Critique de
JIPI
"Une civilisation n'est conquise que si elle s'est préalablement détruite par elle-même".
En attendant la fureur des combats, le Maya est un excellent chasseur, un incorrigible farceur et un admirable conteur. Ces qualités sont soudainement archivées, le village est attaqué. Les hommes capturés entament un cheminement initiatique vers la vision de sacrifices gérés par un libre arbitre venu du ciel. On peut amalgamer en décrétant que cette fresque sanglante n'est que la projection cinq cent ans en arrière de nos propres valeurs ne montrant que nos acquis, haine, violence, trafic d'esclaves et main d'œuvre exploitée le tout dans une jungle reprenant ses droits par la soudaineté des attaques du jaguar et du serpent. Tout cela sent "bon" les mouvances inertielles de notre bonne vieille terre. De plus en plus de scénarii offrent au cinéma et aux contextes historiques choisis un trajet commun basé sur une rage de survivre suite à une délocalisation brutale, une initiation terrible est à gérer loin de ses bases offrant un statut d'opprimé à une volonté ferme et à toute épreuve de retourner par tous les moyens après des efforts considérables vers un centre moteur qui lui-même doit batailler ferme dans son propre environnement afin de survivre. Tout ceci ressemble étrangement à la thématique de "Retour à Cold Mountain" contexte historique différencié naturellement. Une vengeance s'alimente par le mépris envers le maître du moment, l'irrespect de l'autre gonfle les jarrets, un leitmotiv ne tenant qu'en quelques mots agrémente un parcours rétrograde périlleux ou chaque pas malhabile est dévoré par un enfer vert hyper défensif engloutissant les corps. Le récit parfaitement réussi adopte les runes d'un concept cérébral présent, les scènes très réalistes des sacrifices ont un esprit kermesse. Un stéréotype souvent reconduit dans le septième art extermine les méchants par ordre hiérarchique. Finalement le plus motivé c'est le traqué qui au fur est à mesure de ses blessures acquiert une énergie transcendante grignotant peu à peu la hargne d'un poursuivant. Ce que nous voyons au fil de ces deux heures vingt est crédible, la caresse est rare, l'homme n'est que de la viande hachée menu, tout cette déferlante nauséabonde semble adaptée à son temps malgré la réhabilitation de plusieurs ouvrages démystifiant les préconçus moyenâgeux en tartinant de douceur une époque que nos esprits jugeaient préalablement invivable. Mel Gibson montre certainement une vérité en entretenant un concept sanguinolent cinématographique présent depuis des décennies sur nos écrans, une alchimie ciblant un contexte historique hyper violent permettant à une compétence professionnelle stagnante de rester positionner sur une technologie d'images fortes fabriquées mais respectant un plan adapté à une reconstitution acceptable validant la terreur d'une époque. Nos besoins de se sentir protégé et encadré se libèrent par rapport à une barbarie que nous pensons à tort éteinte. Par cet apaisement ce système s'adapte admirablement à notre sensation d'être plus ou moins maître de nos destins. Ceci dit "Apocalypto" est une réussite, un merveilleux voyage dans le temps selon les critères exposés ci-dessus ou l'homme qu'il soit dominant ou dominé n'est qu'une bête parachutée dans un monde dément, ne rêvant que de s'endormir afin de calmer sa douleur.