Critique(s)/Commentaire(s) de L.Ventriloque

Voir ses 49 films notés

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  • L'HONORABLE CATHERINE (1942)
    Note : 16/20
    Cette comédie de 1942, donc tournée en pleine guerre, pour ne pas dire "à la barbe des Nazis", explique le plaisir que visiblement les acteurs prennent dans leurs débordements en jouant les convives éméchés (hoquets, jambes de laine, et même léger surjeu d'Edwige Feuillère, mais dans ce rôle de rouée, c'est bienvenu). Ce n'est pas un marivaudage d'aujourd'hui, trop désuet, la marchande de pendules débarquant chez ses victimes, son bagout ferait trop toc, dehors vite fait. Mais enfin, de ce scénario signé Henri Jeanson, la dialoguiste a su tirer le meilleur parti pour la postérité, la caméra est bien dirigée, l'ensemble bien ficelé. Sans doute cette oeuvre a-t-elle permis à l'équipe de tournage de survivre à la sinistrose de l'époque (à garder en tête pour pouvoir apprécier doublement en 2008).
  • ECRIT SUR DU VENT (1956)
    Note : 19/20
    Sans doute un film de tous les temps et qui peut plaire à tous (v.o. conseillée). Ce bolide jaune qui fonce dans la nuit à grande lampées à la bouteille, voilà qui présage de suites rocambolesques... On se dit que les comptes vont être réglés en moins de deux, or, nous sommes baladés un sacré bout de temps à reculons ! Et ça ne nuit pas ! Accompagnons cette Lucy pleine de distinction, intelligente au demeurant et pourtant si imprudente à s'engager avec ce danger public qu'est Kyle, en Amérique pendant les années cinquante, dans la bonne société, certes on se marie avant de... Serait-ce pour mieux arriver à ses fins dès lors que le coeur est ailleurs ?... En tous cas, pas une seconde d'ennui dans cet encroisement de situations où stérilité et impuissance masculines se confondent et déclenchent la crise de tous ces braves gens, les un tant soit peu adultes et les demeurés enfants. A voir au ciné-club et à revoir plus d'une fois en dvd pour complètement goûter le côté tortueux de l'aventure, d'une technique irréprochable, et qui tient en haleine sur le plan émotionnel d'un bout à l'autre.
  • LE LIMIER (1972)
    Note : 18/20
    Vive le dvd ! Car il permet, en plus de goûter l'accent british, de rembobiner, est-ce qu'on a bien tout capté de ce labyrinthe que la caméra a survolé, une façon d'annoncer un autre dédale duquel on ressort... tout juste vivant. De quoi s'esclaffer puis serrer les dents et rebelote, pas question de décrocher avant de savoir... Admiration pour la créativité déployée, humour du style macabre entre bons copains, allons-y, poussons le bouchon encore davantage... L'aspect réjouissant du maître des lieux serait cette capacité à se suffire à lui-même dans son refuge nourri de l'observation de son prochain. Ce film parti du théâtre offre l'occasion de traiter de la rivalité entre générations d'hommes pour une Marguerite invisible, parée de mille défauts, mais sûrement captivante pour devenir l'enjeu de pareil duel. Plus les minutes passent, et plus on est perdu, entre camaraderie et inimitié... Les automates font figure de spectateurs figés dans le sardonique jusqu'au bout, l'envie démange de crier : "au suivant" !
  • LES INNOCENTS (1961)
    Note : 17/20
    Sans trop raffoler de "l'épouvante non comique" comme genre au cinéma, je salue ce film qui prend aux cheveux par sa savante alchimie dès le début (bien aimé comment la "Century Fox" est carrément incorporée à la présentation du générique) pour conduire vers une douce pétoche. Un château aux... 134 fenêtres, oiseaux qui pépient, murmures des grands jardins à plan d'eau. On est moitié en terrain familier, moitié en zone à turbulences... Enfants espiègles ou farfadets... Pourtant de quoi faire des brassées de roses, fleurs rassurantes. On cause et on boit le thé aussi. Le personnel semble en savoir long sur les interférences, il existe un secret et qui sent un peu le soufre... Bruissements d'herbe, pigeons roucoulants dans un donjon menaçant de sa hauteur... La photo en noir et blanc est d'une limpidité irréprochable (jeu très fin de Deborah Kerr) : Miss Giddens, la nouvelle venue, a-t-elle bien toute sa tête ?... D'abord, dehors, ça semblait peu de chose, comparé au dédale de pièces où il faut jouer à cache-cache, avec ce contraste entre clarté et obscurité... Interprétation toute en retenue vers un climat oppressant. Des effets spéciaux de bouts de chandelles vacillantes, mais beaucoup d'effet justement ! Une comptine virant à la litanie rappelle la bizarrerie si jamais on l'oubliait. Echos et soupirs des lieux hantés ou psychose contagieuse... A-t-elle vu ? Ont-elles vu ou cru voir ?... Ces deux enfants sont-ils des monstres ? Vaut le détour une bonne fois, dépaysement garanti mais gare aux cauchemars !
  • CLÉO DE 5 À 7 (1961)
    Note : 12/20
    Le fond de l'histoire me touche beaucoup. L'atmosphère, les prises de vue en noir et blanc, les comédiens, rien à redire (si ce n'est que le regard sur le cancer a considérablement évolué depuis les sixties). De très bons moments d'hymne à la vie viennent tempérer l'alerte à la mort ressentie par Cléo, et c'est heureux pour le spectateur. Mais pourquoi de si longues déambulations dans Paris, et ces scènes coupées en tranches selon l'horaire indiqué ? De grâce, en plus court et en moins chichiteux, on avait le même résultat... Je trouve assommante LA FORME qu'Agnès Varda a choisie pour ce film.
  • LES CHEVEUX D'OR (1926)
    Note : 19/20
    Projeté à Nantes au "Cycle britannique Univerciné de décembre 2010", ce troisième film d'Hitchcock connu aussi sous les titres "L'éventreur" ou "Les cheveux d'or". Inspiré d'un roman et de la légende de Jack L'Eventreur, cela se passe à Londres en 1926 : sept assassinats de jeunes femmes, le plus récent étant la soeur de Daisy Buntings, fille d'un vieux couple hébergeant un locataire, ce dernier d'office suspect de par son allure insolite par rapport à monsieur tout le monde, et pour avoir demandé qu'on enlève les portraits de jeunes femmes se trouvant dans sa chambre. En plus qu'il a une manière bien à lui de saisir un tisonnier... On reconnaît déjà l'espièglerie du Maître en plus de sa fixation sur la blondeur féminine. Figure aussi une vérité de toutes les époques, notamment 2010 : l'empressement collectif à désigner un bouc émissaire, quitte à se tromper lourdement, plutôt que de creuser d'autres pistes à l'intérieur d'une communauté. A voir l'expression de terreur sur les visages, nous autres spectateurs ne savons sur quel pied danser : partagés entre l'attirance de Daisy pour ce locataire mystérieux mais séduisant, encore plus puisqu'il est "l'homme interdit par papa et maman", et le peu d'emballement que la demoiselle manifeste pour Joe, policier qu'on lui destine, la finesse incarnée... Le scénario de ce film muet (où clignotement de la lumière et emballement musical avant silence de mort ont valeur de commentaires) annonce déjà les productions parlantes. Raffinement des raffinements : ce présumé coupable suspendu par ses menottes à une grille !
  • COMME UN TORRENT (1959)
    Note : 17/20
    Comment percevoir un film de Vincente Minnelli de 2h17 datant de 1958 en 2010 ? Tout le monde admire sans concession, c'est un chef-d'oeuvre... J'ai trouvé un peu laborieuse la première heure, les dialogues auraient pu être moins convenus. Heureusement, c'est rattrapé ensuite, l'ennui disparaît, et c'est palpitant le dernier quart d'heure. Le summum est atteint avec la fête foraine cadrée avec soin et qui semble pourtant partir dans tous les sens, plus cette dénivellation qu'on sent venir car le couple final sonne à moitié juste seulement. Sinatra à la hauteur du rôle, très smart en écrivain qui ne l'est plus vraiment, avec cette flamme aussi prompte qu'un chalumeau. Un peu dommage qu'on ignore complètement ce qu'il a pu écrire. Passant des uns et aux autres, le mac Dean Martin n'étant pas des moindres, on s'attendrit et on rit à gorge déployée... Le qu'en dira-t-on, la crainte du vide ou de l'aliénation, les petits drames existentiels de tout un chacun sont passés en revue. Un personnage met à mal toutes les tentatives des autres : dès sa sortie du car, elle crève l'écran par sa verve enfantine. Armée de son sac nounours et de son oreiller, elle déclenche honte et envie qu'on la berce : c'est Shirley Mac Laine, particulièrement lumineuse dans cette histoire.
  • LES BOURREAUX MEURENT AUSSI (1942)
    Note : 18/20
    Découvert en v.o. sur vidéocassette. Le début, cette arrivée d'un monstre nazi parmi les monstres au pouvoir en 1943, est proprement ahurissant, on se dit "plus jamais ça" en Europe de grâce... Tant mieux donc, si c'est tiré d'événements proches de la réalité de ce temps-là, vue par deux exilés, précieux témoins pour la postérité. On sent bien la présence de Bertold Brecht jointe à celle de Fritz Lang pour le scénario, touffu, plein de rebondissements, une morale qui prône le libre arbitre, la culture avec esprit de discernement et action en rapport, avec cette incroyable chute, Ô combien jouissive, qui fait des victimes et résistants en temps de guerre des bourreaux fiers de l'être, simple monnaie de la pièce ! On devrait faire étudier cet excellent film en Histoire à l'école française en 2008 afin de fortifier les enfants du CAC40 (en cas de retour d'une forme de barbarie comparable), un bon complément à la commémoration des morts et des esclaves !
  • L'ARGENT DE LA VIEILLE (1972)
    Note : 17/20
    Autres temps, autres moeurs, dit-on... Si cette grinçante peinture des richissimes et des pauvrissimes a pu, à sa sortie, vriller les nerfs par son côté exagérément populiste, elle s'avère incroyablement pertinente en 2010 avec la régression sociale que constitue le retour à "l'enfer du jeu" comme moyen de survie : se persuader que l'argent facile est à portée de main, user de toutes les bassesses si nécessaire car ça finit par payer... Inversion des rôles, les enfants plus adultes que leurs géniteurs, Comencini les filme toujours aussi justes. On rit et on frémit car les pompes funèbres jouxtent ce théâtre où la vieille peinturlurée pâlit de partie en partie mais persiste... La fin donnant le point de vue du cinéaste est envoyée à la face du spectateur, avec son espoir pour le futur. On était en 1972, il s'agissait d'extrapolations intellectuelles devenues réalités 2010 !  .
  • LE CAVE SE REBIFFE (1961)
    Note : 16/20
    Que signifie au juste ce mot "Cave" ? = qui n'appartient pas "au milieu"... On est donc dans un cercle de truands chics, une élite difficile à compromettre, enfin selon les dires de ce flic à double langage dépêché à l'aéroport... Ce genre frôlant l'égrillard, peut se ressentir de nos jours comme "un gros classique" franchouillard de mauvais goût. Sauf si on parvient à le prendre avec bonhomie en 2009, loin des dauphines et des quatre chevaux d'après-guerre... Au passage : c'est fou ce que les esprits féminins ont changé tout de même ! Ce qui sauve du côté comédie années soixante un peu kitch désormais (dont le ton ferait frémir par crainte d'un retour au populisme de ces années-là), c'est bien l'interprétation masculine, Gabin et Blier notamment. Les actrices affichent le caricatural de ce temps-là, macho en diable, la sécurité de l'homme toujours "un peu maquereau" conditionnant toutes les femmes à marcher droit ! A noter aussi la réserve faussement rassurante des dernières images sur le banditisme, des fois que le bon peuple puisse croire que ces filous sous les tropiques le restent en toute impunité (hum !). Se dire que c'est une comédie légère, de toute façon largement sauvée par les dialogues d'Audiard ! Je persiste à aimer car ça me fait rire.
  • LA MORT AUX TROUSSES (1959)
    Note : 19/20
    On passe toujours un bon moment avec ce couple d'enfer que forment Cary Grant en fils à maman qui vire séducteur et Eva Marie Saint "à damner un saint homme" (et une sainte femme par identification). De plus, on se trouve emberlificoté (mais de façon si habile que ça passe tout seul) dans une histoire à dormir debout (par exemple, la scène archi-connue de l'avion, et surtout la descente du Mont Rushmore avec toutes ces illustres figures présidentielles taquinées par nécessité). Tout cela défile comme le train et confirme que le Maître "Hitch" s'éclatait plus dans ses films que dans sa vie. Le making off regorge de détails insoupçonnés à ce propos, aussi malicieux que le film. Bref, on ne s'ennuie pas une seconde dans cette histoire même si on l'a déjà vue plusieurs fois.
  • DIVORCE A L'ITALIENNE (1961)
    Note : 20/20
    19,75/20 : Attention, hilarant non stop, admirablement joué et... pas une ride, au contraire, une tendance lourde contemporaine ! L'art consommé de projeter sur le mode burlesque les drames familiaux, les faussetés sociales pour se tirer d'affaire, tous les stratagèmes que les faux-c... utilisent et que le sort, tôt ou tard, renvoie à eux-mêmes. Une préméditation qui confine au délire. Mastroianni émouvant brasseur de fleurs face à sa jeune cousine. Irrésistible avec son rictus devant sa régulière légèrement moustachue. Ce qu'ils ont dû s'amuser au tournage ! Humour voisin du muet "Blancanieves" de Pablo Berger (2012) mais ici c'est parlant sans être bavard, chaque plan, chaque dialogue (ou monologue off) ciselés pour faire avancer l'intrigue, et quelle intrigue ! Une petite merveille qu'on a envie de remonter des oubliettes pour réveiller tous les "great pretenders" de 2014.
  • LE GENTLEMAN D'EPSOM (1962)
    Note : 14/20
    Aujourd'hui, regarder pareil portrait fait à la fois préhistorique et d'un arrière-goût populiste, vague impression de revenir au temps des "grandes familles respectables", sous Le Grand Charles, garde à vous !... Ces aristos maîtres partout, raffinements de langage signalant un sang supérieur, comportement sans transition de mielleux à odieux, notamment avec leur petit personnel obligé de suivre sinon la porte est là. Gabin en turfiste bougon, doublé d'une sacrée fripouille ! Jean Lefebvre, l'humilité comme souvent, ôtez-moi ces mains de vos poches... De Funès plus vrai que lui-même, réincarné depuis (difficile de ne pas y penser !) dans un jumeau élyséen incompréhensible. Sublime passage de Madeleine Robinson en dame pincée mais touchante par sa vulnérabilité voilée par un riche mari américain. Truculence des dialogues de Michel Audiard pour cette plongée en noir et blanc dans les courses de chevaux où le profane peut trouver à s'instruire, nul besoin d'être spécialiste... Vigoureux plans d'ensemble qui entretiennent le suspense à chaque départ, petits vices de parcours confiés au seul spectateur... Un bon divertissement si l'on parvient à supporter le monde de l'aristo-escroc cher à Grangier, un genre qui peut mettre les nerfs à vif en avril 2009 !
  • L'AURORE (1927)
    Note : 18/20
    Si vous avez tendance, comme moi, à avoir comme un baîllement quand il s'agit de cinéma muet, remettez-vous. Ici, on est sauvé par le texte, intelligent, plaqué sur une action totalement intemporelle, et rien ne pèse grâce au "ton" familier. Ajoutez un art du clair-obscur en images, ainsi que le sens aigu de l'anecdote. Non, ça ne fait pas poussiéreux, on oublie que c'est du muet et c'est aussi attachant que les meilleurs Charlie Chaplin ou Buster Keaton. La morale est surprenante, avec une menace de départ qui conduit à autre chose que la destruction. Un petit chef-d'oeuvre, à repasser dans les cinémathèques !
  • LE BATEAU D'ÉMILE (1961)
    Note : 17/20
    Boudé à sa sortie en 1961 ? Fichtre ! On peut cependant, en tous cas depuis ces années coincées, trouver un réel intérêt dans ce classique noir et blanc inspiré d'une nouvelle de Simenon. C'est assez bien envoyé, sur le ton de l'humour, on sent poindre la satire de moeurs gratinée (difficile de croire à un si mauvais accueil du public). Les dialogues de Michel Audiard sont d'une impertinence qui sied bien à ce genre d'ambiance portuaire, des "petites gens" avec, ça et là, des notables à l'affût... Grâce aux acteurs caricaturaux, on découvre le notariat, ses astuces... Un aperçu du climat des estaminets, aux brutes épaisses... On peut avoir une idée du patronat et ses employés du temps où le discours était roublard aussi, mais encore d'homme à homme... Le film s'ouvre sur Michel Simon en vieil indésirable de la famille, Pierre Brasseur officie, très grand seigneur (il s'exprime à la manière de notre Chirac à s'y méprendre). Ils sont suivis de Lino Ventura en parfait abruti, vite remis en place par la cinglante Annie Girardot à ses débuts (délicieuse de répartie, un cadeau pour elle que ce rôle de femme assumée !). Franchement, il faut avoir les lèvres gercées pour ne pas s'amuser de ces manigances qui tournent court... Emotion aussi quand une barque s'avance avec lenteur sur l'eau noire : la tendresse bourrue d'un couple, dans le genre inoxydable... S'il y a quelque exagération dans les scènes de beuveries et si l'issue tombe un peu à plat comparée au reste du film, c'est d'un anticonformisme hautement réconfortant en 2009 !
  • LA FUREUR DE VIVRE (1955)
    Note : 17/20
    Il importe de se remettre dans les Fifties, l'après-guerre (une vraie guerre où on se foutait sur la g...), imaginable grâce aux images d'archives, aux fictions et aux témoignages familiaux. La Fureur de Vivre américaine, c'était donc en plein baby-boom. La dureté crescendo de la mondialisation 2008 n'est cependant pas une guerre ouverte, où on débarque du pire, de LA grande calamité : il fallait reconstruire d'urgence un monde axé sur les valeurs matérielles (la grande trouille restant, aux USA, le communisme). Le milieu décrit est plutôt aisé. Junior a sa décapotable mais ne sait sur quel pied danser avec ses parents en perpétuelle tergiversation. Nécessité de se mesurer à Papa, lequel ne sait pas aligner deux idées cohérentes de suite, avec Maman qui le contredit puis se contredit ! Un jeune ulcéré par la surprotection de sa molle famille. Du côté de la jeune fille, même tableau, la mère semble quelconque, le père a quelque chose du séducteur, le film laisse juste entendre que le petit dernier prend désormais toute la place, résultat, sa fille entend bien qu'on se mette en danger pour elle dès que possible. Peu à peu, une bande se forme, qui joue à se pousser dans ses limites. A bien y regarder, est-on si éloigné de ce genre de délire si on pense par exemple au jeu du foulard des écoliers des années 2000 ?... La civilisation a engendré la crise adolescente dans les pays industrialisés occidentaux, et chaque époque propose son illustration du phénomène. On peut trouver l'atmosphère un peu glamour, trop lisse ce petit couple qui s'accroche l'un à l'autre une fois le rival neutralisé...Le fait que James Dean (accident mortel de la route) et Natalie Wood (morte par noyade) soient magnifiés en raison de leurs disparitions tragiques peut agacer... Je constate que l'accent est mis sur l'autorité ET l'éducation. On parlemente, les insultes faciles sont absentes... A cent lieues du bras de fer actuel entre jeunes et policiers de ce début de siècle, un message peut-être édulcoré ? Qu'à cela ne tienne, l'ensemble tient encore debout.
  • LE CHARLATAN (1947)
    Note : 18/20
    On dit que l'acteur Tyrone Power tenait absolument à jouer ce rôle, au grand dam de l'entourage professionnel qui, jusque-là, le cantonnait en beau type sentimental, toujours ce mythe du vernis sous lequel il n'y a rien à gratter... Passant outre, on peut constater qu'il a mis tout son coeur à incarner les états menant du succès à la déchéance, et sans qu'on en soit dérangé une seule seconde, presque une suite logique du récit, on marche, on court même !... Ce film envoûtant présente une succession d'ombres croisées, chacun y allant de son petit pouvoir, un film dit "noir", mais avec une sérieuse connotation fantastique. Très grande qualité à tous points de vue, côté dialogues aussi on est particulièrement gâtés, à voir et à revoir, et autant que possible en v.o. !
  • INDISCRETIONS (1940)
    Note : 19/20
    Le plus marquant pour moi est ce que dit le papa à Tracy, pour expliquer ses propres fredaines extra-conjugales, du jamais entendu... tandis que la mère et la fille, papotent, très complices, arborant à un moment d'effroyables couvre-chefs, et qu'une petite jeune fille batifole au milieu de tout ça. Excellente prestation en second rôle de Ruth Hussey, un charme discret, qu'on remarque face au flamboyant trio Katarine Hepburn, Cary Grant et James Stewart qui font mille prouesses. Ambiance bavarde, on boit souvent, au point que l'on se demande qui boit le plus, et ce qu'elle a de si grave, cette femme que tous nomme inflexible, qui ne se livre que grisée, pour se reprendre ensuite brutalement : névrosée ou incomprise au moment de se lancer dans la vie ? Aujourd'hui, avec pareil scénario, on s'attendrait à un rebondissement du côté du père, qui n'était peut-être pas blanc-bleu ? Hé bien non, ce sera une toute autre tangente, car il s'agit d'une comédie des années quarante, grave époque où la famille était tout.
  • LE CIEL PEUT ATTENDRE (1943)
    Note : 17/20
    Un grand classique d'Ernst Lubitsch sur l'adultère qu'un homme se reproche d'avoir commis malgré une épouse fidèle et resplendissante à ses côtés. Film réalisé pendant la seconde guerre mondiale, sorti en 1946, de retour des affrontements, l'indulgence prévalait sur ces petits dérapages masculins. Laura est si belle qu'Henry Van Cleeve doit la tromper pour être sûr de ses armes, surtout qu'elle lit en lui, parfois avant lui (bien aimé le coup de la bedaine qui rassure) ! On a l'impression d'être à la caméra tellement celle-ci se faufile au ras des acteurs jouant au chat et à la souris... Héroïque tempérament de la dame avec ce mari facétieux (la fameuse incitation de "fermer les yeux" chère à nos grands-mères, le célibat pour une femme a longtemps été une disgrâce, quant au divorce, il balbutiait en ce temps-là même outre-Atlantique...). Poésie, humour et réflexion se succèdent, l'amour saute aux yeux, hormis la fausse note de la maladie grave, la beauté balayée du jour au lendemain et qui fait foncer notre homme directement chez Lucifer.
  • DUEL AU SOLEIL (1946)
    Note : 17/20
    Grand classique de "l'amour vache". Il convient de se replacer à l'époque de la réalisation, entre péplum et grande fresque sociale, des budgets colossaux ainsi que mille tourments pour que le film aboutisse. Jennifer Jones dans ce rôle de Pearl, belle au sang mêlé moitié blanche moitié indienne, vient jeter le trouble dans une famille jusque-là sans elle : je l'aurais préférée plus sauvage dans les manières, mais enfin il s'agit de 1946, la femme sexy fait un minimum de moues pour attirer dans ses filets l'un puis l'autre frère (Gregory Peck et Joseph Cotten)... En fait tout l'intérêt réside dans l'aller-retour constant de ce triangle infernal de Pearl et les deux hommes, plus le père, cadenassé dans ses convictions puristes. Les seconds rôles s'incorporent parfaitement aux acteurs principaux. Ambiance de western, mais où le sentiment prévaut sur l'action pure. Décors flamboyants, prises de vue enchanteresses encore en 2009 !
  • LES GENS DE LA PLUIE (1969)
    Note : 18/20
    Une pépite méconnue de 1969, mais qui pourrait être actuelle, à voir obligatoirement en v.o.... Traversons le cerveau de cette blonde contrariée par l'envers du mariage, cérémonie en trompe-l'oeil qui la hante, elle a essayé de vivre pour l'autre en s'oubliant, comme ses parents le lui ont inculqué, houlala, "pas son truc" ! Une femme blessée et sexy qui part en voiture comme pour s'affranchir, un vrai danger public. En l'occurrence, on peut parler d'errance ou de courage. Façon de filmer de F.F. Coppola déjà bien personnelle, un côté indirect de prises de vues, mais ça tient déjà la route ! Symbole de la pluie, dialogues tandis que la caméra s'évade en gros-plan sur un essuie-glaces, images coupées en deux pour montrer un couple face-à-face et, pendant tout le déroulement, bruits quasi-permanents des voitures. Résultat, c'est authentique : sans doute un peu traînant par moments, il faut être disposé à se laisser embarquer par cette jeune femme dans ce qu'on pressent comme sa "parenthèse". J'ai trouvé le jeu du footballeur égratigné particulièrement attachant, après tout, cette innocence masculine retrouvée rafraîchit comparée à la tradition incarnée par l'amant de la dame... Bon point aussi pour le passage du couple avec la fillette, on pressent le grabuge ! Ces parcours respectifs, rappelés par flash-back pour qu'on comprenne, offrent à s'interroger sur les coups du sort, comment on s'en arrange, par quoi il faut passer. Mené de main de maître, très juste mais terrifiant !
  • LE FLEUVE (1951)
    Note : 18/20
    On est abreuvé de l'Inde et ça sent encore la colonisation toute fraîche dans ce film de 1951, librement inspiré d'un roman (vu en version américaine sous-titrée sur grand écran). On jurerait que la couleur est rajoutée sur du noir et blanc déjà très au point au départ : des images adoucies, un décor raffiné, avec cette eau à proximité, on est toujours dans le mouvement, c'est un délice (qui rachète le son, très inégal tout au long de l'histoire). Cette peinture indo-britannique, occasion d'un va et vient feutré entre les deux cultures, le monde adulte et le cheminement pour y arriver ou non, le rêve et cette sacrée réalité qui vous rattrape au tournant. Aujourd'hui, ça peut sembler longuet, distillé en s'attardant un peu trop sur certaines scènes... Pourtant, ça vaut le coup de bien suivre, car arrive le point qui sidère : Jean Renoir, qui sait de quoi il parle dans les années cinquante pour avoir lui-même fait la guerre, relativise les pertes les plus atroces, pire, s'en console au nom de l'enfant qui demeure en lui, je ne m'attendais pas à ça ! En 2007, où la démographie planétaire caracole, au nom de philosophies ancestrales que personne n'ose discuter, et comme si les ressources étaient inépuisables, son discours est d'un réalisme bouleversant.
  • L'ILE NUE (1960)
    Note : 17/20
    Survolé à l'adolescence à la télé, mais pas su l'apprécier à l'époque (trop soporifique pour les jeunes ribouldingues !). Revu adulte en 2007, le dvd avec "commentaire audio", un dialogue assez captivant affiché en bas de l'écran, infos tout à fait bienvenues pour relancer l'intérêt aux moments où il peut être tenté de se relâcher... Ce film-miracle, à budget infime, est une épure exceptionnelle sur le plan du son (bien qu'il n'y ait pas de dialogues) et des prises de vue (décors naturels, le noir et blanc fait la part belle aux nuances, et il y a une infinité d'angles pour montrer l'île, le continent, les personnages en va-et-vient). Les gestes et les bruits ambiants tiennent lieu de langage, on s'y fait assez vite. Cette ritournelle, lancinante, avec quelques variantes mais toujours en parfait accord avec l'image, à tel point que l'absence de musique crée une sensation d'écho dans la tête du spectateur. La vie enfantine est dépeinte comme la seule qui vaille, ces petits qui courent atténuent l'aridité du film. Car on est suffoqué par les contraintes des parents qui ont l'air de prisonniers volontaires de leur île, de leur eau au compte-gouttes (en dehors des soins aux enfants, les deux adultes à part un bain visiblement bienfaisant, une baffe et quelques larmes ont le boulot pour seul lien)... La perte d'un enfant passerait presque pour une délivrance face à pareil héritage. Tout en étant envoûtée par la beauté de l'ensemble et la tristesse qui s'en dégage (encore plus déchirant le fait que cette île soit proche d'Hiroshima), j'ai tout de même osé penser : joli cadre, jolis angles... Mais, dans les années soixante, que diable n'ont-ils créé un système de distribution d'eau plus malin que ces allées et venues incessantes afin de vivre peinards sur leur p... d'île ?
  • WITNESS (1984)
    Note : 16/20
    Vu le dvd en octobre 2008. C'est assez bien amorcé, dans une atmosphère ouatée, la musique de Maurice Jarre comme une sourdine permanente... Petit garçon judicieusement choisi, il a l'expression de ces gosses translucides, détendus, grands yeux étonnés, bouche entrouverte sur le monde, la peur les change en statue de sel... Donc, on marche, bien qu'il soit permis de douter que dans la réalité, on tienne compte de l'avis de ce gosse, émouvant ce jeune index pointé sur la photo de l'innommable avec cet adulte qui adhère... Le couple du flic américain et de la jeune veuve amish en coiffe est tout aussi captivant, réserve faite, là aussi, sur la guérison à coup de cataplasmes à base de lin... La communauté amish soudée entre austérité et bien-vivre face aux traquenards des industrialisés : encore un contraste riche de rebondissements. Ce père qui tend l'autre joue, tout plutôt que l'apport extérieur, les magouilles policières. Sûr que l'interprétation est pour beaucoup dans l'attrait général, mais il y a aussi une forme de suspense... L'accent est mis sur les différences culturelles, autant d'élans possibles mais vite réfrénés par les limites de la collectivité.
  • TOUT CE QUE TU VOUDRAS (2010)
    Note : 18/20
    Raffolé de "Tout ce que tu voudras" (Todo loque tu quieras) de Achero Manas, découvert au 21ème festival espagnol de Nantes 2011. L'introduction en accéléré peut décourager, elle s'avère en parfait contraste avec le reste de l'histoire, traité avec une irréprochable minutie. J'ai irrésistiblement pensé à l'Italien Kim Rossi Stuart dans "Libero" sur la mise à l'épreuve du père. Même rudesse, même tendresse, même panique, mais pas du tout le même remède. L'enfant effondrée fait peur à son père qui décide de la prendre au mot. Papa dans la peau de Maman ? Allons-y pour le rouge à lèvres ! Une pirouette pour parvenir à faire ensemble le deuil, attention à la bien-pensance... Le spectateur se demande où va mener ce transformisme amusant cinq minutes, peut déplorer que la deuxième maman disparaisse... Plans toujours somptueux à dominante sépia, dialogues, mise en scène, acteurs principaux et secondaires, tous magnifiques. De quoi débattre dans les milieux éducatifs !
  • DES PROJETS POUR DEMAIN (2010)
    Note : 19/20
    Cette merveille de Juana Macias passe au Katorza de Nantes à nouveau lundi 28 mars et dimanche 3 avril 2011 dans le cadre du 21ème festival espagnol. La musique d'introduction, d'une douceur laissant présager quelque sirupeuse histoire de jeunes préservés cède la place à d'importantes remises en cause adultes dont l'enfant subit les répercussions. L'une des séquences fait irrésistiblement penser à "Tous mes pères" de l'Allemand (ex-RDA) Jan Raiber. Constamment, Juana Macias varie les points de vue, enchaîne de manière fluide, toujours très agréable à l'image et au son. Mine de rien une série de chocs que la jeunesse encaisse de plein fouet ! Beaucoup d'émotion en dernière partie. Un rappel de notre précarité qui donne une furieuse envie de fidélité à soi-même !
  • EAUX SILENCIEUSES (2003)
    Note : 14/20
    "Eaux Silencieuses" ou "Khamosh Pani". Date de 2003 (prix festival Locarno). Projeté en v.o. au Festival des Trois Continents nantais en 2007. Sabiha Sumar, jeune cinéaste née à Karachi en 1961, alerte sur les retombées dont les femmes écopent lors de guerres décidées par des hommes. Comment une soudaine "partition" en 1947 fait des frères ennemis d'un groupement humain vivant en harmonie jusque-là : Musulmans et Sikhs (plus proche de nous dans le même genre de partage, songeons à l'ancienne Yougoslavie). Le pire est bien qu'il s'agit de populations certes conditionnées par des usages religieux, mais instruites, de pensée alerte, adeptes de l'entraide, capables d'affection mutuelle ! Or, côté femme, l'obscurantisme le plus total règne, à croire qu'elles sont le déversoir commode des haines, et hors de question de broncher, elles suivent les préceptes édictés par leurs geôliers ancestraux... Des enlèvements féminins ont eu lieu dans le camp adverse, viols, tortures, extermination (comme allant de soi !). On suit Ayesha, paisible survivante un jour repérée par son frère... Elle est vivante, c'est présenté comme une anomalie à corriger tout de suite ! ... Une traque de tous les instants, dont seul un geste désespéré est l'issue, car on suppose que toute fuite hors des murs est inimaginable. J'en ai encore d'occidentales et agnostiques suées...
  • WINTER'S BONE (2010)
    Note : 16/20
    L'extrême pauvreté 2010 aux Etats-Unis filmée à ras des situations, encore plus sordide que "Frozen river" mais avec la même démonstration de force vitale. On compatit et on admire cette petite de 17 ans qui lutte pour son bastion familial. Des prises de vue du Missouri désertique aux gros plans sur les visages, c'est une errance pleine de dignité, d'obstination juvénile à tout assumer sans broncher, avec des "gueules" à la limite de la caricature... La suite de visites lasserait sans la somptuosité à l'image et les jolis passages musicaux mêlés de bruitages virant presque au fantastique (excepté le banjo rappelant "Délivrance" à peine gratté, quelle erreur !). Soit, la jeune actrice incarnant la marginalité cachée serre le cœur, emporte l'adhésion inconditionnelle. Quoique la virée nocturne en barque, hum, difficile à croire... Et que de poisses à digérer pour le spectateur ! Certes, c'est quand même bien vu tout ça, mais j'avoue préférer les balades vers l'abîme total à un moment imprévisible, par exemple "Katalin Varga" (2009) ou "Des chiens dans la neige" (2007), films percutants aux acteurs et actrices tout aussi séduisants mais hélas sur lesquels on parie moins gros avant même la sortie du film.
  • LA VENDEUSE DE CIGARETTES DU MOSSELPROM (1924)
    Note : 17/20
    Passé un moment délicieux à visionner ce chef-d'œuvre illustrant le quotidien soviétique des années vingt (1924, mais ça ne fait pas poussiéreux du tout). En supposant que les salariés russes de ce temps-là jouissaient de vivre l'instant, boulot pour tous, si on est viré on trouve tout de suite une solution de rechange. Mais était-ce ainsi ?... Ou les crève-la-faim sont-ils cachés ?... En tous cas, on nage ici dans la bonne humeur. Tous les travers de l'homme de la rue passés au crible mine de rien, luttes de pouvoir sur fond d'obsessions sentimentales diversement menées : une grande ville à la belle saison, du mouvement, le sang se réchauffe. Les personnages se risquent, mais aux moments périlleux, repli dans le raisonnable. Techniquement facile à suivre, images et commentaires très clairs. De plus, une étonnante bande sonore, rajoutée lors de la restauration de l'ensemble et qui fait archi-contemporain : piano, guitares jazzy, balalaïka romantique, un délice plaqué sur la narration. C'est assez grouillant, mais nulle fatigue, au contraire... Remarquable petite marchande à képi (visage méridional plus que slave), sois remerciée des remous que tu crées... Des scènes croustillantes (le non fumeur qui étouffe), malice de ce clin d'oeil "est-ouest" (l'Américain fort de son paiement en dollars, la traduction à l'avantage de l'interprète amoureux). Comme facture générale et comme comique, c'est comparable à un autre bijou russe concernant une vendeuse de chapeaux...*** Deux cadeaux inestimables à faire en dvd à vos amis cinéphiles ! *** NDLR : "La jeune fille au carton à chapeau" de Boris Barnet
  • JEANNE DIELMAN, 23 QUAI DU COMMERCE, 1080 BRUXELLES (1975)
    Note : 17/20
    Vu au Cinématographe nantais en septembre 2008 : constitue une épreuve pour le spectateur, on ferait plus court aujourd'hui, surtout la première bobine. Comme l'entracte permet de souffler, la seconde partie passe vite, l'envoûtement gagne, quelque chose dans la mécanique pourrait donc apporter LA surprise ? Toute femme "élevée dans les traditions" va rire d'elle-même ou d'une de ses proches : car c'est un cours de maniaquerie qui incite à s'identifier en sortant à Jeanne l'austère, elle ne peut élever son esprit trop longtemps hors de ses tics d'intendante, mais enfourne ses cuillerées de soupe avec l'incorrigible sensualité de Delphine Seyrig ! Qu'est-ce à dire ?... Bruits de la maison bourgeoise (ascenseur, chaudière, large place au gaz, café qui passe, portes et interrupteurs, toutes choses à leur place attitrée, mais actionnées autant de fois qu'il le faut), va et vient du porte-bébé aux chaussons roses, cérémonial des habitués (cette soupière à billets !), tête à tête avec le fiston occupé à s'inventer un accent qu'il pense le fin du fin. Un humour décapant hante l'ensemble, les petits riens de l'existence sont mis à mal, mais rassurent d'une autre façon, pas comme ce Monsieur à moustaches qui persiste à rester allongé après l'heure... Il importe de bien se reposer avant la séance. A l'avantage de donner la fringale !
  • EUROPE 51 (1952)
    Note : 17/20
    Vu en version française (dommage !), ce film pose les questions cruciales que provoquent les coups du sort face au protocole et à son propre idéal dans une vie. Comment, en exil et après une guerre éprouvante, une femme goûtant à un peu de légèreté se retrouve comme punie d'avoir été moins attentive à son fils grandissant. Folle de douleur, la voilà qui s'ouvre au monde extérieur, prend des tangentes que les siens ne peuvent comprendre : écouter un communiste, aider des miséreux, assister les derniers instants d'une prostituée, ramener des enfants chez eux, dont cette délicieuse fillette qui l'embrasse. Nul divorce en Italie dans les années cinquante, on emploie les grands moyens. Le comble est que l'intéressée, devenue quelqu'un d'autre à force de se frotter à la misère, acquiert le détachement !
  • SINGULARITÉS D'UNE JEUNE FILLE BLONDE (2009)
    Note : 17/20
    Encore une pépite de Manoel de Oliveira, cinéaste centenaire maintenant (né en 1908 et toujours d'attaque !), dans ce film plus par son habileté que par l'histoire elle-même, un peu mince : un comptable sentimental, qu'on devine élevé en milieu strict, tombe en arrêt devant une fenêtre où une jeune beauté à l'éventail chinois paraît tandis que des cloches tintent... On se croirait chez Maupassant, l'emballement masculin rappelle aussi un autre film, "Dans la ville de Sylvia", les longueurs en moins puisque la projection dure une petite heure ici... Indéniable virtuosité, c'est foisonnant, délicat, l'humour reste sous-jacent, l'image a toujours un je ne sais quoi qui réchauffe, juste un brin d'austérité quand le jeune éperdu est viré par tonton. Visite (comme guidée) des intérieurs aristocrates, l'occasion d'un quart d'heure culturel (exactement comme dans "La lettre", cette adaptation de La Princesse de Clèves) du même auteur... La scène du train, pleine d'une fausse bonhomie, est astucieuse, on arrive au fait presque par surprise. Perce la fierté du peuple portugais vacciné par les privations connues sous Salazar = aide sociale nulle... L'oncle est impayable dans sa rudesse envers son jeune parent ! Seule déception peut-être, cette sensuelle blonde, aussi craquante soit-elle sous ses allures de star en devenir : ses singularités m'ont laissée sur ma faim, j'aurais préféré une autre manie que celle-là. Finalement, c'est le jeune homme qui est singulier.
  • L'ANGUILLE (1997)
    Note : 16/20
    Adapté d'une nouvelle et somptueusement mis en scène. Le Japon rural, avec cette nonchalance entre occupations terre-à-terre aux côtés d'une épouse et la pêche réservée aux hommes, de jour ou de nuit, rite immuable. L'eau toujours toute proche agirait-elle en purificatrice ?... Ce jeune égaré tue sa femme par coup de sang et se livre tout de suite après aux autorités (en fredonnant sur le trajet !) dans une logique qu'on doit payer pour ses bêtises, en porter le poids afin de renaître en s'aidant comme on peut, au besoin d'une anguille, comme un estropié d'une béquille. Tout au long du voyage - on s'évade très loin avec ce virtuose de la caméra - la question demeure : qui donc a écrit la lettre anonyme qui fit tout basculer ?... C'est POETIQUE (le symbole du poisson dans l'eau, celui d'un enfant à naître), COMIQUE (pas de l'oie des prisonniers, flamenco en territoire japonais, cérémonial du casse-croûte salué par un crapaud espiègle, tandis que le bonze avec son visage d'otarie affiche une bonhomie désopilante). C'est ESTHETIQUE, je pense au petit seau rose fluo assorti aux fleurettes, à la jeune suicidaire allongée dans l'herbe verte de verte, à ses pieds quand elle bondit de sa bicyclette, ou encore à l'ambiance du salon avec le petit garçon qui s'éclate...). Il y a aussi de la profondeur : l'indice PSYCHOLOGIQUE (mère dérangée) justifie bien le désespoir qui peut s'insinuer dans une jeune tête... Avec tout ça, c'est TERRIFIANT : la colère contre lui-même de cet incorrigible impulsif, et puis ces déchaînements de violence physique, celle du début, et les autres, collectives ! Atmosphère pittoresque dans cette reconversion de coiffeur assisté, et une forme d'oxygène inattendue sur la fin ! Déroutant mais délicieux.
  • UNE FEMME EN AFRIQUE (1985)
    Note : 15/20
    "L'Empty Quarter" : c'est ce grand désert aride au sud de l'Arabie Saoudite (pas de pluie, pas de sources, températures avoisinant les 45 degrés...) où, en décembre (période choisie par le cinéaste en 1985), le thermomètre descendrait parfois à 15 degrés. Un endroit mythique où emporter en jeep une jeune fille invitée à partager une chambre d'hôtel, au prix d'une libido exacerbée : qu'elle "craque" enfin. Ne plus jamais s'ennuyer sans référence à l'autre, être rassuré par la possession physique. Quelles que soient les répercussions, au moins voyager à deux et non plus tout seul. On sent bien l'expérience du photographe de presse, reporter dans le monde entier, qui s'est forgé une obsession à partir de chimères et sait qu'il va la digérer par le biais du cinéma. J'ai souffert de la superposition des dialogues, cette voix-off mâle sur le débit féminin, fort heureusement le dvd permet de revenir en arrière pour tout capter, y compris ces magnifiques plans sous la lumière rougeoyante ou dans la pénombre. Ai été un peu heurtée par la violence du monologue mâle, au plus près de ses pulsions. mais tout autant par la riposte de la belle, elle y va fort... Il reste une part d'insolite, le cinéaste et sa monteuse (Franssou Prenant), fervents globe-trotters dans la vie, créent quelques énigmes, comprend qui peut. Mais j'ai bien voyagé, les images (cette lumière !), les atmosphères africaines diverses, et ce besoin d'amour de chacun doublé de la terreur de dépendre, tout ce travail d'orfèvre de la caméra, rachètent LE GRAND ABSENT sur l'écran, en tous cas pour la femme que je suis et qui aime également se rincer l'œil et le cœur au cinéma : un personnage masculin INCARNE...
  • L'ENFER (1964)
    Note : 16/20
    Une bonne note... académique. Car en réalisant les souffrances subies par l'équipe entière (Reggiani en particulier !), le résultat se veut avant tout instructif, cela escamote l'impression malsaine d'ensemble, on est venu visiter les coulisses de cette œuvre "post-mortem" jusque-là inédite, on se sent donc vaguement intrus. Brillant toutefois, l'aspect technique sidère, tant de recherches, tant de sophistication, tant d'argent investi pour finir à la trappe ! La personnalité de Clouzot fait irrésistiblement penser à un autre hyperactif tout aussi irascible... La reconstitution est inégale, les rajouts, bien exécutés pourtant, donnent dans l'application. Bref, l'émotion reste en rade, si bien qu'on compatit pour tous sauf le cinéaste. Romy Schneider (encore très "Sissi" à l'époque) et Dany Carel dans leur flamboyante sensualité, avec tout le côté "starlettes en maillot de bain" des années cinquante soixante. On écoute bien les témoignages récents de Costa-Gavras et autres pointures. Sûr que l'ensemble vaut quelque chose. Mais à cause du transfert de vieille déprime que le cinéaste plaque sur son monde jusqu'à y perdre la boule, l'ensemble finit par faire train fantôme extirpé de la naphtaline : il donne une folle envie de revoir Romy Schneider dans ce qu'elle tourna ensuite.
  • EUREKA (2000)
    Note : 17/20
    17/20 si on découvre ce film en deux fois afin d'éviter la fatigue qu'immanquablement 3h37 occasionnent. Mais 16/20 si je l'avais vu au cinéma d'un seul tenant, il y a une limite à la tension nerveuse sur pareil sujet... Dommage en effet que le très créatif cinéaste Aoyama Shinji et son excellentissime chef opérateur Tamura Masaki, éreintent ainsi par leur entêtement à repousser toujours aux fins fonds... le fin mot : je reste convaincue qu'ils pouvaient en suggérer autant en écourtant bon nombre de plans, aussi magnifiques soient-ils... A part ce côté "supplice", c'est une merveille de subtilité, et qui tient aussi du western, donc en même temps, un divertissement, moyennant quelques précautions vis-à-vis des enfants peut-être... Quoique ce soit un médicament pour les grands traumatisés en général, et peu importe leur âge. Comme les oeuvres d'art sans prix, on est remué, agacé, envoûté, on en reste baba longtemps après la projection. Toutes les facettes de la condition humaine défilent sous nos yeux et pour la postérité, enfin, on a l'impression d'avoir été bien décortiqué. Interprétation sans faille, c'est aussi une analyse de la toux d'irritation, ce révélateur que quelque chose coince... L'achat du dvd est un placement assuré sur le long terme, à visionner comme un feuilleton, en plusieurs soirées au besoin.
  • LES CHEMINS DE SAN DIEGO (2006)
    Note : 15/20
    Si vous avez apprécié "Historias Minimas" et "Bombon el Perro", courez voir cette nouvelle perle argentine (en v.o. pour en apprécier le charme), tout réside dans cette façon faussement anodine, de masquer la détresse matérielle en affichant une volonté de s'en arranger, tant qu'à faire avec un large sourire. Le héros, Tati, désire se surpasser une bonne fois dans sa vie trop prévisible, en vénérant sans effort un footballeur comme d'autres la Vierge, ou bien les deux... Bien entendu, "il y a loin de la coupe aux lèvres", mais malgré quelques longueurs, le film accroche par sa poésie, la fraternité sans détours de cette population de rescapés argentins, souvenez-vous que le grand Capital leur a fait le plus sale coup qui soit... L'icône Maradona aide à espérer en l'être humain, apporte au quotidien ce petit grain de folie indispensable... L'art de Carlos Sorin est bien de réussir à entraîner son public dans le sillage d'un genre de magicien des temps modernes, bien plus réaliste que l'apparence qu'il donne.
  • LA MÔME (2006)
    Note : 12/20
    Dommage que l'auteur se soit autant focalisé sur l'aspect dépressif de la dame. D'où ce côté "tire-larmes" pour vieilles dévoreuses de romans photos. Je suis sortie de la salle lessivée, au secours, les biographies laissent un tout autre sentiment !... Ces allers-retours en désordre dans la chronologie, harassants... La caméra sur les derniers instants, presque en temps réel, indispensable ?... L'apprentissage du chant (on a surtout la gestuelle), ce "coffre" qui donne la chair de poule, tout cela est présenté comme inné, on peut tout de même en douter ! Marion Cotillard investie à fond dans le rôle, reste l'attrait incontestable du film, un grand classique franchouillard, sans plus.
  • SURVIVRE AVEC LES LOUPS (2007)
    Note : 13/20
    En sortant de cette histoire, un grand désir de revisionner "L'enfant sauvage" de François Truffaut... Qu'on ait enfin devant soi un exemple authentique de gosse survivant de la nature, pas de gros effets, pas d'épanchements geignards, pas de caméra appuyant les scènes comme pour les enfoncer dans la tête des spectateurs. Et pourtant, il y avait matière à émouvoir, précisément, c'est cela qui fait défaut. Véra Belmont en fait des tonnes sur le périple de cette fuite de l'homme à force de souffrances... Malgré le plaisir de voir Bedos acteur en résistant paisible mais ne perdant pas les pédales, malgré le mérite indéniable d'avoir mis des chiens et des loups en mouvement, le jeu très juste de la sévère Anne-Marie Philippe (la fille de Gérard) en notable tête à claques... Ainsi que les parents évaporés, avec cette fillette dont le destin bascule d'un seul coup. D'entrée de jeu, le je ne sais quoi qui embarque n'y est pas, ça patine, le décor, très soigné, bien filmé, la musique d'Emilie Simon en arrière-plan bien adaptée, la rencontre enfantine en Pologne marquante, les sauveurs d'un jour en Ukraine (et malgré ce slave magnifique prénommé comme la demoiselle), hé bien, ça coince tout le temps, et je le déplore... Resterait à découvrir le livre, puisqu'il paraît que c'est inspiré d'une histoire vraie. Mais pourquoi diable dans cette ambiance semi-réaliste, se sent-on à moitié dans un conte, à moitié dans une farce, avec cette petite répondant aux "ouh-ouh" des loups durant des minutes qui pouvaient être remplies d'autres considérations ?
  • LE SEPTIEME CONTINENT (1988)
    Note : 18/20
    Même frayeur, même écarquillement d'yeux que pour Je veux vivre, de Robert Wise (1958) sur la peine de mort... Mais c'est tellement bien fait, Haneke sait doser les effets de son histoire inspirée d'un fait réel, on est embarqué dans ce qu'on pressent comme une secousse à retardement. Ambiance pesante, mais la nourriture comme l'amour (même maladroit) sont présents, il s'agit d'un milieu réservé, où le stoïcisme est la vertu première, lenteur à la détente, avarice de mots, on espère donc un compromis en cours de route... Ah, cette voiture et ses occupants passés et repassés au lavage, cet écran noir comme une intercalaire insérée, les mûles rouges enfilées par la maîtresse de maison. L'intrigue commence par cette fillette qui entend tout et s'adapte, en droit fil de l'éducation reçue... Tout est bien cadré par le réalisateur, une mécanique de précision appuyant les quelques détails annonciateurs. En même temps, on découvre des larmes réprimées, des mouvements de tendresse (apothéose dans la voiture, la douleur formulée par les gestes). On admet que laisser le passé est difficile, que l'Australie mérite sans doute cet effort, parce qu'on la voit par moments, l'Australie du rêve, vagues en mouvement et ciel orangé... Mais à partir de ces poissons hors de leur aquarium, suivis des billets de banque déchirés, qu'une châsse d'eau emporte, l'inquiétude envahit, amorcée par cette curieuse lettre d'un fils à ses vieux parents. Devant la télé familiale égrenant ses chanteurs d'Eurovision, l'amère potion pour la petite fille en direct vers l'Eden... Ses parents dosent et re-dosent, certains bruits de fond (Ô combien suggestifs !) restent tournicoter dans l'oreille longtemps après visionnage du dvd.
  • LA DERNIÈRE MARCHE (1995)
    Note : 16/20
    Ce film date de 1995, les mentalités évoluent, on serait presque obligé de se prononcer pour ou contre la peine de mort en 2008 avec l'aggravation des délits ajoutée au renforcement de leur exposition médiatique. Tim Robbins décrit les deux aspects du meurtre crapuleux. On y baigne sans ambiguïté, on peut même dire "sans pitié", comme si on était juré au procès : au lieu de prendre parti contre la barbarie d'une exécution organisée (la peine de mort sévissant majoritairement aux Etats-Unis), une part d'ombre invite à la clémence et puis s'évapore : attention, folie latente chez tout être humain (idem la religieuse si l'on en juge par le témoignage maternel). C'est par la bouche du condamné que le cinéaste évoque la suppression du châtiment ultime (cet "oeil pour oeil" au profit de "perpète"). Mais jamais question de soins !... Susan Sarandon et Sean Penn incarnent le couple platonique au bord du goufre, en ange et démon réconciliés : elle reflète aussi, par son visage lumineux, quasi virginal, tous les états d'âme par lesquels passe le spectateur face au dérapage... Un seul reproche peut-être : le parallèle faute/punition des dernières images, qui en remet une couche, à la limite de la complaisance...En complément, il existe sur la peine de mort en Amérique du Nord, un long-métrage noir et blanc de 1958, beaucoup moins "téléphoné", qui marque pourtant le spectateur au fer rouge : "I want to live" ("Je veux vivre") de Robert Wise.
  • AMOUR (2012)
    Note : 13/20
    Grand battage médiatique, des distinctions de toutes parts. Voilà qui force le respect. On se délecte de l'introduction, le concert, ces deux vieilles charentaises entre lesquelles on se demande ce que l'enfant en commun vient faire (Isabelle Huppert). L'idée de charger son partenaire en rejetant tout relais, qu'il s'use de son plein gré surtout, jette un premier froid. L'indéfectible tandem à hommages réguliers a de curieuses façons de concevoir l'amour humain... Tout à fait dans le fatalisme actuel, saccage des services publics, la santé incluse, les populations prennent en charge leurs maux, l'approche de la mort à distance du business. Comme la respectabilité commande de laver son linge sale en famille, on traite "le négatif" en vase clos. De là à congédier l'aide extérieure avec perte et fracas... Ils ont pourtant les moyens, ces deux bourgeois pétris d'habitudes, de se payer des auxiliaires de vie (qui ne sont pas tous ou toutes des brutes ou des souillons !). Que la dame s'oublie au lever n'est pas le plus grave non plus dans l'histoire. Les défaillances du corps qui se déglingue sont compensées par des tours de fauteuil roulant, humour bienvenu... C'est quand la parole devient grognement, avec cette démonstration très appuyée qui donne envie de dire au mari, "fais-toi aider mon vieux quoi qu'elle t'ait dit, ménage tes forces" qu'on commence à comprendre le côté "collet monté" de ce couple... Trop imprégnée de "la chanson des vieux amants" de Brel le long de leur cheminement très touchant du départ, les voir se combattre comme deux ados, c'est un peu trop... On souhaite que le rescapé se reprenne afin que l'Autre Rive soit libératrice et pour lui et pour elle... Vains dieux, si après toute une vie côte-à-côte c'est cela l'amour !... J'y vois plutôt l'austérité obsessionnelle de Haneke, son image de la famille-bastion dont nul n'a le double de clé. Malgré la performance d'acteurs, ce ménage qui semble traverser sa première épreuve existentielle m'a fait penser aux pires séquences du "Septième Continent". Sur la fin de vie nous disposons heureusement de deux films récents aussi réalistes mais avec une philosophie autrement plus partageable : "Quelques heures de printemps" et "Le sens de l'âge", certes moins tapageurs.
  • THE CONSTANT GARDENER (2005)
    Note : 15/20
    Vu en salle en 2005 : ressortie assommée, saturée d'images. Mieux apprécié sur dvd en janvier 2009, moyennant quelques pauses. Le jardinier arrosant ses plantes lors de la terrible nouvelle déchire le coeur, et il y a comme ça, dans cette oeuvre, des minutes intenses assorties de silences ou de dialogues bien sentis. Le cynisme des labos pharmaceutiques "faisant leur beurre" sur le dos des l'Afrique serait en dessous de la réalité ?... Hormis quelques frémissements de révolte, les lobbies pharmaceutiques bénéficient toujours de l'impunité à l'heure qu'il est... Héroïque de divulguer cet aspect du bouquin de John Le Carré par le biais du cinéma, dans un constant déluge de prises de vue d'un esthétisme indéniable. Domage qu'on s'enlise dans les différents constats, à chaque fois nos yeux pour pleurer... Je revois cette jeune noire qui court parce qu'elle n'a pas eu le droit de rester dans l'avion même moyennant finances, scène déchirante, encore plus quand on pense que l'Afrique serait le berceau de l'humanité... Rappel que de petits innocents crèvent comme des mouches malgré le secours de quelques bonnes âmes de par le monde (enfin, quand l'aide parvient au destinataire). Scandale médicamenteux ajouté à la famine, aux pressions communautaires qui installent dans l'ignorance, ça fait beaucoup asséné au spectateur, sans aucun espoir de mieux... Stérilisation des mères multipares africaines ? Implication masculine dans la limitation des naissances ? Reste à nous arracher les cheveux de désespoir car tout cela est tabou. Dans ce film, l'intrigue amoureuse offre le seul ancrage, des adultères supposés, surexposés... Finalement, les seconds rôles sont mieux incorporés à la narration. En résumé, un pan de l'actualité africaine désolant, et mille détours avant le mot de la fin auquel on n'osait plus croire tant c'est enchevêtré. Techniquement, toujours très haut de gamme si on supporte les avalanches picturales.
  • PANDORA'S BOX (2009)
    Note : 13/20
    Ce film, projeté au Festival des 3 Continents nantais est ce que j'appellerais "une jolie arnaque". Affiche alléchante avec cette guitare incitant à chanter ensemble. Interprètes attirants. Deux jeunes Japonaises d'autant plus superbes qu'elles rivalisent de pouvoir auprès de grands malades. L'action a beau se dérouler dans un sanatorium, entre vie et mort donc, avec ce rappel de la mythologie gréco-romaine de "La boîte de Pandore", ni plus ni moins "le fruit défendu", la manière dont c'est traité pèche par trop de minauderie pour ne rien avoir au bout de son hameçon si ce n'est le vide. Bien filmé, romantique, de bons moments même, mais "tuant" (un petit nombre a cependant applaudi, séduit par la beauté picturale, le côté gentillet des intrigues, ou attendri parce qu'il s'agit de pauvres abandonnés se raccrochant à la vie ?)... Bien trop plat par rapport à la présentation accrocheuse !
  • SEX IS NO LAUGHING MATTER (2007)
    Note : 16/20
    En compétition au Festival des 3 Continents nantais de 2009. "Ne riez pas de ma romance" prévient pudiquement l'introduction... Une romance finement déroulée, avec ce talent pictural propre aux cinéastes asiatiques. Une liaison entre une enseignante et un grand dadais d'élève, coup de cœur peu encouragé par l'entourage mais sans scandale judiciaire... La prof de litho qui a 39 ans, mariée à "un brave vieux" qui la sécurise, en paraît 20, d'où son penchant à se rapprocher du grand jeune homme qui lui court après on ne peut plus ouvertement. C'est proche des atermoiements de Rohmer : désir impérieux, feu d'artifice, l'un veut continuer, l'autre s'esquive... Attention, il faut quand même tenir (2h17 en tout !) entre allers-retours, une reprise, des ratés... Pour peu que la proie s'éloigne, cette manie qu'on a jeune, de transformer une liaison sans avenir en chimère lancinante alors qu'à portée de main une timide concurrente languit... Iguchi Nami décrit bien la souffrance sentimentale du jeune fougueux loin d'imaginer son revers de médaille : la bobo vacataire de l'enseignement, artiste exposante aussi, tellement à l'aise dans sa peau, un jour ici, un peu plus tard en Inde, toujours mariée... Par deux fois, on voit ce coin d'école surélevé loin des regards des copains, où Mirune vient observer, ruminer aussi. L'émotion est de la partie, on voudrait aider ce grand enfant que notre chienne de vie abîme de ses crocs !
  • ORLY (2009)
    Note : 16/20
    Découvert au Cycle Univerciné allemand de novembre 2010 à Nantes. Des temps forts, beaucoup de soin à filmer les personnages en contradiction entre paroles et gestes, comme fréquemment dans la vie. C'est, avec la virtuosité globale, le point fort de ce film insolite, tout juste décryptable par moments (la lettre...), à la limite d'agacer (le récit de la jeune traveller). On admire le talent évident à filmer, on est intrigué mais guère étonné de l'incident qui balaie les va et vient et laisse songeur... Drôle d'idée, qui casse la fausse torpeur de l'ensemble (on s'y était fait !) d'avoir ajouté cette dernière scène rapide comme l'éclair. En tablant un peu trop facilement sur l'ambiguïté, elle déprécie tout le reste et invite à embarquer mentalement pour un autre aéroport d'Orly : le percutant "Stand-by" avec Dominique Blanc, Prix Cyril Collard et César de la meilleure actrice en 2000.
  • CLÉO DE 5 À 7 (1961)
    Louise Ventriloque à Nicolas Brun, le 7 mai 2007 : merci pour ces remarques éclairantes. Permettez toutefois que nous gardions chacun notre manière de percevoir le rythme d'Agnès Varda. En l'occurrence, vous semblez avoir connu la lévitation, tant mieux pour vous !
  • SUE PERDUE DANS MANHATTAN (1997)
    Note : 18/20
    Sue représente justement ce qu'une femme redoute, à juste titre d'ailleurs si elle a une carence affective prononcée, un traumatisme de l'enfance et qui resterait inexpliqué. De quoi perdre tous ses repères et se saboter constamment. J'avais du mal à revoir ce film en dvd, ayant interprété les dernières images la première fois comme la fin de tout) : en fait, on ne sait pas vraiment le fin mot, tout en s'empressant de repartir sur la pointe des pieds dans notre home bien douillet... Car Sue qu'on trouve d'abord un peu p..., finit, au fil des épreuves qu'elle traverse, par conquérir le spectateur. Le plus étonnant dans le personnage est l'absence de peur, plutôt un fatalisme empreint de tristesse. Ambiguë,"borderline" sans concessions mais aussi le coeur sur la main, avec toujours ce non-dit qui semble un appel au secours. Pâle et grêle, avec un visage d'enfant extra-lucide et des cheveux d'ange (l'actrice est rendue physiquement très attachante par le réalisateur au fil de l'action). Après avoir éclaté en sanglots parce que tout s'écroule autour d'elle (il faudrait la perfection au stade d'exigence où elle est rendue), la voilà sans cesse repartie dehors, look toujours "très star" pour tenter de parler à défaut de coucher, ou bien les deux... On a tous un peu de "Sue" en nous à bien y regarder, mais en général on s'est domestiqué à force, elle fait partie de ces caractères qui continuent à croire au Père Noël.
  • UNE GUERRE (2009)
    Note : 19/20
    Très justement primé au Cycle Univerciné Russe de Nantes 2010. J'ai aimé le silence de la salle, le fait que chacun(e) "succombe", vaincu(e) par la démonstration... Sujet délicat en ces temps où le patriotisme reprend du galon... Vera Glagoleva tient dur comme fer à rappeler ce moment d'histoire. L'équipe professionnelle aurait bravé froid, glace (eau à dix degrés) et autres incommodités de tournage, dont les soucis financiers ! Mais la motivation devrait être payée de retour puisque ce film est primé partout où il passe... Toujours magique de voir les mères s'affairant autour de leurs enfants, encore davantage quand les hommes chargés de l'ordre oscillent entre instinct et devoir... La subtilité de l'opérateur, jouant entre ciel et eau fait songer à une autre merveille russe "Le retour" datant de 2003, même manière de se placer à mille lieues des acteurs quand l'émotion est à son comble, en usant du flou, intensité émotionnelle garantie ! Autre effet d'une grande efficacité, ce soudain "zoom" sur la fillette, jusque-là à peine survolée dans le groupe d'enfants... Certes un peu lente à se dévider comme beaucoup de productions russes, mais l'issue fait ensuite louer les péripéties... On mesure mieux comment "trahir la patrie" se décline. Que l'amour spontané (au même titre que la haine) existent (n'oublions pas que les jeunesses hitlériennes auraient été enrôlées par la force !). Que rapacité et grandeur d'âme se côtoient dans le danger... Que là où la vie tient à un fil, lorsque la faim commande, la sienne et celle des enfants autour de soi, bien malin qui reste coincé dans sa logique guerrière. Avant le film, une spectatrice s'avance : "de toute façon, on ne peut aimer ni ces mères, ni ces enfants-là". Ah bon ?...
  • MIFUNE DOGME III (1999)
    Note : 18/20
    Drôle d'idée de coller au "Dogme 95" du cinéma danois jusqu'à en estampiller le titre ! Sinon, c'est très plaisant à suivre, cette ébauche de famille champêtre... grâce à un mort ! Bien aimé ce faux-stoïcisme pour amener pas à pas un bonheur qu'on croirait inimaginable. Cette photo adoucie de la blondeur nordique qui gaffe, s'ébroue, pour finalement se rendre, bénéficie de dialogues qui changent de ce qu'on entend habituellement, avec des fous rires auxquels on adhère d'office. Le handicap sous l'angle de la familiarité comme dans "Rainman"... Et il y a quand même quelques baffes bien envoyées ! Mention spéciale pour les hurlements de la régulière qui ne peuvent qu'augurer de la suite, on le sait avant Kresten, que ça va déjanter... Bien sûr, on pense aussi à "Festen" dans la façon de filmer, cette forme de gravité sous le quotidien trop sordide... En tous cas, si "Mifune" n'est pas un chef-d'œuvre tant il est trivial, c'est toujours mille fois plus stimulant que n'importe quel Lars Von Trier !
Notes de L.Ventriloque
(par valeur décroissante)
FilmNote
DIVORCE A L'ITALIENNE (1961) 20
INDISCRETIONS (1940) 19
ECRIT SUR DU VENT (1956) 19
UNE GUERRE (2009) 19
LES CHEVEUX D'OR (1926) 19
LA MORT AUX TROUSSES (1959) 19
DES PROJETS POUR DEMAIN (2010) 19
LES GENS DE LA PLUIE (1969) 18
LE FLEUVE (1951) 18
MIFUNE DOGME III (1999) 18
L'AURORE (1927) 18
LE LIMIER (1972) 18
LES BOURREAUX MEURENT AUSSI (1942) 18
LE CHARLATAN (1947) 18
SUE PERDUE DANS MANHATTAN (1997) 18
LE SEPTIEME CONTINENT (1988) 18
TOUT CE QUE TU VOUDRAS (2010) 18
EUROPE 51 (1952) 17
L'ILE NUE (1960) 17
LA FUREUR DE VIVRE (1955) 17
LA VENDEUSE DE CIGARETTES DU MOSSELPROM (1924) 17
JEANNE DIELMAN, 23 QUAI DU COMMERCE, 1080 BRUXELLES (1975) 17
EUREKA (2000) 17
LES INNOCENTS (1961) 17
LE BATEAU D'ÉMILE (1961) 17
LE CIEL PEUT ATTENDRE (1943) 17
DUEL AU SOLEIL (1946) 17
SINGULARITÉS D'UNE JEUNE FILLE BLONDE (2009) 17
L'ARGENT DE LA VIEILLE (1972) 17
COMME UN TORRENT (1959) 17
L'HONORABLE CATHERINE (1942) 16
L'ANGUILLE (1997) 16
LA DERNIÈRE MARCHE (1995) 16
LE CAVE SE REBIFFE (1961) 16
SEX IS NO LAUGHING MATTER (2007) 16
ORLY (2009) 16
WINTER'S BONE (2010) 16
L'ENFER (1964) 16
WITNESS (1984) 16
LES CHEMINS DE SAN DIEGO (2006) 15
UNE FEMME EN AFRIQUE (1985) 15
THE CONSTANT GARDENER (2005) 15
EAUX SILENCIEUSES (2003) 14
LE GENTLEMAN D'EPSOM (1962) 14
SURVIVRE AVEC LES LOUPS (2007) 13
PANDORA'S BOX (2009) 13
AMOUR (2012) 13
CLÉO DE 5 À 7 (1961) 12
LA MÔME (2006) 12