Roman de 1911 de Juhani Aho, devenu en traduction française L'écume des rapides, Juha a déjà fait l'objet de plusieurs adaptations, tant en Finlande qu'en Suède, avec des réalisateurs comme Mauritz Stiller (1921), Nyrki Tapiovaara (1937), Toivo J. Särkkä (1956). L'adaptation qu'en donne aujourd'hui Aki Kaurismäki lui aura valu, une fois de plus, les éloges de la critique. N'est-ce pas merveilleux de réaliser en 1999 un film muet en noir et blanc à la manière de ce qui se faisait il y a quatre-vingts ans ! Il faut quand même bien dire que tout cela est complètement vain, inutile, et constitue une sorte moquerie facile des films des premières années du cinéma. On ne sait d'ailleurs pas trop si le spectateur rit du schématisme des situations dignes des mélodrames d'antan (le mari, la femme, l'amant, l'enfant né du péché), du caractère outré des personnages (le vieux séducteur plus maquereau que maquereau), du jeu décalé des acteurs, des nombreux anachronismes (ah ! ah ! les surgelés et le micro-ondes), des cartons au message redondant (Marja et Juha sautent de joie comme des gamins après avoir vendu leurs choux et le carton annonce : "Ils sont heureux comme des enfants"), des habituels private joke dont Aki Kaurismäki se plaît à parsemer ses films. Ah, l'allusion à Samuel Fuller ! Voilà quelque chose qui dépassera le premier pékin venu et que nous pourrons déguster en cinéphiles que nous sommes, loin des masses populaires ! Vous l'aurez compris, même si Aki Kaurismäki se révèle ici habile, astucieux, drôle, je le préfère mettant en scène Au loin s'en vont les nuages. Mais, une fois de plus, j'ai bien conscience d'être à contre courant de ce qu'il est bon d'encenser. Par d'autres voies, le cinéaste finlandais rejoint la grande régression prônée par ses collègues du Dogme. Alors que des cinéastes se sont battus pour essayer de faire parler leurs films alors que le parlant n'était pas inventé, alors que des cinéastes se sont battus pour essayer de rendre l'image la plus belle possible (et les Scandinaves n'étaient pas les derniers à œuvrer dans ce sens), alors que des cinéastes se sont battus (et se battent encore) pour faire éclater la censure ici et là, certains Nordiques exigent quant à eux d'être soumis à un Dogme, de ne créer que sous contraintes. Le monde à l'envers ou le privilège des riches !