Comme on le sait, je ne suis pas un grand amateur des films de Lukas Moodysson et ce n'est pas Lilya 4-ever qui va me faire changer d'avis. Certes, je vois déjà les admirateurs du cinéaste me dire qu'il traite là, d'une manière déchirante et pleine de poésie, de la triste tragédie qu'est la prostitution des jeunes filles, particulièrement ici de celles qui vivent dans une ex Union soviétique plongée de plein fouet dans la crise économique. Mais enfin, à part les (bonnes ?) intentions qu'y a-t-il vraiment à sauver dans le film ? Le principal reproche qu'on peut lui faire réside certainement dans le choix d'une héroïne éminemment détestable : une adolescente imbue d'elle-même, prétentieuse, voleuse, insolente, mal polie. On en viendrait même presque à trouver (s'ils n'étaient pas en soi odieux) que le mauvais traitements qu'elle subit, au fond, elle les a bien mérités ! C'est quand même un comble pour une œuvre qui se veut une dénonciation de la prostitution. Parmi les autres choses qui font qu'on a bien du mal à plaindre Lilya, il y a le fait qu'elle refuse les solutions éventuelles qui lui permettraient de s'en tirer, le fait de travailler par exemple, elle semble l'exclure. Il lui faut de l'argent et vite, et même si Moodysson veut montrer que cela lui répugne (elle vomit lors de sa première expérience), c'est quand même le choix qu'elle fait pour se procurer le fric avant tout nécessaire pour se payer des cigarettes. Dès lors, on pourrait presque dire que si cela ne se passe pas bien en Suède, c'est d'abord et avant tout parce que c'est Vitek et non elle-même qui empoche l'argent de ses différents clients. Et que dire de la scène finale, cette espèce de rédemption à la noix qui la voit avec Volodya attifés d'ailes : nos petits martyrs de ce début de troisième millénaire sont devenus des anges ! Alléluia ! Alléluia ! Mais Moodysson trompe bien son monde et tout particulièrement de journal Le Monde qui titrait (numéro des 20-21 avril 2003) : "Lukas Moodysson, cinéaste citoyen" et évoquait l'avis de Stig Björkman affirmant que "le cinéma suédois n'avait pas connu depuis longtemps de réalisateur à la fibre aussi sociale", comme en écho à un titre lu précédemment dans la presse suédoise et parlant de notre homme comme le Bo Widerberg d'aujourd'hui ! Quant à moi, on l'aura compris, je partage plutôt l'avis de Pascal Sennequier, voir Positif n° 506, d'avril 2003 : "Pas l'ombre d'un point de vue, pas une once de recul : derrière son histoire à sensation, vaguement bâclée sur la passion du Christ, traitée selon un naturalisme des plus indigents (quand il n'est pas obscène), Moodysson nous emplit les yeux de son néant, comme si nous eussions été sa poubelle personnelle."