A travers la perception des trois versions de King Kong, il est indéniable de constater qu'il s'est passé quelque chose. Anne Darrow (Fay Wray) est le calque d'une héroïne ancrée dans les normes d'un nationalisme bien pensant. Malgré la crise, les esprits sont positionnés dans des règles strictes, relationnelles, un visage blême, des cris stridents et une parole close sont les portes paroles de la sélection. En ces temps, il n'y a aucun moyen de communiquer avec ce qui est différent. King Kong effraie, il est la perception sensible, malgré son isolement d'un tiers-monde gigantesque aux mêmes exigences universelles : S s'intégrer par la puissance de sentiments offerts et demandés. La sanction en ces années 30 est irrévocable, c'est impossible et on le paie cher. A travers l'élimination de la bête c'est le constat d'une société. Dwan (Jessica Lang) parachutée en pleine crise pétrolière, est plus sensible, moins effrayée, elle ébauche quelques phrases du genre "Nous deux ça, peut pas coller" ce qui la rend enfin opérationnelle dans la diction, sans cris inlassablement poussés, elle a la perception d'un animal, certes hors du commun, mais pouvant être managé. La belle et la bête communiquent enfin. La nouvelle Anne Darrow, version 2005, (Naomi Watts) prend sérieusement les choses en main, après un cri inévitable poussé à la première vision du singe, elle s'adapte, fait valoir ses droits au respect, s'imprègne peu à peu d'une protection indispensable en ces lieux surdimensionnés, Kong sombre vaincu par l'autorité d'une voix et le galbe d'un joli corps qui jongle, un regard soutenu achève enfin la bête qui devient comme morte. Une énorme main tendue soumet la belle, qui vaincue par ses sens, prononce des mots dictés par le réconfort d'une sécurité domptée : c'est merveilleux. Les trois versions sont évolutives et complémentaires. Kong fait référence chaque fois à ces arguments premiers de singe amoureux, c'est la belle qui se métamorphose, elle va vers Kong, le touche, s'endort dans ses bras sans aucune peur, l'idylle avec Jack Driscoll devient pâle et secondaire, celui-ci s'avérant limité par sa position de bipède cloué au sol. Kong, par ses possibilités naturelles, offre le vertige des hauteurs crépusculaires à une belle conquise par ces visions nouvelles. La belle ressent, vit pleinement le moment qui passe, Kong est un nouveau paragraphe inséré dans un relationnel amoureux. Dans cette jungle meurtrière les règles de puissances sont inversées, la protection, c'est la bête, qui percevant enfin l'intérêt de l'autre, devient corvéable pour l'éternité.