La maison aux esprits s'inscrit bien dans la ligne du grand cinéma romanesque qu'est celui de Bille August depuis Pelle le conquérant et Les Meilleures intentions. Ce film n'a guère suscité l'intérêt de nos critiques qui ont trouvé Meril Streep superbe et Glenn Close épouvantable, ou l'inverse, d'autres ont jugé l'ensemble de la distribution incohérente, tous les acteurs lamentables, le scénario ridicule et, bien évidemment, la réalisation insipide et surannée, cela va de soi ! Qu'en dire ? Bien sûr, on peut trouver le scénario mélodramatique à souhait : le fils bâtard, la prostituée au grand cœur, la fille riche amoureuse du pauvre ouvrier agricole - ça ne vous rappelle rien ? Bien sûr, on peut trouver le jeu des acteurs outré. Mais on reproche aussi à Bille August son académisme et sa sagesse. Qu'en est-il vraiment ? Personnellement, je ne trouve pas le scénario si mauvais que cela. Certes, le choix du mélodrame est flagrant, mais, par contre, l'histoire est véritablement structurée. Et Bille August lui donne un sens, comme il l'avait fait pour son adaptation remarquable du roman de Martin Andersen Nexø. Il a volontairement choisi, par exemple, de faire réapparaître tout au long du film le fils d'Esteban. Il aurait sans doute pu le remplacer ici et là par un autre personnage, mais s'il ne le fait pas c'est pour ne pas nuire à l'unité propre que possède le film (nous ne sommes pas dans le domaine de la réalité ou du vraisemblable - faire tourner les objets ou prévoir l'avenir est-ce vraiment réaliste ?) comme en témoignent les séquences qui se répondent à divers moments du récit : le fils refaisant les mêmes gestes lorsqu'il torture Blanca que lors de sa première rencontre avec elle, alors qu'elle était encore fillette. Et on pourrait multiplier les exemples. Reste que tout n'est pas parfait, l'évolution du vieillissement de Jeremy Irons laisse parfois à désirer, mais vers la fin du film comment ne pas s'empêcher en le voyant de penser au Burt Lancaster du Guépard.. On peut aussi trouver Winona Ryder trop belle, même dans la souffrance. Mais, là encore, pourquoi pas. Il y a de la chaleur dans la vision de Bille August et de l'émotion dans sa réalisation. Et puis une scène magnifique, celle de l'enterrement de Clara qui correspond à la prise du pouvoir par les militaires, comme si un monde s'en allait, comme si les dons surnaturels dont elle faisait preuve avaient repoussé l'arrivée au pouvoir de la junte. Symboliquement, le monde des armes et de la violence remplace celui de la fantaisie et du rêve.