Critique(s)/Commentaire(s) de L.Ventriloque

Voir ses 50 films notés

Page 15 sur 18 (900 critiques au total)

  • SANS SOLEIL (1982)
    Note : 13/20
    Japon, Afrique et Islande : film-culte si j'en juge par les critiques recueillies sur plusieurs sites internet. Un défilé d'images du monde sûrement chargées de sens pour le narrateur, mais difficiles à fixer dans la mémoire. Trop en vrac, elles n'en restent pas moins informatives, c'est un fait, mais loupent le spectateur peu féru d'insolite, l'amateur de bons vieux documentaires clairs et nets dont je suis : impossible d'embarquer sous une forme aussi litanique... Trop de malaise existentiel dont on n'a qu'une hâte, se délivrer... Pénible que de reconnaître une oeuvre méritante, mais dont le traitement empêche de s'identifier, encore moins de se positionner à distance. Résultat : n'en retenir que la bouleversante scène de mise à mort en temps réel d'une girafe.
  • LA SOLITUDE DU COUREUR DE FOND (1962)
    Note : 18/20
    Il semble ne vivre pleinement que quand il cavale, ce jeune écorché vif, si l'on en juge par les magnifiques images en noir et blanc des parcours qu'il avale avec un appétit rare, pour finir par se laisser tomber les bras en croix au sol ! Adolescent à la "gueule" d'adulte quelque part, le dénommé Smith est brisé intérieurement par la perte paternelle. Il va commettre avec son pote un petit larcin, histoire de contrer le nouveau compagnon de sa mère "à peine son mari froid", et aussi pour refuser l'engagement que tout le monde prend avec la société. Ensuite, on pourrait dire "cours mon garçon", on attend le champion, un caractère par trop loyal à force d'être entier, au point d'en être un peu dérangé ?... C'est un portrait troublant, et en même temps la peinture d'un microcosme british passé au vitriol : il s'agit ici de ce qu'on appelait dans les sixties "maison de redressement", un pensionnat en mal de reconnaissance officielle (comme film, c'est jouissif pour les internes qui ont soupé de ces structures moutonnières !) : "to perform", aucun mot aussi précis en français pour désigner la compétition, elle va de soi, quoique.
  • HIER, AUJOURD'HUI ET DEMAIN (1963)
    Note : 16/20
    Redécouvert en 2009 grâce au dvd (avec bonus explicatif du néoréalisme rose absolument parfait). Retour sur le renouveau italien des années cinquante-soixante : les cinéastes souhaitant aborder les tendances sociétales profondes devaient s'y prendre de manière "soft" afin de contourner l'élite bourgeoise catholique ancrée sur l'anodin, garantie que le public reste l'innocent des premiers jours... Trois sketches dans trois villes différentes révèlent que les moeurs demeuraient fortement teintées de religieux : on devine un pays coupé en deux, l'Italie du Nord aux élites dures où les richesses se sont concentrées, et celle du Sud, en quelque sorte "à sa botte"... Plus audacieux sur le fond que ce qui défile à l'image, forcément "tape-à-l'oeil et fort-en-gueule" (parfois usant !). L'occasion, outre le talent du cinéaste (subtilité des cadrages, heureuses transitions) de se rincer l'oeil auprès des deux comédiens-fétiches emberlificotés dans leurs pulsions intimes. Joie de vivre, débrouillardise, solidarité, en numéro un la séduction féminine brandie comme un outil de surchauffe avec une marmaille allant de soi (on croit entendre le loup de Tex Avery !), les hommes sont ici mis à rude épreuve ! Dans cette démesure de croire tout achetable ou vendable après des lustres de privations, on peut aussi comprendre l'émergence de Mafia, Brigades Rouges, et même l'étendue actuelle du pouvoir berlusconien !
  • PYGMALION (1938)
    Note : 17/20
    Un vieux film en noir et blanc bien ficelé sur le fantasme du Pygmalion, avec l'inévitable retour de manivelle de la cible. Personnellement, je n'ai pas décelé d'insinuation scientifique d'un goût regrettable. J'y ai plutôt vu deux joueurs en pleine euphorie, de celle qu'on a lors d'une expérience fracassante, le plus âgé plutôt respectueux, le plus jeune frôlant la tentation du mépris parce qu'épris justement, on le sait d'entrée de jeu et le plus fort est qu'on n'en souffre pas, alors que le mythe charitable de la haute société hante le regard posé sur la victime, passée de marie-souillon à femme du monde... C'est amené par petites touches discrètes, jamais d'eau de rose, mais on sent de quoi il peut retourner au bout de ces cours de maintien et de diction. Quelques bonnes scènes, parfois irrésistibles (le thé chez la mère du Pygmalion !). Bien sûr, le traditionnalisme pantouflard masculin de ce temps-là prévaut, mais la dame, avec son application forcenée, apporte la note comique qui fait craquer tout le monde !
  • LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES (1945)
    Note : 16/20
    Vu en v.o. sur vidéo-cassette en 2007, cet étrange film de 1945. Sans atteindre la virtuosité du fameux "The Set-Up" ("Nous avons gagné ce soir", sur la boxe, de 1948), cette incursion dans le monde d'un croquemort pragmatique procure un effroi, mais sans trop travailler la couenne... Et c'est grâce aux points de détails des scènes (par exemple le rôle du chat, la chanteuse des rues qui se fond dans le brouillard). L'ambiance mortuaire est filmée de façon "soft", pour ménager le spectateur, le tenir hors de la panique d'un réalisme effroyable du type conte d'Andersen, qui terrorise quand on est enfant. Non, ici, on a envie de découvrir jusqu'où l'horreur peut conduire son homme, mais posément, de loin, l'humour macabre prenant le pas sur le contexte. Du reste, autrement le résultat était immonde, à cent lieues du registre fantastique. Pour l'époque, avec des effets spéciaux tout simples, le frisson est garanti (et sans cauchemar ensuite), une oeuvre infiniment moins rebutante qu'il y paraîtrait de prime abord.
  • L'IDIOT (1951)
    Note : 15/20
    Version originale visionnée en deux temps, car durée totale = 165 minutes. Et version courte, une autre existerait, de 265 minutes ? Dostoïevski revisité par un Japonais, mais dans le respect absolu du livre. Des passages d'intimité de toute beauté, avec des extraits musicaux étonnants, l'un d'entre eux aux consonnances modernes, rappelant l'atmosphère slave. Le qualificatif "d'idiot" froisse tout de suite, comment donc, ce Kaméda (plutôt joli garçon et qui voit si clair en lui-même) réchappé de la guerre peut-il se présenter comme un abîmé de la tête ? Bon, il a tout du poussin qui sort de l'oeuf, mais l'espoir subsiste. Sans doute le fait de se retrouver dans la vie civile peut-il rendre ahuri quelque temps, groggy, avec cette difficulté de choisir entre les options : la mitraille s'est tue, on est encore sonné... Après un traumatisme sévère, devenir muet, ou fou se conçoit communément. Mais, halte-là, l'agneau originel, ou le Christ, c'est dépasser la mesure. Si les femmes (toutes filmées avec tendresse par Kurosawa) se montrent charmées par cet être de pureté qui les visitent, elles restent abritées derrière leurs gloussements, s'engager, houla, une autre paire de manches (scènes de couples magiques, moments cruciaux dans le silence très appuyés, j'ai souvent rembobiner pour le plaisir de revoir)... Les hommes de Kurosawa, ici éternels calculateurs au comportement grossier, provoquent, tirent les marrons du feu. En gros, comme une sainte trouille s'abat sur la contrée. Gros malaise pour les spectateurs, et surtout les spectatrices : résignée, après deux bonnes heures, au qualificatif d'idiot annoncé, l'envie m'a démangée de prendre le héros par les épaules et de le secouer en hurlant!
  • LES BAS-FONDS (1957)
    Note : 13/20
    : Gorki ilustré par Kurosawa en 1957 : une transposition juste, filmée comme un théâtre, sauf qu'on a vite l'impression de se retrouver au milieu d'un groupe de refaiseurs de monde à peine conscients de l'endroit où ils sont, comme les ivrognes en fin de soirée... Des fulgurances pourtant, quelques grandes vérités : dommage que les femmes susceptibles d'apporter la variante espérée font de si courtes apparitions. L'adultère vient mettre un peu de piquant dans le déroulement. Un seul personnage vraiment attachant, celui habillé de clair débarquant avec sa face de clown, le brave type, sans lui, il y avait de quoi décrocher tant c'est oiseux, avec ce fond permanent d'austérité des oeuvres "féodales" asiatiques... Autre réussite, le numéro final, ce délire dansé avant cette chute incroyable, j'étais aidée par le commentaire en bonus sur le dvd, mais ça vaut le coup de rembobiner pour contempler une deuxième fois la prostration générale.
  • LUNES DE FIEL (1992)
    Note : 15/20
    Une croisière qui vous embarque contre votre gré dans un tourbillon limite malsain à cause de la chaise roulante mêlée au sexe torride. En vérité, derrière les frasques de "Mimi" dont on est abreuvé à grosses louchées, piquante Emmanuelle Seignier, égérie (puis épouse) du réalisateur que j'ai personnellement cent fois préférée dans "Frantic", se dessine un autre stratagème, que rien ou presque ne laisse supposer. Armez-vous de patience, il va falloir tanguer sur ce rafiot en récoltant mille tours de la part d'un torturé à un réservé qui se laisserait bien tenter... Même si le duo le plus exhibitionniste prend tout l'écran, focus sur le couple british surtout, la dame notamment (Kristin Scott Thomas). Talentueux Polanski, un peu éreintant dans l'outrance qu'il se plaît à étaler, la durée pouvait être moindre sans saccager le livre de Pascal Bruckner... Qualité des cadrages, musique de mal de mer, amusement perceptible des comédiens tous chauffés à blanc dans leur rôle, on pense à Hitchcock en se rappelant les meilleurs passages du film. Merci au petit écran d'avoir diffusé cette oeuvre, bien qu'elle soit une petite épreuve nerveuse.
  • LES HOMMES, LE DIMANCHE (1930)
    Note : 19/20
    Découvert au Cycle Univerciné allemand de novembre 2010 à Nantes. Aucun personnage acteur de métier : ils jouent leur propre rôle un dimanche. Cela donne une idée de la foule des années Vingt en Allemagne, la décontraction que le beau temps procure, que ce soit au travail, dans les logements étroits ou en route pour les espaces de détente... On leur emboîte le pas, trop heureux d'avoir accès à aussi miraculeux... Car c'est en tous points charmant, axé sur ces petits riens qui font le prix des années d'innocence... Le reflet d'une accalmie entre deux guerres et celui de l'éternelle jeunesse. Impossible de se sentir dépaysé avec ces coupes de cheveux féminines dégageant la nuque, (revenues à la mode dans les années 2000), ces petites robes d'été pressées de se frotter au premier coq qui plaît alors que léger, si léger : les parades amoureuses, les petites alarmes du coeur à la moindre concurrence, la complicité ou le crêpage de chignon, les non-dits du couple déjà dans la routine... Tout cela défile, délicieux autant que fugace, attendrissants ou qui font pouffer (scène de la chenille à une terrasse de café, du bain espiègle, des territoires de séduction, du pédalo à quatre, ah, ce pédalo, l'aubaine de repêcher une pagaie et prévoir une nouvelle rencontre ! A se demander comment cette bande de copains cinéastes s'y est prise avec des non professionnels pour immortaliser autant de grâce alors qu'il y aurait eu des heurts pendant le tournage et des fâcheries après. Muet, sans musique aucune, les mouches volent dans la salle, la magie opère... On sort de cette immersion naturaliste le sourire aux lèvres pour un bon moment.
  • L'ENFANCE NUE (1968)
    Note : 16/20
    Il a une jolie petite bouille, mais déjà les traits marqués, avec ce regard acéré, on jurerait un Pialat enfant. Qu'il fasse toutes les bêtises possibles, après tout, les fils de famille les plus unies peuvent l'égaler... Mais ce qui touche est bien que ce petit garçon de la DDASS soit cruel avec un animal familier, même s'il dit vouloir le sauver, ça fait pervers en puissance. On est à la fin des années soixante, les écoliers du primaire obéissent, reçoivent quelques châtiments corporels le cas échéant, les institutions sont puissantes, mais les familles d'accueil montrées sont ici "de braves gens". La part de documentaire et de roman se confondent, on se demande bien si c'est pris sur le vif ou s'il y a eu mise en scène par moments. Les éducateurs et les petits qui leur sont confiés, la bureaucratie se comportant déjà en gestionnaire (on n'ose penser à celle de 2008...), le défilé des parents temporaires, tout cet ensemble est criant de vérité. Je retiens surtout la lâcheté de géniteurs incapables de renoncer à leur enfant, qu'ils entretiennent dans un contact douloureux au lieu de le lâcher, ce qui barre le chemin de l'adoption. Les vrais parents sont-ils toujours les meilleurs ?... Stupidité d'un système générant une souffrance de génération en génération, sans parler de la délinquance qui peut en découler, parfois pour toute une vie. Alors qu'on s'acharne à vouloir des bébés bien à soi, tandis que d'autres s'esquintent dans des fécondations in vitro... Difficile de rester insensible au sort de ces innocents passant de bras en bras.
  • TROIS DANS UN SOUS-SOL (1927)
    Note : 19/20
    Tout simplement merveilleux à découvrir en 2008. Surtout si, comme moi, vous êtes plein d'à-priori sur le cinéma muet d'une manière générale. En fait, la musique, le chat, les cartes, les expressions remplacent aisément la parlote ici. Et il s'en dégage une bienveillance féminine qui réchauffe... Au tout début, en découvrant le Moscou de 1927 vu d'avion ou du Bolchoï, on pense "propagande" pour les pouvoirs de l'époque, comment croire à ces images de bonheur simple dans un appartement certes petit mais à l'ambiance décontractée... Ciel, Staline figure en arrière-plan du calendrier dont on arrache - si on y pense - une feuille chaque matin, afin de commencer, en principe, la journée de bonne humeur. Ce bijou de petit film est incroyablement restauré, lumineux, avec des audaces de prises de vue et de moeurs sur fond de crise de l'habitat... Une scène capitale : l'arrivée du copain, gros-plan sur Madame soudain chamboulée. Des hommes contents de travailler, avec femme au foyer, déguisée en servante boudeuse, que seuls les transports sembleraient émoustiller... Familier par ses cocasseries quotidiennes, précieux pour donner une idée de cette Russie d'entre les deux guerres, profond quant à sa réflexion sur le fossé entre les deux sexes, bref, c'est un régal de chaque seconde !
  • LES OLIVIERS DE LA JUSTICE (1961)
    Note : 15/20
    Projeté au Festival des Trois Continents nantais 2010, ce grand classique en noir et blanc écrit par Jean Pelegri : une sortie des oubliettes depuis sa nomination à Cannes. Outre la nouvelle réticence à remuer ce passé-là (à croire qu'il gêne à nouveau aux entournures), il faut reconnaître que le film peut décourager partiellement. Pour inciter à se pencher sur cette période de notre histoire, il gagnerait à sortir en dvd accompagné de quelques explications. En attendant, on peut au moins se remémorer les Accords d'Evian, signés le 18 mars 1962 et appliqués dans les faits à la Libération de l'Algérie le 3 juillet suivant. Accords qui ne purent apaiser les tensions sur place (Coup d'Etat contre le nouveau chef du Front de Libération Nationale Ben Bella en 1965). Comme souvent pour ces productions restaurées des années soixante, l'image et les dialogues continuent à manquer de netteté... Voir le film et rien que lui permet d'entrer dans le quotidien d'une communauté de pensées différentes mais qui fonctionnait encore. Toujours bon à prendre !
  • LES CHAUSSONS ROUGES (1948)
    Note : 15/20
    Vu (2008) dvd version originale de ce film musical dont les dialogues sont entièrement "parlés"... Tant mieux, l'aspect ballet, à lui seul académique, ne nuit pas outre mesure au public lambda. Tout réside dans l'intrigue nouée en silence entre le Grand Maître Boris Lermontov, la ballerine Vicky (vraie danseuse écossaise nommée Moira Shearer), et le compositeur Julian (acteur anglais Marius Goring), ces deux derniers personnages intervenant comme "les jouets" de leur bienfaiteur, homme craint et aimé de son équipe, incarné par Anton Walbrook, acteur autrichien (homosexuel dans la vie, rien d'étonnant qu'il ait campé ce spécialistes de femmes rendues inaccessibles en les cantonnant à l'art, sublimées tant qu'il ne leur prend pas l'envie de s'accoupler). Au premier plan, l'emblème des chaussons rouges qui commandent (on les voit souvent, et sous tous les angles), la nouvelle d'Andersen trouve ici toute sa place. C'est assez grandiose dans l'ensemble, j'ai peu apprécié la musique de l'orchestre, sans doute volontairement tourmentée. Outre les courtes apparitions de Ludmilla Tchérina et de Leonide Massine (acteur/danseur russe facétieux), c'est du côté de la mise en scène et des prises de vue qu'on peut trouver Michael Powel et Emeric Pressburger en avance sur leur temps et insuffisamment reconnus. On suit sans effort leurs monstres sacrés gesticulant sur l'écran chacun dans leur passion, le télescopage ne peut qu'être violent, méandres savamment créés, entre cinéma réaliste et fantastique.
  • HAUTE PEGRE (1932)
    Note : 19/20
    Toujours aussi farceur, ce cher Lubitsch (et dire qu'on est en 1932, après le crack boursier, et entre les deux grandes guerres) ! On part d'un ramasseur de feuilles en nocturne à Venise, sa gondole remplie glisse sous les fenêtres d'un dandy visiblement en attente d'une belle pour dîner, dehors, il fait un noir d'encre, pour un peu on s'inquiéterait de la tournure des événements, tant de noirceur... Des ordres sont donnés à un domestique qui acquiesce avec un temps d'avance : ouf, la magie du cinéaste donne le ton, l'invitée attendue s'avère pipelette sur sa réputation, un rien poseuse, voyons voir... Les images pleuvent en vrac sur l'écran, impossible de savoir où on va, pourtant c'est facile à suivre, fascinant de filer ce couple de pickpockets proche de la prestidigitation ... Le tandem doit fonctionner puisque lié par la même manie, ultra secrète. Léger vertige à l'arrivée de cette "Madame Colet" pourtant, grand collier de perles, coffre-fort, le bagou finit par avoir raison de sa réserve, mais elle n'est pas bêcheuse pour un rond, sympathique : une grande et belle femme indépendante, entreprenante. Soudain, le tandem de départ commence à vaciller dans ses rôles respectifs. Infinis tours de passe-passe, mimiques expressives, le film est traversé de petits moments croustillants, ça fredonne et ça bougonne, on fonce et on se ravise, toute la panoplie de gags auxquels le facétieux Ernst Lubitsch a abonné ses spectateurs pour la postérité. Ce film, qui rend malfaiteur sans les inconvénients de se faire pincer, peut remplacer les psychotropes.
  • LA PORTE S'OUVRE (1950)
    Note : 17/20
    Les titres, "la porte s'ouvre" en français ou "sans issue" en anglais (no way out) : de quoi avoir le tournis... Premier prix du scénario en 1951, fort mal reçu à sa sortie américaine en 1950 (maccarthysme). On mesure le chemin parcouru avec l'élection d'Obama ! Intéressant coup d'oeil sur le passé, quand le fossé entre communautés noire et blanche sévissait. L'acteur Richard Widmark (disparu récemment) incarne la brute qui déverse sa rage sur la cible désignée par l'inconscient collectif, le Docteur Brooks (tout jeune Sydney Poitier), interne noir de cet hôpital, un "inférieur" qui a réussi mieux que lui ! Une institution aux dirigeants évolués, très humains, tributaires des fonds publics (noté au passage que Mankiewicz pointe déjà la notion d'hôpital centre de profit !). Où se passe l'action (nord ou sud ?), la sordide émeute au milieu du métal n'en dévoilera pas davantage... Admirable chef de service (Stephen McNally), la classe incorruptible face à une veuve équivoque (Linda Darnell) que les secousses vont réveiller pour de bon. Bien aimé le jazz à la radio, les voisins de palier, ce sourd-muet dans son monde... En plus de dialogues plaisants à suivre, Mankiewicz s'ingénie à fourrer de la légèreté là où ça coince... Les dernières minutes peuvent être jugées "too much" ou, au contraire, emporter l'adhésion des plus récalcitrants. Le discours est très déclinable au monde ultra-libéral de 2009, suffit de changer les étiquettes. .
  • L'EXTRAVAGANT MONSIEUR DEEDS (1936)
    Note : 19/20
    Il est comme on dit "personnel", affable, dans la lune, peu attiré par le superflu terrestre. Le voilà héritier obtempérant mollement au lieu de faire fructifier son patrimoine avec dans ses pas ce journaliste à la voix nasillarde, de bon conseil en plus que fin observateur. On se lasserait de ce grand galopin chevauchant les rampes d'escalier s'il n'avait le coeur à fleur de peau et l'horreur des faussaires... De facétieux il devient forcené du travail et suspecté d'être maniaco-dépressif (attachant Gary Cooper dans un autre registre que cow-boy !)... Symbole d'une droiture démodée, diront les uns, le parfait évaporé, oseront les autres... Le procès s'avère croustillant (les retours de manivelle, ces deux soeurs se chuchotant les informations). Par-dessus tout la voix rauque de Jean Arthur inoubliable... Un beau noir et blanc que la jeunesse devrait affectionner car il grince bien avec ses dialogues faisant la part belle au silence ! Jouissif pour qui décrypte bien la charge que le réalisateur assène aux argentiers et boursicoteurs des années 1929, sans oublier les sangsues familiales à l'affût qui sont elles de tous les temps... Il serait sage de faire étudier ce film aux scolaires et étudiants en ce début de vingt et unième siècle de l'argent-roi.
  • SECRET DE FEMME (1948)
    Note : 13/20
    Vu dvd en v.o. (janvier 2009). Certes pas le meilleur du cinéaste rendu à son deuxième long-métrage en 1948... Un noir et blanc terne, une histoire délayée, on languit avec ces chansons sucrées trop sérieuses aujourd'hui, manque l'ironie pour que Maureen O'Hara soit vraiment attachante... Heureusement, les deux actrices offrent un contraste qui tient en haleine après le coup de feu mystère, laquelle reviendra au mâle de service (il aurait gagné à mettre davantage de piment dans son jeu). Belle morale de fin.
  • ON MURMURE DANS LA VILLE (1951)
    Note : 19/20
    C'est l'oeuvre de Mankiewicz à voir si l'on veut ressortir d'un film épanoui, sans fatigue aucune à n'importe quelle époque, suffit d'apprécier le noir et blanc des années cinquante en v.o. sous-titrée. Tourné en plein maccarthysme... Il s'agissait de forcer sur l'optimisme en traitant de la grossesse accidentelle, du collègue malveillant, ou pire, d'aberrations judiciaires, sujets scabreux... Une légèreté rappelant Woody Allen, les drames à la moulinette afin d'arracher un sourire au spectateur le plus austère. Espiègleries de l'enfance, (bonbons du docteur, scènes du train électrique), si après ça les défenses ne sont pas tombées ! Résultat, on n'a qu'une crainte dans la salle, que l'euphorie cesse d'un coup entre les pincés et les trop sûrs d'eux, à moins que ce "Shunderson", trop dévoué pour être honnête puisse écoper... Quand le tac au tac verbal culmine autour d'une table, genre de procès à huis-clos, on se dit, fini la fête... A noter que Cary Grant et Jeanne Crain sont irrésistibles de complémentarité, tous les acteurs ravis d'être là à se balancer des répliques toujours plus savoureuses. Mention spéciale au contrebassiste et au chien hypnotisé ! Gloire au théâtre populaire (Curt Goetz) d'avoir permis cette adaptation à l'écran, délectable en 2009 si on aime les beaux textes ! .
  • BASHU LE PETIT ETRANGER (1986)
    Note : 19/20
    Revu en vidéocassette en 2009. LE film à emporter sur une île déserte ou au tombeau plus que jamais... Particulièrement éclairant, alors même qu'il reste dévolu aux enfants, le comble : il s'agit du sort d'un rescapé de la guerre Iran/Irak, loin de France et de Navarre, certes... Miraculeux petit camion se faufilant au milieu des déflagrations, on le suit dans son périple, à son bord se trouve un fuyard : Bashu, "noir comme du charbon", livré à lui-même, revenu à l'état sauvage, tous les siens ayant disparu... Ce film est l'un des premiers du style (le cinéma iranien reste très attaché à montrer le sort des enfants de la guerre), filmé avec une virtuosité rare, ce charme un peu naïf d'apparence, voire "charmant", mais qui en dit, des choses ! Couleurs, symboles, manies de ce petit monde dans son quotidien. Contraste saisissant que cette succession d'images entre dévastation frontalière et arrivée dans l'oasis, plus au nord, brouhaha et soudain silence pastoral... Film personnalisé, dont la signature est cette femme au voile blanc venant barrer l'écran (époustouflante Sussan Taslimi). Dialogues sans tabou, aucune peur de dire que l'étranger embarrasse ! Que d'énergie ! Que d'espoir ! Plus précieux encore maintenant qu'à sa sortie ! Les adultes feraient bien de déménager d'urgence pareille splendeur au rayon "POUR TOUS" !
  • LE REPTILE (1970)
    Note : 19/20
    En parcourant l'affiche, je me disais "un western", un de plus avec les codes américains, ou alors une variante de western spaghetti, aucune femme en vedette, on va avoir de la cogne, une lutte sans merci entre Fonda et Douglas, en plus que ça se passe en taule, un magot motive chacun, bref, j'y allais à reculons... Et bien, j'avais tort, c'est époustouflant de drôlerie, avec les surprises comme ce cinéaste sait les amener, et les femmes, si elles ne font que passer, ne manquent pas pour autant. Tout en couleurs, la bande-son signale que la légèreté est de mise (scènes croustillantes du hold-up dans la famille, du bain des bagnards...). On attend le fameux reptile, à moins que ce soit l'un des protagonistes, le moins scrupuleux ? Vrai qu'il reste les serpents dans le panty avec les billets, super planque... On a droit à l'habituelle pirouette en prenant congé, mais avec une morale à demi-sauve seulement. Plein de santé de bout en bout ! .
  • ÉTOILES (1959)
    Note : 17/20
    Ce prix spécial de Cannes en 1959, "Sterne" (Les Etoiles), est un noir et blanc sous bannière bulgare de l'Allemand de l'Est Konrad Wolf (ici fortement inspiré par la trajectoire personnelle du Bulgare Angel Wagenstein, écrivain-scénariste qu'il avait côtoyé à l'Institut Supérieur de Cinéma de Moscou). Un sous-officier allemand, face à une institutrice juive déportée qui lui tient tête, devient de plus en plus tiraillé entre devoir et conscience... C'est filmé avec d'infinis changements de perspectives, des travellings sur la vie de village (en fête, avec des manèges !) et sur cette arrivée de Grecs Juifs à loger (avec la totale complicité de la police locale), en attente du train pour Auschwitz... Au milieu des autochtones dans leur quotidien, deux mondes se toisent, se mesurent... Des médicaments sont volés et finissent sous la botte de l'occupant, un officier nazi du type bien porcin. Pour ce qui est du couple, l'atmosphère des grands classiques russes comme "La ballade du soldat" ou "Quand passent les cigognes" : promenades romantiques, gros-plans sur les visages, une attirance freinée par la parole, ces grandes vérités et contre-vérités sur l'Histoire de l'humanité... Werner voudrait sauver Ruth, mais le veut-elle, le peut-elle ?... La guerre, ce "temps de l'idiotie générale", c'est le terme employé dans ce film, ramène d'office vers le peuple de référence, dans le conflit extrême, pas question de trahir ceux de son sang... Seul, le revirement de Walter (dernières images intactes dans cette version bulgare, mais censurées pendant longtemps dans la version RFA allemande ?) laisse planer quelque espoir concernant la liberté individuelle de changer de camp. Une oeuvre trop méconnue encore à l'heure actuelle (le temps de cicatrisation des atrocités est long côté allemand). Bienvenue au dvd avec sous-titres français, un jour peut-être !
  • RASHOMON (1950)
    Note : 19/20
    Ce que ce film annonce sous ses trombes d'eau dans un décor à pleurer, cadre complètement avec l'époque présente alors qu'il a été fabriqué en 1950 par Kurosawa, seulement cinq ans après l'horreur atomique Hiroshima/Nagasaki suivies de la capitulation japonaise. Grinçant encore plus si on le relie à la nouvelle qui l'inspira, traitant d'un épisode de paix relative (de 794 à 1185). Le discours aligne cynisme, trash inclus (ce rire de nourrisson qui tricote des pattes !), doute et honte d'avoir douté, désir d'amusement assorti de transgression, retour au partage en attendant le prochain carnage. Duplicité et cupidité y figurent, la lubricité aussi tempérée par l'éclairage à distance du cinéaste, plus intéressé par la folie quel qu'en soit le levier que par un étalage de méchanceté gratuite rapportant gros. Magnifiques plans en vrille sur plusieurs versions toutes ayant leur lot de vraisemblance sauf qu'il y en a une seule de juste à une toute petite subtilité près. Le fait qu'on en sort regonflé à bloc après exercice réflexif justifierait réhabilitation totale auprès de la jeunesse moyennant bref cours d'histoire avant projection.
  • LE SACRIFICE (1986)
    Note : 18/20
    Découvert cette splendeur en v.o. en 2008 : 2h20 de voyage dont on revient comme d'une nuit fructueuse, de celles où on a rêvé en long, en large et en travers. On croirait l'essentiel de la condition humaine dans son environnement, l'impression que l'éternité peut survenir juste après. Toutefois, impossible de s'arrêter à UNE SEULE explication, PLUTOT MILLE. Les spectateurs médusés sentent bien que ce n'est JAMAIS n'importe quoi, ce qui se dévide sur l'écran remue jusqu'aux tréfonds, on est intrigué, charmé, désarçonné, sonné mais toujours en prise avec une réalité tangible, surréaliste par moments, ou bien même fantastique. Si le trouble et le léger cohabitent dans cette presque fin du monde, l'indicible est juste "soulevé", le personnage principal serait-il dérangé tout compte fait ? Chaque plan accroche tellement c'est bien boutiqué, vie quotidienne, qui parle à chacun d'entre nous, malgré ces atmosphères de pays perdu dans la brume au bord de l'eau et de nulle part. Magnifique caméra s'approchant à pas de loup des cibles, avec des effets d'une étonnante subtilité, ce qui fait qu'on se laisse glisser d'un cadre à un autre sans broncher, au diable la manie de tout s'expliquer, on est comme une voiture dont on lâche le moteur sur une route légèrement en pente... De l'émotion plus qu'il n'en faut, plus de grandes vérités sur l'amour humain ! Le son aussi chatouille l'attention, aucune stridence, de la poésie et du mystère. Un univers ouaté, bizarre mais jamais franchement lugubre. Certes, "petit garçon", avec ses cordes vocales entravées comme si quelque chose ne "passait" plus, attriste par son questionnement final... Le plus fort est que l'ensemble réconcilie avec le genre humain. Cette oeuvre magistrale, trop méconnue du grand public, daterait de 1986. Incroyablement actuel en 2008 !
  • FURTIVOS (1975)
    Note : 15/20
    Vu en v.o. sous-titrée au 18ème Festival du Cinéma Espagnol Nantais 2007, ce film sorti dans la péninsule ibérique l'année de la mort de Franco, tout d'abord censuré, puis succès fracassant (au dire du réalisateur Jose Luis Borau présent lors de la projection et qui précise, concernant la forêt espagnole de l'époque du tournage, qu'un écureuil pouvait sauter de branche en branche du Nord de l'Espagne au Sud tellement il y avait d'arbres...). On est bien dans les seventies, ironie autour du religieux, révolte sourde contre tout conservatisme, sous la forme d'une liberté sexuelle revendiquée. La violence animale, assez insupportable car filmée de manière très appuyée à mon goût (j'ai fermé les yeux quelquefois) remplace celle qui couvait entre les braconniers et les gardes-chasses, les premiers traqués, les seconds ambigus, car s'autorisant toutes les privautés. On s'entretuait ferme sous Franco, du côté de l'autorité ou de la transgression, ni vu ni connu... Rude, bavard, un peu vieilli (époque "un peu peace and love", où on suivait facilement quelqu'un qui plaisait sans se poser de question), c'est filmé de manière assez intrigante pour qu'on soit saisi, un peu à la manière des westerns "spaghetti" par moments, mais avec le dénouement implacable d'une corrida.
  • JULIETTE DES ESPRITS (1965)
    Note : 17/20
    b> : Intrusion chez les aristos italiens des sixties, Madame mariée à une girouette, "ne manque de rien" entre ses gentilles domestiques, quelques amitiés fiables et des satellites englués dans des croyances extravagantes quand il ne sont pas tout simplement détraqués. Libre de ses mouvements, toute latitude pour se faire consoler, cette femme est avisée sauf qu'on lui a appris à s'activer, à monter très haut, affronter mille dangers, sans véritable changement par rapport à l'enfance dont remontent les vapeurs dans mille tourbillons à l'image. De charmants tableaux se succèdent, on ne se lasse pas des deux fillettes en blanc qui courent. N'empêche que le soupçon taraude en dépit de journées féminines bien remplies en espérant l'époux soit cinq minutes devant la télé. Ou alors au lit les yeux bandés (mémorable scène matinale du cheminement vers le téléphone) ! Plusieurs lucarnes s'entrouvrent sur la prison dorée, la vérité réclame-t-elle vengeance ou abnégation ? A l'issue de ces méandres oniriques autour du chagrin ravalé, le spectateur sensé espère juste que Monsieur prenne un peu de bouteille.
  • L'HISTOIRE D'ADELE H. (1975)
    Note : 17/20
    Du charmant poème scolaire "Mes deux filles", Truffaut offrait dans les seventies de revenir en rappelant que Léopoldine se noya avec son mari, et qu'Adèle, belle et brillante pianiste se sentant la moins aimée de l'écrivain, prit la tangente en serrant les dents. Le film relate ses petits calculs à distance dans le glacial Halifax où revendiquée Hugo ou clandestine, elle réclame et empoche les mandats, court derrière ce Pinson magnifié plus il se dérobe, finit par colporter des inventions qui trahissent autant un excès de romantisme que l'effroi de n'être rien... Chaleur humaine et pourtant rudes images que ces embarcations et habitations devinées dans le noir. Que d'austérité comparé à la douillette Hauteville House de Guernesey et ses palmiers ! J'avais oublié lors de la sortie en salle l'épisode de la Barbade dans le sillage du lieutenant, cette errance qui peut être de la démence ou le détachement des joueurs qui ont atteint leur objectif... Pinson l'appelle et Adèle continue de marcher l'air absent. Ramenée de cet exil au bercail par une bonne âme, Adèle a-t-elle été hospitalisée puis enfermée une fois pour toutes ? A quel point, face au monstre sacré paternel pas si commode en famille notamment avec la gent féminine, était-elle artiste ou aliénée ? Ce film un peu sévère dans l'approche (j'en avais retenu la froide descente aux enfers d'une obsession non partagée) a le mérite d'attirer l'attention sur cet aspect. En plus de la prestation d'Isabelle Adjani alors en plein épanouissement... La voix-off révèle qu'une fois à l'abri du monde, Adèle Hugo aurait beaucoup jardiné, noirci à sa façon quantité de pages et... enterré tous les siens (1830-1915) !
  • SCANDALE À LA COUR (1944)
    Note : 16/20
    Vaut surtout par les dialogues, l'interprétation, notamment la personnalité de Tallulah Bankhead (déjà repérable dans "Lifeboat" de Hitchcock) : cette actrice a "une gueule", ainsi qu'une voix l'autorisant aux rôles extrêmes, elle a dû bien s'éclater en despote pince-sans-rire ! Otto Preminger aurait succédé à Ernst Lubitsch défaillant en plein milieu du tournage, mais ça n'enlève rien à la truculence générale... Nous suivons "La Grande Catherine" de Russie en plein exercice, un caractère plus que trempé, avec une Cour qui doit contourner "les caprices du trône" : on sourit d'emblée, vaguements inquiets, à tort, ça monte d'un cran lorsque la dame balance sa coupe de champagne par-dessus son épaule après avoir trinqué avec Alexaï, jeune homme impétueux qui fera valser plus d'un verre... Remarquable également : la diction, avis à ceux qui aiment revisiter leur anglais sans s'en rendre compte. Une comédie en noir et blanc fort bien troussée, très regardable encore en 2009 !
  • LA LUNE ÉTAIT BLEUE (1953)
    Note : 16/20
    En s'évertuant à narguer la frilosité sexuelle du "code Hays" (série de recommandations qui aurait commencé à s'effriter à compter des sixties ?), ce marivaudage de 1953 renferme un ping-pong verbal assez savoureux. On se dit que, soit elle se préserve, soit elle s'engage, cette créature du diable ! Deux yeux ronds, une queue de cheval haut perchée, c'est une rapide à embrasser. Elle épate, il n'est guère que son père pour apporter un frein temporaire à ses audaces. Une façon de perdre du temps pour en gagner ? Toute réserve verbale est ici pulvérisée, on n'ose plus songer à certains cylindres de tissu... Cela se passe heureusement avec ou chez des gentlemen ! Les dialogues surfent sur le fil du rasoir avec un naturel désarmant. Jusqu'à, hélas, devenir un filon surexploité... si ne demeuraient les attributions traditionnelles (cuisiner, repasser). On boit facilement un petit verre et même plusieurs, comme au joyeux temps des Etats-Unis maîtres du monde. Les allées et venues, les volte-face d'un partenaire à l'autre, le bénéfice de l'opération compensent la grisaille de cet Empire State Building à longue vue dans la brume, complètement désuet en 2012.
  • CET OBSCUR OBJET DU DÉSIR (1977)
    Note : 15/20
    Les conciliabules par bribes dans le compartiment humanisent un peu le film, beau mélange d'acteurs en conversation sur un long trajet puisque la nuit tombera sur ce wagon bavard (agréable de trouver dans ce film Jacques Debary, ex inspecteur Cabrol des 5 Dernières Minutes, Carole Bouquet jeunette, la mandibule bien marquée, on reconnaît tout de suite également la belle diction de Michel Piccoli plaquée sur la voix de Fernando Rey)... Une société nageant en plein don juanisme de 1977, des candidats entreprenants comme des sportifs, hélas, parfois poussés à bout : pas du tout de sida encore, Oshima vient de produire en 1976 "L'Empire des Sens" : sexe et transgression emplissent l'air de cette époque jusque dans la bourgeoisie la plus guindée, chaque femme représentant partout l'aventure suprême. Imprégnés de cette bouffée érotique, des attelages comme Angela et "le vieux beau" allongeant ses billets pour un oui pour un non ne manquent pas de sel... Sauf que Bunuel se plaît à attiser les braises en forçant sur le chantage, en droit fil du livre, il en rajoute mixé aux évènements politiques explosifs, trop ravi de jeter le trouble avec son doublon féminin, quel monstre ! .
  • LE MONDE SELON GARP (1982)
    Note : 14/20
    Les enfants de ce film sont adorables de naturel. De très bonnes interrogations ici et là, des atmosphères plausibles, des personnages bien amenés, l'importance de l'enfant constamment à l'honneur. Mais alors, que ce soldat à demi-conscient enfourché par une infirmière pour la bonne cause gêne !... L'enfant réincarne son père en aviateur et tâche de contourner le récit de sa mère courage, en rivalité avec lui en tant qu'écrivain, et qui se retrouve finalement avec un canon pointé dont on ne retrouvera pas l'auteur... Moyennement apprécié les fantasmes sexuels sans cesse ramenés... Plus tard la scène où les voitures se fracassent pendant que l'épouse était à l'oeuvre m'a paru grand-guignolesque, encore plus en regard de ces langues coupées par solidarité. Des mélanges douteux donc, qui gâchent la tendresse et la poésie ambiantes (les naissances, les vagues par exemple) et une réelle profondeur de pensée (le transexuel en questionnement, la relative sécurité du foyer) : les origines de Garp engendrent le malaise. Rien d'étonnant qu'il devienne soudain violent à l'âge adulte, son père mort juste après conception est un fardeau, lui-même comme père veut s'illustrer au centuple... Une existence qui, hors de la paternité, trouve l'impasse. Aucune envie de connaître le livre, le film en ayant donné la fin, seul point vraiment intriguant.
  • NAISSANCE D'UNE NATION (1914)
    Note : 18/20
    Vu le dvd en deux temps : c'est quelque chose ! D'abord le côté naturaliste du début (chats, chiens, familles qui se visitent), tous trop angélistes pour que ça ne vire pas ensuite. Les noirs dépeints comme protégés du pire dans leur rôle, swinguent comme des automates (cocasse rivalité entre la bonne et le visiteur tous deux noirs !). La guerre de sécession, malgré ces superpositions visuelles ahurissantes pour l'époque, prend beaucoup de place. Précieuse reconstitution d'un assassinat présidentiel, on s'y croirait, je pense à cette chute verticale sur la scène ! C'est ciselé, grinçant, de bric et de broc à l'écran. On saute d'une ambiance à l'autre dans d'éternels conflits avec sacro-saint sens du devoir, ces fils tombant théâtralement au combat ! Evidemment aujourd'hui en 2011, nombre de cinéphiles crient au racisme de ce film et ne voient guère la subtilité de l'ensemble. C'est un film historique, il relate une époque américaine bien réelle. Apprécié par-dessus tout l'éthique de Griffith justement : il s'excuse (écrit en toutes lettres dès les premiers plans !) de présenter la dureté extrême de l'être humain par nécessité. L'amour est perceptible tout autant que les haines recuites dans son propos. Brave homme, érudit mais simplissime dans sa démarche d'instruire les foules, si loin des cinéastes fous furieux du vingt et unième siècle !
  • MON CHER PETIT VILLAGE (1985)
    Note : 19/20
    Découvert cette perle de 1985 en janvier 2009 grâce au dvd. Que de fraîcheur ! Que de bonne humeur (d'une veine comparable à "Pleure pas la bouche pleine" de Pascal Thomas ou à "Chant des Mers du Sud" de Marat Sarulu) !... Si le réalisateur emprunte d'abord à Tati le climat villageois bon enfant, à Laurel et Hardy la complémentarité de deux silhouettes contrastées, ses deux personnages affichent un plus : le petit gros est un artisan bourru, tuteur du grand maigre "retardé", un être qui attire d'emblée la sympathie car ça chauffe pour ses oreilles, délocalisation à Prague en vue : fort heureusement les figures locales, laborieuses autant que débonnaires, pèsent sur les décisions ! Peinture de la Tchécoslovaquie sous la bureaucratie soviétique (la santé communautaire fait qu'on se prendrait à regretter les changements politiques advenus depuis) : charmant village avec cimetière au ras du jardin où on se rince souvent la cloison l'après-midi en dégustant quelque grillade... Les travers sociaux universels sont abordés avec minutie, la mise en scène joue sur plusieurs tableaux (la nouvelle de l'adultère sur fond de télé et maquette de bateau !). Des dialogues d'une grande saveur, une sensualité pleine de joie du fait des entraves. Bien capter les petites intrigues car elles s'inscrivent dans un fil narratif sinueux mais précis. Beaucoup de poésie "couleur locale" aussi (je pense à ce "Dormeur du Val" de Rimbaud ânonné par le médecin, et quel médecin !...). Un beau voyage dans une dérision de tous les instants, quelques allusions à la grande ville, et retour immédiat vers les aléas de la technique, les merveilles de la vie champêtre. La musique est sur mesure, toujours entre Marche de Radetzki et fête foraine, plane aussi un brin de romantisme allemand... Dans ce milieu préservé, tout de suite familier au spectateur, la philosophie fait songer à Marcel Pagnol le méridional. Plusieurs sources d'inspiration font la richesse globale. Pour les réfractaires à la démesure de certains cinéastes de l'est, on est dans une forme d'absurde, mais les excès ne franchissent jamais la ligne jaune ici... Vraiment dommage que ce morceau de roi, antidote puissant à la morosité collective, ne puisse ressortir en France à nouveau sur grand écran !
  • VOUS NE L'EMPORTEREZ PAS AVEC VOUS (1938)
    Note : 19/20
    Vu le dvd en v.o. mars 2008. Rien, d'entrée de jeu, n'indique qu'on va rire autant. Enfin, si on parvient à rester constamment dans l'esprit de Capra, qui est d'offrir une satire de la société américaine de son temps - et plus que jamais du nôtre ! - avec aussi le racisme larvé, tout comme des bons sentiments qui n'en sont pas vraiment, ou en tous cas sont d'office mal pris par la communauté qui n'en peut plus (le réflexe de charité, en cas de pépin quand on est riche, peut révulser). Merveilleux renversement soudain, il choisit définitivement son camp ! Ces "c..." de riches finalement, qui se croyaient tout permis avec leur nom et leurs titres, il les transforme comme une fée le ferait d'un coup de baguette magique. Délectable !
  • LA MOUCHE NOIRE (1958)
    Note : 16/20
    Côté effets spéciaux, on a probablement fait plus subtil depuis 1958. A noter, ce charme infini dans la prononciation des noms français... Ce serait tiré d'une nouvelle. A part l'aspect expérimental parfois hérissant, un scénario limpide, comme celui des films à l'intention des enfants de dix ans... Alors, Hélène est-elle folle pour avouer s'être débarrassée de "la chose" ? ... De son lit, elle raconte une seule fois l'incroyable processus : ces transformations débouchant sur l'issue fatale (pauvre chaton hurlant dans les tuyaux !). Foutue mouche par qui le scandale arrive, il faut la chasser sans la tuer, et soudain la capturer alors qu'une araignée menace, de quoi en avoir des bourdonnements d'oreille (effet un peu gros à ce passage, l'inconvénient d'incarner de trop près)... Chouette tonton, à croire qu'il attendait son heure, tout admiratif du travailleur qui a poussé ses recherches dans le registre du non-retour, un rien ravi de lui succéder ! Soulagement donc sur les dernières images de la petite famille reconstituée, sans le baiser d'usage, mais une fois sorti de l'horreur, la sécurité n'a pas de prix.
  • LES PETITES FUGUES (1979)
    Note : 19/20
    Qui penserait, aux premières images de ce film de la fin des seventies, qu'on va plonger très progressivement et avant l'heure, dans tout le drame économique de maintenant ? Ce vieux "Pipe", commis de ferme de longue date (bien plus de 8 ans de bons et loyaux services, sauf le respect dû à la bande-annonce) ? Bon, c'est long et étiré, ça peut rebuter, cette mobylette caressée, et ce vieux c... n'en faisant qu'à sa tête. Seulement, voilà, c'est admirable d'avoir osé anticiper ainsi, et avec cette poésie sous-jacente (le vieux sur sa mobylette glissant dans la campagne, un délice !). Somptueuses images, de la musique aux moments cruciaux, et ce petit avion qui plane, symbolique de la liberté individuelle, celle qu'on se prend, en dépit des conjonctures et du grand âge, cet épouvantail si vite brandi !... Vieil imbécile, plus fin qu'il n'y paraît, tu donnes des envies de s'en arranger, de cette chienne de vie régentée par le profit des gros bonnets ! Les personnages annexes apportent leur lot de complexité. Tous ont la volonté d'en réchapper... Un film très tendre sous ses allures bourrues. A s'envoyer comme gargarisme aux heures les plus sombres !
  • DAMNATION (1987)
    Note : 18/20
    Découvert en dvd v.o.octobre 2007. Avec mille regrets de ne l'avoir pas vu à sa sortie en 2005 sur grand écran. Drôle d'ambiance que ces "berlines" qui passent et repassent, leur craquement inquiétant (qu'allons-nous donc voir ?), et toute cette eau ! Les plans sur un mur qui s'humidifie deviennent une oeuvre d'art, on croit voir quelque tissu passé au crible. La pluie elle-même, qui a filmé aussi bien le ruissellement pluvieux sur un sol, une fenêtre, un bar comme le Titanik, inspiré d'une tragédie de fond de l'eau ? Et attention, ce n'est pas du tout creux même si c'est statique et très bizarre ! On retrouve les affres de la communication inter-sexes, de l'impatience, un rire fourbe (alors que l'on stationne sur les verres qui attendent). Et puis trêve de lugubre, ces gens dansent aussi et la musique console des compromis (très bon moment de saxo). Il y a aussi largement de quoi se délecter des bruits, tous amplifiés comme pour indiquer un travail de broyage non-stop (pas, mastication). Des chiens errent sur ce décor, on pense un peu au "Désert Rouge", entre futurisme et apesanteur, c'est noir et blanc, pesant et fascinant au point d'en vouloir encore et encore.
  • AU FIL DE L'EAU (1949)
    Note : 19/20
    A partir de "The House by the River", publié en 1921 par Allan Patrick Herbert. romancier anglais. La rivière, personnage capital filmé avec d'inquiétants remous, cette carcasse d'animal qui flotte au ras de la maison, une vieille qui tique en voyant une plus jeune quémander une salle de bain fiable... des indices que l'élément liquide va être brassé et rebrassé... La jeune employée jouant de son sex-appeal est le premier piège. Son sourire, sa descente d'escalier d'une démarche lascive n'ont rien de la vierge adolescente. Eh bien Fritz Lang déjoue la déduction qui démange, il préfère qu'elle ne veuille pas ! De bienveillant juste émoustillé suivant du regard la silhouette féminine qui va au bain, le maître de maison reçoit un énième refus d'édition. Un seul plan montre que c'est le coup de massue. Il fait quelques pas dans l'ombre de sa maison, aperçoit sur des marches cette femme éclairée... Et c'est l'élan irrépressible. L'implication du frère, le silence à l'épouse de retour répétant la descente d'escalier... On voit se profiler d'inquiétantes dérives... Ce Stephen Byrne (qu'on devine en ronron conjugal) s'avère le pire patachon qui soit... Son égo démesuré lui barre l'inspiration (pas fortiche pour un écrivain !), il vire au parfait abruti au point de créer par ses manigances le dérapage ultime. Superbe film de Lang ! Bien plus d'écho aujourd'hui qu'à sa sortie étasunienne des années cinquante, ça ne fait pas du tout "vieux"... Un scénario simple, linéaire, des acteurs inconnus mais qui jouent comme des stars ! Une photo en noir et blanc, nette, parlante à la manière des dessins animés. On sent encore la proximité du muet. De remarquables moments (buée du miroir, plongée sur la bonde de la baignoire, eau noire et menaçante de la rivière !). Petit budget et grands effets sur le spectateur avec trois fois rien !
  • LE SAMOURAÏ (1967)
    Note : 18/20
    Revu en vidéocassette en 2008 et bien plus apprécié qu'à sa sortie, où je le cataloguais "film de mecs", comme bien des polars des sixties (regard sur les femmes par trop machiste). En dépit de l'intrigant volatile et des volutes de départ, je lâchais le beau Delon et ses cent pas, trop lent à en venir au fait. A présent, je trouve qu'il tenait là un des rôles les plus fascinants de sa carrière. Sans doute la présence de François Périer y est-elle pour beaucoup, ce flic fonctionnant au feeling, ramènerait assez bien à la grande improvisation policière pré-soixante-huitarde ! Le scénario est faussement traditionnel : s'y insinuent quelques travers, que ce soit Jeff Costello (il garde son chapeau et exhibe ses gants), le Commissaire qui le traque (aucune discussion avec ses hommes), ou le réseau qui l'emploie (curieux revirement pour des pros). Quelques loufoqueries de comportement donc, qualifiées de "bourdes scénaristiques" par quelques spectateurs d'aujourd'hui, où tout est bien classé, un polar de ce type devant rester lisse.. Le chant de petit oiseau en cage, nourri par le gangster soudain blessé attendrit, menton arrogant mais regard de garçonnet, ces deux dames éprouvées, qui l'épargnent, pourquoi le spectateur se range t'il à leur avis ? ... Côté atmosphère, le déroulement de l'enquête rappellerait "Maigret" ou même le "Commissaire Bourrel" de la télé d'avant, certes en plus énigmatique, et filmé de façon plus prestigieuse. Franchement, un EXCELLENT MELVILLE, à voir et à revoir !
  • MILLER'S CROSSING (1990)
    Note : 16/20
    Vu en février 2009 au Cinématographe nantais. Film sur le milieu mafieux, où le sardonique l'emporte sur le pathétique grâce au dosage des effets, avec cette ironie des parodies de western (à la différence par exemple du récent "Il Divo" dont je goûte moyennement l'artillerie lourde...), ce qui fait qu'on s'en fout de ne pas tout comprendre, la confusion faisant partie du processus. Somptueusement réalisé, non sans poésie (travelling sur les arbres par deux fois pour qu'on comprenne l'instant décisif), la musique est divine, les deux rivaux très attachants, les raclées ne se comptant plus pour le plus jeune, qu'on croit vite fait pour "la belle venimeuse", une pulpeuse à la voix de velours échouée dans cet univers de brutes avec lequel elle doit composer, peu aidée par un frère qui l'entrave... Tous baignent entre deux eaux... Je retiens surtout une suite de joutes qui vont crescendo, d'une logique particulière (le fer rouge !) auxquelles on trouve un vif intérêt au bout d'une bonne demi-heure de chaos (que le dvd, parfois supérieur au grand écran, permet de zapper).
  • ELLE ET LUI (1957)
    Note : 18/20
    Il est encore très émouvant de revoir (en v.o.) ce grand classique de 1957 en 2007, et cela sans doute grâce à la surprise finale. La première fois, j'étais tombée de haut, pour un film hollywoodien, c'était inattendu une situation aussi réaliste. A la deuxième lecture, j'ai bien noté l'aspect glamour, mais aussi l'expression de Janou face au couple, elle est parlante. Comme cette caméra attardée sur l'actrice principale en position de descente d'escaliers. De nos jours, on peut apprécier plus ou moins ces films à la diction appliquée, ou trouver la chorale d'enfants non pas adorable, mais kitch. L'intérêt réside dans la situation particulière ici, le cinéaste force à se creuser les méninges : et si ça nous touchait de près, serions-nous capables ?
  • LE GOLEM (1920)
    Note : 16/20
    Golem : le mot vient de la tradition juive d'Europe orientale pour désigner un être artificiel à forme humaine auquel la vie aurait été donnée en inscrivant "vérité" sur son front. Il symbolise la matière qu'on animerait artificiellement. Ce film muet des Années 20 reprend le mythe pour figurer la réaction d'un rabbin au XVIème siècle à la décision de l'empereur Rodolph II d'interdire l'entrée de Prague aux Juifs. Paul Wegener, dans une troisième version réputée sombre, campe lui-même la création grimaçante à la démarche insensible. "Le Golem, comment il vint au monde", une sculpture d'argile devenant un genre de psychopathe en liberté. On pense aux dictateurs nés de la masse à genoux ou aux foules quand elles en sont rendues au lynchage, tous deux ont ce côté mécanique du Golem. Ce classique impressionniste a beau avoir servi de base à d'autres productions plus clinquantes, il est difficile d'y séjourner de bout en bout. Une fois qu'on a réalisé les prouesses cinématographiques pour l'époque, admiré les surimpressions de ce décor volontairement ingrat, deviné le talon d'Achille du monstre, à moins d'être un décortiqueur de la profession, on sera tenté d'accélérer jusqu'à l'étoile enlevée, geste naïf qui tendrait à faire un conte de cette sombre descente aux enfers si ce symbole de l'étoile ne rappelait le désastre que l'on sait.
  • IL FAUT MARIER PAPA (1962)
    Note : 18/20
    Du haut de ses trois pommes, vouloir marier son père veuf... Voici une production de 1963, toujours piquante en 2010 pour qui surmonte l'habituel sirop musical de ces années-là en arrière-plan des scènes intimes. Couleurs harmonieuses, grande mobilité de caméra dans l'appartement où la radio du matin tranche avec ce qu'on voit. Vincente Minnelli ménage d'autres surprises derrière l'espièglerie centrale : qui n'a souhaité choisir le ou la partenaire de son parent resté seul, cet empoté, hein ?... Certes, l'issue se devine mais sa pertinence à l'image beaucoup moins. Qu'il est long à faire ce deuil de la gardienne du foyer morte à l'hôpital... Les portraits féminins défilent pourtant non stop, chacun dans leur spécialité (ce numéro de batterie !). Presque tout se passe dans les intérieurs douillets, priorité au ludique, on est bien dans les sixties... Père et fils, chacun dans leur brouillard mental, s'évitent. Mais dialoguent soudain d'homme à homme, attention, c'est Junior l'expert !
  • IF... (1968)
    Note : 17/20
    Dommage que les revendications soixante-huitardes de la jeunesse se soient souvent résumées à la libération sexuelle et à la seule transgression des interdits en général, pour les lycéens s'entend. Trop court, on s'en aperçoit avec le recul... Ce serait donc le mauvais côté de "If", la vacuité au plan créatif de ces jeunes : leur credo étant la destruction, toute leur énergie y passe. Mais sans doute est-ce préférable entre 15 et 20 ans de combattre l'autorité des adultes pour se démarquer... De manière que idées ou propositions d'autres systèmes politiques viennent plus tard. Dans ce film, tout est fait pour qu'on prenne le parti des jeunes à moins d'être soi-même devenu une peau de vache à force d'avoir à se heurter, je pense à ces "pions" à fleur de peau (il faut bien gagner son pain) : si on a soi-même tâté de la discipline de fer des institutions, possible de serrer les dents en suivant les figurants de ce bahut de la bonne bigoterie : appui commode sur la religion et son équité de surface, le summum étant cette odieuse simulation militaire au lycée, avec riposte du même genre... J'en retiens que les autorités à la tête de dispositifs aussi ridicules haïssent la jeunesse piétinée en eux-mêmes et ne méritent qu'une bonne claque en retour... encore en 2009 !
  • LE DEMON S'EVEILLE LA NUIT (1951)
    Note : 16/20
    Redécouvert cette oeuvre en v.o. au ciné-club en avril 2008 : presque tout oublié, sans doute vu il y a bien longtemps au "Cinéma de Minuit" du petit écran.Certes, Fritz Lang, sans doute à cause de "M Le Maudit" qui reste sa marque de fabrique, donne toujours un peu la hantise de cauchemarder... Voici une forte houle auréolée d'oiseaux affamés, on circule ensuite du bateau à l'usine de poissons en imaginant déjà le pire.Je me souvenais de la fraîcheur de Marylin Monroe en jolie et gentille ouvrière starlette de plage et de l'inquiétant "Earl" face à une deuxième femme, belle aussi, mais altière, et comme en demande de sécurité mais avec la terreur de ne pas avoir son compte de frissons.Redécouvert son mari, ce bon gros ours presque trop tendre, si touchant avec sa petite Gloria dans les bras... On est bien dans les fifties, le "baby boom" d'après-guerre, la mentalité familiale chargeant la mère, fidèle à l'époux et au foyer quoi qu'il arrive. Passe la tentation, commune aux deux sexes mais plus mal notée si c'est Madame qui flanche. Quoi qu'il en soit, un sacré tiraillement ! Entraide féminine, plongée dans les abysses du couple, crises... Et puis, inespéré, l'enfant sauve la mise. Au souvenir de ces deux "caractères" brûlant leurs dernières cartouches mais à armes inégales, on peut se dire qu'elle a eu chaud.
  • REGLEMENT DE COMPTES (1953)
    Note : 18/20
    Longtemps, je me souviendrai de cette cafetière bouillante balancée en deux temps à la face, et d'un seul côté... Il s'insinue comme une ironie terrible mélangée au coeur de ce polar, des moments d'attendrissement et une violence par à-coups, brève et d'une efficacité à la limite de déclencher un rire nerveux. Sans trop saisir la portée du coup de feu initial, on doute de cette bonne femme pincée et on raffole tout de suite du chargé de l'enquête. Ce Sergent Bannion qui, en rentrant du boulot dans son coin douillet, lave plats et casseroles en toute complicité avec sa jolie et jeune épouse, ils causent ensemble de son business en tirant les plats du four, et elle boit dans son verre... Une nouvelle fois, Fritz Lang vénère les époux comblés, pères très présents physiquement à leur enfant, l'air de nous dire "on n'a pas fait mieux"... Années cinquante d'Hollywood, une incroyable légèreté de moeurs semblerait côtoyer les joies du foyer (incroyables avances de la jeune fille délurée qui offre un verre au héros du bar, le poursuit dans la rue et finit par l'accompagner dans sa chambre d'hôtel)... L'invincibilité du policier très droit est présente, un peu ambiance "Les Incorruptibles", mais avec beaucoup plus de nuances, je pense à ce laïus sur l'épouse après les derniers affrontements... V.O. obligatoire, les dialogues sont sublimes de bout en bout, la diction aussi, rien n'est laissé au hasard, en plus du son nickel. Bref, très bien boutiqué tout ça, je dirais même "jouissif" !
  • TOUS EN SCENE (1953)
    Note : 16/20
    Cette comédie musicale concoctée par Vincente Minnelli peut être savourée sans souffrir une seconde si on se fatigue vite du genre (quand bien même les cuivres pèsent un peu à l'oreille). Constatons qu'un courant de comédies musicales déferle depuis fin 2010 début 2011. Une chance que dans celle-ci se glissent suffisamment de subtilités. Sinon, on se prenait un divertissement digne des gros industriels du cinéma des années Trente Quarante en réaction à la sinistrose : plein les yeux et les oreilles, si vous bâillez, c'est que vous êtes un(e) sacré(e) rabat-joie... Ouf, en plus du spectacle toujours très enlevé (restent en mémoire le cireur, les triplets, ce mouvement de robe blanche à plis soleil), rendez-vous avec l'humour, un minimum d'intrigue et, cerise sur le gâteau, une satire des coulisses du spectacle, un monde où, pour exister, il faut composer avec ce qui se présente.
  • LE CHEVALIER DES SABLES (1965)
    Note : 17/20
    Eternel dilemme des passions à vivre dans le temps imparti. Je trouve l'histoire du trio plausible et estime que les copains de la dame traduisent le côté immature des bandes, peu importe que le mouvement "Flower Power" passe pour intellectuellement évolué quarante ans plus tard, il avait aussi ses ridicules ! En attendant, l'oiseau et son attelle symbolisent la crise qui se prépare entre deux milieux que tout devrait opposer. C'est tourné à "Big Sur", que c'est beau ces vagues fougueuses, l'exigence d'espace de ces années-là, l'abri en bord de mer, la peinture offrant de se suffire à soi-même là où on se sent bien, toujours discutable avec un enfant à élever. La nature est photographiée comme pour nous dire que tout ne cesse jamais de se transformer. Le charme général vient des paroles prononcées (elles ne sonnent jamais le creux), des expressions et de l'interprétation des deux monstres sacrés (Burton et Taylor) derrière le dos de la plus que parfaite épouse dans sa jupe boutonnée à l'arrière (Eva Marie Saint). Sans en approuver les effets, on comprend la bigamie !
  • LA FEMME AU GARDENIA (1953)
    Note : 16/20
    Vu en v.o. en avril 2008 au cycle consacré à "Fritz Lang et Hollywood" au Cinématographe de Nantes : nous revoici dans le monde des opératrices téléphoniques des années cinquante, une ambiance bon enfant que cette Centrale pleine de jolies filles convoitées plus qu'esclaves... La caméra s'arrête sur Norah, belle et seule, en attente d'un soldat au loin mais qu'elle vénère comme une icône jusqu'à ce soir où elle pleure. Basta ! La voilà sortie de ses gonds, noyée dans l'alcool auprès d'un prétendant bien en chair (fabuleuses scènes où elle sirote...), d'alanguie elle devient furie, lui flanque un coup de tisonnier. Ensuite, le spectateur se focalise sur cette jeune traquée : comment peut-elle s'en tirer ? Maintenant, la presse invite la meurtrière à se dénoncer "contre une aide"... Vitriolé mais aussi très romantique (le gardénia chanté par Nat King Cole, les mouchoirs, et ce joli visage féminin implorant les hommes, une expression qui rappellerait un peu notre Marion Cotillard aujourd'hui) en plus d'une grande qualité de cadrages et de lumière, notamment ce clair-obscur aux moments décisifs, avec des couples sensuels, qu'ils soient enlacés ou retenus au contraire. C'est assez tarabiscoté comme intrigue, pourtant on suit aisément. Bien aimé la malice de Fritz Lang concernant la gueule de bois féminine ici relayée par l'amnésie. Vient la volte-face comme aime en balancer ce cinéaste, ici sur les tout derniers plans, et on se dit "ah oui, c'est vrai, j'avais oublié ces points de détail"
  • L'INVRAISEMBLABLE VERITE (1956)
    Note : 17/20
    Un scénario qui vaut de l'or, il mériterait un remake en 2008, de quoi broder avec un regard d'aujourd'hui... Démarrage glacial par rapport aux autres films de la période hollywoodienne de Fritz Lang, fervent adversaire de la peine de mort, mais qui y met un effroyable bémol. J'ai un peu souffert du chaos des intentions, difficile de suivre le déballage des étapes, l'action vient fort heureusement gommer cette surenchère. C'est encore magnifiquement filmé avec force détails du mode de vie américain de 1955-56, je pense à cet homme corpulent avec son bloc de glace devant le ventilateur... Joan Fontaine signale, par un physique étrangement éteint en dépit de son humanité apparente, qu'on n'est pas au bout de nos surprises. Quant aux strip-teaseuses, elles resplendissent comme autant de sapins de Noël, animées d'une gouaille à la Betty Boop, sauf une, pour relancer la tension ... Le personnage le plus ambigu reste le père de la promise, je me demande encore ce qu'il avait flairé au juste finalement !
  • LA PAYSANNE AUX PIEDS NUS (1961)
    Note : 17/20
    Cycle Italien Univerciné Nantais février 2010 : époque régressive, où irrespect et injure rendent chatouilleux, plus d'un sourcil devrait donc se froncer : traiter la fin de la seconde guerre mondiale par le biais d'une épicière sexy sous les bombes (Sofia Loren) la flanquer d'une jeune fille faiblarde et d'un intellectuel non résistant (Jean-Paul Belmondo), drôles d'idées... Quant à cette bande d'Africains goguenards dans l'église, alors là : Messieurs de Sica et Conti, deux libidineux racistes, votre film est une honte, savez-vous... Bon, et bien personnellement, ces considérations cinquante ans après le tournage ne m'ont pas empêchée d'en apprécier la pertinence, du fait que les guerres et catastrophes naturelles mettent à rude épreuve les individus. Surtout que les rôles secondaires ont leur importance, ils rajoutent des nuances dans les comportements, drame et gaieté... Version remasterisée, du noir et blanc (très peu d'incidence si jamais on escamote les sous-titres blancs sur blanc). Un film à revisiter comme un documentaire italien de 1943. Faim au ventre, mort qui rôde : instincts débridés, l'entraide si ça vaut le coup et le sauve-qui-peut s'il y a trop à perdre... "La Ciociara", outre ses décolletés sauvages et ses jambes à demi montrées, porte ce naturel, le pour et le contre entre elle et son prochain pesé à chaque minute, sait-on jamais si la minute suivante faisait défaut : la beauté pour incarner ces valeurs vaut à elle seule le déplacement en salle. .
Notes de L.Ventriloque
(par valeur décroissante)
FilmNote
VOUS NE L'EMPORTEREZ PAS AVEC VOUS (1938) 19
TROIS DANS UN SOUS-SOL (1927) 19
BASHU LE PETIT ETRANGER (1986) 19
MON CHER PETIT VILLAGE (1985) 19
LES PETITES FUGUES (1979) 19
HAUTE PEGRE (1932) 19
ON MURMURE DANS LA VILLE (1951) 19
LE REPTILE (1970) 19
LES HOMMES, LE DIMANCHE (1930) 19
RASHOMON (1950) 19
L'EXTRAVAGANT MONSIEUR DEEDS (1936) 19
AU FIL DE L'EAU (1949) 19
DAMNATION (1987) 18
ELLE ET LUI (1957) 18
LE SACRIFICE (1986) 18
LE SAMOURAÏ (1967) 18
REGLEMENT DE COMPTES (1953) 18
LA SOLITUDE DU COUREUR DE FOND (1962) 18
IL FAUT MARIER PAPA (1962) 18
NAISSANCE D'UNE NATION (1914) 18
L'INVRAISEMBLABLE VERITE (1956) 17
ÉTOILES (1959) 17
IF... (1968) 17
PYGMALION (1938) 17
LA PORTE S'OUVRE (1950) 17
LA PAYSANNE AUX PIEDS NUS (1961) 17
LE CHEVALIER DES SABLES (1965) 17
JULIETTE DES ESPRITS (1965) 17
L'HISTOIRE D'ADELE H. (1975) 17
LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES (1945) 16
L'ENFANCE NUE (1968) 16
LE DEMON S'EVEILLE LA NUIT (1951) 16
LA FEMME AU GARDENIA (1953) 16
SCANDALE À LA COUR (1944) 16
LA MOUCHE NOIRE (1958) 16
MILLER'S CROSSING (1990) 16
HIER, AUJOURD'HUI ET DEMAIN (1963) 16
TOUS EN SCENE (1953) 16
LE GOLEM (1920) 16
LA LUNE ÉTAIT BLEUE (1953) 16
L'IDIOT (1951) 15
LES CHAUSSONS ROUGES (1948) 15
FURTIVOS (1975) 15
LUNES DE FIEL (1992) 15
CET OBSCUR OBJET DU DÉSIR (1977) 15
LES OLIVIERS DE LA JUSTICE (1961) 15
LE MONDE SELON GARP (1982) 14
LES BAS-FONDS (1957) 13
SECRET DE FEMME (1948) 13
SANS SOLEIL (1982) 13