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Critique(s)/Commentaire(s) Publiques de
Denis BALLU

  • STORMY WEATHER (2003)
    Ce second long métrage de fiction de Sólveig Anspach était très attendu, après l'exceptionnel et mérité succès de Hauts les cœurs. Aussi, assez largement, la critique n'a pas manqué de comparer les deux œuvres, au détriment de Stormy Weather qui, pourtant, m'a paru assez juste et cohérent. Il se compose de deux parties fort différentes : la première, en Belgique, jusqu'à l'identification de l'inconnue ; la seconde, en Islande, à la recherche de Lóa. On comprend assez bien l'attachement d'une jeune psychiatre à une malade qui la sort de l'ordinaire, qui l'intrigue. On comprend son désarroi lorsque "sa patiente" a disparu, toute sa frustration de voir interrompue une thérapie dans laquelle elle s'est beaucoup investie (délaissant son compagnon, Romain ; considérant l'appartement de son grand-père comme une annexe de l'hôpital), son désir de la retrouver. On peut, certes, trouver un peu excessif le fait qu'elle parte immédiatement pour l'Islande, abandonnant travail et famille sans autre forme de procès. Mais sans cela, il n'y aurait pas eu de deuxième partie de film ! La partie islandaise met en relief principalement les différences entre l'existence dans une ville de Belgique et celle dans une bourgade isolée d'une petite île d'un archipel semé quelque part au sud du "continent", comme Gunnar appelle l'île principale. Les différences sont accentuées par le choix de faire se retrouver là l'héroïne en hiver alors que pluie, vent, froid et obscurité ont chassé les fous de bassan et, avec eux, les touristes. On est donc là bien loin des reportages réalisés pour des agences de voyages et l'éruption volcanique est d'ailleurs toujours présentée dans ses aspects les plus négatifs (destruction d'habitations, risque d'obstruction du chenal, du lien vital entre le port et la mer dont la petite ville tire son existence). Nul exotisme donc dans le regard de Sólveig Anspach et nulles solutions toutes faites, c'est sans doute dans ce dernier élément que réside une des forces de son film. Pas d'explications médicales ou psychiatriques, Lóa restera silencieuse comme les autres personnages garderont leurs zones d'ombres, comme leurs gestes ou attitudes resteront parfois sans explication. Cela en gênera sans doute plus d'un, mais n'en va-t-il pas ainsi de la vie.

    Sólveig Anspach est née à Vestmannaeyjar, de père américain et de mère islandaise. Á dix-huit ans, elle échoue au concours d'entrée à l'IDHEC et fait une licence de philosophie, puis s'oriente vers la psychologie. Pour approfondir ses réflexions, elle fait des stages dans les hôpitaux psychiatriques de jour. Ayant raté le concours de la FEMIS, elle travaille un an comme pigiste, avant d'intégrer, à sa troisième tentative, cette école du cinéma. Dans sa promotion, on trouve Christine Carrière, Noémie Lvovsky, Émilie Deleuze et Manuel Pradal.

    Filmographie :
    1989 - Par amour, cm doc
    1990 - Vestmannaeyjar, cm doc
    1992 - Sandrine à Paris, mm doc
    1998 - Que personne ne bouge, mm doc
    1999 - Hauts les cœurs
    2001 - Made in the USA, doc
    2001 - Reykjavik - Des elfes dans la ville, mm doc
    2002 - La revue : Deschamps/Makeïeff, doc
    2003 - Stormy Weather
  • RECONSTRUCTION (2003)
    Voilà un film parfait pour la critique. Il s'ouvre et se termine sur des scènes que n'aurait sans doute pas renié le Lars von Trier des débuts. Un illusionniste fait bouger une cigarette qui semble s'animer toute seule, un commentaire off sur la magie et le cinéma, qui n'est pas la réalité mais qui peut quand même faire souffrir, puis des indications sur l'homme qui tourne au coin de la rue et qui va rencontrer une femme, mais c'est un peu trop tôt, et la caméra de recadrer et de suivre l'homme qui remonte la rue. La suite est du même tonneau. August est écrivain et on va mêler un peu de son œuvre littéraire au film, Alex est photographe et on peut penser qu'un certain nombre de plans sont vu à travers l'objectif de son appareil. Le film mélange ensuite rêve et réalité jusqu'à plus soif. Cela nous vaut, évidemment, les séquences où les gens de son entourage ne reconnaissent plus Alex, mais aussi un certain nombre de rencontres assez forcées et arbitraires. Du genre, comment Alex peut-il à nouveau pénétrer dans la chambre d'Aimée alors qu'il n'en possède pas la carte magnétique ? Tout cela est renforcé par le fait que les deux principaux rôles féminins sont tenus par une seule et même actrice, Marie Bonnevie. Le tout est assorti d'une photo des plus crasseuses, rappelant le grain des anciens films 8 ou 16 mm gonflés pour passer dans les salles de cinéma. Plus la photo est dégueulasse, mieux c'est, semblent penser un certain nombre de cinéastes contemporains. Tout cela est très mode, que ce soit dans certains films se référant au Dogme ou dans d'autres œuvres voulant faire jeune et branché, du genre Fucking Åmål de Lukas Moodysson. On me permettra de ne pas être de cet avis. Bref on a bien du mal à comprendre tout l'engouement qu'a suscité ce premier film de Christoffer Boe (quand même "Caméra d'or" au dernier festival de Cannes !) tant il n'est composé que d'une accumulation de poncifs au service d'un froid exercice de style.
  • OPEN HEARTS (2002)
    Ce septième long métrage de Susanne Bier est également le septième film danois bénéficiant de l'étiquette "Dogme" et c'est peut-être (? !) à cette appartenance qu'il doit sa diffusion dans les salles de l'hexagone. Car le Dogme est toujours source d'intérêt médiatique et les frères en dogme Thomas Vinterberg, Lars von Trier, Søren Kragh-Jacobsen et Kristian Levring n'ont pas manqué de critiquer les libertés prises par la réalisatrice par rapport aux différents points de leur manifeste de 1995. Ils s'en sont particulièrement pris à la musique qui n'aurait pas fait l'objet d'un enregistrement entièrement en direct. Susanne Bier s'est défendue en disant que la musique provenait du walkman de l'actrice Sonja Richter ! Elle n'avait donc pas transgressé les sacro-saintes règles. Ouf !
    Ces niaiseries mises à part, Open Heats (traduction française de Elsker dig for evigt, on appréciera) est un très beau film. Et pourtant, c'était loin d'être gagné d'avance avec un scénario mélodramatique à souhaits : ils sont jeunes et beaux, ils s'aiment ; un accident stupide brise leurs vies ! Ils constituent une famille somme toute heureuse, avec leurs trois enfants ; un accident idiot brise leurs vies ! Il frise la quarantaine et tombe amoureux d'une jeune femme de 23 ans ! Stine, en pleine crise d'adolescence, est forcément désagréable comme dans les idées reçues les plus éculées sur le sujet. Bref l'ensemble aurait pu se fondre en quelque chose de fort indigeste. Il n'en est heureusement rien, la magie de la réalisation et le tact de Susanne Bier transcendent l'ensemble. Elle est d'ailleurs bien aidée par un scénario et des dialogues justes, où les petits détails vrais, associés à un humour, certes souvent noir, aident à faire accepter le tout. D'une situation très quotidienne, on pourrait presque dire banale, hélas !, elle fait une œuvre riche et subtile. Elle réussit tout particulièrement à donner une grande richesse psychologique à ses personnages, à nous les faire tous comprendre et accepter, dans leurs qualités comme dans leurs défauts. Le film questionne également sur des aspects de plus en plus présents dans notre société, sur nos vies que nous pensons pouvoir totalement contrôler, sur la difficulté de réagir quand la catastrophe arrive, sur l'aspect imprévisible de ce qui peut alors se passer. Il y a dans Open Hearts des éléments d'un réalisme implacable (la cruauté de Joachim afin qu'on en vienne à ne plus s'apitoyer sur son sort mais, d'un autre côté, il sait bien que les visites de Cecilie se feront de plus en plus éloignées au fil du temps, pour ne citer que cet exemple) mais également tout un aspect positif, chaque personnage garde en lui le désir de s'en sortir, de trouver des solutions, même si celles-ci n'apparaissent pas vraiment évidentes à la fin du film. Á chacun de réfléchir et d'envisager comment vont ou peuvent évoluer Cecilie, Niels, Marie, Stine et les autres après ce qui vient de leur arriver, avant ce qui va peut-être nous arriver.
  • DINA (2002)
    Si l'on excepte les premières scènes du film qui sont assez réussies, il faut immédiatement avouer que, s'il fallait définir d'un seul mot le film d'Ole Bornedal, j'hésiterais entre pitoyable et ridicule. Certes, l'œuvre se laisse voir sans aucun ennui, les péripéties ne manquent d'ailleurs pas et omises dans le résumé qui figure ci-dessus, les intrigues secondaires, sont multiples : malversations en tous genres, pendaison, relations amoureuses diverses (Niels et Stina, Stina et Tomas, Anders et Dina), etc. L'ensemble du film est caricatural, jamais on ne parvient vraiment à s'impliquer dans l'action ou à s'intéresser aux personnages. En effet, ce ne sont pas des êtres de chair et de sang qui sont devant nous, mais de simples marionnettes qui s'animent lourdement dans une farce grossière. On a beaucoup loué le jeu de Marie Bonnevie qui certes se dépense sans compter, mais qui finit par nous lasser à force de ne manifester ses sentiments que par des hurlements stridents, comme s'il n'y avait pas d'autres façons de rendre ses émotions. On ne peut que rire à chacune des apparitions de notre Gérard Depardieu en amoureux transi totalement surréaliste. Et ainsi de suite. Le projet souffre également de son internationalisme : tournage en anglais, acteurs venant d'horizons et de pays divers plus là à cause des multiples pays impliqués dans la production du film que par nécessité dramatique. Ole Bornedal a bien du mal à unifier cet ensemble assez hétérogène. Peut-être aussi a-t-il été pris à son propre piège voulant faire un film d'époque alors même qu'il "trouve les films en costumes souvent ennuyeux." Et de préciser : "Les personnages semblent ne pas avoir de sentiments, de sensations, d'érotisme, de caractère, surtout dans les films scandinaves où ils sont froids et n'élèvent pas la voix." Alors on élève beaucoup la voix dans Dina, on crie, on hurle, mais c'est un peu léger et très aléatoire pour faire une œuvre cinématographique digne de ce nom. Reste, à la décharge du réalisateur, qu'il faut bien convenir que l'ouvrage d'Herbjørg Wassmo qui a inspiré ce film est également lourd d'intrigues romanesques et sentimentales. Il est lui-aussi loin d'être un chef-d'œuvre et, finalement, l'adaptation ne trahit sans doute pas le livre.
  • L'INVISIBLE ELINA (2002)
    Ce film n'a rien à envier au cinéma hollywoodien. Une imagé léchée et de qualité, des mouvements de caméra pas forcément nécessaires, une musique symphonique dégoulinant de violons. Tout est beau, tout est propre. La teinte de l'image est un peu surannée, notamment pour les scènes à l'intérieur de la maison d'Elina - c'est que nous sommes en 1952. Un beau film en costumes et accessoires d'époque auquel ne manque pas la voiture idoine. Le scénario était intéressant cependant : le sujet principal du film est le deuil difficile d'une petite fille de neuf ans qui a perdu son père. Un sujet annexe est le statut linguistique de la région et la place de la minorité fennophone : il fonctionne plutôt comme un prétexte pour le déclenchement de la rébellion d'Elina. Un autre sujet annexe peut être l'éducation : autoritaire, sévère (Mme Holm) ou la discussion, la parole échangée avec respect avec l'enfant (le jeune professeur). Une scène assez ridicule, à mon sens, parce que trop explicite, bien que se voulant implicite, intervient lors du sauvetage d'Elina dans le marais : le jeune professeur ne trouve rien de mieux, en guise de planche, que le tableau où Mme Holm affiche le planning de l'école. Elle lui avait vanté auparavant le symbole que ce tableau représente : l'ordre. Que le jeune professeur jette à la boue ce planning strict pour sauver Elina montre bien qu'il n'a pas le même respect aveugle de l'ordre. Mais, en fait de symbole, que celui-ci est amené lourdement ! Et puis, dans l'ensemble, tout est prévisible. Ce film est d'une nature académique telle qu'on en anticipe les scènes sans problèmes et on n'a aucune surprise. C'est exaspérant. Les acteurs ne parviennent pas à sauver ce qui aurait pu l'être. Tout est tics de jeu. Même la grande Bibi Andersson est décevante. Quant aux enfants, il ne suffit pas qu'ils soient beaux, encore faut-il bien les diriger. Suis-je trop dur dans mon jugement ? Devrais-je voir dans ce film une œuvre à destination des enfants (il a obtenu plusieurs prix du jeune public dans divers festivals) et être plus indulgent ? Mais on a vu des films tout de même plus subtils, qui s'en remettent moins à la qualité formelle. Un aveu de ma part : la scène où les enfants quittent tous la cantine m'a fait penser… au Cercle des poètes disparus… Étant donné l'estime - piètre - que j'ai pour ce dernier film, il est dommage que L'invisible Elina m'y ait fait penser.
  • THE SEA (2002)
    Sur un schéma digne des tragédies grecques, Baltasar Kormákur nous donne là une œuvre qui va plus s'orienter vers la comédie - voire le théâtre de boulevard - que vers le drame. Certes, les éléments dramatiques sont présents et, pris individuellement, très forts, très graves (on peut citer comme exemple la situation d'Ágúst gamin, enfermé dans sa chambre, entendant dans une pièce voisine les râles de sa mère mourante et dans une autre les gémissements d'amour de son père et de sa future belle-mère), mais le réalisateur a choisi de mettre les rieurs de son côté. Aussi, les situations cocasses se multiplient et les répliques bien senties fusent avec un maximum d'efficacité. On sent des dialogues très travaillés, peut-être est-ce dû au fait que le film est adapté d'une pièce de théâtre d'Ólafur Haukur Simonarson. Ceci dit, on ne sent aucun confinement théâtral, The sea (traduction française de Hadid, on appréciera) nous promène ici et là de manière assez trépidante, de Paris à Reykjavik et à travers les différents lieux marquant de ce petit port de pêche, centre d'amours, de haines et de refoulements divers. Sociologiquement, le film se situe donc dans un monde isolé, frustre et brutal : incestes, viols, coucheries tous azimuts, refoulés et pervers divers, alcoolisme… Tout cela rend quand même le film assez peu crédible. Décidément, trop, c'est trop. Mais revenons à ce monde dirigé par des patriarches despotiques faisant régner leur loi sur les gens et les choses : Thordur emploie la majorité des habitants du lieu dans son usine, possède l'épicerie locale, fait tenir le magasin de vêtements par sa belle-fille, impose ses dictats à la police… Mais ce monde est en train de disparaître. Le vieil homme se rend d'ailleurs compte que les temps changent : la faillite guette l'entreprise, la main d'œuvre féminine qu'il emploie n'est plus uniquement locale ("C'est un véritable aéroport international ici", constate-t-il lors d'une de ses visites), les jeunes préfèrent les pizzas et les hamburgers au poisson… Il va donc tenter une ultime et assez pathétique tentative pour sauver sa conserverie. Mais l'heure est aux regroupements et aux navires usines. La présence d'une Française dans ce contexte très islandais permet de nous expliquer certains us et coutumes locaux : la consommation du requin trempé dans l'urine, la "mort noire" (l'alcool local) ou encore les filles violées avant leur communion, réponse que donne Ágúst à Françoise quand elle lui demande comment c'est l'Islande. Tout cela est un peu trop noir et systématique pour être vrai. Mais le contexte social et économique est surtout là comme un décor de fond, presque en décalage avec le traitement du film (poursuites en voitures, situations burlesques et surréalistes, réparties hilarantes). Bref The sea est plutôt à regarder comme un produit qui vise d'abord à nous faire passer un bon moment et, à ce titre, on serait mal placé pour dire qu'il n'y réussit pas.
  • LILYA 4-EVER (2002)
    Comme on le sait, je ne suis pas un grand amateur des films de Lukas Moodysson et ce n'est pas Lilya 4-ever qui va me faire changer d'avis. Certes, je vois déjà les admirateurs du cinéaste me dire qu'il traite là, d'une manière déchirante et pleine de poésie, de la triste tragédie qu'est la prostitution des jeunes filles, particulièrement ici de celles qui vivent dans une ex Union soviétique plongée de plein fouet dans la crise économique. Mais enfin, à part les (bonnes ?) intentions qu'y a-t-il vraiment à sauver dans le film ? Le principal reproche qu'on peut lui faire réside certainement dans le choix d'une héroïne éminemment détestable : une adolescente imbue d'elle-même, prétentieuse, voleuse, insolente, mal polie. On en viendrait même presque à trouver (s'ils n'étaient pas en soi odieux) que le mauvais traitements qu'elle subit, au fond, elle les a bien mérités ! C'est quand même un comble pour une œuvre qui se veut une dénonciation de la prostitution. Parmi les autres choses qui font qu'on a bien du mal à plaindre Lilya, il y a le fait qu'elle refuse les solutions éventuelles qui lui permettraient de s'en tirer, le fait de travailler par exemple, elle semble l'exclure. Il lui faut de l'argent et vite, et même si Moodysson veut montrer que cela lui répugne (elle vomit lors de sa première expérience), c'est quand même le choix qu'elle fait pour se procurer le fric avant tout nécessaire pour se payer des cigarettes. Dès lors, on pourrait presque dire que si cela ne se passe pas bien en Suède, c'est d'abord et avant tout parce que c'est Vitek et non elle-même qui empoche l'argent de ses différents clients. Et que dire de la scène finale, cette espèce de rédemption à la noix qui la voit avec Volodya attifés d'ailes : nos petits martyrs de ce début de troisième millénaire sont devenus des anges ! Alléluia ! Alléluia ! Mais Moodysson trompe bien son monde et tout particulièrement de journal Le Monde qui titrait (numéro des 20-21 avril 2003) : "Lukas Moodysson, cinéaste citoyen" et évoquait l'avis de Stig Björkman affirmant que "le cinéma suédois n'avait pas connu depuis longtemps de réalisateur à la fibre aussi sociale", comme en écho à un titre lu précédemment dans la presse suédoise et parlant de notre homme comme le Bo Widerberg d'aujourd'hui ! Quant à moi, on l'aura compris, je partage plutôt l'avis de Pascal Sennequier, voir Positif n° 506, d'avril 2003 : "Pas l'ombre d'un point de vue, pas une once de recul : derrière son histoire à sensation, vaguement bâclée sur la passion du Christ, traitée selon un naturalisme des plus indigents (quand il n'est pas obscène), Moodysson nous emplit les yeux de son néant, comme si nous eussions été sa poubelle personnelle."
  • PROP ET BERTA (2000)
    Ce film d'animation de Per Fly semble presque provenir et se passer sur une autre planète, un petit village danois comme on ne s'en imagine plus, avec son commissariat de police où on ne semble pas crouler sous les problèmes de délinquance et de violence tant le préposé de service y ronfle avec conviction, dormant du sommeil du juste, et avec sa petite place idyllique où trône, entre autres, la pizzeria Tardini (référence au producteur Ib Tardini). La rondeur des marionnettes en ajoute encore à leur gentillesse et tout finira bien, car la méchante sorcière n'apparaît jamais vraiment comme irrémédiablement épouvantable. La vache Berta est particulièrement expressive et c'est un plaisir de la voir dans ses accès de colère : le paisible bovidé se transforme en effet en véritable furie dès qu'on lui tire sur la queue. Et, quand la situation l'exige, elle ne manque pas de solliciter les personnes présentes pour qu'elles s'agrippent à ladite queue. Bref un film qu'on ne peut que conseiller, tout du moins aux jeunes spectateurs.
  • LEÏLA (2000)
    Gabriel Axel (né le 18 avril 1918) a été très longuement présenté dans L'Année Scandinave 1991, pages 41-57. Depuis, il a réalisé, Le prince de Jutland (Prinsen af Jylland, 1994 - voir Nouvelles du Nord n° 4, p. 73), l'épisode Gabriel Axel Copenhague dans le film collectif Lumière et compagnie (1995 - environ une minute de film réalisé avec la caméra des frères Lumière) et, en 2001, Leïla.
  • INFIDELE (2000)
    Parler d'Infidèle sans évoquer Ingmar Bergman serait sans doute une aberration : il est le scénariste du film dont un des personnages s'appelle Bergman, est metteur en scène et, de plus, interprété par son alter ego habituel l'acteur Erland Josephson. D'autre part, les thèmes, manières ou motifs bergmaniens sont ici omniprésents : l'autobiographie et l'espèce de cannibalisme avec lequel l'artiste s'approprie la vie de ses proches, les retours en arrière, la solitude de l'être humain, le théâtre dans le film avec la mise en scène de la pièce de Strindberg, les problèmes du couple, éternelles scènes de la vie conjugale - pour paraphraser Bergman lui-même. La longue et pénible confession de Marianne Vogler racontant sa terrible nuit avec Markus n'est d'ailleurs pas sans rappeler certaines confidences arrachées à Anna (Bibi Andersson) par Elizabeth Vogler (Liv Ullmann) dans Persona. S'arrêter là serait faire une lourde injure au travail de Liv Ullmann. Alors que son précédent film, Conversations privées, m'avait paru une honnête mise en images d'un autre scénario bergmanien, autant ici elle nous donne une œuvre beaucoup subtile et personnelle, à l'image de Bergman et de David qui se révèlent être finalement le même personnage ou de la double vie sentimentale de Markus que l'on ne découvre que très tardivement, après son suicide. Tout est en nuances, rien n'est tranché définitivement. Dans le même registre, on peut se demander pourquoi un vieil homme se penche sur son passé. Pour trouver matière à un nouveau scénario ? Pour enfin exorciser ses démons et trouver enfin la paix ? Ou pour une toute autre raison. Pourtant, par delà ces problèmes individuels, à l'image de la citation de Botho Strauss sur laquelle s'ouvre le film et qui mentionne le divorce comme une des principales sources de l'angoisse, Infidèle parle de l'extrême déchirement que constitue pour un enfant la séparation de ses parents. Entre rires et pleurs, repas de famille enjoués et scènes de ménage pleines de vociférations et d'injures, entre sa complicité avec David, sa tendresse pour Markus, son amour pour sa mère - mais les trois sentiments peuvent s'inverser ou s'ajouter tout à loisir -, on comprend combien la jeune Isabelle peut se trouver fragilisée et perturbée.
  • GLOUPS ! JE SUIS UN POISSON (2000)
    Gloups ! Je suis un poisson ne joue pas a priori sur l'originalité, qu'on en juge : savant loufoque et distrait, garçon intellectuel plutôt enveloppé, gamine espiègle, potion et antidote, transformations diverses et variées, gentils et méchants bien identifiés et identifiables, suspense jusqu'au dernier moment. Plus que six minutes pour redevenir un être humain ! Malgré ce handicap, les réalisateurs ont réussi à s'en tirer, l'humour est toujours présent et aide à faire passer des péripéties parfois assez incroyables ou au contraire très convenues. Ils ont également su créer un monde sous-marin poétique et assez original et bien croquer les personnages comme leurs équivalents poissons. Les chansons qui accompagnent le film m'ont, par contre, semblé assez insipides. C'est en 1993 que Stefan Fjeldmark et Karsten Kiilerich ont eu l'idée de ce film, à l'origine simple histoire de trois jeunes amis poissons. Au fil des années, le projet est devenu plus ambitieux, le scénario s'est étoffé jusqu'à donner matière à un long métrage qui est d'ailleurs devenu, à ce jour et avec un budget autour de cent millions de couronnes, la production danoise la plus chère jamais réalisée. L'animation proprement dite a demandé quinze mois et a été effectuée dans divers studios, à Copenhague, Dublin, Munich, Madrid, Orlando. Le film mélange animation traditionnelle et utilisation des techniques modernes, suivant des choix esthétiques que précise ainsi Stefan Fjeldmark : "Pour les personnages et l'expression des visages, nous avons trouvé l'animation à l'ancienne plus efficace et plus crédible en terme d'émotion et de sensibilité. En revanche, pour les décors, les fonds sous-marins, les grands bancs de poissons, les raies de lumière à travers la surface de l'eau, les performance de l'ordinateur étaient évidentes et sans pareilles."
  • JALLA ! JALLA ! (2000)
    Les difficultés d'intégration et les problèmes de cohabitation entre communautés culturellement différentes sont devenus des thèmes quelque peu récurrents dans le cinéma d'aujourd'hui et on note plusieurs films suédois récents à inscrire dans cette tendance. Citons, de manière non exhaustive et pour nous contenter de films sortis dans les salles en 2000 : Ailes de verre de Reza Bagher, Un pays idéal de Geir Hansteen Jörgensen, Avant la tempête de Reza Parsa, Bâtards au paradis de Luis R. Vera et Jalla ! Jalla ! de Josef Fares. Ce dernier (avec son titre arabe dont la traduction donne quelque chose comme "Dépêchons ! Dépêchons !") a pour thème les problèmes liés aux mariages arrangés par les familles et que les enfants sont censés accepter sans autre forme de procès. On pourrait sans doute assez facilement démonter les facilités et les idées reçues d'un tel film, où tout le monde se révèle finalement assez gentil (sauf peut-être Paul, mais comme il n'a aucune influence réelle sur tout ce qui arrive…) et où les problèmes posés se résolvent dans la joie et la bonne humeur. Mais le ton choisi étant exclusivement celui de la comédie - voire parfois même de la farce -, pourquoi bouder son plaisir ? Dès lors, même si les situations sont exagérées, le film se déroule sur un scénario bien huilé et sur un rythme qui évite que le spectateur se pose trop de questions. Le film est construit sur une sorte de comique de répétition qui fait se succéder les scènes où nos trois employés municipaux, aux origines ou états sans doute socialement révélateurs (un Libanais, un noir et un Suédois impuissant) se battent avec divers détritus (et particulièrement les déjections canines ! - la civilité suédoise n'est-elle plus ce qu'elle a été ?), celles des problèmes de cœur de Roro et enfin les diverses tentatives de Måns pour que son sexe cesse d'être "une ficelle lui pendant entre les jambes." Tout cela se terminant dans une grande cavalcade assez rocambolesque et pleine de rebondissements.
  • CHANSONS DU DEUXIÈME ÉTAGE (2000)
    2° Construit sur une succession de séquences qui ne se répondent pas toujours directement, Chansons du deuxième étage est un film qui ne se résume pas facilement. Peu ou pas d'intrigue au sens classique du terme, Roy Andersson joue sur l'ambiance générale : une ville grise quasi paralysée par des problèmes de circulation et des personnages englués dans des difficultés diverses. Il joue également sur une extrême maîtrise et rigueur techniques : plans extrêmement soignés et composés avec précision, travail sur la photographie et ce ton froid et métallique des images. Nous sommes là aux antipodes du Dogme, le réalisateur privilégiant la caméra fixe et le travail en studio dans des décors aux accessoires méticuleusement choisis et disposés. Pas de place ici à l'improvisation. Pas de place au sentimentalisme non plus, juste peut-être à un peu de pitié pour ces humains malmenés par une société qui n'a plus rien d'humain et qui semblent régresser jusqu'à en revenir à des pratiques d'un autre âge : le sacrifice de la jeune fille par les autorités politiques, militaires et religieuses, l'étrange procession de flagellants qui semblent presque sortis tout droit du Septième sceau. Faut-il voir là une des raisons de l'intérêt d'Ingmar Bergman pour le film de son collègue suédois ? Je le cite : "Un accomplissement, un film parfaitement génial". Quelques leitmotivs, comme ce "Bienheureux ce qui s'assoient", citation du poète Cesar Vallejo, ou "Il y a un temps pour tout", sont repris de séquence en séquence par divers personnages et servent en quelque sorte de liens entre plusieurs moments du film. La première de ces répliques propose d'ailleurs l'une des deux dernières possibilités laissées aux protagonistes de l'histoire, coincés dans un univers absurde, implacable, cauchemardesque, pour ne pas totalement renoncer : prendre un peu de repos. Une autre solution leur est également plusieurs fois proposée : la fuite, mais celle-ci est bien problématique comme l'illustre la séquence des voyageurs cherchant à approcher les guichets du hall de départ d'un aéroport (progression comme au ralenti, lourdeur des bagages, rivalité entre les futurs passagers). Roy Andersson joue également sur un humour froid et glacial, mais toujours extrêmement caustique et efficace. On pourra sans doute reprocher au réalisateur un symbolisme parfois facile (le poète interné en hôpital psychiatrique), mais on ne pourra pas reprocher à son film sa grande originalité et son étonnant et inquiétant pouvoir de fascination. Un film auquel il faudrait bien évidemment consacrer plus que les quelques lignes qui précèdent.
  • LE ROI QUI VOULAIT PLUS QU'UNE COURONNE (1999)
    L'an passé les films du Préau avaient concocté un programme appelé "Les étoiles filantes", composé de quatre courts métrages d'animation nordiques. Cette année, ils reprennent la même formule et nous proposent Des rois qui voulaient plus qu'une couronne, association de trois films dont 30 des 42 minutes nous viennent de Norvège, d'où cette mention dans L'Année Scandinave. Trois courts métrages d'animation donc : Arthur, réalisé par Guionne Leroy (Belgique, 1998, 5 mn), Les sorcières d'Elisabeth Hobbs (The witches, Ecosse, 2002, 7 mn) et Le roi qui voulait plus qu'une couronne d'Anita Killi et Randall Meyers (Kongen som ville ha mer enn krone, Norvège, 1999, 30 mn) qui a inspiré le titre général du programme.
  • EMBUSCADE (1999)
    Embuscade s'inscrit dans la grande lignée des films de guerre en général et des films de guerre finlandais en particulier. Et il n'a rien à envier aux Soldats inconnus de Rauni Mollberg ou à La guerre d'hiver de Pekka Parikka, pour nous contenter de deux exemples récents. C'est dire que dans le film d'Olli Saarela nous allons retrouver des ingrédients du genre explorations des villages vides ou de fermes incendiées ou désertées dans lesquelles les soldats avancent avec précaution, fausses alertes, maisons piégées, escarmouches, infirmeries constituées à la hâte, convois de blessés et de morts qu'on éloigne du front, groupes d'évacués errant sur les chemins, morceaux de bravoure allant crescendo jusqu'à la grande bagarre finale. C'est dire que dans la section du lieutenant Porkala nous allons retrouver différents personnages très typés : le froid, cynique et impitoyable Lukkari (il veut tuer un cheval découvert dans une ferme pour le manger, il abat l'encombrant prisonnier blessé dont on ne sait que faire), le communiste de service Raasila qui doit à la fois défendre ses opinions et lutter pour son pays, le lâche de service Karppinen (il tire sur un malheureux évacué sans sommation, il laisse tomber son vélo dans l'eau en traversant une rivière sur un pont en train de brûler), etc. Bref, toute une humanité en miniature. Là où le film d'Olli Saarela trouve sa grande réussite, c'est dans sa construction et sa progression dramatique, qui, si elle n'a rien de révolutionnaire, est très élaborée. Débuts bucoliques au bord de l'eau, puis, la section progressant à vélo sur des routes forestières, on a toujours vraiment l'impression d'être avec un groupe qui part en vacances, qui va faire du camping quelque part au bord d'un lac entouré de sapins. Ah ! si c'est cela la guerre, Dieu que la guerre est jolie ! Bien sûr, ici ou là, le réalisateur nous alerte, nous glisse quelques informations, comme quoi cela ne va pas durer. Mais la nature est si belle que l'on refuse longtemps d'y croire, de croire que l'homme peut si facilement détruire tout cela. C'est sans doute ce qui rend encore plus atroce l'étripage final, même si je l'ai trouvé un peu trop long et convenu. Vraiment, du beau travail.
  • ENTRE DEUX MONDES (1999)
    On pourrait qualifier le film de Matti Ijäs de chronique douce amère qui, si elle ne brille pas par son originalité, ménage toutefois quelques bons moments, faisant alterner rires et pleurs. Comme dans la vie, quoi. On n'échappe pourtant pas malheureusement à des personnages un peu trop typés, à la limite de la caricature, à l'image du père de Jontti (ses maladresses, ses escapades amoureuses), de l'instituteur victime des farces des élèves ou du coiffeur aux manières un peu affectées. A leur égard, le rire du spectateur est quand même un peu facile. Plus surprenants sont des épisodes comme l'arrivée à l'école de Bothulin Badu, "premier véritable nègre à arriver sous ces latitudes" ou la noyade de Länki, remarquablement et sobrement mise en scène, qui apporte une touche dramatique au film. Les réactions du jeune Jontti sont assez bien notées, quelles concernent sa gêne devant le comportement de son père toujours en situation de se ridiculiser aux yeux de tous ou encore vis-à-vis de sa petite amie issue d'un milieu plus favorisé (elle est musicienne et la maison où elle vit n'a rien à voir avec l'appartement des parents du garçon). Entre l'affiche aperçue du Lola de Jacques Demy et la projection de La colombe écarlate de Matti Kassila, qui semble bien ennuyer notre jeune héros, Entre deux monde nous propose une plon-gée souvent humoristique mais quand même un tantinet nostalgique dans des années 60 qui paraissent tout à coup bien lointaines !
  • BLOODY ANGELS (1999)
    Le film de Karin Julsrud s'inscrit dans toute une série d'œuvres qui présentent l'extrême nord ou les campagnes reculées de la Scandinavie comme des régions peuplées de rustres barbares brutaux qui y font régner leur propre loi. Vous l'aurez compris, Bloody Angels est plus proche des Chasseurs de Kjell Sundwall ou du Village muet de Kari Väänänen que de La maison des anges de Colin Nutley. On peut, bien évidemment, s'interroger sur le bien fondé d'une telle attitude, sur ces shérifs citadins malmenés par les hors-la-loi locaux, sur ces groupes ou communautés qui imposent leurs idées par la violence et avec une rare cruauté. On peut, par contre, lutter contre cet aspect des choses, ce que faisait Erik dans le film de Kjell Sundwall. Le message de Karin Julsrud est beaucoup plus ambigu. Car, finalement, elle donne raison à la vengeance populaire qui s'est exercée sur une famille un peu marginale alors que rien ne prouvait la culpabilité des fils Hartmann, si ce n'est que leur fuite pouvait passer pour un aveu. Comme si, forcément, quand on ne vit pas comme les autres, on ne pouvait générer que des monstres, des violeurs de fillettes (de plus ici une jeune trisomique) et des meurtriers. Et cela, la sagesse populaire le savait et n'avait pas besoin de preuves pour exercer une vengeance quasi divine. Le pasteur du coin n'est d'ailleurs pas le moindre opposant au policier venu de la capitale. Comme si Oslo pouvait juger de ce qui se passe à Høtten ! L'ambiguïté du film devient encore plus flagrante quand Ramm, ayant appris la vérité, rejoint en quelque sorte les villageois, en abattant le coupable. Dans Bloody angels, le spectateur ne trouve finalement qu'un seul personnage sympathique : le jeune Niklas Hartmann, gamin sans cesse agressé et victime de la fureur des adultes, certes, mais également des autres enfants du village. C'est assez peu pour se raccrocher au film.
  • MIFUNE DOGME III (1999)
    Réalisateur des plus classiques (voir L'Année scandinave 1991), Søren Kragh-Jacobsen ne semblait rien avoir à faire avec le Dogme. Et pourtant, ce n'est pas son passé de cinéaste (L'ombre d'Emma et L'étoile de Robinson ont quand même été distribués commercialement en France) qui lui a valu la sortie d'un troisième long métrage sur nos écrans. Le titre choisi pour son exploitation est parlant. Plus question de Mifunes sidste sang (Le dernier chant de Mifune), même si la référence à l'acteur fétiche d'Akira Kurosawa demeure, mais un Mifune-dogme 3. C'est donc bien grâce à la publicité faite autour ce coup de bluff des plus médiatiques qu'est le Dogme qu'il est arrivé jusqu'à nous, et nous ne nous en plaindrons pas. D'une part, parce que l'image y est moins laide, moins saccadée, moins délibérément agressive que dans les précédents dogmatiques avatars, d'autre part, parce que le réalisateur nous propose une œuvre chaleureuse et surprenante. Le scénario du film est imprévisible et on ne sait jamais dans quelle direction il va nous mener. La plupart des personnages, plus ou moins paumés, marginaux ou marginalisés, parfois assez peu sympathiques au départ (un jeune cadre arriviste, un idiot du village, un gamin pervers, une prostituée intéressée), vont finalement être amenés à se solidariser, à se serrer les coudes devant l'adversité, à quitter - autant que faire se peut - leur isolement. Un film qui croit encore en l'homme et se double d'un beau message de fraternité, bien servi par des acteurs qui n'en rajoutent pas - sauf peut-être le petit numéro de Sofie Gråbøl - et desquels il faut isoler, pour sa superbe performance, Iben Hjejle, qui compose, avec un jeu tout en nuances, une superbe et émouvante Lisa.
  • SEULS LES NUAGES DÉPLACENT LES ÉTOILES (1998)
    Pour son premier long métrage, Torunn Lian a choisi un domaine très prisé dans les pays nordiques, le cinéma pour adolescents. C'est, dans ce genre, une incontestable réussite. Sobre et plein de tact, le film évite tous les pièges du sentimentalisme larmoyant pour nous parler de la réaction de Maria et de sa famille à la mort de son jeune frère atteint d'un cancer. L'opposition est dure entre les réactions de parents, réactions d'adultes qui cherchent à cacher leurs sentiments, à masquer leur peine, à l'intérioriser (au point que la mère finit par devenir muette et va se cacher loin de tout et de tous) et celles de Maria qui ne supporte pas ce désir de me pas faire de vagues, de faire comme si rien n'avait changé dans leur vie ("Tout va bien", lui répond à plusieurs reprises son père) et réagit violemment aux bons sentiments ou attitudes condescendantes de voisins ou d'amis. Torunn Lian réussit remarquablement à nous faire comprendre et accepter les réactions des uns et des autres sans jamais ridiculiser ses personnages. La colère de Maria est tout aussi juste que les tentatives maladroites des adultes qui l'entourent pour la distraire. Le film n'est pas réducteur et Maria n'est pas portée aux nues. Son égoïsme et ses réactions épidermiques ne sont pas occultées. Le film trouve le contrepoids nécessaire qui en fait une œuvre équilibrée avec la présence de Jacob. Aux antipodes des problèmes d'Anna et des siens - même si sa vie ne baigne pas dans un idyllisme qui ne serait pas de rigueur -, il apparaît toutefois comme un élément euphorisant, comme une sorte de médicament nécessaire pour lutter contre le stress et le désarroi des autres protagonistes de l'histoire.
  • LA DANSE (1998)
    Force est donc restée à la moralité, ce que Dieu avait uni est resté uni et l'amant diabolique a été supprimé. Amen ! pourrait-on conclure à la fin de la projection. Entre l'arrivée et le départ du bateau qui amène le narrateur et les convives et qui marquent respectivement le début et la fin du film, La danse apparaît véritablement comme une parenthèse. Celle-ci bouclée, la vie peut reprendre son rythme quotidien, loin de tout ce qui a pu en troubler un temps l'aspect immuable. Nous sommes là en présence d'une œuvre qui représente véritablement un des principaux aspects du cinéma nordique : l'adaptation littéraire (ici William Heinesen qui n'est quand même pas le premier venu) historique (le film se passe en 1913). Águst Gudmundsson, cinéaste islandais confirmé, s'en tire relativement bien. La réalisation est soignée mais sans surprise, quelques bons mots, quelques propos salaces et quelques scènes faciles (Petur qui soupire de bonheur pensant que c'est Anna-Linda qui lui masse les tempes et qui sursaute d'effroi quand il s'aperçoit qu'il est entre les mains d'Ivar) ou convenues (le bateau pris dans la tempête et le sauvetage qui en découle) contribuent à mettre le spectateur de son côté. Bref, ce que l'on aurait qualifié, il y a quelque temps, de bonne dramatique télévisée.
  • LE CRACHEUR DE FEU (1998)
    Le résumé qui précède est mensonger en ce sens qu'il présente le film de Pirjo Honkasalo comme un simple et unique retour en arrière. En fait, on pourrait en donner une description tout autre : une femme erre la nuit dans une ville et différents épisodes de son passé lui reviennent à l'esprit. En effet, chaque retour en arrière alterne avec une séquence où la femme se promène dans la ville. Le contraste est d'autant plus net et délimité que l'errance nocturne est filmée en noir et blanc alors que les scènes du passé le sont en couleurs. Faut-il y voir déjà un symbolisme profond : le merveilleux passé tout auréolé des couleurs les plus vives, le triste présent n'ayant droit qu'aux glauques lueurs du noir et blanc. C'est sans doute excessif, même si la réalisatrice se complait un peu dans le sordide de la vie nocturne actuelle (maisons délabrées, impression que tout suinte, etc.), car le passé n'a rien de particulièrement excitant, si ce n'est qu'alors on était plus jeune ! Le film de Pirjo Honkasalo est d'ailleurs assez subtil, la vérité ne nous apparaît en effet que progressivement, amenée au fil des déplacements de l'héroïne et comme si elle avait du mal à ressurgir des profondeurs où elle a été enfouie. La côté historique sonne juste, loin des grandes reconstitutions pompeuses et impeccables où il ne manque pas un bouton ou une décoration sur la veste des militaires, dans ce nécessaire et suffisant qui rendait si crédibles des films comme Le septième sceau ou Ma sœur, mon amour. Pirjo Honkasalo joue également bien, même si le thème n'est pas neuf, sur la magie du monde du cirque, de ses trapézistes et de ses cracheurs de feu, sur la vie itinérante, les troupes minables et les spectacles ringards mais tellement pathétiques. Elle nous donne également une très belle évocation de l'amitié et de la complicité entre deux sœurs (illustrée par les mots qu'elles se tracent sur le dos, l'une devant découvrir ce que l'autre a écrit), qui leur permettront de supporter les aléas et les vicissitudes d'une vie qui fut loin d'être toujours des meilleures. Une belle tranche de vie et une mise en scène très subtile font de ce film une œuvre dont une seule vision est loin d'épuiser toutes les richesses.
  • L'OMBRE D'ANDERSEN (1998)
    Le dessin animé de Jannik Hastrup évoque, de manière assez convaincante, la vie d'Hans Christian Andersen avant qu'il ne devienne un écrivain célèbre. Le thème du film a d'ailleurs sans doute été inspiré au réalisateur par un des contes de l'écrivain danois qui s'intitule tout simplement L'ombre et qui raconte comment l'ombre d'un savant finit par prendre l'ascendant sur le savant lui-même, le fait emprisonner et épouse à sa place la fille du roi. Un régal pour les psychanalystes ! Mais revenons à L'ombre d'Andersen qui ne nous épargne pas les défauts du futur conteur, sa lâcheté, son refuge dans le rêve pour s'épargner une réalité qui ne lui convient pas, sa gaucherie, son orgueil et sa prodigieuse autosatisfaction. N'a-t-il pas toujours été persuadé qu'il deviendrait un cygne ? Hastrup illustre bien le phénomène qui consiste à transformer le sordide en merveilleux, comme dans la scène, chez sa tante, où un volumineux client attire une fragile prostituée dans la pièce où s'est réfugié Andersen. Elle geint de douleur lorsqu'ils font l'amour, et le poète rassure le petit canard qui l'accompagne tout au long du film en lui disant : "Elle se plaint parce qu'elle est une princesse très sensible et qu'elle est assise sur un petit pois." Les relations du poète avec la famille Collin sont également bien notées. Louise est impitoyable, ayant rapidement identifié la nature de parasite indécrottable de leur visiteur ; son père est plus mesuré, intrigué par ce garçon qui a en lui quelque chose de pas ordinaire. L'idée du dédoublement final est également elle aussi bien venue, tant il semble bien y avoir deux Andersen fort différents l'un de l'autre qui ont cohabité dans le même homme. Et L'ombre d'Andersen nous donne finalement un portrait tout à fait recevable de l'auteur de La petite marchande d'allumettes.
  • JUHA (1998)
    Roman de 1911 de Juhani Aho, devenu en traduction française L'écume des rapides, Juha a déjà fait l'objet de plusieurs adaptations, tant en Finlande qu'en Suède, avec des réalisateurs comme Mauritz Stiller (1921), Nyrki Tapiovaara (1937), Toivo J. Särkkä (1956). L'adaptation qu'en donne aujourd'hui Aki Kaurismäki lui aura valu, une fois de plus, les éloges de la critique. N'est-ce pas merveilleux de réaliser en 1999 un film muet en noir et blanc à la manière de ce qui se faisait il y a quatre-vingts ans ! Il faut quand même bien dire que tout cela est complètement vain, inutile, et constitue une sorte moquerie facile des films des premières années du cinéma. On ne sait d'ailleurs pas trop si le spectateur rit du schématisme des situations dignes des mélodrames d'antan (le mari, la femme, l'amant, l'enfant né du péché), du caractère outré des personnages (le vieux séducteur plus maquereau que maquereau), du jeu décalé des acteurs, des nombreux anachronismes (ah ! ah ! les surgelés et le micro-ondes), des cartons au message redondant (Marja et Juha sautent de joie comme des gamins après avoir vendu leurs choux et le carton annonce : "Ils sont heureux comme des enfants"), des habituels private joke dont Aki Kaurismäki se plaît à parsemer ses films. Ah, l'allusion à Samuel Fuller ! Voilà quelque chose qui dépassera le premier pékin venu et que nous pourrons déguster en cinéphiles que nous sommes, loin des masses populaires ! Vous l'aurez compris, même si Aki Kaurismäki se révèle ici habile, astucieux, drôle, je le préfère mettant en scène Au loin s'en vont les nuages. Mais, une fois de plus, j'ai bien conscience d'être à contre courant de ce qu'il est bon d'encenser. Par d'autres voies, le cinéaste finlandais rejoint la grande régression prônée par ses collègues du Dogme. Alors que des cinéastes se sont battus pour essayer de faire parler leurs films alors que le parlant n'était pas inventé, alors que des cinéastes se sont battus pour essayer de rendre l'image la plus belle possible (et les Scandinaves n'étaient pas les derniers à œuvrer dans ce sens), alors que des cinéastes se sont battus (et se battent encore) pour faire éclater la censure ici et là, certains Nordiques exigent quant à eux d'être soumis à un Dogme, de ne créer que sous contraintes. Le monde à l'envers ou le privilège des riches !
  • I LOVE L.A. (1998)
    Bon nombre des films de Mika Kaurismäki nous entraînent loin de son pays et I love L. A. porte, dès son titre français (mais également dès l'original L. A. without a Map), la marque de ce cinéaste itinérant. La Finlande est donc assez loin de cette coproduction anglo-franco-finlandaise. Elle est présente seulement dans la projection de La vie de Bohème (lui non plus pas le plus finlandais des films du frère, Aki) à laquelle assistent nos deux amoureux dans le petit cinéma de Bradford ou dans la présence des incontournables Leningrad Cowboys en tournée à Los Angeles. Le film est d'ailleurs rempli des private joke qu'affectionnent tant les Kaurismäki et qui se justifient sans doute dramatiquement un peu plus aussi puisque l'œuvre évoque le monde du cinéma. On peut donc, tout à loisir, apprécier les apparitions de Joe Dallesandro ou de Jerzy Skolimovki, d'Anouk Aimée ou de Monte Hellman, et surtout de Johnny Depp (avec derrière sa présence un hommage à Jim Jarmush). Décidément, on reste en famille. Et on aurait même eu droit à une apparition de Samuel Fuller s'il n'était pas mort un peu avant le début du tournage. Coproduction française oblige, Julie Delpy et Jean-Pierre Kalfon, respectivement Julie, serveuse amie de Barbara, et Jean-Mimi, maître d'hôtel du Yamashiro apportent une convaincante participation à l'entreprise. Le film n'est pas prétentieux et a le charme des comédies américaines d'antan : héros jeunes et sympathiques, comparses déjantés et hauts en couleurs, gags bien venus ou parfois plus convenus, poursuites burlesques et scènes empreintes de sentimentalisme, le tout se terminant par une happy end digne des plus beaux jours du genre.
  • UN JOUR SANS SOLEIL (1998)
    Second long métrage de Bent Hamer et son second film distribué en France, Un jour sans soleil ne possède pas les qualités et l'originalité de sa première réalisation, Eggs. Le sujet n'est pas très neuf : un individu se retrouve, bien malgré lui, forcé de séjourner dans une ville étrangère, parmi des gens dont il ne parle pas la langue. Désœuvré, il erre ici et là, explore des lieux insolites et rencontre des gens plus ou moins originaux. Le film fonctionne ainsi sur un certain nombre de séquences répétitives (visites chez l'horloger, chez le gardien du phare, au bar que tient un handicapé, etc.), empreintes souvent d'un certain humour, et faisant progresser l'action assez lentement. L'aspect le plus réussi du film, même s'il est tout sauf original, est incontestablement l'histoire d'amour entre Marta et Almar. Bent Hamer la traite avec un tact et une délicatesse qui n'étonnent pas de la part d'un réalisateur scandinave. Par contre, le personnage de Windy est campé avec une telle grossièreté qu'on a bien du mal à comprendre comment Almar peut se laisser entraîner dans ses louches trafics et qu'on a bien du mal à accepter la poursuite finale, ponctuée par la mort de Marta. Vous me direz peut-être que, quand il voulait débarrasser ses mâles héros de leurs compagnes envahissantes, Ernest Hemingway n'hésitait pas, parfois, à employer de tels artifices. Cela n'est pourtant guère convaincant et, après ce second film assez inégal, on attendra Bent Hamer à sa troisième réalisation.
  • COMEDIA INFANTIL (1998)
    Le film de Solveig Nordlund commence de manière assez insoutenable : Nelio abattu par balles sur la scène, village détruit, gens massacrés, enfants brutalisés… Le tout culminant dans le meurtre d'un bébé jeté dans une grande jarre et écrasé avec un pilon. Il faut malheureusement bien dire que tout cela n'est que trop réel et que le romancier suédois Henning Mankell, dont le Mozambique est la seconde patrie, en parle en connaissance de cause. Un autre des ses romans, celui-là traduit en français, Le secret du feu, en est le vivant témoignage. On ne peut pas non plus dire que l'existence des enfants est meilleure à la ville qu'à la campagne. Ici, la ville semble littéralement les aspirer pour mieux les étouffer dans ses tentacules, et des bandes de gamins miséreux, malades, abandonnés par leurs familles, vivent de rapines diverses et d'expédients. Pourtant, il ne se dégage pas de Comedia infantil le sombre pessimisme que l'on pourrait attendre. La courte existence de Nelio est certes tragique mais le gamin semble avoir en lui une force qui lui fait minimiser les pires épreuves auxquelles il est confronté. Le réalisme du film est sans cesse contrebalancé par des éléments irrationnels (la femme lézard, les pouvoirs de Nelio), improbables, mais qui se greffent comme naturellement sur le reste du récit. Cela donne incontestablement à l'œuvre de Solveig Nordlund un ton très particulier, entre symbolisme occidental et magie africaine.
  • FUCKING AMAL (1998)
    Est-ce l'effet Dogme ? Est-ce pour faire jeune et branché ? Toujours est-il que la première chose qui frappe dans Fucking Åmål, c'est la laideur de la photographie, rappelant celle des films en 16mm gonflés que l'on voyait il y a une trentaine d'années. On pourra également dire que Lukas Moodysson a voulu ainsi rendre la morosité et l'ennui d'une petite ville de province suédoise. C'est un choix qui me paraît fort contestable. Pour le reste, le réalisateur y a été avec ses gros sabots. La différence entre les deux familles tient tout à la fois du ridicule et du systématisme. Fallait-il vraiment que l'appartement où Elin et Jessica vivent avec leur mère soit aussi sordide, sale, mal rangé ? Fallait-il vraiment, en opposition, que celui d'Agnès respire autant un confort bourgeois aseptisé ? Fallait-il que la mère de Jessica et d'Elin ait aussi peu d'autorité sur ses filles ? Fallait-il que les parents d'Agnès soient aussi maladroits dans leurs relations avec leur fille ? Fallait-il que les garçons soient aussi ridiculement présentés, uniquement branchés alcool et sexe ? Tout cela fait beaucoup. Tout comme la scène finale où Elin et Agnès sortent main dans la main des toilettes du lycée devant tous les élèves soucieux de voir avec quel garçon Agnès était enfermée, Elin lançant à la cantonade un "On part baiser" qui suscite peut-être l'hilarité - il faut bien sûr toujours mettre les rieurs de son côté ! -, mais qui donne à la scène et au film un aspect épouvantablement racoleur. Racolage efficace puisque le film a fait un carton en Suède. Il y avait sans doute mieux à faire et on le sent bien ici ou là quand Lukas Moodysson se fait plus attentif aux sentiments diffus d'Elin et d'Agnès à la découverte de leur sexualité et qui cherchent à comprendre ce qui leur arrive.
  • TIC TAC (1997)
    Si le résumé qui précède peut sembler un peu long, il me paraissait nécessaire pour donner une petite idée de la construction de Tic Tac. A une première vision, le film a, en effet, de quoi intriguer, surprendre et même parfois égarer le spectateur. Et cela non seulement à cause des intrigues multiples qui se déroulent sous ses yeux et qui semblent, au départ du moins, totalement indépendantes les unes des autres, mais également puisque la chronologie en prend elle aussi pour son grade, sans qu'on puisse véritablement s'en rendre compte avant la fin du film. Deux choses, en particulier, peuvent appréhender le spectateur : pourquoi les policiers laissent-ils repartir Kent et pourquoi ne veulent-ils pas que celui-ci les reconnaisse ? Rétrospectivement, tout apparaît beaucoup plus compliqué - un peu trop peut-être - puisque le bus que Kent double inconsidérément est celui duquel descendent Pedro et les deux skinheads et que la voiture qu'il est sur le point d'emboutir est celle des policiers qui l'ont escroqué. Tout ce beau monde se retrouve donc dans cette banlieue de Stockholm pour le moins un peu arbitrairement et de manière assez peu réaliste. Mais toute l'écriture du scénario de Tic Tac fonctionne ainsi. Avant de gagner le café où ils vont discuter, les deux skinheads longent un quai de gare où on peut, au passage, apercevoir Pedro qui tente de téléphoner à son amie. On pourrait multiplier les exemples. Voilà pour la forme. Pour le message, Daniel Alfredson se propose de peindre la Suède d'aujourd'hui. On peut, bien évidemment, le prendre au pied de la lettre et lui reprocher une vision partielle et partiale de son pays. Tout en effet est ici sombre et noir. Les policiers n'ont pas des méthodes très orthodoxes, comme le montre l'acquisition d'un logement par Niklas et on peut penser que c'est là chose courante puisque sa femme lui a auparavant demandé de ne pas se lancer dans des transactions douteuses pour obtenir un nouvel appartement. La jeunesse semble en proie à un désenchantement total comme l'illustrent les propos de Mieke et de Jeannette qui semblent dans l'impossibilité totale de communiquer avec leurs parents, quand ils n'ont pas envers eux des sentiments beaucoup plus radicaux. Mieke, qui veut brûler son école dans un souci de vengeance sans doute mais aussi dans un but de purification, a du mal à croire qui si Dieu existe il ait pu créer son père, et il égorgera ce dernier s'il en a l'occasion. Les skinheads glissent volontiers dans la violence et se jettent sur l'émigré Pedro aux cris de "Sieg heil" et de "Purifions le pays". Auparavant, le patron du café où ils sont descendus avait manifesté sa haine des skinheads et placé, dès leur entrée, une batte de base-ball sous le bar, à portée de la main, au cas où… De son côté, Kent ne semble pas non plus très fréquentable, se livrant à des opérations commerciales douteuses et prompt à susciter la création de milices. Si on ajoute les problèmes de couples, les querelles entre Niklas et Francesca, Pedro et son amie ou entre Kent et Ylva, on comprend que tout va vraiment mal dans le royaume de Suède. Il n'en reste pas moins que les quelques vies quotidiennes de ces êtres qui se croisent ou se rencontrent et une habile et subtile (même si elle est quelque peu artificielle) construction du film en font de bout en bout une œuvre attachante.
  • SMILLA ET L'AMOUR DE LA NEIGE (1997)
    Tirer un film de deux heures du dense roman de Peter Høeg n'était pas chose facile, et il est aisé de critiquer Bille August sur tel ou tel aspect du livre qu'il aura occulté ou sacrifié. Ceci dit, il faut bien convenir qu'il en a conservé l'essentiel. Uniquement l'essentiel des péripéties, diront certains, et pour en faire un film d'action sans âme. C'est peut-être vrai, mais certainement réducteur. Bille August n'est pas considéré, particulièrement en France, comme un auteur, comme un créateur à l'instar de son compatriote Lars von Trier, par exemple. Et pourtant, qui reprendra avec attention ses adaptations passées ne pourra qu'être étonné du soin tout particulier qu'il apporte à ce travail. Ajoutons que, parmi les nombreux réalisateurs intéressés pour filmer son roman, c'est Peter Høeg lui-même qui a insisté pour que Bille August soit choisi. Le film souffre peut-être de son internationalisme, mais est finalement assez bien mené et ne sombre pas dans la débauche de sanglantes scènes d'action. Le traitement de la couleur est assez réussi, dans ses teintes bleu sombre, et les plans de coupe de Copenhague font de la capitale du Danemark une ville mystérieuse, figée, inquiétante.
  • SIMON AU PAYS DES GLOBULES (1996)
    On pourra toujours reprocher à Vibeke Idsøe de ne pas avoir refait Le voyage fantastique de Richard Fleischer où d'autres réalisations du même type, mais la réalisatrice norvégienne a choisi de mettre en valeur l'aspect féerique de la chose, ne disposant pas du même budget et des mêmes possibilités, quant aux effets spéciaux, que son collègue américain. A ce titre, on peut considérer le rétrécissement puis le retour de Simon à sa taille normale comme escamotés. Mais il ne faut pas en rester là et, s'il ne constitue pas une avancée révolutionnaire dans le domaine, le film se laisse voir agréablement. Mauvaise haleine et Mme Bile sont hideuses et répugnantes à souhait, et il suffit de voir la seconde cracher sa bave verdâtre pour en être convaincu. Simon, Globule et Alvéole sont tout ce qu'il y a de plus aimable, gentil, agréable, et personne ne peut leur souhaiter le moindre mal. Si on refuse un tel manichéisme, il ne faut bien évidemment pas aller voir le film. Les enfants, quant à eux, se laissent glisser avec plaisir et intérêt dans les profondeurs du corps humain, même si parfois ils se demandent bien où peuvent avoir échoué leurs trois amis.
  • LES HÉROS (1996)
    La dernière séquence du film en résume bien l'esprit : on oscille perpétuellement entre le sérieux et la comédie, plus ou moins réussie, mais sans jamais trouver un véritable ton, un véritable rythme. Certes le début du film peut faire illusion, avec sans doute des effets déjà un peu gros et un jeu un peu outré des acteurs. Mais enfin, il y a des gags assez drôles, comme celui où, sur le ferry, Peter cherche à se débarrasser du chien qui en veut à la saucisse qu'il essaie de manger. Ne parvenant pas à éloigner l'animal, il balance sa saucisse par-dessus le bastingage et, à sa grande surprise, voit le chien se précipiter pour suivre l'objet de ses aspirations et disparaître dans les flots. Mais tout se gâte avec l'arrivée en Suède, et la folle cavale vers le nord n'a vraiment rien à voir avec celle narrée par Jan Troell dans Il Capitano. Vinterberg n'arrive pas à trouver un ton entre le dramatique (vol d'arme, meurtre) et le comique qui se fait de plus en plus lourd (scène où Peter et Karsten montés sur le toit de la voiture en marche urinent durant une séquence qui n'en finit pas). Le scénario se fait également des plus lâches : ils sont retrouvés bien facilement par Allan, par exemple. La lourdeur de l'humour, ou de ce qu'on veut nous faire passer pour de l'humour, devient d'une pesanteur à dégoûter le spectateur le mieux disposé envers le film. Quand on leur demande, à l'hôtel, leur identité, ils disent s'appeler respectivement Ingemar Stenmark et Helmuth Schmidt ! Ce qui finit quand même par sembler suspect au personnel dudit hôtel. Un peu auparavant, Peter, payant avec une carte bancaire volée à un Allemand, avait déjà prétendu s'appeler Helmuth… Kohl, cette fois. Comme on le voit, il y a un sérieux renouvellement dans le comique de ce film. Je passe sur certaines scènes ou propos louchant du côté de la scatologie, avec un petit côté branché (pédés, brouter, masturbation)… Le mauvais goût réussit même à se glisser dans les quelques scènes de bonheur autour du chalet où ils retrouvent Pernille et Eva. Il fallait le faire ! Après un court métrage des plus réussis, en 1994, Le garçon qui marchait à reculons, histoire toute en délicatesse et en émotion contenue d'un gamin de neuf ans qui ne se remettait pas de la mort accidentelle de son frère et décidait de marcher à reculons, pour essayer de remonter le temps, comme on remonte une cassette dans un magnétoscope, et une Fête de famille qui lui a valu un certain succès, on attendra avec attention le prochain film de Thomas Vinterberg.
  • JUNGLE JACK (1993)
    Jungle Jack est un film d'animation dans la lignée d'Oliver et d'Olivia ou du Secret de Moby Dick de Jannik Hastrup qui sont sortis en France ces deux dernières années. Flemming Quist Møller a d'ailleurs collaboré à plusieurs reprises avec Jannik Hastrup. Les ingrédients du genre sont tous là : un petit animal sympathique, des méchants ridicules et régulièrement bafoués, des gags réussis, des poursuites traitées avec dynamisme, le tout agrémenté ici et là de quelques chansons qui ponctuent le récit. Ça ne prend jamais des allures de chef-d'œuvre et ça n'en a d'ailleurs jamais la prétention. Un agréable produit qui réjouira principalement les plus petits.
  • LA MAISON AUX ESPRITS (1993)
    La maison aux esprits s'inscrit bien dans la ligne du grand cinéma romanesque qu'est celui de Bille August depuis Pelle le conquérant et Les Meilleures intentions. Ce film n'a guère suscité l'intérêt de nos critiques qui ont trouvé Meril Streep superbe et Glenn Close épouvantable, ou l'inverse, d'autres ont jugé l'ensemble de la distribution incohérente, tous les acteurs lamentables, le scénario ridicule et, bien évidemment, la réalisation insipide et surannée, cela va de soi ! Qu'en dire ? Bien sûr, on peut trouver le scénario mélodramatique à souhait : le fils bâtard, la prostituée au grand cœur, la fille riche amoureuse du pauvre ouvrier agricole - ça ne vous rappelle rien ? Bien sûr, on peut trouver le jeu des acteurs outré. Mais on reproche aussi à Bille August son académisme et sa sagesse. Qu'en est-il vraiment ? Personnellement, je ne trouve pas le scénario si mauvais que cela. Certes, le choix du mélodrame est flagrant, mais, par contre, l'histoire est véritablement structurée. Et Bille August lui donne un sens, comme il l'avait fait pour son adaptation remarquable du roman de Martin Andersen Nexø. Il a volontairement choisi, par exemple, de faire réapparaître tout au long du film le fils d'Esteban. Il aurait sans doute pu le remplacer ici et là par un autre personnage, mais s'il ne le fait pas c'est pour ne pas nuire à l'unité propre que possède le film (nous ne sommes pas dans le domaine de la réalité ou du vraisemblable - faire tourner les objets ou prévoir l'avenir est-ce vraiment réaliste ?) comme en témoignent les séquences qui se répondent à divers moments du récit : le fils refaisant les mêmes gestes lorsqu'il torture Blanca que lors de sa première rencontre avec elle, alors qu'elle était encore fillette. Et on pourrait multiplier les exemples. Reste que tout n'est pas parfait, l'évolution du vieillissement de Jeremy Irons laisse parfois à désirer, mais vers la fin du film comment ne pas s'empêcher en le voyant de penser au Burt Lancaster du Guépard.. On peut aussi trouver Winona Ryder trop belle, même dans la souffrance. Mais, là encore, pourquoi pas. Il y a de la chaleur dans la vision de Bille August et de l'émotion dans sa réalisation. Et puis une scène magnifique, celle de l'enterrement de Clara qui correspond à la prise du pouvoir par les militaires, comme si un monde s'en allait, comme si les dons surnaturels dont elle faisait preuve avaient repoussé l'arrivée au pouvoir de la junte. Symboliquement, le monde des armes et de la violence remplace celui de la fantaisie et du rêve.
  • LES VOYEURS (1975)
    Sams, que l'on aurait put traduire par quelque chose comme Vivre ensemble (l'Institut suédois de la cinématographie avait proposé comme titre En famille à la suédoise, ce qui était déjà un peu tendancieux) pour donner une idée du contenu du film, est donc sorti dans les salles françaises sous le titre Les voyeurs. Quelque temps auparavant, quand le coproducteur français (F. F. C. M.) avait pu visionner le film, il avait été fort déçu, ne retrouvant pas là le "film suédois" tel qu'il l'entendait et l'attendait. Il a donc procédé à une série de coupes et à un ajout de scènes pour lui donner le caractère d'un pur film porno. Quand ils apprirent la chose, les acteurs suédois assignèrent le producteur suédois , Alvar Domeij, en justice pour rupture de contrat. En juin 1977, ce dernier fut condamné à leur verser un dédommagement. De son côté, l'acteur français du film, Jean Jacques Lapeyronnie, avait déjà procédé de même avec le producteur français, duquel il avait obtenu un arrangement à l'amiable. Les scènes pornographiques additionnelles auraient, selon certaines informations parues dans la presse suédoise, été tournées par Torgny Wickman (devenu un spécialiste du genre). Le réalisateur n'a ni confirmé ni infirmé la chose. D'une durée de 101 minutes en Suède, le film s'est réduit à 78 mn pour sa sortie en Angleterre (avec quelles coupes ?) et à 70 mn en France (selon les programmes de l'époque - je n'avais pas consulté ma montre pour m'en faire une idée personnelle !). 70 minutes avec des coupes mais avec des ajouts, il serait intéressant de connaître ce que le spectateur français a pu voir du film original. Précisions encore que les résumés du film (tant suédois qu'anglais) que j'ai pu lire, faute d'avoir vu l'original suédois, ne font ni les uns ni les autres mention des "voyeurs" qui donnent le titre à la version française. Aucun nom des acteurs jouant lesdits voyeurs ne figure d'ailleurs au générique du film ! Précisions encore que le film a eu comme titre de tournage Vägen till lyckan (Le chemin du bonheur), titre qui a été conservé pour sa sortie en Norvège, Veien til lykken.
  • LES NOCES DE PALO (1933)
    Tourné il y a plus de soixante ans dans l'est du Groenland avec la population locale, les Esquimaux du district d'Angmagssalik, et sorti au Danemark en 1934, un an après la mort de son instigateur, l'explorateur des régions arctiques Knud Rasmussen, on peut s'interroger sur le pourquoi de la sortie commerciale de ce film en France aujourd'hui. Certes, il vaut surtout par son côté documentaire : pêche du saumon, chasse à l'ours, dépeçage des phoques, cueillette des airelles, pratique de la magie… et peut intéresser à ce titre. L'aspect fictionnel est malheureusement assez affligeant avec son intrigue fort mince et des acteurs amateurs qui font ce qu'ils peuvent. Les noces de Palo est un film sympathique mais qui, ne choisissant pas entre documentaire et fiction, est quelque peu bancal et risque de ne satisfaire ni les amateurs d'ethnographie ni ceux de cinéma.
  • PAT ET PATACHON DANS L'AUTO-FUSÉE (1929)
    Valeureux "visionnaire" de la série "Doublepatte et Patachon" ! Juste quelques mots à propos du "tâcheron britannique dont la prolifique production (plus d'une centaine de films) n'a jamais franchi les frontières protectrices de la perfide Albion" ! Les films de Will P. Kellino (1873-1958), parfois appelé William P. Gislingham, ont trouvé preneur à l'étranger puisque l'heureux public suédois a pu en voir quelques uns : The only man (1915), The tale of a shirt (1916 - Lika par leha bäst), A wife in a hurry (1916 - En hustru i en hast), The missing link (1917 - Den felande länken / Den falska jungfrun), Sailors Don't Care (1927 - Glada gossars sjömansliv), Smashing throught (1928 - Hårt mot hårt), Alf's Carpet (1929 - Maharadjans magiska mattstum) et Royal Cavalcade (1935 – Royal Cavalcade).