de retour, deux privilégiés scrutés par un complexe électronique en manque de reconnaissance.Un concept évolutif inconnu, activé par une éclipse traversant le temps, rapproche le primate de l’homme du ciel. L’os, devenu machine à tuer, envoie dans les airs les rudiments d’un instinct fragile, que l’homme devra transformer d’époques en époques, en raison, tout en faisant évoluer un outil de recherche, le plongeant vers la quête de ses origines.Une intelligence supérieure invisible entretient, degré par degré, nos perceptions instinctives, devenues sens, vers une finalité semblant se répéter, une panoplie destructrice dont la machine s’inspire de plus en plus.Quel est notre destin ? Ne serions-nous que des cobayes de laboratoires expérimentaux contingents, cloués au sol, testant l’intégralité d’une combinatoire sans fin.Une meute scénarisée comme du bétail, dans un roman nommé histoire, en attendant qu’un privilégié découvre la porte des étoiles et nous livre enfin une identité."2001 Odyssée de l'espace" est un majestueux saut de puce dans l'espace et le temps, un impact temporel scientifique en plein devenir offrant à l’aube d’un troisième millénaire la perspective de quelques verstes parcourues rapprochant l'homme de son géniteur universel.
  • LA DERNIERE CHASSE (1956)
    "Tuer est la seule preuve que tu existes". Concernant ce western extrêmement réaliste, une seule question se pose. Les bisons sont ils réellement massacrés tout au long de cette chasse apologique, intarissable besoin d’assumer un alimentaire, camouflant l’euphorie exécutif d’un massacre organisé ?La procédure de survie liée à la conquête d’une peau de bête est vite remplacée par une démence de tuer, achevée par un orgasme intérieur, satisfait souriant, satanique dans une respiration saccadée.Le manichéisme de deux tireurs est disproportionné de manière parfaite, l’un de plus en plus talonné par le remords, est cerné par une lassitude de distribuer la mort sous prétexte de manger.Le second, au contraire, entretient par des yeux étincelants de haine, un périple sanglant menant vers la folie. Un besoin de dominer par un fusil et une parole irrespectueuse la bête et l’indien.Ce genre de récit, synonyme d’antinomies extrêmes, respecte une psychologie élémentaire du pire et du meilleur, ceci dans une nature généreuse en viande, dont tout les protagonistes bons ou méchants sont tributaires.Dans cette contrée foisonnante où la peau du buffalo est source de projet, c’est un Robert Taylor halluciné qui endosse l’habit négatif d’un esprit ne raisonnant plus.Le bison blanc, malgré une protection mystique, est abattu. Le racisme est primaire, irréfléchi, l’homme grisé par la puissance de tuer devient complètement incontrôlable."La dernière chasse", western convaincant sur les désastres occasionnés sur une nature immuable par des humains affamés de sang, démontre l’énorme difficulté d’un microcosme de se pourvoir d'un équilibre devant l’offrande naturelle de grands espaces, déposant une pitance abondante, massacrée plus par plaisir que par nécessité.Ce cimetière de squelettes, foulés par une raison ivre, est une accusation terrible contre un abus de pouvoir martyrisant un instinct animalLa prestation de Robert Taylor est magnifique.
  • METROPOLIS (1926)
    Des nuages de vapeurs crispent des visages sacrifiés, exécutant des taches répétitives, sécurisant la continuité d’un jardin à ciel ouvert où des nantis méprisent d'interminables transpirations souterraines par des jeux égoïstes et insouciants. Les superficies des bureaux sont à la démesure de la démence des dominants, les baies larges et ensoleillées transfigurent le regard d’un concepteur devant la vision d'une réussite urbaine démesurée s'étendant à perte de vue.Les sous-sols explorés dévoilent des ressources exténuées, endoctrinées par des prestations dérisoires, masquant la définition d’un réel besoin communautaire.Dans ces bas fonds, ce n’est que servilité envers une machine ne mentionnant même pas à quoi elle sert.Trimer devient simplement par le sacrifice d’exclus, la sauvegarde en surface d’ébats sulfureux, de courses viriles et de captures amoureuses.Un clair obscur Darwinien à l’échelle humaine, fortement implanté dans deux concepts acquis à leurs procédures respectives, la dominance et la soumission.Comment ne pas se rapprocher en regardant ces images d’un temps douloureux encore endormi où ces maquettes futuristes annoncent l’arrivée d’un Speer alimentant dans une architecture spatio colossale les délires d'un dictateur.A l'inverse ou en parallèle, les masses colossales, froides et informes de ces blocs ne masquent nullement une récupération socialiste dont le gigantisme s'avère correctement reproduit.Ceci positionnant "Metropolis" comme une œuvre absolue au service de toutes les idéologies.Fritz Lang fut courtisé par les nazis, il préféra la fuite, en argumentant sur l'éclosion d'un troisième parti équilibrant deux extrêmes, Un esthétisme d’images, certes démentiel mais uniquement au service de l’expressionnisme.Concluons sur les propos du maître."Métropolis est un excellent film de science-fiction, rien de plus.".
  • ANGELIQUE MARQUISE DES ANGES (1964)
    Angélique, sublime canon, offerte à un faux laid, apprend à digérer une première approche sentimentale jugée abjecte, pour enfin basculer conquise dans une passion infinie menant ses nouveaux sens vers l’entretien d’un amour éternel, agrémenté d’intrigues de couloirs, d'attirances alchimiques et de voyages merveilleux. "Angélique Marquise des Anges" permet à une sensibilité provinciale en construction, de progresser par palier, en contestant des acquis masculins, n’offrant qu’à de jolies femmes l’attrait éphémère d’un sofa versaillais.Angélique réagit, conteste, réplique en reléguant aux lustres la logique incontournable d’une gorge offerte à des baisers sans lendemains.Ses charmes et ses atours, éléments indispensables servant à capter un regard bas, ne s’offrent pas systématiquement, il faut les gagner en sensibilisant la belle par une virilité baignée de tendresse.Evoluant entre passion et politique, cette magnifique éveillée se révolte contre un machisme poudré, environné de conspirateurs et de courtisans à la botte d’un roi Soleil éloigné des miséreux."Angélique Marquise des anges" est une incontestable réussite, qu’il faut savoir séparer d’une niaiserie embusquée.Le contenu est prenant, bien ficelé, c’est du bon cinéma à la française, parachuté dans un contexte de trente glorieuses de plein emploi où les places de cinémas sont abordables, ce qui permet de reformater plusieurs fois la vision agréable d’un ailleurs.
  • LES DIABOLIQUES (1954)
    Le contenu est cruel, un jouissif au cordeau, rabaissant professeurs, épouse et maîtresse, dans un pensionnat où la nourriture est au rabais. Michel Delasalle, rustre, violent, irrespectueux, fait trembler l’intégralité d’un ordinogramme soumis par lâcheté ou mépris.L’instituteur fait pitié, en implorant un verre de vin supplémentaire.Certaines scènes impressionnantes conservent une verdeur surprenante malgré les années. L’œuvre est machiavélique, humiliante, certains individus, en pleine démolition, malmenés en permanence, ne lutte même pas pour reconquérir une dignité, Chacun s’effondre dans ses limites, auréolant un récit sans espoir, dominé par les restrictions d’après-guerre, tarissant sensibilités et bontés.Un agressif, stimulé par l’emprise, s’acharne sur des pleutres soumis à un maître par manque d’envergure.Henri-Georges Clouzot semble s’acharner sur certains composants lâches et maladifs, courbant l’échine devant un supérieur, mais infligeant punitions et leçons de morales à de jeunes élèves impuissants.Un logiciel vénéneux, dominateur, lâche, angoissé et religieux se déploie à foison dans plusieurs esprits réceptacles. Tout est à jeter, rarement une œuvre cinématographique n’a fourni autant de personnages négatifs.Une faune sinistre, projetée dans une intrigue policière gardant fière allure, dans un vaisseau humain déplorable, représentatif d’une société sclérosée par un relationnel verbal, implacable et procédurier, éradiquant de manière violente les plus faibles.
  • CLÉO DE 5 À 7 (1961)
    Cléo dispose de cent vingt minutes de réflexion, à l'air libre, afin de se préparer à une sentence finale. Deux heures égrenées dans les rues d'un Paris scénarisé par des procédures quotidiennes, distantes de rencontres spontanées, entre projets des uns et désespoir des autres.Il faut tout se dire en quelques minutes, avec en toile de fond une ville procédurière, dans des actions récurrentes, se prouver que l'on existe par la voix, plus pour soi-même que par l'apport des autres, en testant courageusement une indifférence collective à la terrasse d'un café.Les contraintes et les vitalités rencontrées narguent une jeune femme ne pouvant construire qu'un relationnel limité dans le temps, au contact d'une faune anonyme, dans une mégapole structurée par le devoir de production.La dernier quart-d'heure sensible, consacré au gentil militaire regagnant l'Algérie alors en guerre, tout en laissant en apparence un infime espoir de construction sentimentale, n'ôte pas le doute sur la difficulté d'élaborer une stabilité à long terme. La maladie scelle un avenir que Cléo doit assumer seule.Un esprit trituré par le potentiel d'un diagnostic à risques, se lâche dans une ville en pleine transpiration. Paris n'a jamais été aussi beau, filmé par une cinéaste de l'errance, la ville palpite en temps réel une technologie obsolète faite de plates formes de bus, de spragues et de machines à vapeurs.Ces deux heures distillées entre craintes et espérances, dirigent une entité momentanément récupérée par la thématique du vacarme urbain, vers une conclusion ne laissant que peu de chances sur la possibilité d'offrir à une femme pleine de vie, la possibilité de s'ébattre dans un élément souverain, le temps."Cléo de 5 à 7", œuvre de rues, promotionne les rencontres improvisées, stimulant colères, rires et larmes dans une procédure sensorielle frémissant en décor naturel.
  • LES ENFANTS DU PARADIS (1944)
    "Je suis libre, tant mieux, j’aime la liberté"Ces paroles de Garance, égrenées sur le boulevard du crime, s’adaptent merveilleusement à l’esprit de ces "enfants du paradis" vociférant sur les hauteurs d’un théâtre, laissant voguer leurs sensibilités non structurés dans des rencontres où chacun exécute une parade d’amour, sans investissement durable. Tous ces écorchés vifs sont des marginaux talentueux, combattants démesurés pour certains, contemplatifs pour d’autres, ils s’adonnent à la prose, se libère sur scène par la pantomime, inadaptés à la normalité, ils s’extériorisent par l’extravagance et la mélancolie.Les rencontres nocturnes imposées par leur marginalité rapprochent par le verbe tous ces personnages si différents, qui le temps d’un positionnement de taverne, se neutralisent par un regard respectueux envers leurs différences.Les procédures égoïstes s’émiettent, les cœurs frigides s’éveillent à des sentiments inconnus, on flirte avec des définitions nouvelles, l’orgueil véhicule principal s’estompe, un respect soudain envers la collectivité prend vie.La combinatoire universelle associe dans une même aubade : le destin, la protection, le voyou, le rêveur, l’arriviste, l’insouciante, l’amour.Chacun défend son architecture interne, par une rhétorique adaptée à sa survie, en baissant peu à peu sa garde le temps de quelques théories.Garance est merveilleusement soumise à la contingence, ce qui sera, est attendu sans crainte et avec impatience. Frédéric Lemaître se définit par cette sublime réplique : "Mon état normal ? Connais pas".Baptiste se débat entre ses devoirs moraux et une folle envie de sombrer dans cet océan insouciant des lois de l’incontenance et de l’irrespectabilité que représente cette petite femme au sourire dévoré par une plainte interne, répétitive et intense.Nathalie représente la sagesse, un immense combat afin de faire triompher son seul amour potentiel et véritable. Lacenaire brille d'arrogance dans ses exposés sur son principal carburant: l'orgueil.Tout ce petit monde aigri, ayant condamné la société, souffre du même mal. Le manque d’affection. L’approche du monde est sévère, pas d’attaches, se servir goulûment de chaque opportunité, le bonheur n’est pas personnel, il est massif et n’est visible que par les comportements de ces grappes humaines déambulant sur le boulevard du crime. La masse incrémente la joie. L’individualité des esprits est torturé par le besoin de détruire constamment cette force compacte, soudée par le plaisir de la rue."Les enfants du paradis" est un clair obscur de références, ces libertés sont fausses, elles appellent de toutes leurs forces la normalisation qui, elle seule, mettra fin à ces dérives, les protagonistes s’épuisent dans ces nouvelles lois qui ne mettent en valeur qu’eux-mêmes.Les dialogues de Jacques Prévert sont extrêmement pessimistes, tout le monde s’affronte par des propos en chute libre sur leur environnement, au delà du réalisme le plus prononcé, "Les enfants du paradis", par ses textes, révèle un concept où les personnages surnagent dans une béatitude dramatique, un état léthargique euphorique, entretenu par un refus de s’abandonner à une éventuelle confiance.La différence s'impose en refusant de se soumettre à la loi de la normalisation.
  • LA DIAGONALE DU FOU (1983)
    Le refus de se remettre en question est talonné par l’arrogance. L’ours soviétique se griffe de l’intérieur par ses propres enfants. Le conformiste est vieux, usé, presque sourd le dissident est jeune, impudent et orgueilleux. La lassitude affronte le renouveau par pièces interposées, dans un championnat du monde d’échecs sur terrain neutre.Issu d’un même pays, les divergences politiques ont ruiné l’allégorie d’une amitié possible entre ces deux esprits, élevés pourtant par des dirigeants ne parlant qu'un seul langage.Le regard neuf du dissident Pavius est combattu par la vieille école communiste que représente Akiva Liebskind, au bord du gouffre, luttant contre les battements chaotiques d'un cœur éreinté.Le championnat est acharné, l’échiquier royaume de toutes les contingences, sert de champ de bataille à ses deux hommes aux visages rivés sur les cases de ces deux couleurs responsables de tant de divergences.La dissidence représentée par Pavius doit être anéantie par Akiva, image d’un régime morne par sa stabilité non créative. Les pressions de Moscou sont pesantes.La réplique du système est implacable, la jeunesse incontrôlée est un fléau, le diagnostic est uniquement politique sans états d’âme, il n’y a pas de mal à vivre intégré au communisme, seuls les idées de l’occident ont corrompu et dévié ces jeunes esprits individualistes, non reconnaissants de l'apport d'un mot merveilleux, communauté."La diagonale du fou" est un film prémonitoire. Une manière identique de penser de groupe, considérée comme froide et programmée, est menacée par un modernisme survolté annonçant l’individualisme."Je suis ce que tu es" devient "Je suis ce que je suis". Le jeu d’échecs adapté à toutes les conceptions cérébrales sert de support à cette transformation radicale.Le tout devient le moi. L’élite politique ne rassure plus la masse par une idéologie. Celle-ci se désintègre en arrivisme personnel.Le mépris d’Akiva et l’arrogance de Pavius, auréolés de leurs caprices respectifs, ne sont que des instruments voyageant dans le temps, au service de régimes en alternance, n’effectuant que la constitution ou la dislocation d'une collectivité.Les plus aguerris y verront la fameuse lutte Karpov-Kortchnoï, de 1978 et 1981. L’orthodoxe contre le dissident. Une lutte fratricide où la vérité n’est qu’une limite humaine devant l’extravagance de ses pulsions.La présence de deux comédiens polonais, Daniel Olbrychski et Wojciech Pszoniak, un dans chaque camp, fuyant l’état de siège de leur pays, au début des années 80, confirme par cette petite diaspora, l’arrivée d’un nouveau monde.L’extraordinaire scène finale entre les deux hommes dévoile l'apothéose d'une passion commune, se concrétisant par la naissance de deux esprits n’en faisant plus qu’un.
  • CHANTONS SOUS LA PLUIE (1952)
    Les prestations de Donald O'Connor sont un véritable check-up médical rassurant. Pas de problèmes, le cœur est solide. Le bonhomme, monté sur ressorts, bondi dans tous les coins, le tout en une seule prise. Icône de la chorégraphie "Chantons sous la pluie" est avant tout le socle d’une condition physique hors du commun. Comment ne pas trembler en visionnant ces escaliers dévalés ou ces murs traversés par des protagonistes regards hauts, visages rayonnants, sans notion du danger.Ces numéros sont à couper le souffle, une mécanique suisse. Des auréoles intégrées dans des scénettes amusantes montrant stars idiotes et metteurs en scènes au bord de la syncope, traqués par les technologies nouvelles.L’humour sert de moquette aux aléas d’un métier artistique constamment en devenir. Le navet idyllique à l’eau de rose sans parole est remplacé par le piédestal d’un nouveau genre, la voix inaugurant les beaux jours d’un genre nouveau, la comédie musicale.Tout est prétexte à basculer du mieux possible sans états d’âme, dans un comportement adapté, conservant motivation et bonne humeur. Le public est versatile, il s’adapte aux nouveaux courants. Les réactions de spectateurs moqueurs, à la sortie d’un sous-produit périmé, sont révélatrices, il faut se recycler et en vitesse."Chantons sous la pluie" est une figure triangulaire entre ce qui disparaît, le muet, ce qui naît le parlant et ce qui se maintient en évoluant, la danse. Les corps se moquent bien de ces rivalités entre concepts, ils s’entretiennent, bougent, offrent leurs splendeurs dans une géométrie tourbillonnante éternelle.D’agréables mélopées traversant un temps changeant où l’on ne se pose jamais longtemps. Les premières notes de "Singing in the rain" sont intemporelles, une manière de démontrer dans nos incessantes recherches de la vérité, que tout a déjà été découvert.
  • LA MACHINE À EXPLORER LE TEMPS (1960)
    Il est nécessaire de comprimer quelques sourires destinés à certains trucages de ce film, considérés comme archivés. Pour l’époque c’est du top, le travail est soigné. L’équipe met tout son cœur à l’élaboration d’une œuvre honnête, considérée comme un divertissement pur, transportant incognito quelques intuitions de décrépitudes morales futures.L’accélération du temps par l’intermédiaire d’un processus d’éclosion floral en boucle, de bougies rapetissantes, de pendules affolées et de mannequins vêtus et dévêtus en permanence, suite aux modes évolutives, est un vrai régal.Prévoir la guerre atomique en 1966, apaise nos consciences rivées déjà sur le constat de la première décennie du troisième millénaire. L’an 80.000, filmé par Georges Pal en 1960, ressemble étrangement à notre époque. Le plus grand des secrets ne cache que lui-même.Quelqu’un se noie dans l’indifférence presque générale, les ressources uniformisées ne s’exprimant pratiquement plus, subissent un monopole uniquement basé sur la disparition de ressources naturelles de défense.L'emprise audiovisuelle que nous subissons de nos jours est remplacée par la dominance d’horribles créatures bleues cannibales, craintives au feu, curieusement peu endurantes aux pugilats. Leurs éliminations semblent simple, il suffit de se réveiller, prenons en de la graine."La Machine à explorer le temps" est un magnifique ordonnancement visuel d’une terre retournant lentement, mais sûrement, vers la pierre brute.Les couleurs sont chatoyantes, le processus image par image comble de bonheur une génération montante dont l’un de ses maillons homonymes d’un des maris de la sublime Cléopâtre, restera scotché devant ces photos légèrement kitchs, surprenantes et oxygénées, semblant être élaborées par le cerveau d’un enfant utopique et protecteur."Beetlejuice", par certains trucages équivalents, rendra hommage à un processus de base merveilleux, une incohérence naturelle délivrée par le temps à des esprits adolescents encore protégés du pragmatisme.Qui n’a pas rêvé de faire tourner la roue et d’aller courtiser l’infini.