Inégale, décousue, bien souvent dispersée un peu n'importe où, "La belle Américaine", malgré ses lacunes, détient une denrée rare, surtout de nos jours, la chaleur d’un groupe de déjantés lunaires, sédentarisés dans une alliance de proximité, valorisant leurs libertés d’appréhender le monde d’une manière décalée. Cette atmosphère détendue redistribue dans la joie et la bonne humeur le nectar de ces merveilleuses années soixante, avec comme thème principal les couleurs bénéfiques du long terme relationnel entre des personnages presque marginaux, raccordés de manière durable par leurs absences de maturités.Robert Dhéry se rit de cet organigramme administrato-policier de répressions, se changeant soudainement en courbettes devant une hiérarchie confortée par les lâchetés et les hypocrisies de rouages obscurs.Certaines maladresses mimiques calquées sur Stan Laurel sont compensées par un hommage malicieux aux "Temps modernes" de Charlie Chaplin. Les comédiens, certes sous l’emprise d’un concept de divertissement, ont la possibilité de s’exprimer librement dans des panoplies professionnelles fortement caricaturées, celles-ci leurs permettant d’en faire des tonnes.Le travail de Robert Dhéry ne cherche qu’à distraire, en se servant d’une outrance pulsée à son maximum."La belle Américaine" est avant tout un climat, celui d’un cinéma que l’on ne sait ou que l’on ose plus faire. Un rendu clownesque et facial obtenu grâce au concours de situations cocasses, permettant à des comédiens d’exprimer astucieusement leurs manières de faire, dans l’envolée du geste et la grimace convulsionnée.Un petit cours sur l’esprit farfelu des Branquignols est nécessaire afin de capter le message de cette œuvre volontairement incohérente, respectant un processus comique.Le point fort étant l’acceptation mutuelle presque naturelle d’un groupe à se mouvoir selon ses propres règles, dans un monde administré par la mécanique de l’exactitude.