Même frayeur, même écarquillement d'yeux que pour
Je veux vivre, de Robert Wise (1958) sur la peine de mort... Mais c'est tellement bien fait, Haneke sait doser les effets de son histoire inspirée d'un fait réel, on est embarqué dans ce qu'on pressent comme une secousse à retardement. Ambiance pesante, mais la nourriture comme l'amour (même maladroit) sont présents, il s'agit d'un milieu réservé, où le stoïcisme est la vertu première, lenteur à la détente, avarice de mots, on espère donc un compromis en cours de route... Ah, cette voiture et ses occupants passés et repassés au lavage, cet écran noir comme une intercalaire insérée, les mûles rouges enfilées par la maîtresse de maison. L'intrigue commence par cette fillette qui entend tout et s'adapte, en droit fil de l'éducation reçue... Tout est bien cadré par le réalisateur, une mécanique de précision appuyant les quelques détails annonciateurs. En même temps, on découvre des larmes réprimées, des mouvements de tendresse (apothéose dans la voiture, la douleur formulée par les gestes). On admet que laisser le passé est difficile, que l'Australie mérite sans doute cet effort, parce qu'on la voit par moments, l'Australie du rêve, vagues en mouvement et ciel orangé... Mais à partir de ces poissons hors de leur aquarium, suivis des billets de banque déchirés, qu'une châsse d'eau emporte, l'inquiétude envahit, amorcée par cette curieuse lettre d'un fils à ses vieux parents. Devant la télé familiale égrenant ses chanteurs d'Eurovision, l'amère potion pour la petite fille en direct vers l'Eden... Ses parents dosent et re-dosent, certains bruits de fond (Ô combien suggestifs !) restent tournicoter dans l'oreille longtemps après visionnage du dvd.