"Je suis le destin je vais, je viens c’est tout". Entre collabos, exploiteurs du peuple, travailleurs laborieux, existentialistes et résignés, "Les portes de la nuit" pansent les plaies d’un Paris d’après-guerre, imprégné localement d’une peur de l’autre et d’un fantastique décalé, répandu par un prédicateur insensible, omniprésent, tentant de relancer la machine des sentiments, en imposant à une faune en perte de repères, propos soudains et inquiétants.Les cibles sont dévisagées, approchées, effleurées. Les destinées sont distribuées dans les bars, sous le métro, dans les restaurants, par un prophète au regard vague, articulé par la parole divine.Les prédictions, bien souvent dramatiques, parsemant le trajet de ces oisifs en mal de vivre, alors que tout est à reconstruire, sont brutales et sans sommations.Préalablement conçu pour Marlène Dietrich, à laquelle Nathalie Nattier ressemble étonnamment et Jean Gabin, "Les portes de la nuit", magnifique danse sensitive entre des pantins articulés par un maître de jeu prophétique, débitant un verbe ne semblant pas être perçu, reste globalement accablant d’ennui.Le climat irréel, pessimiste et sombre, cher au cinéaste, s’exécute dans un parcours lancinant, faisant lentement abaisser les paupières. Cet opus déprimant s’aligne sur une manière de faire personnelle, mettant en valeur les destinées tragiques de personnages accablés de négatifs, dans un environnement ne faisant qu’encourager les débordements.Bavard, constellé de scènes inutiles "Les portes de la nuit" ne sont pas la bonne adresse pour quérir joies et bonne humeur. Tout n’est qu’une respiration humaine effondrée par la néantisation d’entreprendre.L’instable et le larmoiement ont pignon sur rues, dans un avenir imposé par le destin, que l’homme en plein désastre ne peut envisager par lui-même. Les feuilles mortes, ce sont ces êtres improductifs, rongés par leurs fatalismes.Mention spéciale dans ce petit naufrage, à Jean Vilar, le destin qui par son regard halluciné rappelle l’extra-terrestre Robert le Vigan.