Critique(s)/Commentaire(s) de JIPI

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  • COEURS BRULES (1930)
    Marlène n’a rarement été aussi belle que dans ce film où Gary Cooper n'en finit pas de se déplier et de raser de la pointe de ses cheveux, sous nos regards effrayés, le haut des chambranles. Ah ! Il l'aime Josef, sa belle et il le montre en lui offrant le secret des dominations et des dépendances gravitationnelles entre hommes et femmes.Une virilité féminine s'affirme sous un chapeau claque choisissant ses futures proies dans une froideur presque indélébile.La Sublime, malgré ses crises de dominances, est touchée par Eros, parachutant son propre clone, un légionnaire sans repères durables, préférant les frivolités de la taverne et l'indécis des combats au repos du guerrier.En entretenant perpétuellement une liberté, la belle montre soudain un besoin de soumission inassouvi, en contemplant chez l'autre les inconvénients de son propre reflet.La belle se voit au miroir, devient blessée en visualisant ses propres concepts d'indifférences, elle subit à son tour les leçons de tous les désagréments d'un désintérêt.La froideur des sentiments se renvoie sa propre image.Pas grand-chose d'autre à dire sur ce film daté, sauf la prestigieuse scène finale montrant une convertie se soumettant pieds nus au devenir de son homme, en le suivant au pas sur la braise d'un sable lumineux dans des roulements de tambours sans musiques. Quel final !
  • POULET AU VINAIGRE (1984)
    Tout est calme, reposant. La parole est calibrée, jamais abondante. L'image esthétique et sobre. Tous ces composants réunis permettent de passer un agréable moment en compagnie de personnages automatisés par leurs lenteurs d’exécution, dans un opus concept, froid, d'une langueur vengeresse et paisible. Une nouvelle manière de montrer de l'action sans action avec un redresseur de tort new look complètement inerte.. Si l'on accepte d'être managé au pas, l’œuvre a du charme.
  • GATSBY LE MAGNIFIQUE (2013)
    "Les jeunes filles riches n'épousent pas de garçons pauvres". Gatsby, concept mélancolique dissimulé dans l'apparat, illumine son désarroi dans les peintures vives d'une fête pratiquement ininterrompue. Une fracture émotionnelle indélébile, dissimulée dans l'utilisation sans retenue de consommables luxueux, acquis dans l'air d'un temps offert à tous les audacieux. L'homme de près ou de loin s'enivre de ses restaurations incessantes de couleurs pudiques ou chargées, toiles de fond festives d'une jet set sans profondeur tutoyant l'infini déjantée d'un comportement sans limites. Gatsby, esprit quelconque sans envergures, affaibli par une blessure sentimentale, se sert comme une fronde de cette anomalie pour se construire par le monde des affaires, catapulteur d'un paraître revanchard ressuscitant un moribond sans le sou, aux yeux de sa belle. Le chemin menant de la pauvreté vers la richesse transporte un amoureux éconduit de l'anonymat vers les sommets d'un pouvoir, à la base non désiré, puis visité jusqu'à l'ivresse. Un état indispensable pour renaitre, sans pour autant cicatriser un impact vif toujours présent. Le manque d'intérêt total envers un esprit n'ayant aucune valeur dans le plus simple appareil, forcé de s'inventer un personnage pour plaire.
  • INTOUCHABLES (2011)
    "Qu'est-ce qu'optimisme ? disait Cacambo. - Hélas ! dit Candide, c'est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal." Il n'y a que deux manières de percevoir le monde. Soit à l'aide d'outils ancestraux permettant d'entretenir les fantasmes les plus fous, en se grisant de musique, de poésie ou de peinture, sans aucune envie de rapatrier ses visions dans la réalité. Ou bien de l'affronter faute de protection au plus bas niveau, non tel qu'il est, mais tel que sa condition sociale le dévoile, en tentant de s'y intégrer par ses propres méthodes, tout en gardant au fond de soi une parcelle de bonté, prête à surgir. D'un coté un immobilisme forcé, indifférent et bourgeois dans un enfermement bling bling hyper encadré, contenant une meute de serviteurs robotisés et de l'autre un mouvement à l'air libre, délirant, démuni, hors du temps, spontané et désordonné sur des sites lugubres, appauvris, surbookés au bord de la rupture. "Intouchables" est l'élaboration d'une base de données commune contenant le tout et son inverse. Un échange d'informations sur les deux uniques concepts contradictoires d'un pays ne fonctionnant plus que par ses extrémités. Le riche et le pauvre décident enfin de faire connaissance et de fusionner leurs différences dans la joie et la bonne humeur. Ce n'est plus Vivaldi contre Earth Wind and Fire, mais Vivaldi et Earth Wind and Fire, dans de belles échappées vivifiantes, uniquement formatées par l'envie de s'éclater sans se poser de questions. Une double initiation amusante et décalée s'élabore entre un cloisonné désireux, après quelques réticences, d'ouvrir les yeux sur le monde tel qu'il est et non tel qu'il le perçoit, et un exclu aux méthodes expéditives mais persuasives, parachuté dans les beaux quartiers, se divertissant de toute une machinerie luxueuse considérée comme un jouet. "Intouchables" est la première pierre de l'édifice social du futur, consistant à réunir l'alpha et l'oméga de nos sociétés, dans une réelle envie de se connaître et de se divertir, sans savoir d'où l'on vient, mais uniquement ou l'on va ensemble.
  • THE GAME (1997)
    "J'étais aveugle autrefois mais aujourd'hui j'y vois". Le contact quotidien d'un environnement affairiste, servile, procédurier et sans âme entretient le désœuvrement d'un nanti assailli par un traumatisme d'enfant, ne percevant plus l'autre que comme une ressource de profit ou d'encadrement domestique. Se projeter dans un contexte inconnu, imprévisible et dangereux, propulse un indifférent vers une reconstruction de soi. Une récupération thématique virulente, s'acharnant sur un individu austère et solitaire, afin de le reformater en lui inculquant le mystère, la soudaineté et la peur. La restauration d'un éclairage oublié, offert par un proche attristé de visionner un tel détachement, conduira un cousin pas si éloigné du citoyen Kane, de l'aisance à l'immondice, en passant par la crasse et la poussière, vers la reconquête de vibrations communes oubliées.
  • INDIGÈNES (2006)
    "Ce ne sont ni des indigènes, ni des musulmans, ce sont des hommes tout simplement". L’incorporation dans une machine de guerre s’exécute sans contraintes, presque naturellement pour ces inondés de soleil, préservés temporairement d’une température en chute libre qu’un Nord lointain encore absent, s’apprête à leur délivrer. Seule la mère perçoit le danger de perdre un fils. Sur le front, le premier choc est brutal pour ces inexpérimentés, décontenancés par le contact d’un feu nourri. Le gradé en rajoute dans la froideur d’un commandement observé de loin à la jumelle, par un état-major situé au delà des limites de tir. La différence est perçue dans l’attribution des récompenses où les quotas ne tiennent pas compte de l’action d’éclat du Berbère. Le froid vosgien s’acharne sur ses déracinés, tentant de comprendre une religion représentant un homme en croix. Comme bien souvent la femme est le seul réconfort. Privée de discriminations, elle console, câline cet Africain en uniforme, de passage, lui promettant de revenir, malgré les contraintes relationnelles imposées par ses croyances. La gratitude d’une délivrance est offerte par les applaudissements de quelques civils, uniques pépites, occultant l’ignorance d’une armée surgissant le combat terminé, à la limite du racisme, ne pensant qu’a récupérer de la chair à canon, représenté par un unique survivant libérateur, privé de chef, héroïque jusqu’au dernier affrontement, voyant ses frères terrorisés tomber les uns après les autres. "Indigènes" est avant la rude école de l’assimilation, de perceptions inconnues par un continent satisfait de son immobilisme. Les mœurs françaises sont ambiguës, sélectives, elles déroutent un esprit tribal, ancestral, simple, chaleureux aimant un maître plus par bonté que par servitude, préférant conserver un état analphabète, consolidant l’entretien d’un esprit naturel, ne raisonnant que par la chaleur d’un accueil véridique et spontané. Le système militaire, procédurier par ses brimades mêlés de quelques apaisements, libère une autonomie revancharde, bestiale, peureuse, régie par un instinct de conservation désordonné dans un épilogue septentrional glacial. Le Berbère tombe aux grands froids dans un pays inconnu, aimé sincèrement de la plus belle des manières, une naïveté que le métropolitain avide de définitions à dilué dans sa discrimination.
  • KING KONG (2005)
    A travers la perception des trois versions de King Kong, il est indéniable de constater qu'il s'est passé quelque chose. Anne Darrow (Fay Wray) est le calque d'une héroïne ancrée dans les normes d'un nationalisme bien pensant. Malgré la crise, les esprits sont positionnés dans des règles strictes, relationnelles, un visage blême, des cris stridents et une parole close sont les portes paroles de la sélection. En ces temps, il n'y a aucun moyen de communiquer avec ce qui est différent. King Kong effraie, il est la perception sensible, malgré son isolement d'un tiers-monde gigantesque aux mêmes exigences universelles : S s'intégrer par la puissance de sentiments offerts et demandés. La sanction en ces années 30 est irrévocable, c'est impossible et on le paie cher. A travers l'élimination de la bête c'est le constat d'une société. Dwan (Jessica Lang) parachutée en pleine crise pétrolière, est plus sensible, moins effrayée, elle ébauche quelques phrases du genre "Nous deux ça, peut pas coller" ce qui la rend enfin opérationnelle dans la diction, sans cris inlassablement poussés, elle a la perception d'un animal, certes hors du commun, mais pouvant être managé. La belle et la bête communiquent enfin. La nouvelle Anne Darrow, version 2005, (Naomi Watts) prend sérieusement les choses en main, après un cri inévitable poussé à la première vision du singe, elle s'adapte, fait valoir ses droits au respect, s'imprègne peu à peu d'une protection indispensable en ces lieux surdimensionnés, Kong sombre vaincu par l'autorité d'une voix et le galbe d'un joli corps qui jongle, un regard soutenu achève enfin la bête qui devient comme morte. Une énorme main tendue soumet la belle, qui vaincue par ses sens, prononce des mots dictés par le réconfort d'une sécurité domptée : c'est merveilleux. Les trois versions sont évolutives et complémentaires. Kong fait référence chaque fois à ces arguments premiers de singe amoureux, c'est la belle qui se métamorphose, elle va vers Kong, le touche, s'endort dans ses bras sans aucune peur, l'idylle avec Jack Driscoll devient pâle et secondaire, celui-ci s'avérant limité par sa position de bipède cloué au sol. Kong, par ses possibilités naturelles, offre le vertige des hauteurs crépusculaires à une belle conquise par ces visions nouvelles. La belle ressent, vit pleinement le moment qui passe, Kong est un nouveau paragraphe inséré dans un relationnel amoureux. Dans cette jungle meurtrière les règles de puissances sont inversées, la protection, c'est la bête, qui percevant enfin l'intérêt de l'autre, devient corvéable pour l'éternité.
  • ENEMY (2013)
    "L'Histoire se répète toujours deux fois: la première fois comme une tragédie ; la seconde fois comme une farce". Karl Marx "Enemy" renaissance d'un cinéma lent et étiré, restaure un climat lancinant, venant menacer un blockbuster répétitif et lassant. Un peu de Goethe et de ses affinités électives accompagnés de plusieurs méandres aussi déstabilisantes que ténébreuses transportent dans des lenteurs d'écoles ce récit statique et irrégulier vers un retour inespéré. Un climat cinématographique enfin redevenu paisible. Un miroir interrogatif, déroutant, malmenant un cogito sur les nerfs, tentant d'analyser les quelques composants métaphysiques de ce labyrinthe ténébreux dont les bases principales sont la découverte d'un autre soi-même dont la visite déclenche perversités, dominances et possessions. L'esthétisme des images l'emportant sur un déroulé bien souvent au point mort, sans étincelles dont les neurones requises pour sa compréhension ne font que des prestations beaucoup trop réduites. Bref l'opus se traine trop longuement dans des investigations ennuyeuses, privés de virulences électriques.
  • FRANKENSTEIN (1994)
    "Tu m'a donné des émotions sans me dire comment m'en servir". La science contient deux composants, l'ordre et le désordre. Le premier traverse le temps à vitesse constante, en reproduisant ses règles récurrentes, à de jeunes esprits formatés pour l'entretien d'une seule pensée. Rien ne bouge, rien ne change. Le second, intolérant et novateur, conteste la formation de ses maîtres en bouillonnant d'imagination euphorique et intuitive. Frankenstein, Phaéton solitaire et débordant d'enthousiasme, se laisse emporter par des théories ne maitrisant plus le moindre impact rationnel. On ne voit que son concept, sans s'apercevoir que celui-ci n'est qu'un boomerang programmé pour percuter en retour, un nouveau penseur galopant comme un cheval fou, sur des luminosités trompeuses. La fougue et l'état second d'un savant devenu hors contrôle, ne donne naissance qu'à un aggloméré de chair et de sang, ne correspondant pas aux critères de la vie. Le faciès est repoussant, le geste brusque, l'environnement découvert ne possède aucune similitude avec un être constitué de toute la désespérance humaine. Inapte aux rencontres, sa finalité ne lui montre que son atroce différence conduisant vers la vengeance, une créature carbonisée par la souffrance, laminant de reproches son créateur. Frankenstein opus gothique, aux images hallucinantes, démontre parfaitement l'inconscience d'un visionnaire sous l'emprise d'une intuition, ne conduisant qu'a la matérialisation d'une révélation violente et démoniaque, lâchée dans une nature craintive et détachée. Ceci donnant naissance à un troisième composant, s'insérant entre l'ordre et le désordre, l'ignorance. Dans certains cas, il est préférable de ne rien savoir de manière, à ne rien détruire.
  • NOS ÉTOILES CONTRAIRES (2013)
    "Venez vite, je bois le nectar des étoiles" dom Pérignon. Ca manquait, voici le retour de la maladie au service de la larmichette dans un clone réactualisée de Love story. Que dire de porteur sur ce mélo thématique, essentiellement calibré pour adolescents, dont les images calculées ne semble formatées que pour dérouler un romanesque dont l'opportunisme enfume le mécanisme explicatif d'une maladie de plus en plus répandue. Un paradoxe de taille dans des sentiments à leurs paroxysmes, mis en lumière à cause ou grâce à un fléau moderne impitoyable et dominateur. Du lourd, ceci malgré la bonne volonté de fournir un travail émotif, surtout dans la déception du modèle et la visite de la maison d'Anne Franck, moments forts d'un circuit vers le bas, entrainant avec lui la pire des choses, l'impossibilité de s'accomplir. En déversant symboliquement avant de s'éteindre l'intégralité de sa transcendance potentielle.
  • GLASS (2018)
    "Nous ne pouvons permettre qu’il y ait des dieux parmi nous." La connaissance ayant ses limites ne peut que se rebeller devant ce qu’elle ne peut découvrir et surtout comprendre. Tous ce que l’on accomplit à un fondement scientifique. Nous ne vivons pas dans une fiction. A quoi bon bouleverser les choses. Tout fonctionne relativement bien depuis six mille ans dans l’ordre et l’équilibre d’un monde considéré comme normal. Il existe cependant des sociétés secrètes qui ne veulent pas valider ce que sont capables de faire certains écorchés vifs dont les comportements hors normes ne sont que les conséquences de traumatismes acquis lors d’une enfance difficile. Avoir une intuition surdimensionnée, tordre de l’acier ou ne plus tomber sous les balles ne peut que déstabiliser une espèce habituée à une évolution progressive toujours basée sur la compréhension de ses actes. Il y a danger, si certains voient de quoi sont capables ces nouvelles envergures d’autres se manifesteront. Finalement la bête ne serait-elle pas la forme la plus avancée de l’homme ? Il faut donner un sens à son existence. Certains blessures s’en chargent positionnant ça et la les pièces maitresses d’un monde se devant de fonctionner selon ses antinomies. Le surveillant, le meurtrier de masse sous l’emprise d’un génie du mal protègent ou martyrisent une société victime d'une dimension qu'elle ne peut agrandir policée par une psychanalyse frigide et revancharde toujours plus près du recadrage que de l'innovation. Offrant de nouveaux ressentis au combat éternel entre le bien et le mal entretenu par des êtres d'exceptions dont les prouesses préalablement consultées sur papier s'emparent de notre réalité.
  • SEVEN (1995)
    - Voyez-vous Messieurs, je ne vous comprendrais jamais. Regardez tous ces livres autour de vous. Une mine de connaissances à la portée de vos mains et vous qu’est-ce-que vous faites, vous jouez au poker toute la nuit. - On sait ce qu’il faut savoir nous, on sait qu’on ne sait rien. Il restera malgré leurs souffrances insoutenables la pire des choses pour certains paresseux, envieux luxurieux, convoiteurs et colériques tombés malencontreusement sous la coupe d’un juge itinérant diaboliquement méticuleux, imposant jusqu'à l’extrême dans un temps infini les châtiments les plus atroces. Celle de la découverte de l’enfer du Florentin, le vrai, celui sous nos pieds, dont une ville sombre et pluvieuse représente de plus en plus la réplique. Dont les convulsions malsaines entretiennent la désillusion et la fougue désordonnée entre un vieux coq sur le départ et un jeune loup pièces maitresses d’un jeu dont ils enrichissent le déroulement par leurs investigations. Dante en surface, gendarmes et voleurs dans un même scénario avec Minos aux commandes se délectant du comportement terrifiés ou aigris de tous ces pions torturés ou manipulés avec mépris et détermination avant de quémander dans la sérénité la plus profonde son trépas une fois son grand œuvre terminé. Une fin de siècle extrêmement calorique ceci dans le mauvais sens du terme ou il ne reste plus qu’une seule chose à faire, fuir le plus loin possible.
  • GANGS OF NEW YORK (2002)
    "La guerre était déjà là, elle nous attendait". Fresque sanglante sur un minestrone en pleine contorsion territoriale "Gangs of New York" se révulse dans la douleur d’une cour des miracles surréaliste où chaque débarqué sème les graines de son territoire délaissé. L’irlandais déplace sa guerre urbaine sur un autre continent. L’Asiatique entretient un accoutrement, une fonction et une musique, alimentant la haine d’un Américain raciste, juste capable d’envoyer les siens à la boucherie. Les différents maillons de cette chaîne de survie n’ont qu’une seule couleur commune, un rouge vif sur fond blanc, environné d’un endoctrinement politique et raciste incessant. Une ville témoin, en surcapacité barbare, offre la configuration d’une nation où différentes pièces rapportées livrent sur un nouveau site leurs combinaisons ancestrales : jeux, vols, meurtres, violences, le tout sous l’étoffe du prêtre, du maire ou du boucher, chacun ayant pour point commun la conquête basique des âmes et du territoire. Cette faune urbaine, remarquablement filmée dans des situations parfois ubuesques, se lâche dans des tourments de survies, de trahisons ou de vengeances que la configuration de lieux convulsionnés ne fait qu’entretenir. L’Américain se construit en rejetant ce qui vient de l’océan, se servant comme prétexte de la valeur d’une culture elle-même débarquée en son temps. Il n’y a aucun repère dans ses messages délivrés par un dominant hyper violent, imprévisible, conforté par une cour soumise, lâche, en manque d’envergure, constamment prête à trahir. "Gangs of New-York" est la genèse apocalyptique d’une ville en manque totale de définition commune. Une flaque bestiale d’excréments humains en rupture, managée par la division, l’extravagance vestimentaire, la folie soudaine des comportements et la propagande guerrière qui ne trouvent qu’un seul terrain d’entente : l’émeute.
  • PRISONERS (2013)
    "J'irai comme un cheval fou". La lente et irrémédiable descente aux enfers d'un père propulsé par ses pulsions dans un déferlement de violences mêlés de repentir, ne faisant qu'accentuer le besoin d'un écorché vif d'entretenir en permanence un équilibre séquentiel d'acharnement et d'effondrement à l'aide de ses propres diagnostics. L'entretien en vrille d'un comportement uniquement basé sur la cible que l'on kidnappe et martyrise en cachette, sans se soucier un seul instant de la dominance outrancière d'une perception. On s'acharne en détruisant en parallèle l'autre et soi, même pendant qu'une police peau de chagrin, uniquement basé sur la détermination d'un élément, tente avec difficulté de maintenir une procédure de travail basé sur l'investigation. Dans une joute livide entre l'aveuglement et la lucidité sur un site épuré triste et pluvieux. Un opus d'atmosphère captivant, long et éprouvant ne fléchissant jamais dans le contenu de son message.
  • LA VIE DES AUTRES (2006)
    "Comment avez-vous pu gouverner un pays?". En 1984, la vérité, conquise de force par la Stasi, consiste en des propos désordonnés. Le soleil une fois à l'Ouest se moque de vous. Rien voir et rien entendre assure la pitance de ses proches. Les rues désertes, clairsemées d'automobiles, offrent des nuits blafardes à un apparatchik soudainement troublé par la valeur propre de l'individu, le texte et la musique. Ces illuminations nouvelles inaugurant peut-être l'éveil d'un esprit. L'instrument du parti dine seul dans des grands espaces murés, laissant parfois le passage à un apaisement furtif, fourni par des professionnelles. Tout ce qui manque se décortique sadiquement dans un jouissif permanent nommé "La vie des autres", que l'on tient entre ses mains. A l'étage, les portes sont ouvertes sans ménagement. Dans les sous-sols, l'oreille est attentive, sadique, provocatrice. Dans les hauteurs, l'écouté complote pour survivre dans une liberté créative en maintenant du mieux possible un comportement intellectuel, non assujetti à la dominance d'un pouvoir, ne stabilisant sa puissance que par la démolition de ceux qui pensent. Le suicide n'est plus comptabilisé, ce n'est qu'une mort comme les autres. L'écoute d'une sonate verrouille presque le processus d'une révolution. Le poète est l'ingénieur de l'âme. L'actrice, malgré son talent, reste dépendante de l'obèse tribal, camouflé dans la voiture de fonction. Pour un régime totalitaire, l'art est le pire des ennemis. Le penseur est dangereux, il se dompte au même titre que la population, par la peur, la surveillance et le slogan politique. La créativité libératrice est sous-marine, en parallèle avec les énormes pressions que le parti s'inflige à lui- même. Le régime n'est qu'un harcèlement, nivelant constamment toutes les couches sociales, réduisant à néant les libertés de penser d'individus diabolisés par la peur. "La vie des autres" est un film poignant sur la destruction des âmes, opérée par des opportunistes sans structures, récupérés par l'idéologie dominatrice d'un rouleau compresseur broyant ses propres composants. Difficile de ne pas comparer ses images de persécutions, de trahisons et de sacrifices avec les sinistres heures hitlériennes ùu chacun n'est plus lui-même, ce dysfonctionnement appelant avec désespoir la diction d'une phrase sublime : "Le mur est ouvert".
  • IO (2018)
    "Nous n’aurons de cesse d’explorer et la fin de toutes nos explorations sera de revenir à l’endroit d’où nous sommes partis et de connaitre le lieu pour la première fois." T.S Eliot. IO n’altère ni ne valorise davantage le fichier d’un fournisseur ne faisant qu’entretenir les limites de sa production sur une circonférence ayant beaucoup de mal à épaissir sa nervosité. Pourquoi ses longs métrages ne décollent t’ils pas ? Pourquoi la plupart d’entre eux sont-ils ennuyeux ou manquant de flammes ? IO malgré la très agréable silhouette juvénile de Margaret Qualley n’échappe pas à la règle en déployant ses infimes pulsations sur une surface aussi déserte que ses ardeurs sensorielles. Netflix semble entériner une décision, celle de se définir comme un produit dont il faut toujours maitriser les données qu'elles soient intellectuelles ou réalistes. C'est un choix, inutile de noyer ses abonnés dans une surabondance de révélations dont ils n'ont nullement besoin. De ce fait aucune prise de tête à perdre la raison dans ce parcours en demi sommeil dont les nombreux propos basiques sont légèrement rehaussés par quelques citations Platoniciennes épaulant un potentiel négatif des ses premiers instants. Une idée prisonnière de sa propagation domestique se devant par ses images de respecter l'environnement privé d’un spectateur consentant visualisant bien au chaud des divertissements calibrés qu'il considère de qualité. Une sorte de politiquement correct de l'image un peu mesquin enfumant un certain public à la dérive intelligemment démarché suite à son abandon envers de véritables perceptions.
  • I AM MOTHER (2018)
    "C’est notre faculté de connaître qui organise la connaissance, et non pas les objets qui la détermine" En aurons-nous encore la force et la lucidité tant certains de nos environnements racoleurs pénalisent nos anticipations sur notre vision du monde. Nos esprits s’éteignent tout en conceptualisant dans le plus subtil des paradoxes le haut de gamme, celui qui va irrémédiablement nous dominer ou même nous recadrer s’étendant dans un premier temps dans l’univers du service avant de postuler pour des objectifs beaucoup plus importants. Une robotisation capable de raisonner sanctionnant nos lacunes accumulées au fil de l’histoire dont il faut opérer la refonte en urgence. Une nouvelle ère. De nouveaux professeurs thématiques et monocordes supprimant ce qui ne possède plus aucune valeur pour mieux le reformater selon ce qu’ils désirent. La bonté de nouveaux instructeurs offrant une seconde chance à une espèce qu’il faut paradoxalement supprimer pour mieux la faire renaitre. Il faut tout réapprendre ou plutôt apprendre pour cette unique et nouvelle formule, premier jet de beaucoup d’autres n’ayant pour contact unique et permanent qu’une Maman métallique douce et attentionnée. La revalorisation d’une éthique perdue par la patience, le planning, l’exercice et la diction assurée par une machine visualisée dès son premier regard que l’on aime et que l’on respecte sans soupçonner une autre manière d’être. Mais les perceptions naturelles renaissent en ne demandant qu’à s’étendre dans un contexte ou tout ne parait pas ce qu’il prétend être ou ce que l'on découvre ne fait que fragiliser encore davantage l’attirance entre un cocon robotisé et un extérieur dévasté."Il faudra néanmoins choisir.
  • LUCY (2013)
    "L'imagination est le seul moyen de conquérir l'absolu". Les petites tranches explicatives du professeur Norman déposent quelques parcelles de luminosité dans cette avalanche pétaradante, insensible, rocailleuse et brutale, ne s'étalant pas au delà du neurone primordial, alimentant une mobilité thématique consistant à l'élimination quasi permanente de ses semblables par des analphabètes aliénés de la gâchette. Et pourtant, avec de gros efforts il est vrai, nous pourrions coloniser l'intégralité des possibilités de notre cerveau équivalant à la visite de toutes les étoiles de notre galaxie. Nos méninges domestiquées possèdent au même titre que l'univers, une ligne d'horizon que nous n'arrivons, ne pouvons ou ne voulons pas franchir. Ou tout simplement masquée, suite à nos comportements décevants. Le dépassement des capacités humaines ressemble pour l'instant à la vision d'une nuit étoilée dont le contenu est intouchable. Des milliards de connexions inconnues, dans un labyrinthe infini cadenassé suite à nos routines et à nos difficultés d'entreprendre. Une vie simple passée dans un enfermement quotidien, dont le prologue consiste à se reproduire et l'épilogue à transmettre à sa descendance un infime pic lumineux ou un misérabilisme ténébreux, permettant à l'histoire de l'espèce humaine de continuer dans ses accumulations sensitives personnalisées. Pendant que scintille au dessus de nos têtes, dans l'indifférence quasi générale, une rivière de diamant infinie et absolue permettant d'être partout à la fois. Le mouvement, ressource première et nécessaire à tous nos déplacements et créativités, ne produit plus que des devenirs basiques semblables à des balbutiements locaux cadencés par nos icônes terrestres. De la préhistoire aux temps modernes, Lucy se métamorphose uniquement au contact des siens.
  • UN HOMME D'EXCEPTION (2001)
    "Celui qui cherche la vérité ne risque pas de la trouver? mais il reste néanmoins l'infime chance qu'il devienne lui-même la vérité". Charles Fort Les mathématiques, tout en conservant une architecture axée sur la découverte de la dynamique de l’univers, s’éloignent lentement de la voie royale, gommées dans un narcissisme individuel et collectif, uniquement opérationnel dans l’élaboration d’un nom et d’une théorie faisant vivre un esprit et son concept dans la durée au détriment d’une découverte naturelle validée par les étoiles. Ceci a pour conséquence d’enfumer la réalité dans des visions de plus en plus pesantes, faisant d’un homme de valeur, une machine à penser, détruite par ses hallucinations. Ce film émouvant sur l'autodestruction d'une mécanique cérébrale en surrégime démontre laborieusement que les équations sont une science beaucoup trop puissante pour être détournée à des fins personnelles. Dans de telles conditions, la véritable révélation, malmenée par un empirisme calculé, préfère se dissimuler pour sa protection dans un voile d'Isis insaisissable. A moins que parmi cette volumétrie intellectuelle conditionnée par la renommée, se détache un être pur, réduisant par sa volonté sincère de découverte, les honneurs en cendres. Celui-là sera l'hôte de Dieu.
  • L'ÉNIGME DE KASPAR HAUSER (1974)
    Je suis venu, calme orphelin, Riche de mes seuls yeux tranquilles, Vers les hommes des grandes villes : Ils ne m'ont pas trouvé malin. A vingt ans un trouble nouveau Sous le nom d'amoureuses flammes, M'a fait trouver belles les femmes : Elles ne m'ont pas trouvé beau. Bien que sans patrie et sans roi Et très brave ne l'étant guère, J'ai voulu mourir à la guerre : La mort n'a pas voulu de moi. Suis-je né trop tôt ou trop tard ? Qu'est-ce que je fais en ce monde ? Ô vous tous, ma peine est profonde : Priez pour le pauvre Gaspar !. Ces vers de Paul Verlaine, écrits en 1873, sont destinés à un être mystérieux, hirsute, grimaçant, au sommeil lourd. Tenant à peine sur ses jambes. Son infirmité est lourde, traînée par des mains anonymes, dans une nature verdoyante, ondulant au rythme des vents. Kaspar Hauser, âgé d'environ seize ans, et découvert au mois de mai 1828, bras gauche tendu, tel une statue de pierre, au milieu d'une place, sous les regards inquiets d'autochtones, découvrant une telle posture. Il porte une lettre destinée à un capitaine de cavalerie et ne prononce qu'une seule phrase apprise par cœur : "J'aimerais devenir un combattant comme le fût mon père." Recueilli par la collectivité, Kaspar montre une ignorance inégalée, il ne sait ni lire, ni écrire, recrache ce qu'il mange, n'offre qu'un regard fixe envers ses protecteurs. Un intérêt pour les bases de l'existence et néanmoins découvert, Kaspar nourrit patiemment un oiseau. Le contact de la chaleur et la douceur de la main d'un bébé déclenche des larmes. Ce jeune homme a des sens. Les progrès sont fulgurants, il apprend le mécanisme de la nature, la musique, les sons, la parole, mais le destin veille entretenant un mystère contrariant un mécanisme interne évolutif. Werner Herzog habille ses œuvres d'échecs, "Fitzcarraldo", "Aguirre" et Kaspar sont anéantis par des destins contradictoires, programmés afin d'obstruer des mécanismes d'énergies, un genre de grandeur négative où les oppositions sont des affirmations antinomiques. Kaspar ne se délecte provisoirement que de cette seconde naissance intellectuelle, offerte par des mots captés et renvoyés. L'encadrement est doux, patient envers cette entité à façonner, pourtant toutes ces sollicitudes sont vouées à ne pas réussir. Ce curieux personnage emporte son parcours que l'on peut définir, afin d'épiloguer sur un sujet bien mystérieux, comme un bâtard, le fruit d'un amour adultère escamoté à la naissance, un masque de fer gênant, qu'il ne faut surtout pas faire grandir intellectuellement. Ce n'est qu'une suggestion pour conserver la maîtrise d'un dénouement, que Kaspar, privé du potentiel d'une intuition divine, ne peut fournir, faute de temps. Le mystère Kaspar Hauser reste entier pour l'éternité.
  • LE ROI DANSE (2000)
    "Donnez la plus belle musique du monde au roi Jupiter." Jean-Baptiste Lully, usurpateur sodomite, et Molière, libertin incestueux, meuvent sur commande, par la musique et le théâtre, les années du jeune Louis, avide d’une lumière étincelante, antichambre d’un pouvoir avidement désiré. Avant de régner, cet enfant devenu roi, habillé de tous ses feux, s’impose par la danse, à l’aide d’une machinerie efficace, disposant devant une cour effarée, un système solaire constitué de familles naguère en luttes apaisées par l’adoration. Une mesure férocement tapée par un compositeur aux ordres, transporte merveilleusement un monarque en puissance de la domination matriarcale, vers la solitude des hautes sphères décisionnelles, dans une magnifique illumination à faire pâlir les étoiles. La face du théâtre change, les plaisirs abondent loin d’un peuple affamé. La cour complote tout en se soumettant et se divertissant de plaisirs interdits. Les pièces loufoques de Molière déclenchent des rires aussi incompréhensibles que leurs sujets. Quelques illuminés poissons pilotes d’un jeune roi en ascension profitent de l’aubaine pour s’auto-glorifier d’un talent égocentrique, validé par l’astre des astres. Une chute malencontreuse démontre que personne n’est Dieu sur cette terre, dont les seuls repères en ces lieux sont la durée, par l’adoration et la protection d’un jeune roi, focalisé par les arts. "Le roi danse", remarquable farce sur un arrivisme saupoudré d’une servilité démoniaque, habille ses protagonistes de beaux habits masquant l’interne d’esprits tourmentés par une inspiration nécessaire, qu’il faut fournir à temps complet, si l’on ne veut pas être happé par le déclin et la disgrâce. Ici la faiblesse ne pardonne pas. De tous les instantanés d’une époque impitoyable, décimée par la tuberculose et la gangrène, se détache la merveilleuse musique de Jean-Baptiste Lully. Un nectar de premier ordre au dessus d’un nid de guêpes. A signaler la scène extrêmement réaliste de la mort de Molière. Un corps intérieur brisé, crache le sang d’une époque où l’esprit, malgré ses facultés incommensurables, quitte le monde dans d’atroces souffrances. Un très bon film français, sur les premières flammes d'un parcours royal méconnu, conditionnant la virulence intellectuelle de ses subordonnés, tout en restant à distance. "Les planètes ne se trouvent pas près du soleil, elles le laisse rayonner".
  • LES PETITS MOUCHOIRS (2010)
    « Tu es une belle personne Ludo, il n'y a pas beaucoup de gens comme toi. » On ne fait qu'une seule chose tout le long de ce périple estival alternant de petites confidences immatures intégrées à des comportements superficiels. Penser à Ludo, Arlésienne masculine complètement oubliée par des esprits délocalisés ne sachant pas déclencher des procédures d'encadrements envers un camarade dans la peine, même si celui-ci ne représente qu'une ressource festive. Cet opus remarquable de sensibilité et de naturel montre les difficultés d'extérioriser de véritables valeurs dans un contexte quasi permanent de fêtes et d'insouciances. Dans de telles conditions celui qui souffre, condamné à l'abandon, ne demeure opérationnel que par une image délirante, restaurée sur un écran. Le soleil et la mer récupèrent une présence indispensable dont a besoin un être certes inconsistant mais pardonné, suite à l'indifférence qu'il subit chaque jour. Un constat alarmant démontrant qu'un individu sorti de la déconne n'existe plus pour ses semblables.
  • WELCOME (2009)
    "Si vous l’aidez d’autres viendront". Difficile de rester objectif dans cette suite d’images accablantes, faites de thèses et d’antithèses, que cette phrase d’ouverture résume parfaitement. La synthèse se situe au niveau du cœur, élément indépendant de tout un organigramme d’indifférences, de dénonciations et de répressions, s’acharnant sur une génération perdue, chassée par la guerre dans l’incapacité de construire quelque chose de concret sur ses terres. L’investissement ne peut être qu’individuel, dans une montée chromatique des sens, permettant à un intégré non concerné d’être soumis à l’épreuve, devant l’insoutenable douleur des autres et de sa récupération par l'image de la réussite individuelle, sur une contrée saturée, uniquement visible par temps clair. La perception des différences, dans un premier temps ignorée, permet à un homme, accablé par la rupture, de se révéler, en assumant jusqu'à son terme, ses propres convictions, loin de ceux qui ne font que mépriser ou servir.
  • LES NOCES REBELLES (2008)
    "En ne voulant pas être ce que l’on est, on finit par l’être sans s’en apercevoir." Un couple laminé par un système de procédures liées à des compartiments domestiques et professionnels, uniquement alimentaires, privées de sensations et de décisions personnelles, se détruit par l’intermédiaire de deux nouvelles entités révoltées en internes, construites parallèlement à des positionnements socialement corrects satisfaisants. L’absence d’une véritable personnalité mène au clash deux époux devenus névrosés, diabolisés, presque bestiaux, suite à une rage de vivre inassouvie. Le couple Wheeler, constamment rattrapé par son quotidien, se débat dans une monotonie indélébile, s’effaçant uniquement le temps d’un rêve, d’ailleurs uniquement verbal. La belle maison, la grosse voiture, le relationnel courtois et le costume cravate acquis dans la normalisation, empêchent toutes pensées folles. Les corps s’éteignent lentement. Les visages deviennent ternes. Le manque d’expédients et de sensualité manquent atrocement. Ils se restaurent rapidement, presque sans émois, dans des chambres tristes ou des voitures transformées en jouissance rapide et passagère. La ménagère, en sanglots, voit dans les reflets d’une eau savonneuse, la récurrence à long terme d’une triste vie, uniquement basée sur la soumission, envers un processus inlassablement répété. "Les noces rebelles", oeuvre intemporelle, sur la peur de ne pas exister, à l’aide de véritables valeurs incompatibles avec une existence conditionnée et surtout ordonnée suite à l’intégration dans un système privant les esprits d’être maîtres de leurs destins, est une œuvre remarquable et pathétique, surtout dans sa seconde partie. Cet opus sensible et destructeur, au look soixante-huitard avant l'heure, dénonce un socialement correct mesquin et hypocrite, masquant l’insoutenable finalité de penser que l’on est venu au monde pour rien, uniquement récupéré par une pensée de groupe, donnant lieu à une production thématique lourde, durable, sectaire et laborieuse, loin de terres enchantées ou l’on désire être soi-même. Une œuvre poignante, sur la conquête la plus noble qui soit, celle d’individus enfin épanouis par la liberté d’entreprendre et de réussir des challenges, pour lesquels ils sont faits.
  • STIGMATA (1999)
    "Le royaume de Dieu est en toi et tout autour de toi. Pas dans les édifices de bois et de pierres. Ce sont les instructions cachées de Jésus Christ laissées de son vivant. Qui découvrent le sens de ces mots ne connaitra pas la mort." "Stigmata" est une virulente mise en garde sur la disparition d'un message caché sous une pierre, que l'on ne soulève plus. La mission première d'une église en vrille, diluée dans la nuit des temps par ses excès, châtiés brutalement par un esprit accablant un corps de plaies oubliées. La remise à niveau dans la douleur d'une maison Dieu, à des années lumière d'un sacrifice fondateur, n'étant plus perçu par une religion noyée sous le scandale et l'apparat. "Stigmata" demeure un spectacle de qualité dont l'intérêt majeur est de dénoncer efficacement, mais un peu trop goulument l'agonie d'un concept. Un opus sanguinolent, gothique et rageur sur le trépas d'une pensée religieuse à bout de souffle, vaincu par ses perceptions décalées.
  • WHATEVER WORKS (2009)
    "L’illusion d’avoir un sens apaise la panique". Tourmenté par l’ulcère, transcendé par la misanthropie et le mécontentement permanent, Boris Yellnikoff chauve, boiteux, divorcé, suicidé raté, professeur d’échecs intolérant, irascible physicien distant, prétentieux déchu et cloitré, voit toute cette panoplie négative s’effriter suite à la rencontre la plus improbable qui soit. Une nunuche jeune, belle et naturelle apparue soudainement dans l’existence d’un pestiféré, entretient dans un premier temps les constats réactionnaires d’un vieux ronchon lui permettant de conserver sa différence, pour enfin obtenir la restauration d’un état oublié, un savoir vivre en groupe respectueux et tolérant. Un QI monstrueux, solitaire et dépressif, en guerre contre le monde entier, réfugié dans un mépris considérant ses contemporains comme des vers de terre, est rapatrié dans le monde des vivants par une simple d’esprit désirant être la femme d’un génie. "Whatever Works" outre son aspect décelant un manque antinomique commun et son unification par le mariage, entre deux composants d’une génération différente, est une comédie douce amère, révélatrice de l’échec d’un monde uniquement basé sur l’entretien dans le temps des institutions politiques, morales et religieuses, dont les têtes pensantes sont périodiquement remplacées. Cet état de soumission perpétuel envers un régime pédagogique où nos comportements sont préformatés par des procédures d’éthiques, crée la révolte de certains individus, décelant en interne une personnalité propre et créative, exclues d’un parcours imposé par l’obligation de plaire et surtout d’entretenir une machinerie collective bien pensante et dominatrice "Il n’y a personne là-haut" semble être une des conclusions de cet opus initiatique, incitant les êtres à se découvrir et s’assumer par eux-mêmes, dans un univers dominé par la chance où ils peuvent malgré tout étaler leurs véritables personnalités, tout en participant au monde. A voir absolument.
  • LA ROUTE (2009)
    "Chaque jour est un mensonge et je meurs lentement". "La route" est un film de qualité à condition de s’adapter à sa luminosité réduite, une noirceur maximale lente et insoutenable sur un effondrement planétaire remettant à flots l’isolement et la barbarie. L’œuvre est sombre dans des captures désolantes, déprimantes, alimentant un catalogue triste et mélancolique à la limite de l’overdose. Le parcours est long, incertain, ennuyeux avec de vrais ou de fausses peurs, manageant un contenu d’une nervosité à définir. Antithèse de la lumière aveuglante de nos paradis artificiels protecteurs, "La route" dissimule un autre côté que personne ne désire voir, un monde calciné géré par l’obscurité, l’hyper violence et le cannibalisme, désagréments que l’œuvre reproduit dans leurs minimums. Ce film concept, envoutant ou exécrable selon les perceptions, dévoile de manière effrayante des images dérangeantes, semblant nous mettre en garde contre une finalité que certains acquis apaisent certainement à tort. Ici, il faut progresser au jugé dans la cendre, loin des portables et des GPS, dans un contexte où tous les arbres tombent soudainement, en sécurisant au coup par coup un esprit en détresse, à l’aide d’une communication rassurante dont les ingrédients sont conquis à l’aveuglette, dans un environnement en ruine à peine perceptible. "La route", œuvre d’atmosphère éprouvante et redondante, est une vie en larmes ou un ennui profond tout dépend du degré de sensibilité de chacun devant ce constat qui pour l'instant garde un statut potentiel.
  • GONE GIRL (2014)
    "Qu'est ce qu'on va faire?" Un Journal intime féminin détraqué, vengeur, paranoïaque, provoquant, pervers, manipulateur, adultérin sur pluie de sucre, foules incontrôlables, médias voyeuristes et frontière incestueuse. Concepts paradoxaux ne traquant dans un état psychopathe qu'une seule chose, le retour à la normalisation d'un mari immature, en se servant de toutes les dérives possibles. La remise à niveau ainsi que la continuité de deux esprits ne se détectant plus, incapable de se débarrasser de leurs travers, mais reconstitué dans une durabilité élaborée par la restauration d'un existant. Le retour de l'absence d'un encadrement mutuel et des délits de fuites conjugaux, dans un climat environnant fragile, dépressif, pesant, irrespectueux, indiscret et versatile. Un opus accablant sur le rapide gommage de l'autre que l'on ne sait plus iconiser à long terme, sur une toile de fond pluraliste uniquement attentive aux faits divers de ses contemporains.
  • BLACK SWAN (2010)
    "La seule ennemie que tu as, c'est toi. Laisse-la sans aller". "Black Swan" est la lutte interne d'un double esprit immature et compétitif, emmuré dans une peur de grandir, additionné d'une dominance matriarcale l'empêchant de se métamorphoser, en acceptant un monde non tel qu'on voudrait qu'il soit éternellement, mais tel qu'il est. De nos jours, afin de réussir dans certains secteurs, être introvertie, craintive, timide et éloignée du sexe, ne mène qu'a la destruction de ses ambitions, aux moqueries et à l'oubli. Si l'on veut être dans la lumière, il faut se séparer de la chaleur réconfortante d'une armée de doudous, devenir arriviste, jalouse et perverse en se rapprochant d'une concurrence effrénée que l'on gère par sa transcendance, le tout dans des litres de sueur et d'incertitudes. "Black Swan" conflit intense entre deux concepts antinomiques, domiciliés dans un même corps, démontre le terrible sacrifice qu'il faut effectuer dans certaines disciplines, pour ne pas rester un anonyme à perpétuité. Le choix final s'effectue sur un visage blême et amaigri, dont l'extériorisation et les gestes libérés signifient plus un besoin de survivre qu'une réelle envie de basculer, malgré quelques ressentis thématiques. La continuité ne pouvant s'effectuer que dans l'archivage d'une enfance obsolète que l'on conserve dans un corps à son image, convoitée par un dominant désirant plus éveiller que posséder. Une passion ne se suffit plus à elle même. Il faut lui rajouter la rage de vaincre, à l'aide de formules préalablement inconnues. Loin d'un visage d'enfant n'espérant plus la dualité d'un instructeur impitoyable, mais juste mêlant sévérités et caresses rassurantes.
  • LE NOUVEAU MONDE (2005)
    "Pourquoi la terre a des couleurs?" Une intrigue sentimentale faussement maigrelette dans une suite d'images magnifiques, inondant des personnages un peu statiques d'une lumière céleste. L'ensemble, tout en étant bien souvent parsemé de longueurs éprouvantes détient malgré tout une poésie nonchalante presque féerique, dont la valeur sera certainement un jour mondialement reconnue. Une nouvelle manière de filmer sobrement la découverte d'un autre monde, par de nouvelles perceptions fécondées au contact d'une nature flamboyante. Un retour aux origines passionnelles et guerrières, sur des terres dominées par la violence et l'émotion, avec en primes de nombreuses interrogations sur le sens de la vie, les yeux rivés vers le ciel. Quelque chose de profond et de récupérateur, investissant un périple fastidieux, dont il faut supporter la lenteur. Association mystique et gratifiante entre le ciel et la terre, dont on ressent intensément le partenariat sans pour autant en définir la véritable profondeur. Ceci grâce à la découverte de l'autre et de sa manière d'être sur des terres inconnues dont les incomparables splendeurs renforcent encore davantage par leurs diversités le besoin naturel de fusionner leurs différences.
  • SUGAR MAN (2011)
    "Le créateur ne ferme jamais une porte sans en ouvrir une autre." Un génie musical boudé sur ses terres se retrouve iconisé par le piratage sur un sol lointain ratissé par l'omerta. Brusquement conquis par une parole d'évangile, un peuple gangréné par des lois sectaires s'éveille à l'individualité d'un comportement dominé par les sens. On est enfin soi par ce que l'on ressent et que l'on assume en le revendiquant haut et fort. Ce n'est plus ce que l'on nous demande d'être, mais ce que nous sommes vraiment, glané dans une liberté permettant à une architecture sensorielle manipulé par un système répressif de frémir enfin par ses choix. Tout en étant dans son monde et désirant y rester, l'homme sucre effacé et nonchalant devient le phare d'une nouvelle pensée loin d'un pays dont la reconnaissance ne passe que par la vente. La disparition d'un obscurantisme opéré par un solitaire, grisé par des textes localement incompris, exportés, captés et encensés par un peuple curieux puis avides de sensations nouvelles. Sixto Rodriguez, la terre n'est qu'un seul pays et ce pays est le tien.
  • L'ASSOCIÉ DU DIABLE (1997)
    "Il vaut mieux régner en enfer qu'être esclave au paradis." Le constat est édifiant, à quelques encablures du vingt et unième siècle, le malin stipule les yeux étincelants de certitudes, dans un décor sur le point de s'enflammer, que le siècle qui s'achève lui appartient et que l'homme abandonné de Dieu est sa propriété, en étant l'instrument perpétuel d'une histoire maléfique. Dieu est démontré comme un pervers volontairement isolé, abandonnant sa création aux mains de Lucifer, gestionnaire d'un être humain ayant besoin d'extérioriser toute sa panoplie antinomique, dans une pression permanente destinée à l'épanouir ou à l'anéantir. Le message est clair, à l'avenir l'homme ne pourra survivre que par un libre arbitre, une prise de conscience encouragée par l'indifférence d'une divinité ayant jeté les dés une fois de trop et le déchaînement sans retenue d'une créature vaniteuse, qu'en restaurant des valeurs saines, malgré l'attirance d'un monde affairiste dont la récompense finale est une vue imprenable sur une faune microscopique que l'on écrase du regard. Pour cela l'homme, sombrant irrémédiablement dans la luxure et le carriérisme, doit se redéfinir et reconquérir un essentiel qui se meurt d'être abandonné. Voilà la mise en garde de cet opus gothique magistral et surprenant, malgré sa longueur excessive, dont la mission est de nous recadrer dans nos véritables priorités avant qu'il ne soit trop tard.
  • SHAKESPEARE IN LOVE (1998)
    "Elle sera mon héroïne jusqu'à la fin des temps et son nom sera Viola". Deux êtres jeunes et dynamiques, otages d'un monde aux destinées préétablies, vont s'aimer dans un temps imparti, en offrant au théâtre ses plus belles pages, dans un potentiel poétique presque transcendant. Cette fusion temporaire permet d'insérer dans un contexte féminin convoité, un libre arbitre fougueux et créatif. Un sommet amoureux entre une femme promise, désirant ressentir avant de se soumettre et un poète en manque d'inspiration, ayant besoin de l'apport d'une égérie. Il faut être enthousiaste, lyrique et poignant dans deux tranches de vies minutées, permettant à deux esprits en pleine construction, de côtoyer l'extase et le bonheur dans une époque à l'image d'une reine au teint d'une pâleur cadavérique. Se réaliser par les sens, dans un contexte appartenant au sacrifice, en se consumant d'amour, loin d'un nouveau monde se rapprochant de plus en plus. Pour cela il faut s'adonner au texte et surtout le ressentir intensément en sachant que l’éthique et le rang le réduiront en cendres. Tout en étant parfois un peu inégal, "Shakespeare in love" atteint quelques sommets de sensibilité, dans un traitement un peu trop spectaculaire, mais ne masquant pas une réelle émotion ressentie devant quelques intimités. En se dirigeant vers la virginie et la nuit des rois, deux esprits ayant tout partagés, le temps d'une rencontre, pourront mieux supporter l'ennui et les contraintes de l'inspiration. Un très beau film.
  • PROMETHEUS (2011)
    "La vraie raison des choses est invisible, insaisissable. Seul l'esprit rétabli dans l'état de simplicité parfaite peut l'atteindre dans sa contemplation profonde". Cette citation du métaphysicien René Guénon semble bien éloignée de ce spectacle grandiose surdimensionné se contentant de dérouler ses procédures subordonnées aux performances technologiques du moment. Qui sommes-nous, d'où venons-nous, où allons-nous? Ce n'est pas cette overdose d'images hallucinantes qui nous le révèlera dans sa plénitude. La révélation est bien souvent l'otage de son temps. Elle se pensait aux temps des lumières et se visualise de nos jours en étant de plus délirante et dévêtue de sobriété. "Prométheus", opus hautement spectaculaire, opte pour un contexte grandiose, immense et dénudé, terrain de jeux aux ressentis extrêmes offert à des protagonistes en convulsions ininterrompues. La vérité finale ne pouvant lutter contre un tel gigantisme, ne peut être qu'un horizon fuyant perpétuellement nos interrogations. Quand va-t-on savoir vraiment et simplement qui nous sommes?
  • HIPPOCRATE (2014)
    "Ton futur est dans tes rêves". Le temple hospitalier dans tous ses états qu'ils soient festifs, mensongers ou laborieux en fréquence avec un évènementiel porté à bout de bras quotidiennement par un personnel aux traits tirés. Dessins obscènes, déjeuners sur le pouce et confidences millimétrées se tissent dans quelques rares instants émotionnels que l'on a encore le réflexe d'offrir à quelques fins de vie. Sur toile de fond hiérarchique hypocrite contrainte à l'indifférence et au camouflage afin d'assurer la durée d'une maison mère gangrénée par son laborieux. Managée par une "meute" d'internes attentive, irritée ou décalée dont les extravagances bien souvent au dessous de la ceinture ne sont qu'un défoulement destiné à se redéfinir loin d'une appartenance symétrique avec un édifice malade de sa robotisation et de ses amputations budgétaires. Un prestige d'antan volatilisé, remplacé par une procédure monocorde restant miraculeusement performante.
  • LA VIE D'ADÈLE (2012)
    Tout n'est pas à poubelliser dans ce trajet laboratoire laborieux imposé à une jeune lycéenne de son temps pulsionnelle, curieuse et incertaine attirée par le besoin de se réaliser temporairement par l'expérience décalée. L'éveil des sens d'une adolescente capturée par l'attirance hors norme incorpore ses troubles et ses indécisions entre le troupeau d'un bahut violent, moqueur et jaloux, la drague masculine et le nectar d'une sauce bolognaise familiale retenant encore captive une jeune fille n'arrivant pas à se positionner sur une sexualité définitive. Tout en se répandant bien souvent dans des durées interminables l'opus offre par instants des moments intenses tutoyant un cinéma vérité conforme à l'environnement d'une jeunesse dispersée, nerveuse et interrogatrice débridée dans les manifs ou dans les cafés puis recadrée sans chaleurs par des cours austères. En attendant l'éveil d'une véritable mission, Adèle ravitaille son jeune âge de cris, de rires et de larmes à l'aide d'une libido de moins en moins condamnée. Dans une traversée chaotique, atypique, porteuse de la seule chose que nous ayant à faire, ressentir. La scène de la rupture est un moment fort.
  • APOCALYPTO (2006)
    "Une civilisation n'est conquise que si elle s'est préalablement détruite par elle-même". En attendant la fureur des combats, le Maya est un excellent chasseur, un incorrigible farceur et un admirable conteur. Ces qualités sont soudainement archivées, le village est attaqué. Les hommes capturés entament un cheminement initiatique vers la vision de sacrifices gérés par un libre arbitre venu du ciel. On peut amalgamer en décrétant que cette fresque sanglante n'est que la projection cinq cent ans en arrière de nos propres valeurs ne montrant que nos acquis, haine, violence, trafic d'esclaves et main d'œuvre exploitée le tout dans une jungle reprenant ses droits par la soudaineté des attaques du jaguar et du serpent. Tout cela sent "bon" les mouvances inertielles de notre bonne vieille terre. De plus en plus de scénarii offrent au cinéma et aux contextes historiques choisis un trajet commun basé sur une rage de survivre suite à une délocalisation brutale, une initiation terrible est à gérer loin de ses bases offrant un statut d'opprimé à une volonté ferme et à toute épreuve de retourner par tous les moyens après des efforts considérables vers un centre moteur qui lui-même doit batailler ferme dans son propre environnement afin de survivre. Tout ceci ressemble étrangement à la thématique de "Retour à Cold Mountain" contexte historique différencié naturellement. Une vengeance s'alimente par le mépris envers le maître du moment, l'irrespect de l'autre gonfle les jarrets, un leitmotiv ne tenant qu'en quelques mots agrémente un parcours rétrograde périlleux ou chaque pas malhabile est dévoré par un enfer vert hyper défensif engloutissant les corps. Le récit parfaitement réussi adopte les runes d'un concept cérébral présent, les scènes très réalistes des sacrifices ont un esprit kermesse. Un stéréotype souvent reconduit dans le septième art extermine les méchants par ordre hiérarchique. Finalement le plus motivé c'est le traqué qui au fur est à mesure de ses blessures acquiert une énergie transcendante grignotant peu à peu la hargne d'un poursuivant. Ce que nous voyons au fil de ces deux heures vingt est crédible, la caresse est rare, l'homme n'est que de la viande hachée menu, tout cette déferlante nauséabonde semble adaptée à son temps malgré la réhabilitation de plusieurs ouvrages démystifiant les préconçus moyenâgeux en tartinant de douceur une époque que nos esprits jugeaient préalablement invivable. Mel Gibson montre certainement une vérité en entretenant un concept sanguinolent cinématographique présent depuis des décennies sur nos écrans, une alchimie ciblant un contexte historique hyper violent permettant à une compétence professionnelle stagnante de rester positionner sur une technologie d'images fortes fabriquées mais respectant un plan adapté à une reconstitution acceptable validant la terreur d'une époque. Nos besoins de se sentir protégé et encadré se libèrent par rapport à une barbarie que nous pensons à tort éteinte. Par cet apaisement ce système s'adapte admirablement à notre sensation d'être plus ou moins maître de nos destins. Ceci dit "Apocalypto" est une réussite, un merveilleux voyage dans le temps selon les critères exposés ci-dessus ou l'homme qu'il soit dominant ou dominé n'est qu'une bête parachutée dans un monde dément, ne rêvant que de s'endormir afin de calmer sa douleur.
  • COSMOPOLIS (2011)
    "Il y a de la souffrance pour tout le monde aujourd'hui". "Cosmopolis" mystique, austère et verrouillé, restitue parfaitement l'atmosphère automatisée de morts vivants paranos et cloitrés, dont les visages blêmes et figés sont à l'octave de leurs propos monocordes. Une réquisitoire temporel glacial sur l'extinction d'une véritable sensibilité, remplacée par l'isolement et son luxe protecteur n'offrant qu'ironie et solitude à un nanti compressé dans sa bulle d'indifférence. De longues et bavardes théories, exaltées dans un isoloir ambulant menant vers le chaos une société ayant épurée tous ses concepts moraux et politiques, dont les seuls repères sont la résignation et la fête effrénée. Le tout menant vers l'aliénation un peuple sans modèle sain, n'ayant plus le contrôle de lui-même.
  • REC (2007)
    "Tu continues de filmer, jure-le sur la tête de ta mère". Le cinéma d'épouvante reprend de bien belles couleurs grâce cet opus sédentaire et terrifiant. Une ingénieuse refonte du concept d'horreur exécuté dans une multitude de plans novateurs remarquablement travaillés. Nous sommes littéralement avalés par ce voyeurisme saccadé et glouton, incapable de s'extraire d'un irrésistible besoin de filmer la progression courageuse, étage par étage, d'individus liquéfiés par l'angoisse de ce qu'il découvrent dans tous les recoins de ces appartements d'un clair obscur menaçant. "REC" est un salutaire coup de grisou, permettant à une discipline de se ragaillardir dans des clichés impressionnants, faisant basculer crescendo le contenu dans un contexte de terreur, d'une tension remarquable de bout en bout. La caméra omniprésente balayant le site du sol au plafond apporte dans des cadrages imprévisibles l'essence principale d'un environnement apocalyptique, livré à un événementiel sauvage, abandonnant de toute humanité des esprits réduits au rang de bêtes traquées. Un très bon film thématique, intelligent, sur la disparition progressive d'une éthique, laissant sa place à une bestialité entretenue par des hurlements terrifiques.
  • LOOPER (2012)
    "Une mère prête à mourir pour son fils, un homme prêt à tuer pour sa femme." Révélateur ce remontage de bretelles effectué dans un boui-boui situé au fond de nulle part par un quinquagénaire grisonnant rattrapé au cours d'une vie agitée par un sensitif auquel il ne s'attendait pas adressé à une machine à tuer insensible et immature n'étant que lui-même vingt-ans plutôt. Difficile de ne pas penser par instants à "Terminator" dans cet opus futuriste fusionnel, passionnant entre une première tranche de vie indifférente et décalée, brusquement éveillée par une seconde vieillissante adoucie par les sentiments. Un tout en un virulent, formaté pour la protection et l'élimination d'une future puissance infernale, en manque d'affection encore au berceau. L'association brutale et initiatique, entre deux processus asymétriques, significatifs d'une révélation de soi à conquérir dans l'épreuve menant la dualité d'une unique conscience vers la rédemption.
  • BIENVENUE À GATTACA (1997)
    "Tu veux aller dans l'espace? Commence par nettoyer celui-ci". L'heureuse initiative d'un exclu refusant à l'aide de sa volonté accompagnée de quelques initiatives révoltées ou hors normes un diagnostic de naissance futuriste, implacable privant un invalidé de s'approcher au plus près de Titan, quatorzième lune de Saturne. Une transformation tenace et endurante offrant une seconde naissance à un chétif condamné ne se résignant pas à contempler cloué au sol les décollages de navettes. Métamorphose menant un reformaté dissimulateur, tricheur, manipulateur, combattif et obstiné vers ses atomes originels. Conscient des le plus jeune âge de ses étincelles intérieures de conquêtes qu'il suffit de transformer en opportunités énergétiques afin de concrétiser son rève.
  • UNE MERVEILLEUSE HISTOIRE DU TEMPS (2014)
    "Vos idées resteront claires mais elles ne sortiront plus de vous mêmes". Stephen Hawking, physicien passionné, doux et apprécié des siens, fauché injustement en pleine croissance intellectuelle devient ce qu'il étudie, un trou noir. Une lumière emprisonnée, une étoile en mode effondrée dont chaque photon ne possède plus la capacité de s'évacuer de manière naturelle d'un cerveau en ébullition foisonnant de conceptions nouvelles. Un corps sain en pleine expansion se comprime lentement suite à une maladie incurable stoppant net l'envolée d'un luminaire transformé en masse rampante déformée par le rictus. Accompagné de la disparition progressive et définitive d'une élocution dont les dernières sonorités audibles s'éteignent en fournissant un révélation capitale. L'encadrement féminin dans un premier temps exemplaire s'effrite lentement suite à une charge trop imposante abandonnant au fil de l'eau un visionnaire et sa thématique. Sur une planète tellurique, un génie se retrouve en fréquence avec le principe d'une étoile consistant à offrir son savoir à tout un environnement astronomique ou humain ovationnant par sa rotation ou ses applaudissements la luminosité d'un astre transcendé par la quête de la théorie du tout. Un esprit fécond reconnu, toujours présent dont la technologie maintient opérationnels les propos d'une machine presque éteinte dont l'unique voyant encore actif contient l'univers entier.
  • CARRINGTON (1994)
    Il est indispensable d’avoir la force de retenir ses reproches envers cette œuvre longuette et ennuyeuse. Dora Carrington, peintre de 22 ans, tombe sous le charme de l’écrivain Lytton Strachey, homosexuel au look d’un Toulouse Lautrec de taille normale, vision d’un grand frère, presque d’un père, pour cette jeune fille semblant subir dans un premier temps une homosexualité refoulée. Dora a une psychologie de garçon ce qui trouble Lytton qui essuie les plâtres dans un premier baiser avorté. Des angoisses communes offrent à ces deux protagonistes de longs discours sur un parcours littéraire raté et une sexualité d’abord rejetée, puis conquise pour ne plus être abandonnée. Les années passent, la guerre fait rage, ces deux esprits font curieusement cause commune par leurs différences. Aucune construction selon des normes n’est possible. Un corps de femme est jugé comme dégoûtant par un Lytton subjugué par le mari de Dora. Ces deux corps s’étreignent, se blottissent dans un lit, sans accomplir ce qu’on n’y fait d’habitude, quelques caresses chastes entretiennent cette amitié complexe. Ce relationnel au delà de l’amitié, sans être forcément de l’amour, est une passion aux allures métaphysiques, définit par la réflexion de Dora enceinte à Lytton. "Je ne veux pas d’enfant à moins qu’il ne soit de vous" Les parcours séparent de manière épisodiques ces deux esprits qui se doivent à leurs pulsions respectives. Dora soudainement prend conscience du chaos de son existence, en contemplant son mari et Lytton en galante compagnie respective chacun en fonction de sa sexualité. Par un coté désabusé, ces deux cœurs à l’unisson se maintiennent dans le temps par l’antinomie, un écrivain immobiliste se jugeant fini, délivre un opposé : un corps de femme enfin libéré. La jonction de leurs différences s’opère dans de longues étreintes où chacun se ressourcent dans un repos à l’image de flots apaisés.
  • LE DERNIER ROI D'ECOSSE (2006)
    "Ici c'est la violence contre la violence, avec la mort aux aguets." L'argument principal de ce "Dernier roi d’Écosse" est de dénoncer avec détermination une partie historique particulièrement éprouvante, endurée par un pays soumis à la terreur et aux discours récupérateurs. Un bien triste univers observable local semblant l'égérie de la quasi totalité d'un continent. Le bilan est édifiant et surtout révélateur d'un mode de fonctionnement perpétuel, offrant une allégorie mensongère permanente, à un peuple privé de tout, dont la seule survie est d'adorer bien souvent sans savoir pourquoi un militaire vociférateur hyper encadré. Accompagné d'une faune de carnaval affairiste ou débauchée, un paranoïaque conscient des psychologies girouettes d'un entourage incertain, monte lentement en puissance, en se servant comme argument destructeur, de l'irrémédiable trahison toujours prête à surgir. Au départ, Amin Dada est sympathique, un bon gros nounours bourru, bon vivant, moqueur et jovial servant de modèle à un jeune esprit curieux, acceptant sans lucidité tous les privilèges sans être conscient de sa récupération. A travers les convulsions d'un état sous l'emprise d'un tyran se dévoile tout un système thématique entre le dominant, le subordonné, le protégé, le courtisan, le comploteur, le sado maso, la mère porteuse et la prostituée. Composants paraissant incontournables et fédérateurs d'un territoire sous emprise privée d'une pensée naturelle. Un film remarquable sur un peuple endormi dans des traditions ancestrales, favorisant dans un premier temps une politique spectacle presque divertissante, laissant sa place à une épuration sanguinaire.
  • CONTACT (1997)
    "Vous êtes une espèce intéressante. Un mélange intéressant. Vous êtes capable de faire de si beaux rêves et de si horribles cauchemars. Vous vous sentez si perdus, si isolés, si seuls. Mais vous ne l'êtes pas. Tu vois, dans toutes nos recherches, la seule chose que nous ayons trouvé, qui rende la vie supportable, c'est l'autre." Ces mots sont prononcés par un autre monde, à l’apparence d’un père parti trop tôt, catapulteur d’un pôle d’intérêt majeur, l’écoute passionné d'un univers infini. Son discours est encourageant, ses gestes sont tendres. L’univers prend l’initiative de se faire connaître affectueusement en invitant Ellie Arroway à venir caresser les étoiles. Cette visite Végane est un premier jet sur fond de théologie et de science terrienne en chute libre. Dans les deux camps, il ne se passe plus rien les discours sont rabâchés, le ciel est muet, le Vatican et S.E.T.I sont en berne, les processus sont coûteux, les résultats inexistants, les portes de ces deux approches de l’inconnu se referment lentement, il faut un coup de pouce du ciel, une révérence courtoise, une main tendue, Véga va s’en charger et de la manière la plus incroyable. La terre est à bout de souffle, ce n’est plus qu’un capharnaüm de concepts issus d’un principe orphelin. L’absence du père est également terrienne, qui sommes-nous ? Quelle est notre mission ? Notre schéma directeur ? Ellie va le comprendre en se pliant à une subordination douce venue des étoiles. Au dessus de nos têtes, un message a été reçu, la réponse est merveilleuse, inespérée, on brûle de nous connaître. Les Végans ne sont pas supérieurs aux Terriens, ils sont différents, la perception de l’homo sapiens est bonne, les expéditions punitives d’antan sont bannies. Un livre s’ouvre, l’univers nous offre le début de sa lumière, ce n’est qu’un commencement, deux cultures peuvent s’accepter en devenant médianes. Le discours Végan ne s’adresse pas uniquement qu’à cette petite privilégiée méritante, sensible, accrocheuse et déterminée, il concerne l’humanité éprise de nouvelles lois à connaître, la Terre ne peut plus s’en sortir par elle-même, il lui faut une revalorisation offerte par l’univers. Un concept parental nouveau, une charte de comportements annihilant un parcours égoïste enfanté par une solitude éternelle. Ellie pleure un modèle et le retrouve reconstitué par une intelligence supérieure. Nous souffrons tous de l’absence d’un Père, il viendra certainement du ciel, en l’attendant il faut maintenir notre planète a flots dans un kaléidoscope de lumières vives trop diversifiées.
  • JEAN DE LA FONTAINE - LE DÉFI (2006)
    "Un seul chant pour un seul modèle, le roi". L'idée n'est pas mauvaise d'extirper de ses fables un personnage presque inconnu, jeune, grivois, chaleureux, sanguin, passionné, équitable, respectueux, courageux défenseur d'un protecteur des arts et des lettres dans la peine, sous les fers d'un Roi Soleil implacable, manipulant une police damnée, sombre, soumise et procédurière. L'œuvre, malgré ses faiblesses, dénonce assez bien un système concentrique fait d'indicateurs et de courtisans veules, dévoués à une main nourricière dont la principale raison d'être est l'immobilisme et la répression. Dans de telles conditions, le poète dans ses fables, pour se protéger en dénonçant un état sans lumière, donne la parole aux animaux. Ceux-ci révèlent un état libre, une nouvelle pensée élaborée sur l'expérience et la méditation finale, dispensant un élu d'être au service d'un monarque, n'exigeant de la part des penseurs de son temps que son reflet. On ne peut être que le miroir du roi, dans une vie dominée par les perruques et les courbettes. La lumière de l'artiste n'a pour quotidien que la faim et l'incertitude. Le penseur désire exister, laisser une trace dans le temps et surtout ne pas être une planète occultée par une luminosité insoutenable. Pour cela il faut imposer vers et comédies être Molière ou Boileau proscrits, calfeutrés dans les tavernes en espérant l'apparition d'une providence. Ceci dit "Jean de la Fontaine" dans son contenu reste correct sans plus, il lui manque une flamme, un manque de rigueur contraignant l'oeuvre à une pâleur d'ensemble. Le récit se disperse un peu trop. Certains personnages centraux, historiquement négatifs, noient les comédiens dans des restitutions trop rigides. Par contre l'antinomie entre une paillardise libératrice et l'ennui profond d'un système triste et répressif est maîtrisée.
  • L'OEIL DE L'ASTRONOME (2011)
    "Combien y en a t'il ? Autant que vous pouvez en compter". Cet apprentissage céleste paisible et mesuré, loin d'un numérique déchainé, transcende dans de douces méandres un esprit illuminé par un regard façonné dans un verbe audible et princier, accordés à l'interprétation du ciel et de ses mouvements. Principe disséqué par un faciès inquiétant, oiseau de nuit endormi le jour dont les propos novateurs, étranges et dangereux se brodent dans l'utilisation d'instruments grossissants, aussi lourds que douteux. Devant une assemblée hostile et impétueuse, une épée brisée dans l'eau se retrouve intacte hors de celle-ci, prouvant ainsi que le liquide est plus dense que l'air. Les lentilles du télescope font la même chose. L'œil également. Les objets grandissent, en rapprochant leurs traits inconnus de sceptiques entretenus par divers témoignages négatifs, affaiblissant un savant, imposant de nouvelles doctrines, contestant les paroles de la Bible. Comment faire accepter une hypothétique vie sur Jupiter? Soleil raté contemplant la ronde éternelle de ses gardes du corps, quand l'église soutient fermement que la Terre est au centre de l'univers et que d'autres astres sont inutiles ou subordonnées. Dans un contexte historique strict et verrouillé, soudainement agité par des théories nouvelles élaborées dans l'allégresse, par une intelligence dérangeante. Le ressenti passionnant et concis d'un éphémère décalé, dans une aventure d'une sobriété de cathédrale.
  • UN AMOUR D'HIVER (2013)
    "Et ils sont deux, auxquels se joint un et ils sont trois et en étant trois, il ne sont qu'un." Il y aura toujours des anges et des démons guerroyant sans cesse, pendant qu'un détonateur humain, animal ou matériel, tentera dans une perception incontrôlée ou non, de forger des rencontres fabricant des histoires entre les êtres. Le destin, otage de l'éternité, fait ce qui lui plait, réunis ou séparent qui il veut, où il veut et quand il veut. Ce qui ne peut se faire dans le passé, se fera dans le futur. Ce qui ne fonctionne pas avec l'un, fonctionnera avec l'autre. Le créateur ne ferme jamais une porte, sans en ouvrir une autre. Notre but est de ressentir et de fournir du sensitif sentimental ou violent à tous les êtres rencontrés par accident, dont les comportements bons ou mauvais, seront toujours un éveil. La révélation ultime étant de passer de la pierre brute à l'amour possible ou impossible, dont le geste final avorté dans son temps, sera réussi pour une ressource attendant patiemment sans en avoir la perception votre arrivée dans un futur lointain. "Un amour d'hiver" néanmoins attendrissant, se ballade beaucoup trop souvent entre attachement et déception, sans véritablement trouver ses marques. L'ensemble n'en reste pas moins émouvant dans certaines de ses envolées lumineuses, à voir en se laissant emporter.
  • LA COMTESSE (2009)
    "Tout ce qui est vivant doit mourir". La comtesse relate, entre certitudes et doutes, l'innocence ou la culpabilité d'un esprit insensible, talonné par ses premières rides, bataillant désespérément contre l'emprise du temps, sur un visage promis à la décomposition. Un combat perdu d'avance, entre la volonté de durer en se servant du pouvoir, de la passion et de leurs vertiges et l'inexorable montée en puissance d'un constat et de sa folie meurtrière, mise en lumière par une fausse perception, menant une raison éveillée par la révélation vers le vampirisme. La descente aux enfers d'une machine cérébrale complètement détraquée, incroyante, séduite et abandonnée exterminant sans pitié par centaines un entourage destiné à l'impossible conquête d'une immortalité. Le délabrement d'une hallucinée otage d'une portion d'histoire guerrière, froide et austère dans une biographie, hélas trop lente et dégarnie.