"Je suis libre, tant mieux, j’aime la liberté"Ces paroles de Garance, égrenées sur le boulevard du crime, s’adaptent merveilleusement à l’esprit de ces "enfants du paradis" vociférant sur les hauteurs d’un théâtre, laissant voguer leurs sensibilités non structurés dans des rencontres où chacun exécute une parade d’amour, sans investissement durable. Tous ces écorchés vifs sont des marginaux talentueux, combattants démesurés pour certains, contemplatifs pour d’autres, ils s’adonnent à la prose, se libère sur scène par la pantomime, inadaptés à la normalité, ils s’extériorisent par l’extravagance et la mélancolie.Les rencontres nocturnes imposées par leur marginalité rapprochent par le verbe tous ces personnages si différents, qui le temps d’un positionnement de taverne, se neutralisent par un regard respectueux envers leurs différences.Les procédures égoïstes s’émiettent, les cœurs frigides s’éveillent à des sentiments inconnus, on flirte avec des définitions nouvelles, l’orgueil véhicule principal s’estompe, un respect soudain envers la collectivité prend vie.La combinatoire universelle associe dans une même aubade : le destin, la protection, le voyou, le rêveur, l’arriviste, l’insouciante, l’amour.Chacun défend son architecture interne, par une rhétorique adaptée à sa survie, en baissant peu à peu sa garde le temps de quelques théories.Garance est merveilleusement soumise à la contingence, ce qui sera, est attendu sans crainte et avec impatience. Frédéric Lemaître se définit par cette sublime réplique : "Mon état normal ? Connais pas".Baptiste se débat entre ses devoirs moraux et une folle envie de sombrer dans cet océan insouciant des lois de l’incontenance et de l’irrespectabilité que représente cette petite femme au sourire dévoré par une plainte interne, répétitive et intense.Nathalie représente la sagesse, un immense combat afin de faire triompher son seul amour potentiel et véritable. Lacenaire brille d'arrogance dans ses exposés sur son principal carburant: l'orgueil.Tout ce petit monde aigri, ayant condamné la société, souffre du même mal. Le manque d’affection. L’approche du monde est sévère, pas d’attaches, se servir goulûment de chaque opportunité, le bonheur n’est pas personnel, il est massif et n’est visible que par les comportements de ces grappes humaines déambulant sur le boulevard du crime. La masse incrémente la joie. L’individualité des esprits est torturé par le besoin de détruire constamment cette force compacte, soudée par le plaisir de la rue."Les enfants du paradis" est un clair obscur de références, ces libertés sont fausses, elles appellent de toutes leurs forces la normalisation qui, elle seule, mettra fin à ces dérives, les protagonistes s’épuisent dans ces nouvelles lois qui ne mettent en valeur qu’eux-mêmes.Les dialogues de Jacques Prévert sont extrêmement pessimistes, tout le monde s’affronte par des propos en chute libre sur leur environnement, au delà du réalisme le plus prononcé, "Les enfants du paradis", par ses textes, révèle un concept où les personnages surnagent dans une béatitude dramatique, un état léthargique euphorique, entretenu par un refus de s’abandonner à une éventuelle confiance.La différence s'impose en refusant de se soumettre à la loi de la normalisation.