Critique(s)/Commentaire(s) de L.Ventriloque

Voir ses 50 films notés

Page 12 sur 18 (900 critiques au total)

  • BILLY ELLIOT (2000)
    Note : 17/20
    Sortie en salle en 2000, passage à la télévision française en 2011. Un film tous publics. Toujours aussi gracieux ! Comment gommer l'émotion de ce récit par paliers soigneusement empilés, intermèdes cocasses, pointes de tristesse, jusqu'à ce bouquet final qui convainc les plus sceptiques ! Un volet social fourni, la famille et ses drames, les grèves minières déjà à l'honneur dans "Brassed off" ("Les Virtuoses") de l'également britannique Mark Herman. Avec le recul, Billy s'apparenterait assez à Alex de "Flashdance" d'Adrian Lyne (1983), même volonté de sortir de sa condition par le domptage du corps, ici d'une façon plus naturelle, la rudesse "gym tonic" des eighties en moins. La Grande-Bretagne a connu quelques années d'embellie après le thatchérisme qui transpire dans ce film, pour régresser à nouveau comme toute l'Europe, avec ce revers qu'est la radicalisation des esprits. On peut déplorer leur foisonnement, sourire de la naïveté de certaines scènes ou trouver que le jeune Billy jamais abattu, tout en pirouettes, incarne la jeunesse par définition pleine de ressources !
  • OSTIA (1970)
    Note : 16/20
    C'est somptueux côté son et images, et très corrosif sur le fond. L'élément féminin permet qu'on s'intéresse à ces deux benêts, marqués au fer rouge par la perte de leur animal favori et la toxicité parentale. Deux éclopés se versant le vin stocké au jerrycan dans un intérieur crasseux. Des souvenirs personnels de Sergio Citti seraient ici immortalisés (la nappe blanche du banquet familial). En arrière-plan, on décèle aussi l'empreinte de Pasolini, repoussant et fascinant, hostile à toute emprise remettant en cause ses certitudes. Insistance du poids religieux en prison avec humour parfois (à la question à un détenu, "vous vous confessez ?", la réponse "pour reprendre 30 ans ?")... La grâce du film tourne autour de la blonde sculpturale qui couche ou plonge dans la mer comme on respire, pur fantasme de machiste soixante huitard. Quelques plans séquence sabordés (cette danse à l'accordéon si charmante au début, vraiment lourde ensuite...). Cinéma très charcuteur des années soixante dix, intello, glandouilleur, éternellement adolescent comme c'était la tendance, grandes théories déclamées, actions a minima. Si les deux compères sont feintés par une créature de rêve sauvée d'un viol par papa, c'est la tragédie grecque d'un seul coup... Pour le spectateur, l'intérêt global se situe lors des pointes poétiques à partir de la barque, l'eau chaude, ce poison des sirènes. Le machisme reste modéré cependant, "la créature" a la vie sauve !
  • UN HOMME D'EXCEPTION (2001)
    Note : 12/20
    Assez bien filmée, cette retranscription d'une histoire vraie aurait pu être palpitante avec un message clair concernant la trajectoire de John Forbes Nash. Et pourtant les acteurs font ce qu'ils peuvent ! On est loin de l'émotion ressentie par "Rainman" par exemple. Le réalisateur s'évertue à appuyer sur l'anormalité de ce prodige en maths isolé de ses camarades étudiants (il a des copains quand même, et un confident !), déclare ne pas vraiment aimer son prochain, lequel le lui rendrait bien. Compétition de l'école oblige, il faut se trouver un créneau pour décrocher une palme quelconque, "exister". Redoutable pour les caractères concentrés sur leur marotte... Vient flotter une culpabilité de bon aloi, la difficulté à mettre les formes avec les filles, et puis cette fixation sur le colocataire avec sa nièce orpheline, le refus de pardonner (un peu gros !)... Détestation des faux-semblants du collectif et refuge dans des décryptages à l'origine du mal pour moi... Le solitaire idéal à enfermer dans des missions secrètes. Prodige ou fou, deux entités qui se confondent après ce sinistre et seul emploi de John Nash, à présent étiqueté "schizophrène paranoïde" parce qu'il l'était en puissance... Hum ! Pour moi, la dépression s'amorce quand l'homme est utilisé par le Pentagone, rôle ingrat d'espion sous le McCarthysme, avec ce choc émotionnel dans la voiture lors de la poursuite. Ajoutons le séjour à l'asile, la série d'électrochocs étant l'apothéose : sans cet engrenage, le gars restait un original, juste un peu carapaçonné, mais sans le délire hallucinatoire qui s'ensuit (très difficile d'ailleurs de démêler l'écheveau entre vrai et faux !). Le film force sur le compassionnel de manière à ménager le politique, grave erreur. Il est de bon ton de pleurer en découvrant ce Prix Nobel remis en 1994 à grand renfort de protection de l'épouse. Je trouve que c'est prendre le spectateur pour un gros niais.
  • STAND-BY (2000)
    Note : 16/20
    En découvrant ce film en 2008 sur dvd, je me suis dit qu'il vaut encore mieux se faire abandonner une bonne fois dans l'adolescence plutôt que d'y croire sur des années et d'être plaquée ainsi, après les épreuves supposées rendre le couple indéboulonnable... Passée la stupeur, l'histoire aurait un rien de "La Fiancée du Pirate" de Nelly Kaplan, par sa morgue, le cynisme nécessaire, celui qui permet de revenir à soi. Magnifique prestation de Dominique Blanc et de Roschdy Zem, savante descente aux enfers ! On peut dire que cette femme a eu chaud !... Etrange comme le mari de retour a pris quelque chose de notre Bigard national qui fait que le surplace à Orly (aéroport-refuge très bien filmé !) passerait presque pour vertueux !
  • HAUT LES COEURS ! (1999)
    Note : 19/20
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  • RATCATCHER (1999)
    Note : 14/20
    Présenté au Cycle nantais Univerciné Britannique 2013. Une réalisation des nineties traitant des seventies dans une zone populaire de Glasgow. La direction d'acteurs et l'excellence de l'interprétation touchent un long moment, invitant à revenir faire un tour dans son propre labyrinthe adolescent. Chemin faisant, l'alternance d'images somptueuses avec compensations sucrées, tout cela fait qu'on est comme lors d'un repas où on sent son estomac faire des remous. Une dérive mentale aussi saignante vue par le petit bout de la lorgnette, cela passe difficilement. Le regard personnel de cinéaste s'évapore à chaque fois qu'il pourrait s'exprimer. Les effets restent cantonnés à l'intime du protagoniste, à qui manque un mur contre lequel se heurter... Brut, sans parti pris réel, on rejoint le film de jeunes à l'esprit de tribu. Malgré le décor planté (grève des éboueurs résumant l'atmosphère générale), c'est trop un filmage d'esthète, refuge dans l'espoir sociétal de mieux, et point. Manque de cran pour la dernière partie, même si, lors du tournage (1999) Lynne Ramsay ne pouvait prédire le choc économique outre-Manche décuplé par "la globalisation"
  • IMAGES DE LA VIE (1934)
    Note : 19/20
    Le premier plan est une plongée sur un canard en plastique qui flotte. Le tendre dialogue d'une mère et sa fillette, la course matinale dans les escaliers, cette nurse noire qui s'attarde comme un chat trouvant une bonne maison. Elle amène une recette inédite de pancakes qui vont vite passer au mode industriel avec une enseigne lumineuse figurative rappelant la face noble du capitalisme de nos pères. La veuve d'industriel a du coeur et en plus un don pour la prestidigitation... Alors oui, c'est à l'origine "Imitation of life", le même banal roman qui inspira "Mirage de la vie", somptueuse oeuvre étasunienne en couleurs des fifties qui utilise les ressorts du mélodrame hollywoodien pour basculer en cours de route vers la satire, une ambiguïté qui peut gêner... Cette première version de John M. STAHL, sobre dans son noir et blanc de 1934 est plus frontale, on a l'impression de figurer invisible dans le cadre. Le même message de fond, la même complicité de deux femmes à partir d'un besoin complémentaire qui les portent à s'enrichir ensemble, chacune mettant la main à la pâte, c'est le cas de le dire... Les deux filles de ces dames apprennent à vivre douloureusement. On s'attendrit mais comme ça discute beaucoup, le spectateur ne verse que les larmes indispensables. Autre charme de ce petit film où on ne s'ennuie pas une seconde, l'heureux élu prend tout son temps pour débarquer, digne dans sa profession imprononçable et sûr de son fait.
  • LA BRUNE DE MES REVES (1947)
    Note : 11/20
    Ennui profond lors de cette satire de film noir. Hé bien, je préfère les vrais films noirs, affectionne donc très modérément qu'on les singe. Surtout si le scénario est à tiroirs pour faire languir, on se balade plus qu'on attend un scoop, avec ces répliques ressemblant à du remplissage. Les acteurs semblent s'emm... ferme ! Quant à "La brune des rêves" en question, Dorothy Lamour, qui aurait pu apporter sa part de surprise, fait très peu d'étincelles dans cette histoire... Pas plus de chance côté séduction masculine et rire, Bob Hope, vedette incontestée, me taperait plutôt sur les nerfs !
  • LICENSE TO LIVE (1998)
    Note : 16/20
    Oeuvre insolite projetée aux "Trois Continents" nantais de 2009 : quelques mots de Kiyochi Kurosawa présent dans la salle, réservé mais chaleureux, ravi de la pertinence de ce festival, concluant qu'avant ce film sur la famille, le polar et le fantastique étaient ses domaines de prédilection. Analyse autour d'un coma ici : Ceux "qui reviennent de loin"... Quel sens donner à cette "fausse-mort" ? Comment rebondir de part et d'autre après une aussi longue interruption ?... Voilà que le ressuscité déclare se souvenir en voyant des photos, de ce dix-septième anniversaire fêté par les siens autour de son lit d'hôpital... Repérable à ses "pantacourts" parmi les ombres sillonnant l'écran, mental au stade ado et voix bien grave, Yataka fait presque peur par les questions qu'il se pose quant à son futur... Un cheval sacré et des repas familiaux rappellent l'harmonie d'antan, ultimes références... Une fois habitué à l'austérité du propos, aux style haché, au clair-obscur jetant le trouble sur les visages, on suit cette trajectoire heurtée sans résistance par la magie du cinéaste, plus fin sociologue qu'il n'y paraît d'entrée de jeu.
  • LA PIANISTE (2001)
    Note : 16/20
    Il est des actrices qui donnent envie d'aller très loin dans l'anormalité. Charlotte Rampling ou Isabelle Huppert en font partie. Très inspiré par la monstruosité sexuelle à la limite du vampirisme, résultat d'un lien à la mère très tourmenté, Haneke visite une nouvelle fois le registre psychiatrique qui lui arracha l'insoutenable "Septième Continent". Mettre en plein soleil son coeur ou son c... c'est pareil" chantait Brassens. On coule à pic dans les tréfonds du fantasme au féminin. Le scalpel du chirurgien dans la tripaille. Même si ces penchants malsains existent, une telle descente aux enfers plombe le personnage central et fait qu'on supporte le film une fois mais sans doute pas deux.
  • CHERE MARTHA (2001)
    Note : 17/20
    Toujours réconfortant ce dvd avec sa lumière dorée et ses bons petits plats. Une jolie histoire qui fait voyager dans la cuisine en ramenant constamment une mélodie de Keith Jarrett dont je ne saurai me lasser. Bien supérieur à un téléfilm du dimanche soir, car la caméra a su magnifiquement approcher à travers un quotidien "tout sauf glamour" deux êtres fracassés en-dedans. Merveilleux restaurant tel un soleil dans une ville allemande plombée par l'hiver. Martina Gedeck et Sergio Castellitto en froid du nord contre Italie torride... Perdre une soeur et héberger sa toute jeune nièce en catastrophe : on suit cette femme embarrassée, obligée de se durcir pour tenir... Des trajectoires de survie, une description très juste de ces instants où tout semble inscrit dans l'à peu près vers une forme de déshumanisation. Et soudain la magie d'une complémentarité avec toutes les étapes qui la rendent incontournable.
  • LES ASSASSINS SONT PARMI NOUS (1946)
    Note : 16/20
    Cycle RDA de janvier 2009 (Cinématographe de Nantes) : c'est un film très fort dans sa portée ! On est dans le Berlin dévasté au lendemain de la Seconde Guerre (très belle photo en noir et blanc contrasté comme dans les films noirs, avec musique stridente aux moments cruciaux...). Revenus de l'indicible chacun à leur manière, ils décident la vie commune dans ce qui reste d'habitable : homme et femme qui se plaisent, on le pressent, quoiqu'il soit vraiment très ténébreux, ce chirurgien, contrairement à elle, requinquée d'être en vie, heureuse de fêter Noël par un beau sapin... Se positionner entre la défense de son peuple et user de "raffinements" sous prétexte que "c'est la guerre", on fait quoi en sortant du chaos, le plus fort ici est bien d'avoir réussi que le spectateur repousse toujours l'idée de vengeance, au profit d'une autre alternative, au demeurant plus civilisée. Après bien des méandres, tout s'éclaire par l'apparition d'un bon père de famille, après une drôle de lettre tombée sur un plancher, le bonhomme a une bille sympathique, certes un peu onctueux, mais affable avec ses employés, ne serait-ce ce flash-back, et aussi ce pistolet rendu... Compte tenu des difficultés au sortir de la guerre, qui occasionna la refonte complète du dénouement, ce film semblerait relever du miracle. Très belle réflexion, Ô combien d'actualité en ce début 2009, où l'innocence continue à être sacrifiée chaque seconde !
  • LE FILS (2002)
    Note : 18/20
    Avec leur caméra ultra-légère portée à bout de bras, les Frères Dardenne scrutent Olivier, ce menuisier un peu sévère de prime abord, qui transmet le métier à des jeunes en difficulté sociale. Il y a du suspense dans cette intrusion au ras des faits et gestes, dialogues brefs, pas de musique du tout. Autre particularité, cette étrange ceinture évitant à l'artisan-éducateur d'en avoir plein le dos. Drôle de volte-face pour s'encombrer du meurtrier d'un des siens... Rester du côté de la vie, c'est le propre des éducateurs les plus purs, mais alors cette tension resserrée sur les personnages n'annonce rien de bon au contraire... J'ai trouvé que le jeune Francis (Morgan Marinne, dont c'est le premier rôle) incarne avec force ce délinquant enfant qui a purgé sa peine et serait apte à renaître. Il forme, avec Olivier Gourmet, le tandem apprenti/patron que le boulot oblige au respect mutuel : de l'application, de la discipline, le métier met en valeur les hommes... Mais voici quelques détails sur le meurtre, cet instant qui jette toujours un froid... Les jours passent, à l'occasion de trajets dans la région, la fibre père-fils semblerait se déplacer par pulsions, comme si l'instinct était plus fort que la raison ou le souvenir. A les voir complices, à l'épreuve ou concentrés sur leurs planches, deux murés qui se comprennent... Qui sait, toutes choses restant relatives, si le fils légitime, dans le noble travail du bois, aurait approché cette grâce avec l'adulte, j'en suis venue à me le demander !
  • L'AUTRE (1999)
    Note : 17/20
    Dvd assez inégal au plan de la mise en forme mais clair quant au message politique à l'oeuvre pendant le tournage, en 1998 ! Il faut s'habituer aux enjolivures orientales, les personnages lisses, ces rituels un peu conte des mille et une nuits avec leur mélange de voiles et de modernité hollywoodienne. Surtout si on ne raffole pas spécialement de comédies musicales. Toutefois, si on parvient à se laisser bercer en guettant au passage les piques qui affleurent, c'est une romance de longue portée, bien plus féroce que prévue. Les dernières images de ce visionnaire mondial sidèrent : fidèle à son affirmation "j'aime l'autre dans sa différence", que n'eût fait Youssef Chahine aujourd'hui !
  • KARNAVAL (1998)
    Note : 19/20
    Silhouettes découpées sur les dunes... Le petit matin à Dunkerque, ville glaciale en état second une fois l'an... Entrée picturale et musicale feutrée, d'une élégance ! Couleurs pétantes, petites ombrelles perchées au bout de piques tournicotant au-dessus du sable, à gauche les immeubles gris tremblottants qui attendent, ces hurluberlus marmonnant encore quelque couplet se lèvent ou se couchent ?... La caméra virevolte comme un insecte sur les tenues : perruques rougeoyantes, plumeaux fluo, un défilé clownesque empruntant au théâtre italien, savant mélange offert aux sens... InKroyable Karnaval avec un K immortalisé efficacement par Thomas Vincent ! On croirait le prolongement contemporain du cinéaste Renoir fils du peintre... Plein de promesse et ensuite aucune déception, "ça assure" à chaque plan ! En contrepoint de la liesse des cafés ou des rues, quelques intrusions dans les intimités, qu'on capte bien la réalité des trois qui nous occupent... Minutes angoissantes, et de nouveau il faut tendre l'oreille sur ces chansons entonnées depuis des générations et sans doute remises au goût du jour. Un débordement entendu, jamais trop abject pour autant, le collectif "tient" les participants pendant un mois et demi (!), durée nécessitant un juste équilibre des énergies (compacts, ces petits groupes, comme pour se tenir bien vivants dans le froid hivernal). Excellente thérapie annuelle, car au boulot ou au chôme-dû, loin d'être la joie, déjà en 1998 dans le Nord !... Comme on les comprend, Béa et Larbi, complices à mettre ensemble l'époux Christian au plume, le voici bientôt à l'état de fauve, ce que c'est que de côtoyer un chien dressé à l'attaque...Franchement, cette épopée carnavalesque a gardé toute son intensité, encore bien piquante en 2009 sur vidéocassette !
  • O' BROTHER (2000)
    Note : 17/20
    Toujours avec des obsessions du même type, une autre variante de la vision "Coen" de l'Amérique du Nord rurale. Impossible de prendre au sérieux le périple de ces lurons, hormis peut-être la question des travaux forcés à dominante noire ici, qui semblerait en dire long... Cavaler ainsi enchaînés reste un exploit en revanche ! Bons coups de griffe des campagnes électorales locales au passage, tous ces palabres ont un fond de vrai encore aujourd'hui... Pour le reste, c'est un voyage plein de surprises (bévues et traîtrise présentée comme la grâce, je pense à ces trois naïades et leur philtre magique)... S'endormir pendant les accalmies ou craindre de basculer dans le vrai drame... Ce serait oublier les gags Coen, souvent à contrepied des poncifs : les trois larrons deviennent vite des anti-héros plus ils se connaissent, l'épouse à six rejetons du gominé de service, "compte jusqu'à trois", sûre de se faire désirer, et sans être une bombe... Quant à la musique avec sa part d'ironie sous le solennel, elle permet tous les luxes !
  • THE BARBER : L'HOMME QUI N'ÉTAIT PAS LÀ (2001)
    Note : 17/20
    Somptueux noir et blanc en plans larges, photographes et cameramen, vous auriez tort de louper cette oeuvre réputée lancinante... Pas tant que cela d'ailleurs : on alterne des peignes et rasoirs à la quiétude du pavillon de banlieue sous la brise printanière, avec ce type retenu, une bonne gueule, mais alors, l'enthousiaste par excellence !... Un drame à retardement se mijote, car il est question de trahisons qui ne pardonnent pas... Avec tellement de signes annonciateurs, la marque implacable des Coen que le pire, bien qu'il prenne son temps, va se pointer, par paliers ici, la scène pour garder le film en mémoire est bien cet enjoliveur roulant au ralenti dans les hautes herbes... Présents dans l'escalade, Billy Bob Thornton, flegmatique à hurler, Frances Mc Dormand bien empêtrée (épouse à la ville de Joël Coen) et Scarlett Johansson toute jeune, en pianiste déroutante, avec ce morceau de Bach, part lancinante du film... Plaisir toujours très vif aussi de retrouver une fois de plus le tandem Michael Badalucco en coiffeur pipelette et Jon Polito en truand à perruque... Quelques longueurs si on le voit une deuxième fois (un défaut des Frères Coen)... Mais si vous le découvrez, l'esthétique, le suspense, procurent de quoi s'armer de patience.
  • SCÈNES DE CRIMES (1999)
    Note : 14/20
    Vu en dvd mars 2009. Les deux têtes d'affiche parviennent à préserver l'intérêt, car ça part dans tous les sens, surtout dans la deuxième partie du film, l'ordonnance avec le collyre, hum !... Pourtant finement envoyé, ce plongeon sur la fenêtre avec, soudain, la jeune fille en tenue légère rivée sur sa musique au casque, des écouteurs changeant ensuite d'oreilles... D'autres moments étincelants, je pense par exemple à l'acteur Dussolier effondré intérieurement jusqu'au choc de sa disparition de l'écran, plantant Berling en quelques secondes (des minutes intenses !). Image soignée dans l'ensemble, les dialogues, les silences aussi sont éloquents. J'ai moins raffolé de cette caméra appuyée sur le sordide (le chien qui couine, les cadavres visités, les têtes repêchées...). Quelques choix musicaux ajoutant à la nausée qu'on ne ressent que trop m'ont fait soupirer, en dépit des moments de familiarité, bref, j'en suis sortie bien amère... A froid le lendemain : l'ensemble représente un polar respectable, Frédéric Schoendoerffer a de qui tenir, il aime la précision, les bases très authentiques (tourné après séjour Quai des Orfèvres ?). Disons que les intentions sont louables, à souhaiter que leur présentation se bonifie avec l'expérience.
  • JE RENTRE A LA MAISON (2001)
    Note : 15/20
    Un défaut qui peut décourager tout de suite, mais c'est souvent la faille de Manoel de Oliveira : long, notamment les tirades théâtrales (qu'on peut abréger en dvd), baîllez donc un peu, mais ne décrochez pas car le texte déclamé, les ombres en coulisse, amènent une descente en flèche. A la réflexion, un ensemble assez grandiose que ce paradoxe entre le jeu de comédien sur la vie et la mort et un TRIPLE deuil "pour de vrai" d'un seul coup d'un seul... De quoi faire une apoplexie... Donc, après une demi-heure, c'est beaucoup mieux avec Piccoli s'efforçant de s'habituer, et tout cela sans un flash-back sur les disparus... Beaucoup aimé les petites scènes, grand-père et petit-fils téléguidant leurs bolides, solitaires à place préférée au café parisien, les chaussures neuves pour rester debout, avec l'insistance de la caméra sur le pied droit et sa chaussure flambant neuf puis, plus tard, ces vieilles pompes noires d'avant.. Autre aspect instructif de ce film : les coulisses du grand ou du petit écran, tous ces rôles ingrats à apprendre dare-dare, là aussi on est donc "aux pièces" (exigence du metteur en scène joué par Malkovitch, intervenant mécaniquement, au mot près) un rappel que le métier d'acteur comporte les mêmes écueils que le business !
  • LA NUIT DES ALLIGATORS (1967)
    Note : 16/20
    Penthouse, appartement terrasse ou dernier étage en 1967... A grands renforts de contre-plongées, on monte patiemment les escaliers tout en assistant au réveil de deux rescapés du matin qui ouvrent quand ça sonne, les idiots... Faux releveurs de compteurs, ils prévoient de prendre du bon temps... Il y a quelques flottements, on négocie, les victimes, à l'arrivée de la plus sorcière du lot ouvrent à nouveau, les imprudents... Si la dame coopère dans sa montée alcoolisée le monsieur en a pourtant sa claque... On échappe au malsain de "Performance" sorti quelques années plus tard, suivi du célèbre "Orange Mécanique" et ses cruautés. C'est davantage une perversité de psychopathe dans la moyenne, qui rappellerait "Le Limier" de Mankiewicz. La sorcière sexy de la dernière partie avec ses dents d'ogresse et ses jambes à mini-jupe soulignent la libération sexuelle débridée par la toute nouvelle contraception. Tentation de petit-bourgeois oisif ou charge contre le puritanisme de la bonne société british des sixties, cette torture de l'intime fait un peu "has been" en 2012 bien qu'elle reste visuellement pertinente. Le titre suggèrerait une mode passagère de ce temps-là, des alligators bébés en appartement dont il fallait se défaire ensuite, autant de monstres carnassiers adultes qui hantaient durablement les canalisations, brrr !
  • GADJO DILO (1997)
    Note : 13/20
    pour la musique, la défense du peuple tzigane en général, bien davantage que pour la forme, ça m'a gênée qu'il n'y ait que le regard d'un ado sur cette communauté (y compris ce vieil Isidore, dur à l'alcool, gueulard et encore vert). Constat aussi que Gatlif réutilise les mêmes ficelles, ce qui fait qu'en suivant Gadjo Dilo en vidéo-cassette (novembre 2007), je pensais à "Vengo" et "Transylvania". En souhaitant que "Latcho Drom", restant à découvrir, offre un angle supplémentaire à celui de l'errance avec grands numéros musicaux et danses endiablées, très bien exécutés mais un peu justes dès lors qu'il n'y a pas plus à se mettre sous la dent. Note discordante de taille, ici, Romain Duris avec son rire niais s'amusant à faire répéter "Nique ta mère" au vieux patriarche du coin ! Franchement, il a fait mieux depuis... Par ailleurs, l'ambiance de ce coin de Roumanie est déjà rude naturellement, chaotique, point n'était besoin d'insister à ce point sur la formulation verbale du désir ... Ce cinéaste semble posséder une facette énergique, émouvante, ce désir de fraternité, qui permet des moments d'intense beauté, et puis une autre facette brouillonne, tonitruante, ce regard "éternellement jeune" sympa mais un peu lourd, étroit, qui vient gâcher l'ensemble, observation toute personnelle !
  • RESSOURCES HUMAINES (1999)
    Note : 19/20
    Toutes les grosses hypocrisies à quoi conduit le monde de l'entreprise pour que l'individu entre dans un moule, de quelque bord qu'on se place. Et la commodité d'intercaler un stagiaire pour faire passer certaines pilules... Jouissif pour ceux qui ont morflé de ce conditionnement patronat/syndicats quand il devient absurde. Laurent Cantet est très inspiré de "La Honte", bouquin d'Annie Ernaux, il en profite pour ajouter dans son analyse la difficulté entre un père ouvrier rampant devant son patron et son fils jeune cadre émoulu. Une relation qui explose, sur fond de grève. Admirables acteurs amateurs au chômage et qui revivent leurs émotions du temps où ils y trouvaient leur identité sociale (cette larme parternelle !). Jalil Lespert, seul professionnel, incarne bien, avec sa gueule de jeunot au courant des affaires, et qui croit tout possible, le fils qui mue vers la réussite, mais sans se trahir tout à fait... La déléguée syndicale d'abord à claquer, mais soudain humaine ... Le boss et les contremaîtres comme si on y était... Franchement, c'est peut-être empreint de sérieux, ou même un peu clinique, mais en 2007, à l'heure où les 35 heures en tant que telles (au lieu de leur discutable application) sont presque considérées comme une hérésie, ce "documentaire" est un joyau !
  • M/OTHER (1999)
    Note : 18/20
    Maniérisme discutable ? Cette écriture particulière du titre en complique la recherche ! Cela dit, les 2h27mn de "M/OTHER" (1999) visionnées en deux temps sur dvd passent comme l'éclair. Sûr que le violon grinçant annonce la fêlure, et que les "trous noirs" destabilisent... J'ai trouvé les vitres-miroirs rassurantes en revanche... Caractéristique à privilégier: les plans-séquence, capitaux, à écourter s'ils pèsent, toutefois l'avarice de mots fait qu'ils portent. Stoïcisme de rester ainsi à se regarder en chiens de faïence pour la bonne cause... Et pourtant mille fois mieux que la réalisation suivante de Suwa, "Un couple parfait" en 2006, grâce à un contexte infiniment moins plombé. Ici la tension s'accompagne de brusques crises (productives) dues à cette intrusion enfantine que le savoir-vivre commande d'accepter... "Petit Shun", fort de sa vulnérabilité (ne fait pas ses 8 ans, plutôt 6), oblige Aki à passer outre ses idéaux tout en la vivifiant (savoureuses contorsions sous le canapé pour faire une surprise au père, ou encore ce refus de dormir en pensant aux accidents)... Arrive aussi cette copine marié et mère de deux bambins, l'occasion de confidences utiles... Tetsuro et sa compagne peinent à y voir clair, ce n'est pas gagné... Malaise alternant de plus en plus avec fraîcheur et re-malaise, et ces interruptions qui font croire que c'est bouclé... Mais non, voici des rallonges, dans un univers fonctionnel où l'intendance est reine, avec cette lumière sur les boiseries acajou et tissus qui amortit le non-dit (qui est l'intrus)... On y fume sa cigarette, pizza et sphaghetti sont aux menus... Japon moderne revenu des traditions séculaires dont l'éducation peine à lâcher les stéréotypes ? Pas seulement ! Ce cinéaste affichant largement "multi-cultures", chaque occidental peut y trouver de soi, suffit d'avoir la patience.
  • CET AMOUR-LÀ (2001)
    Note : 15/20
    Imaginer Marguerite Duras vieillissante dans les aspects les plus triviaux du quotidien, il fallait Jeanne Moreau pour incarner pareil phénomène : craquante grâce à sa littérature, toujours un peu avinée... et tellement rosse ! Le jeune fan qui a failli se supprimer dépasse ici la ligne jaune de la dignité, devient "la chose" de Madame, à moitié son tendre (et un peu pot de colle) enfant, son amant de quelques fulgurances sans doute. On en déduit que cet épisode a dû les remuer tous deux, qu'on s'attache bêtement à force de se connaître quand on clame un peu trop fort que c'est mieux de vivre seul... Peu de citations grandiloquentes, des dialogues plutôt plats... On sent l'usure de la dame qui jette l'éponge face à l'incommensurable misère humaine, l'inexpérience de l'admirateur, ce qui donne envie de connaître le livre de Yann Andréa, le vrai jeunôt entiché de la romancière. Par-dessus tout, dommage qu'il y ait à se colleter en cours de route ce "Capri c'est fini" appuyé à l'excès ! .
  • DANCER UPSTAIRS (2002)
    Note : 18/20
    Abrupte introduction, qui incite se frotter les yeux tant il faut ingurgiter alors que c'est montré comme limpide. Est-on bête, de mauvais poil ou mal réveillé ?... Non, on mérite ce film, enfin il est construit de telle sorte, le dvd s'avère précieux pour remonter la mécanique, faire partager une pertinence pas si commune ! Le début vous empoigne, fascinante mise en scène, choix d'acteurs attachants d'office, énergie, variété d'ambiances, des dialogues très informatifs, tendresse et cruauté mêlés, tout cela déballé par rafales séduit... Dédale narratif éprouvant sur des situations familières, c'est contradictoire. Derrière la caméra, se devine une personnalité lucide, affectueuse sous ses dehors en veux-tu en voilà. On en arrive à se dire que ce type à regard oblique (Javier Bardem) calqué sur les déroutantes façons du réalisateur en interview, va nous amener le truc qui terrasse... Surtout que se précise la danseuse (Laura Morante) entrevue par petites touches avares jusque-là. Le premier ballet derrière elle jure avec sa grâce globale, pas pour rien certainement... Les fusées éclairantes se multiplient sur la dernière partie, récompensant le spectateur au centuple. Au diable donc cette impression d'être largué ! C'est un film difficile, le premier de Malkovich. Il aborde l'engagement politique que vient troubler l'aimantation mutuelle homme-femme. Ici dans le terrorisme d'Amérique Latine (l'occasion de regarder d'un peu plus près les aléas des dictatures de ce côté-là du globe). Pertinence et charme fou habitent ce film riche de paradoxes, j'en redemande !
  • LAISSEZ-PASSER (2001)
    Note : 14/20
    Des moments très émouvants, je pense à ces petits terrifiés pendant les alertes et qui pleurent toutes les larmes de leurs corps... On assiste donc aux prouesses des professionnels de "La Continentale", dirigée par l'Occupant : ou comment réussir à forcer le respect du maître des lieux et des financements sans trop se compromettre ni se rebiffer. Bertrand Tavernier préfère retenir que les Français, dans cette difficile période, acteurs, tout autant que scénariste ou réalisateur faisaient leur métier au mieux, en laissant de côté un possible "fayottage". Il s'arrange pour que les autorités allemandes soient beaucoup moins irascibles à la fin qu'au début... De jolies scènes entre les couples, ces dames apportent chacune leur piquant aux deux passionnés de cinoche, à l'origine du film qui se tourne vaille que vaille. Des instants lugubres alternent avec l'endurance du cycliste réalisant un nombre de kilomètres humainement héroïque ! En zone occupée ou en zone libre, c'est l'occasion de rencontres sur la route, des accalmies, des retrouvailles, on rit et on s'amuse dès que l'occasion se présente et il y a ce petit trip en avion, le clou du film : dommage que l'ensemble soit beaucoup trop long et foisonnant pour maintenir l'intérêt du spectateur moyen : c'est sans doute davantage réservé aux professionnels du cinéma.
  • MARY À TOUT PRIX (1998)
    Note : 5/20
    Suis-je devenue une vieille racornie allergique aux blagues made in US ?.. Hélas, je n'ai point adhéré à ces jeunes benêts aimantés par la blonde incendiaire (on croirait le film fait pour exhiber Cameron Diaz et son prétendant, point). Ai même trouvé l'ensemble affligeant, gags archi-téléphonés, cumul de toutes les grossièretés de potaches, le summum à partir de la braguette coincée sur laquelle on est tenu de s'attarder longuement (ouaffe ouaffe !), hé bien c'est à vous dégoûter du sexe.Pauvres acteurs obligés de surjouer dans l'espoir de faire hurler de rire, malheureuse Cameron Diaz, trop large sourire creux, primée pour avoir incarné une nunuche pareil ! Quant aux handicapés, on est prié de rire de toutes leurs lubies. Le pire est bien que ce soit filmé avec application, belles prises de vue, romantisme sous-jacent, bons sentiments genre glu... Mon indulgence serait purement technique, le reste ne vaut pas tripette à moins d'être une éponge qui ne pense plus.
  • OUI MAIS ... (2001)
    Note : 16/20
    Le titre reste en travers, comme la musique de début et de fin, à voir le dvd de ce film sorti en 2002, on s'attendrait à un navet, à moins d'avoir repéré la distribution... Accroche impersonnelle donc, contrairement à la démarche, d'utilité publique ! Une audace de cinéaste qui peut fâcher les vrais psys (interdit par la déontologie de rappeler un patient) !... Tant pis et même tant mieux car, grâce à la bonhomie de Jugnot face à Emilie Dequenne en ado pimbêche, le spectateur peut, s'il n'est pas trop atteint, élaborer quelques astuces pour améliorer ses échanges. Ou avoir au moins de quoi comprendre "les mécanismes de défense inconscients qui empoisonnent l'existence". Un ensemble plaisant, aux dialogues bien enlevés. Les recoupements d'attitudes et l'analyse qui en découle, toujours sur le mode ludique, sont aptes à alléger de bien des poids dans les chaumières, et sans l'ombre d'un denier versé à un soignant ! Autre point fort, les explications claires : je pense à ce saut dont le spectateur est prévenu de la simulation en un tour de passe-passe, un quart de seconde à l'image, une délicatesse rare par ces temps d'enchevêtrements visuels lourds à décrypter !
  • LA LETTRE (1999)
    Note : 17/20
    Une fois dépassé l'académisme des premières images, soit une petite demi-heure entre fascination et agacement, c'est divin grâce à la subtilité de traitement. Une profondeur rare, qui fait qu'on a envie de se pencher sur cette "Princesse" remontée des oubliettes à nos jours. Minutieuse mise en scène du cinéaste insistant sur le contraste du musicien et de la jeune aristocrate élevée dans la retenue... Les dialogues en droit fil du roman, une articulation irréprochable, cette réputation à préserver coûte que coûte... Mais sous le vernis, les préoccupations de tout un chacun. La tentation, quand y succomber et pourquoi la désamorcer. Madame de Clèves (Chiara Mastroiani) héroïque, parfaite oie blanche pour son coup de coeur tout en s'épanchant auprès de son régulier... De prime abord, l'amie religieuse paraît moins austère que cette raide chapeautée, coupable d'avoir seulement ressenti, pas même failli... Deux scènes déboulant comme un cheveu sur la soupe dans l'intrigue (billet spontané au mendiant, séjour africain) indiquent que Manoel de Oliveira tient à un rééquilibrage des richesses entre nord et sud, on n'était encore qu'en 1999, où le terme bling-bling aurait fait rire... En prime, Pedro Abrunhosa sur scène, à mi-chemin entre Joe Jackson et Paolo Conte. D'énigmatiques accidents de la circulation aussi.
  • VENDREDI SOIR (2002)
    Note : 18/20
    L'envoûtement bien réel et immédiat entre ces voitures filmées très finement dans leur façon de cahoter entre chien et loup peut rappeler des fulgurances avec l'inconnu d'un soir qui sommeille en chaque femme... Alors, était-ce du temps de l'autostop pour aller au bal ou en revenir ? Ou bien après avoir dansé, sans même échanger une parole ? Serait-ce encore possible depuis 2002 de se laisser aller ainsi dans une parenthèse tacite parce que, dans le cadre d'une grève générale où chacun(e) chamboule ses programmes en toute liberté, tout simplement on se plaît ? Autant de questions que Claire Denis invite à se poser. Certes, on peut toujours dire "c'est rien que du c... finalement". Sauf que la dame filme différemment, avec plus de tendresse que les as du porno, tellement plus de finesse, ces yeux interrogateurs, cette petite poursuite entendue. Elle filme son duo d'acteurs comme des rescapés des temps modernes. Ils ne se doivent rien. Ainsi, j'ai trouvé adorable qu'il soit encore un peu endormi au petit matin, et pourtant toujours aussi câlin, à cent lieues de ces prédateurs repus reprenant pied avec le bassement matériel. Sans doute faut-il s'appeler Vincent Lyndon pour incarner cette délicatesse dans l'adieu. Valérie Lemercier surprend dans ce rôle de femme qui s'en paie une bonne tranche. Pas étonnant qu'après ses mines résignées, elle se sente soudain légère, pleine de forces nouvelles ! Ô temps, suspends ton vol.
  • UN DÉRANGEMENT CONSIDÉRABLE (1999)
    Note : 16/20
    Vu en vidéocassette en 2008 ce film de 1999. Il y a de quoi rire et s'attendrir plus d'une fois. A retenir, ces frères se retrouvant au lit à remonter leur couette ensemble, avec les anecdotes du plus gueulard des deux et le p... d'accent de banlieue qui déferlait (bouffon, bâtard !), quand on parvient à saisir leur baragouin... La mère bourrue, en manque d'affection en sort aussi de belles, la mère-grand échouée là en souvenir d'un des papas ! En prime, une astuce féminine pour se sortir d'un seul tenant des impasses sentimentales : la jeune journaliste (Mireille Perrier) ne reste pas languir dans sa chambrette. C'est gentiment mené surtout côté dialogues et atmosphère, avec ce fils obtus qui brouille les cartes, la crise vers ce curieux équilibre, le tunnel de clôture jouant l'apaisement. Un dérangement certes, mais présenté comme passager, le temps que jeunesse, avec tous ses égarements, soit bue jusqu'à la lie.
  • LES AUTRES (2001)
    Note : 16/20
    16,5/20 : Entre Hitchcock, Kubrick, Tarkovski, oscillation lumière-ténèbres, brrrr.... C'est la manière de diluer qui désarçonne dans la virtuosité globale d'Alejandro Amenabar. L'enfer où entrerait régulièrement un petit coin de paradis, qu'on reste danser d'un pied sur l'autre à la porte grinçant sur ses gonds, c'est entendu. Large part à l'intendance quotidienne, une Nicole Kidman vampire malgré elle, deux enfants en voie d'extinction dont le garçonnet cultivant déjà l'humour macabre... Si le fond de l'histoire distille le mobile féminin de la réclusion, la dérive vers le fantastique de début et d'issue ne va pas de soi à moins d'en rester au stade du conte pour enfants. D'où admiration réflexe mais sourire dubitatif persistant après le film... Ces ombres venues faire leurs trois petits tours auraient peut-être gagné à virer burlesques pour que le plaisir soit total.
  • DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH (1999)
    Note : 17/20
    Revu en dvd, aidée du bonus pour mieux cerner la démarche. En effet, lors de la sortie en salle j'avais vécu "l'épreuve" comme une démonstration d'égocentrisme forcené sans plus, l'autodérision m'ayant complètement échappé. Je voyais du Malkovich complaisant, point. Tout compte fait, suffit de se laisser porter. Alors c'est assez amusant de revenir sans cesse à l'ouverture mystérieuse qui mène les quatre fers en l'air tout en tournant la question qu'on est à la fois rien et beaucoup. Quelques passages métaphysiques qui peuvent déboucher sur une réflexion personnelle pertinente. Pour ma part, écho certain concernant la différence à faire entre nos fantasmes et la pratique réelle des expériences avec notre corps... et celui d'autrui. Bref, le délire poussé d'un créatif (un peu trop redondant cependant, léger essoufflement scénaristique ressenti dans le déluge d'images en toute dernière partie) mais qui n'enlève rien à la vitalité d'ensemble.
  • SE SOUVENIR DES BELLES CHOSES (2001)
    Note : 16/20
    Faire se côtoyer deux êtres insolites, dont l'un va retrouver la mémoire et l'autre la perdre toujours plus. Pari risqué. Et tenu grâce à Bernard Campan, Isabelle Carré et Bernard Lecoq, Zabou Breitman aussi, à la fois réalisatrice et comédienne (ici en psy serrée de près par le directeur du Centre). On est à la limite du trop-plein d'émotions du spectateur pourtant avec le survol permanent de tous ces "cas" à traiter, pétages de plomb inclus, mais enfin, pour peu qu'on accepte de s'y pencher, il faut pouvoir seulement : sujet ardu, embarrassant que ce malaise d'autrui étalé. Voici un duo d'amoureux de la dernière chance, certes miraculeux mais vertige assuré de par son issue cruelle... Bernard Campan un peu trop "répandu" parfois, à la différence d'Isabelle Carré au regard céleste, excellentissime dans le registre de la femme qui s'évapore tout en s'armant de repères, retarder l'échéance, une malade à phases critiques, mais réfugiée dans une forme d'organisation, j'admets que c'est difficile de se projeter soi-même dans cet état régressif, ce peut être... répulsif. D'autant que Zabou Breitman ne nous fait grâce d'aucun détail intimiste, forte de son idée de privilégier le sentiment (toujours son défaut d'en faire des tonnes à ce niveau). Les retours de lucidité après que la mémoire a omis les détails les plus vitaux, sauve qui peut, ça donne envie d'aller à la pêche tant qu'on a toute sa tête ! Beaucoup d'ouverture que cette volonté d'expérimenter large : côté encadrement, prendre sur soi la protection de ces deux épaves, leur faciliter un bonheur temporaire en se disant que ça se passera pour le mieux... Domaine réservé là aussi. Au fond, c'est une intrusion pleine d'audace dans l'univers secret des soignants, approche frontale des têtes dérangées, en progression comme en rémission, concertation d'équipes, désaccords, butée de l'autorité, quand lâcher du lest, etc. Un univers qui dérange par sa complexité. D'où (déjà en 2001 !) l'importance des structures à taille humaine (hein, si jamais ça nous arrivait...), octroi de moyens financiers suffisants sans obsession de chiffre. Film débordant hors du cadre réservé. Il permet (dans la France de 2009 notamment), de réaliser l'étendue de mauvaise foi ultralibérale dans sa mise à l'index de toute déviance en faisant dans la répression plutôt que dans le soin.
  • IN THE MOOD FOR LOVE (2000)
    Note : 19/20
    Ils sont "d'humeur à", présentent tous les symptômes, sauf que... "ceinture" ! Envoûtant chassé-croisé de deux trahis, une pépite de l'an 2000. Quelle distinction pour aller seulement acheter de quoi manger ! Ils se devinent puis s'attendent, consentent à flirter avec le vertige pour le plus grand plaisir du spectateur. Beaux du fait de leur empêchement. On plaint leurs triviaux partenaires occupés à s'user, leur histoire est autrement plus éternelle, pleine de variations musicales superposées tout naturellement aux images sans qu'il soit besoin de bavardages ou de frotti-frotta qui gâcheraient tout. On voyage dans l'univers de la jeunesse de Wong Kar Wai le virtuose, rien à jeter, c'est l'excellence. L'indicatif, cette valse aux intonations plaintives, revient serrer toujours plus le coeur, on en redemande. Une nostalgie qui réjouit comme si quelque opium immortalisait ces deux stoïques pour l'élégance bien plus que par peur de tomber dans une trappe. Ne manquent plus que des poupées phosphorescentes à l'image de Maggie Cheung et Tony Leung sur les tables de nuit des couples pour entretenir leur flamme.
  • UNE LIAISON PORNOGRAPHIQUE (1999)
    Note : 18/20
    Possible que le titre ait fait du tort au film. On est dans l'érotisme, bien davantage que dans le porno. Ce n'est pas parce que le langage du corps amorce un lien qu'aussitôt ça doit être catalogué bassesse, suggérer la prostitution, cet égoût de la société. Hé bien non, ça peut arriver que les partenaires, au bout de leurs pérégrinations, se plaisent assez pour jouer mutuellement à se faire du bien. Ensuite on avise ! Quelle audace de nos jours ! C'est pourtant la génération sida que celle de Frédéric Fonteyne ! Or, on baigne dans la fraîcheur enfantine, oser ce registre-là sans jamais que ce soit obscène, surtout pour la dame (la gent féminine trimballe tellement de qualificatifs tout prêts en ces circonstances !), ici la femme en recherche masculine y va sans détours. Elle pousse son partenaire dans ses retranchements... Le genre d'aventure que les faux-communicants du verbe ne tenteraient sans doute pas, l'absence de maîtrise, l'impro totale dans ce domaine les terrasserait, de la grivoiserie que diable, que n'a-t-on à faire de ces rituelles galipettes hôtelières... J'y verrais un exercice précieux pour les fleurs bleues rivées à leurs chimères, ouste le prince charmant et place à l'homme ! Ni plus ni moins la démonstration que les petites annonces charrient parfois des sentiments à orienter, mais représentent surtout l'arrêt des illusions. Baye et Lopez acteurs en pleine intimité scabreuse, sans nom ni prénom, se prennent et se reprennent dans la classique gamme des liaisons, une histoire d'amour éclair mais complète, rattrapée par le fait divers qui tue... Reviennent souvent à l'écran l'hôtel aux tons rouges, le ralenti de ce troupeau qu'est la foule vaquant à ses affaires... Un climat crédible que ces rendez-vous au bistrot. Dialogues loin de sonner le creux, peut-être juste une faiblesse dans le bon mot sur Adam et Eve... Etrange que le bonus du dvd (Gérard Miller) s'apesantisse sur l'aspect "petit trou de la serrure", autrement plus tabou en effet d'aborder les raisons poussant l'individu de nos sociétés évoluées à prendre des raccourcis hors des chichis d'usage et que "le corps exulte" sans attendre !
  • À LA VERTICALE DE L'ÉTÉ (2000)
    Note : 16/20
    Un cinéma d'atmosphère. On est un peu surpris du réveil du premier couple pas pressé de prendre son petit-déjeuner... Les trois soeurs apparaissent peu après, aussi racées l'une que l'autre, complices de longue date incapables de se trahir. Large part est donnée à la gent masculine libre de ses mouvements, mais la communauté privilégie les apparences lisses... Ces dames vouées à l'élégance doivent donc ruser. Chahuter, pleurer un bon coup entre elles, mais en société halte-là : le réalisateur insiste beaucoup sur ce maintien féminin tout en mettant le spectateur dans la confidence, la salle sait toute la vérité de chacun des couples... Beaucoup de douceur autour du petit garçon (dénommé Petite Souris). Eclairages de peintre, chaque plan réjouit le regard, couleurs chatoyantes choisies avec minutie, presque tout se passe dans des intérieurs douillets, baignant de soleil, ouverts sur la verdure. Indispensable de s'imaginer au Viet-Nam l'été, un rythme ralenti du fait de la chaleur moite entre deux pluies torrentielles. Pathétique chant féminin, choeurs d'une grande fraîcheur à la guitare (mais horrible flûte grinçante, rappel de la féodalité d'antan) : infiniment de charme dans les tubes américains lors des intrusions dans l'appartement du frère et de la soeur. Comme le déroulement est assez décousu et que les acteurs asiatiques sont fort ressemblants, il faut bien suivre les péripéties de chaque couple formé pour être sûr de ne pas en perdre une miette. Le bonus du dvd, avec son "Mékong off", instruit sur l'ambiance de tournage avec ce cinéaste, sûrement exigeant avec son personnel mais donnant beaucoup de lui-même.
  • DRÔLE DE FÉLIX (2000)
    Note : 16/20
    Sans ses cachetons conscieusement avalés, on pourrait le taxer de gros naïf ce jeune Beur, quelques critiques ne s'en sont pas privés, mais je les trouve rosses : Félix a une conscience plus aiguë que la normale, il va opter pour l'intensité tous azimuts car il se sait grignoté de l'intérieur. D'autre part, ce film agréable mais sans trop d'états d'âme non plus, prend une toute autre tournure en 2007, de par la création du ministère de l'immigration, il y a un passage avec l'actrice Ariane Ascaride, où l'on retient son souffle, par empathie pour Félix et pour l'acteur Sami Bouajila qui l'incarne, porter plainte quand on est témoin d'un meurtre parce qu'on passait par là, il est des cas où la conscience s'y refuse... Joli symbole de liberté que ce cerf-volant donné à un pêcheur du dimanche pour "se supporter" lui-même, à lui seul, il peaufine la reconstruction du jeune homme. Hétéro ou homo, chacun peut trouver sa place dans cette virée déconcertante, et même y trouver du fortifiant.
  • LE CASSE (1981)
    Note : 16/20
    C'est le numéro un du film "LE CASSE" en français (soit le premier des deux films tournés par José Luis Garci). Projeté au 21ème festival espagnol de Nantes, ce film de 1981 peut paraître décalé par rapport à 2011 dans l'approche, un peu bavard aussi (le barbier !). A mi-parcours ça s'arrange, la bonne gueule du détective à moustache, cet artiste de l'écoute, réussit à capter durablement l'attention. Le paternel aux joues à double sillon d'affectif dévasté va également changer dans l'opinion qu'on en a. Au moment où l'histoire commencerait à ronronner, surprise en deux coups de cuillère à pot... Qu'on le veuille ou non, on pense "ETA", ou encore les issues cinématographiques d'Amérique Latine contemporaines.
  • EN CHAIR ET EN OS (1997)
    Note : 16/20
    Projeté au 21ème Festival du Cinéma Espagnol de Nantes en mars 2011. Un bon classique d'Almodovar singeant les moeurs espagnoles de 1997. Volontairement appuyé côté décoration, truffé de coups de sang et de raccommodages. Les pistolets sont de sortie. Présente aussi cette adresse à placer corps et visages dans des écrins, parfois en postures à fort assaisonnement (et sans que jamais ça vire au mauvais goût du fait des situations respectives, Javier Bardem en handicapé par exemple). Des enchaînements qui subjuguent par leur efficacité. A retenir, trois femmes-spectacles : Penelope Cruz en toute jeune mère-la débrouille, la sublime Angela Molina en épouse lucide et celle dont la plastique irréprochable et les yeux clairs de fauve restent hanter, Francesca Neri.
  • POST COITUM ANIMAL TRISTE (1997)
    Note : 15/20
    Tout le drame d'une créature "dans la force de l'âge" prise dans l'étau de la chair fraîche quand s'offrir une parenthèse devient un exercice périlleux à cause des battements cardiaques. Embûches monumentales. Femme jeune avec un vieux beau, oui. Dans l'autre sens, les réussites sur le long terme sont l'exception, bien que Jeanne Moreau ait pu soulever la question il y a fort longtemps "pourquoi pas un poussin chez une vieille poule ?"... Jeune homme à l'horizon = élixir, passade bonne à "faire des souvenirs", attention aux fixations stériles. Hélas ici, le pli est déjà pris, qu'il est doux de redevenir une jeune fille convoitée quand la tiédeur physique du quotidien pose question. Acquis, compagnon de route, activité professionnelle, tous ces gardes-fous volent en éclat soudain, au profit de l'embellie qui redonne vingt ans. Engluée dans le remake du prince charmant, Brigitte Roüan excelle dans sa douloureuse descente aux enfers. Emouvante, si vraie dans sa douleur viscérale. L'équivalent du "démon de midi" masculin, l'extase irraisonnée pour un jeune homme, ce dernier était soucieux avant tout de se prouver que "c'est dans les vieux pots"... L'éternel tiraillement entre l'image du père et du fils venant hanter chaque femme normalement constituée. Et la force décuplée que procure le renoncement.
  • LE FILS DU REQUIN (1993)
    Note : 16/20
    La cruauté de l'enfance, la "mauvaise graine" en action... On ne sait trop si la mère en fuite en a bavé, de ses deux loupiots (ou bien davantage de leur père ?), ou si c'est suite à son départ qu'ils font les 400 coups. C'est poignant, hardi (ce car conduit par les monstres !) mais par bribes, c'est néanmoins tendre sous la carapace. Bien relevé la terreur du père chez le plus jeune, à elle seule elle justifie son désir de transgression. En revanche, j'ai un peu souffert de la déferlante poissonneuse, redondante à l'excès, exception faite des têtes sanguinolentes simulant la souffrance énorme des gosses, dépressifs plus que fêlés à mon avis... Danger de transférer sa peine sur la gent féminine à portée de main, violence gratuite ouvrant sur la délinquance véritable en marche. En tous cas si aucun adulte ou événement ne viennent adoucir cette période fracassée (surtout le grand plus atteint que son frère). Ils semblent d'ailleurs plus jeunes que 14 et 12 ans ces mômes, j'aurais plutôt dit 8 et 12 ! En espérant que ce film soit projeté aux enfants en difficulté suite à des traumatismes graves, et débattu, débattu.
  • RICHARD III (1995)
    Note : 18/20
    Quelle teigne ce Richard III shakespearien déménagé dans les Années Trente ! Le pouvoir, le pouvoir ! Et tout ça pour contrecarrer une angoisse existentielle. Les proches attendent leur tour car il se trouve toujours assez d'exécutants protégés le temps nécessaire. On fait des fêtes, on danse, habitué aux tensions, sous la montée de ce danger public. Les premiers plans donnent à revisiter les monstres de l'histoire ou ceux qui officient dans le genre loin de chez nous et l'avancée des images pointe nombre de trublions du 21ème siècle, ces contemporains inspirés par la prédation pure et dure. Tous générateurs de la même électrisation, bâtie sur une morale faite d'opinions personnelles enchevêtrées jusqu'à l'absurdité. Peu de contradicteurs dans ce film où seule la génitrice se distingue. Jamais terrifiant pourtant, assez divertissant même par ses dialogues "so british", mais pas comique pour autant. La diabolique issue invite à veiller que ce genre de punaise aux plus hautes fonctions reste en nombre très restreint sur la planète.
  • DANS LA LIGNE DE MIRE (1993)
    Note : 19/20
    Jamais thriller n'a égalé en trompe l'oeil cette incursion dans le clan des bodyguards au plus haut niveau... Certes, ça date de 1993, bien avant les attentats de 2001, ça faisait concentré de feuilletons étatsuniens vus et revus... La peur des psychopathes est montée d'un cran en politique, ce qui paraissait fictif hier rejoint notre monde quotidien archi-fliqué de 2010... C'est pourquoi on décolle sans peine avec ces deux monstres que jouent Eastwood (réchappé d'une oisiveté peu rédemptrice) et Malkovich (parfaite tête à claques Ô combien répandue depuis "la mondialisation") quand bien même on devine que la morale sera sauve, as usual... Quoique le bon essuie quelques revers, son passé se retourne contre lui, il frise la mise au rebut définitive... Flotte de manière heureuse l'humour décalé de Clint sur notre monde compétitif d'aujourd'hui (ces deux scènes de suspension dans le vide à la merci de l'autre, ou cet effeuillage militaire filmé à hauteur des pieds). Elégance suprême (à l'heure où se retirer des affaires passe pour indécent) de refuser la limousine au profit des transports en commun... A peine terminé le visionnage de ce dvd très équilibré (avec des bonus fort éclairants), on souhaite y revenir, si possible avec quelques amis, rien que pour la virtuosité d'ensemble, encore plus si on ne raffole pas spécialement des films d'action. Jamais trop rude : toujours crescendo, moyennant quelques sueurs froides, chaque plan toujours chargé de sens, avec un fond sonore des plus subtils.
  • LA PRINCESSE AUX HUITRES (1919)
    Note : 19/20
    Remarquable film muet de la période allemande de Lubitsch (1919 = très permissive) qui rappellerait assez en 2011 le dessinateur Cabu dans ses meilleures caricatures. Du théâtre filmé très efficace. Avec accent mis sur un duo de choc très entouré. Le spectacle est suffisant pour qu'on arrête de se demander si on a vu passer seulement une huître... Des bonnes âmes tendent mouchoir, cigare sophistiqué ou tasse à l'ostréiculteur béat, soudain sonné par sa progéniture, une bouillante enfant prompte à casser ce qui lui tombe sous la main. On a droit, comme dans plusieurs oeuvres de ce cinéaste, à un long moment de relâchement dansé en d'infinies surimpressions. Les cartons explicatifs parfaitement traduits en français sont autant de morceaux d'hilarité, tels "une épidémie de fox-trott" et la répétition du slogan "cela ne m'impressionne pas". C'est pourtant une satire des milieux pourris par l'abondance, quand l'égrillard fait craindre que ça vire à l'obscène. Lubitsch s'en garde bien en redressant les situations assez vite pour les précipiter vers d'autres niveaux d'espièglerie, je pense à la scène du noir puis du père dans l'escalier pour contrôler la serrure ! Ce film très expressif, impeccable côté image et son parce que parfaitement restauré est à consommer sans modération par toute la famille !
  • LES SURPRISES DE LA T.S.F. (1926)
    Note : 19/20
    Toujours sur le thème de la tentation d'esquiver la routine matrimoniale guettant l'individu normalement constitué. Ici par la fenêtre de deux appartements en vis-à-vis. Des alarmes de part et d'autre... Une amorce de tangentes mutuelles ponctuée de traversées de rues. On a bien les expressions typiques des films muets de Lubitsch, Blue Monte irrésistible campant l'un des deux hommes avec ce flegme apte à neutraliser les bévues à grandes rasades de scènes rigolardes. Toujours le mythe du médecin pour corser l'ambiguïté de la relation féminine une fois démystifiée la question médicale... Les grandes portes ouvertes et fermées sont au rendez-vous. Sont également croquées l'ivresse et la danse en surimpressions savantes en veux-tu en voilà, gargarismes d'images au ras du dérapage sauvé par la notion de solitude des êtres où qu'ils se trouvent... Ainsi n'apparaît pas mieux loti le mâle émoustillé par une possible conquête comparé à celle qui se contente d'écouter la radio at home, ses pieds attestant d'une félicité évidente. Le concert radiodiffusé, sous la houlette d' un chef d'orchestre déhanché à souhait, révèle au spectateur un conjoint ivre-mort et une voisine un peu girouette... Grande réflexion sur les espoirs vains du dehors et les bienfaits du repli tant que l'imagination est stimulée, heureuse époque où la télé formatée comme en 2012 n'existait pas ! Un Lubitsch muet qui déride jeunes et moins jeunes en garantissant de remplir les salles !
  • PRINCE YEONSAN (1961)
    Note : 14/20
    Vu au Festival des Trois Continents de Nantes de novembre 2009 en numérique (techniquement irréprochable). Le cinéaste Shin San-ok et sa famille auraient vécu l'horreur pour dissidence : on s'en serait un peu douté en entrant dans ce film épique, entre conte et "péplum" quant au style. Quelques combats, des drames dûs à un secret de famille, une femme irascible, l'autre répudiée. Une somme de jalousies, du poison avalé sur ordre. Ce qui donne des scènes lyriques, très appuyées, un peu lassantes, même si tout ça est excellemment mené... Bien trop agité, presque hystérique par instants ! Le vertige du pouvoir, sa face cachée : la joie de la revanche et la chute pour excès. Pas trop ma tasse de thé sous cette forme théâtrale. Réservé aux amateurs de grandes fresques historiques seulement car 2h13 sur ce mode, ça use.
  • LE MUR INVISIBLE (1947)
    Note : 17/20
    Très indiqué de visionner cette perle d'Elia Kazan (de 1947) en 2009, époque aux relents d'obscurantisme par bien des aspects. L'explication de l'antisémitisme vaut aussi pour le racisme pour raison de couleur de peau, "les sales pauvres", "les jeunes ou les vieux c..." tout pareil... Voici le traitement complet du rejet de "l'autre", l'indésirable, pour évacuer sa propre face obscure. Non seulement dans l'insulte qui échappe, mieux, dans la mise à l'écart "entendue", qu'on décèle aux expressions, aux actes, aux humeurs, au silence créant une tension... Bien sûr, c'est hollywoodien par nécessité mais Kazan a migré de sa Turquie natale, de sa Grèce enfantine, vers les Etats-Unis : il "sait de quoi il retourne"... S'ingénie ici à dénoncer ce penchant collectif séculaire conduisant à rameuter ses semblables pour en écarter une catégorie dès lors affublée de tous les maux. Une attitude ignorée des enfants, qu'on attrape au contact du monde adulte. Comment venir à bout de cette tare ? Kazan fait endosser à l'acteur Gregory Peck l'identité juive qu'il n'a pas. Artificiel, mais rien de tel pour en rendre compte au public par le biais du journalisme. Un film audacieux, juste après la Libération ! Et tant pis si ce cinéaste continue d'alimenter une polémique post-mortem, le contenu de son film sert à l'heure H !  .
  • SANTA FE (1985)
    Note : 19/20
    Cette deuxième partie de la trilogie place avec fluidité d'autres personnages au premier plan (ce qui atténue la crainte de confusion). On est édifié sur les idées communément admises quant au sort des immigrants juifs aux Etats-Unis. L'accueil par liste... qui rend aux abois, requiert des protections, du culot, du cirque au besoin (ce baiser à la terre !), afin d'être administrativement recevable. Tout autant que la limitation des arrivées, "la sélection naturelle" joue davantage que le renom dans sa vie d'avant, (le manteau rapé de l'épouse humiliée de la dégringolade de son homme !). Pire qu'une portée de chatons larguée par bateau (cette course folle vers le cordage !). Pour les admis, déjà bien traumatisés, reste à affronter le quotidien. Improvisation, bizutage des frères de sang. Utile pour comprendre qu'ensuite l'enrôlement d'immigrants dans l'armée américaine allait presque de soi. Bande-son reconnaissable entre mille, pragmatisme très américain du nord. Sans gommer totalement le romantisme de fond, jamais trop larmoyant. Tout cela fait qu'on commence à s'attacher à la trilogie d'Axel Corti. Cette seconde partie, grouillante, vivante dans sa volonté de rebond, dépeint les facettes de tout exil de populations en temps troublés, cette loi du plus fort qui ne fait pas dans la dentelle !
  • DIEU NE CROIT PLUS EN NOUS (1981)
    Note : 18/20
    Permet de constater les comportements des populations de 1939-1940 en Autriche, en Tchécoslovaquie (Prague) et en France (à Paris, à Marseille). Il faut deviner que ça se passe sous Pétain, début des camps français (St-Just), panique aux bureaux de contrôle des papiers. Repli collectif sur le chacun pour soi, sauve-qui-peut (mais aussi entraide par moments, compassion et, inévitablement l'éros français, sous une forme fugace qui ne manque pas de charme !). Règne de l'arbitraire. La permission tacite d'importuner, voire de carrément torturer, prendre les biens des cibles sans qu'elles aient voix au chapitre. On passe du système D à la pulsion de charger une catégorie afin d'évacuer son trop-plein. L'émergence d'un représentant de la furie collective. Le film en noir et blanc est romancé ce qu'il faut. Traversé d'images d'archives rendant plus perceptible encore la montée du fléau. L'instant de ce couvercle qui finit par sauter. Les quelques éclairs de fraternité font contraste avec le sauve-qui-peut, la panique de ces "pas comme la majorité" qui finissent par endosser une culpabilité imaginaire. Autre aspect occulté par nos cours d'histoire à l'école... Se croire épargné comme le jeune romantique, traumatisé mais encore en devenir. Beau et effrayant, la musique en accord parfait avec ce qu'on voit. Déjà un peu touffu par moments. Le pire de la Seconde Guerre, notre passé européen. Curieux, à notre époque de récession économique comme l'on se sent en terrain familier !
Notes de L.Ventriloque
(par valeur décroissante)
FilmNote
RESSOURCES HUMAINES (1999) 19
KARNAVAL (1998) 19
HAUT LES COEURS ! (1999) 19
DANS LA LIGNE DE MIRE (1993) 19
LA PRINCESSE AUX HUITRES (1919) 19
LES SURPRISES DE LA T.S.F. (1926) 19
IMAGES DE LA VIE (1934) 19
IN THE MOOD FOR LOVE (2000) 19
SANTA FE (1985) 19
LE FILS (2002) 18
M/OTHER (1999) 18
UNE LIAISON PORNOGRAPHIQUE (1999) 18
RICHARD III (1995) 18
VENDREDI SOIR (2002) 18
DANCER UPSTAIRS (2002) 18
DIEU NE CROIT PLUS EN NOUS (1981) 18
O' BROTHER (2000) 17
THE BARBER : L'HOMME QUI N'ÉTAIT PAS LÀ (2001) 17
LA LETTRE (1999) 17
LE MUR INVISIBLE (1947) 17
CHERE MARTHA (2001) 17
L'AUTRE (1999) 17
BILLY ELLIOT (2000) 17
DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH (1999) 17
DRÔLE DE FÉLIX (2000) 16
UN DÉRANGEMENT CONSIDÉRABLE (1999) 16
STAND-BY (2000) 16
LES ASSASSINS SONT PARMI NOUS (1946) 16
SE SOUVENIR DES BELLES CHOSES (2001) 16
À LA VERTICALE DE L'ÉTÉ (2000) 16
LE FILS DU REQUIN (1993) 16
OSTIA (1970) 16
LICENSE TO LIVE (1998) 16
OUI MAIS ... (2001) 16
LE CASSE (1981) 16
EN CHAIR ET EN OS (1997) 16
LA PIANISTE (2001) 16
LA NUIT DES ALLIGATORS (1967) 16
LES AUTRES (2001) 16
JE RENTRE A LA MAISON (2001) 15
POST COITUM ANIMAL TRISTE (1997) 15
CET AMOUR-LÀ (2001) 15
LAISSEZ-PASSER (2001) 14
SCÈNES DE CRIMES (1999) 14
PRINCE YEONSAN (1961) 14
RATCATCHER (1999) 14
GADJO DILO (1997) 13
UN HOMME D'EXCEPTION (2001) 12
LA BRUNE DE MES REVES (1947) 11
MARY À TOUT PRIX (1998) 5