Le refus de se remettre en question est talonné par l’arrogance. L’ours soviétique se griffe de l’intérieur par ses propres enfants. Le conformiste est vieux, usé, presque sourd le dissident est jeune, impudent et orgueilleux. La lassitude affronte le renouveau par pièces interposées, dans un championnat du monde d’échecs sur terrain neutre.Issu d’un même pays, les divergences politiques ont ruiné l’allégorie d’une amitié possible entre ces deux esprits, élevés pourtant par des dirigeants ne parlant qu'un seul langage.Le regard neuf du dissident Pavius est combattu par la vieille école communiste que représente Akiva Liebskind, au bord du gouffre, luttant contre les battements chaotiques d'un cœur éreinté.Le championnat est acharné, l’échiquier royaume de toutes les contingences, sert de champ de bataille à ses deux hommes aux visages rivés sur les cases de ces deux couleurs responsables de tant de divergences.La dissidence représentée par Pavius doit être anéantie par Akiva, image d’un régime morne par sa stabilité non créative. Les pressions de Moscou sont pesantes.La réplique du système est implacable, la jeunesse incontrôlée est un fléau, le diagnostic est uniquement politique sans états d’âme, il n’y a pas de mal à vivre intégré au communisme, seuls les idées de l’occident ont corrompu et dévié ces jeunes esprits individualistes, non reconnaissants de l'apport d'un mot merveilleux, communauté."La diagonale du fou" est un film prémonitoire. Une manière identique de penser de groupe, considérée comme froide et programmée, est menacée par un modernisme survolté annonçant l’individualisme."Je suis ce que tu es" devient "Je suis ce que je suis". Le jeu d’échecs adapté à toutes les conceptions cérébrales sert de support à cette transformation radicale.Le tout devient le moi. L’élite politique ne rassure plus la masse par une idéologie. Celle-ci se désintègre en arrivisme personnel.Le mépris d’Akiva et l’arrogance de Pavius, auréolés de leurs caprices respectifs, ne sont que des instruments voyageant dans le temps, au service de régimes en alternance, n’effectuant que la constitution ou la dislocation d'une collectivité.Les plus aguerris y verront la fameuse lutte Karpov-Kortchnoï, de 1978 et 1981. L’orthodoxe contre le dissident. Une lutte fratricide où la vérité n’est qu’une limite humaine devant l’extravagance de ses pulsions.La présence de deux comédiens polonais, Daniel Olbrychski et Wojciech Pszoniak, un dans chaque camp, fuyant l’état de siège de leur pays, au début des années 80, confirme par cette petite diaspora, l’arrivée d’un nouveau monde.L’extraordinaire scène finale entre les deux hommes dévoile l'apothéose d'une passion commune, se concrétisant par la naissance de deux esprits n’en faisant plus qu’un.