Parler d'Infidèle sans évoquer Ingmar Bergman serait sans doute une aberration : il est le scénariste du film dont un des personnages s'appelle Bergman, est metteur en scène et, de plus, interprété par son alter ego habituel l'acteur Erland Josephson. D'autre part, les thèmes, manières ou motifs bergmaniens sont ici omniprésents : l'autobiographie et l'espèce de cannibalisme avec lequel l'artiste s'approprie la vie de ses proches, les retours en arrière, la solitude de l'être humain, le théâtre dans le film avec la mise en scène de la pièce de Strindberg, les problèmes du couple, éternelles scènes de la vie conjugale - pour paraphraser Bergman lui-même. La longue et pénible confession de Marianne Vogler racontant sa terrible nuit avec Markus n'est d'ailleurs pas sans rappeler certaines confidences arrachées à Anna (Bibi Andersson) par Elizabeth Vogler (Liv Ullmann) dans Persona. S'arrêter là serait faire une lourde injure au travail de Liv Ullmann. Alors que son précédent film, Conversations privées, m'avait paru une honnête mise en images d'un autre scénario bergmanien, autant ici elle nous donne une œuvre beaucoup subtile et personnelle, à l'image de Bergman et de David qui se révèlent être finalement le même personnage ou de la double vie sentimentale de Markus que l'on ne découvre que très tardivement, après son suicide. Tout est en nuances, rien n'est tranché définitivement. Dans le même registre, on peut se demander pourquoi un vieil homme se penche sur son passé. Pour trouver matière à un nouveau scénario ? Pour enfin exorciser ses démons et trouver enfin la paix ? Ou pour une toute autre raison. Pourtant, par delà ces problèmes individuels, à l'image de la citation de Botho Strauss sur laquelle s'ouvre le film et qui mentionne le divorce comme une des principales sources de l'angoisse, Infidèle parle de l'extrême déchirement que constitue pour un enfant la séparation de ses parents. Entre rires et pleurs, repas de famille enjoués et scènes de ménage pleines de vociférations et d'injures, entre sa complicité avec David, sa tendresse pour Markus, son amour pour sa mère - mais les trois sentiments peuvent s'inverser ou s'ajouter tout à loisir -, on comprend combien la jeune Isabelle peut se trouver fragilisée et perturbée.